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Fantastique/Merveilleux
Concours : Mouvements d’humeur [concours]
 Publié le 12/06/25  -  6 commentaires  -  6930 caractères  -  37 lectures    Autres textes du même auteur

De mémoire de joujou,
récit d’une dimension plus qu’humaine.


Mouvements d’humeur [concours]


Ce texte est une participation au concours n°37 : Écrits des Temps Exaspérés

(informations sur ce concours).



Lasses de leur condition subalterne, les plaques entrèrent en collision avec toute l’impétuosité d’une jeunesse recouvrée, offrant à la postérité le souvenir d’une orgie mémorable. Aux quatre coins du globe surgirent de majestueuses chaînes de montagnes, grondantes et frémissantes de sève virginale. Furent rayés de la carte les sommets vénérables autrefois conquis par l’homme à force d’arrondir les angles. À leur place, de fiers pics rocheux jaillissaient de terre, profanant indifféremment l’asphalte ou le pergélisol, le bitume, les glaciers ou la mousse des forêts primaires.

En vertu de lois physiques éprouvées, on put constater la perte des eaux, au cours de laquelle des îles entières disparurent par avortement spontané. Avec elles, la faune endémique et ses cathédrales, ses terriers, ses palais, ses masures.


Plus spectaculaire encore, mais surtout déterminant, d’immenses cargos naufragés avaient laissé aller à vaux l’océan leurs containers colorés, aussitôt saillis par des récifs éclos des fonds marins. À contrecœur et ballottées par les flots, les grandes boîtes se résolurent à abandonner leur progéniture de plastique. Prêts à tout pour récupérer le butin, les enfants comptèrent parmi les toutes premières victimes humaines. Bille en tête, ils s’étaient précipités sur la manne de joujoux accouchés des parturientes. On les vit alors affronter hardiment les tsunamis consécutifs aux mouvements tectoniques. Mais sauvagement chavirés par la vague, puis encore chahutés, bringuebalés, chambardés par son revers pervers, les mômes se noyèrent, innocents et bredouilles.

Tant convoités, les petits orphelins articulés restèrent longtemps échoués. La plupart éparpillés sur la grève, à moitié enfouis, d’autres projetés jusqu’à l’intérieur des terres. Tous frappés d’inertie, sans jolies mains potelées pour les manipuler.


Il eût fallu rien moins qu’une génération spontanée pour reconduire l’espèce à la manœuvre, les jeunes adultes étant peu enclins à procréer dans ce contexte findemondial. Ils succombèrent progressivement, de causes multiples et complexes. Brûlures anxieuses, intoxication par exhalaison de vapeurs dépressives, solastalgie purulente... infection éco-virale ou tristesse bactérienne, chute ou accident d’origine insoutenable, assassinat fomenté par des affres autoproclamées, suicide biodégradable. Bien peu tentèrent de sauver la chair de leur chair en allée à la mer. L’humain moyen, même agonisant, était davantage occupé à se photographier en selfie, prenant la pose devant le phallus volcanique érigé au beau milieu de sa propriété, ou près des vagues d’écume baisant aussi bien les parpaings de sa villa que la bouche d’égout ouverte à proximité.


Le quatrième âge survécut plus longtemps. L’épiderme parcheminé des vieillards en ayant déjà vu des vertes et des pas mûres, ils surent développer une croûte de protection anti-feu, anti-froid, anti-désespoir, imperméable et néanmoins respirante. Des branchies leur poussèrent, peu efficaces sur le très long terme, mais on signala leur présence pendant encore quelques millénaires dans des mers à si haute teneur en sel que même les cœlacanthes n’y survivaient pas. Nesophontes et autres insectivores avaient grillé avec leur pitance depuis belle lurette quand ces ancêtres, nullement incommodés par la chaleur brûlante, glissaient encore sur les pentes de caldeiras fringantes qui éjaculaient leur lave en bouillons. On les aperçut encore se désembourbant presque aisément de nappes de pétrole stériles cependant que les ptérodactyles s’engluaient misérablement.


Toute espèce animale, pour humaine qu’elle se proclamât, finit par s’éteindre. Une minute de silence fut observée lorsque tomba le dernier ver de terre, pourtant déterminé à aimer son étoile jusqu’à la fin des temps. Puis les éléments se déchaînèrent à nouveau. On crut d’abord à un chœur harmonieux destiné à fêter fastueusement l’évènement. Quelques siècles de concorde étaient même à espérer, une paix jamais connue du temps de l’anthropocène délirant. Mais atteints de mouvements d’humeur incontrôlables, ils guerroyèrent sans tarder, et sans mansuétude. Eau contre terre et feu contre air, ou le contraire. Viol de l’eau par le feu, terre outragée par l’air, et inversement… De quoi battre en brèche bien des thèses laissées en héritage par l’humanité.


Cependant, à bas bruit, le Minuscule Non Biologique tentait de tirer son épingle du jeu. Les bonshommes de plastique – en langage vernaculaire : les joujoux – avaient capté l’intelligence humaine restée en suspension dans l’atmosphère, et avec elle le savoir antédiluvien ainsi que la maîtrise technologique, dont ils compotèrent une ratatouille. De ses vapeurs, se liquéfia un distillat que les joujoux biberonnèrent comme un succédané d’âme. Nantis de ces richesses, et bien avant que les choses n’eussent pris un tour apocalyptique, ils avaient migré à travers l’espace infini, jusqu’à rencontrer une planète aussi lointaine qu’accueillante, qu’ils colonisèrent. À l’aide de notices explicatives, ils y édifièrent en peu de temps force mégapoles de briques et de blocs. Toute une infrastructure à leur image, où il faisait bon vivre. Pour ne laisser aucune chance à la biologie et au hasard darwiniste, ils montèrent leur lignée de toutes pièces. Sagesse inspirée de la débâcle de leurs fabricants, ils s’en tinrent à cette population.


~°~


Ils ont pour eux cette indifférence quasi totale au vieillissement, qui fait leur beauté formelle. Conservé sous clé puis oublié, un brevet dûment autorisé écarte à jamais toute possibilité de contrefaçon. Inflexibles au-delà de leurs articulations, ils se gardent de toute manifestation de luxure.

Seule épine dans leur petit peton, ils restent infiniment nostalgiques du contact avec les jolies mains potelées, aimantes et créatives. Un monument à l’effigie de celles-ci, de pur plastique rose 10 000 carats, trône en position de pronation au centre de chaque cité, et jusque dans les campagnes les plus reculées. On peut s’y recueillir, lové dans leurs creux, comme pour mettre un baume sur un manque fondamental. D’aucuns prétendent avoir ressenti à leur contact une pression ineffable et bienfaisante, ils envisagent de porter la bonne nouvelle à la connaissance de tous.

Depuis les observatoires astronomiques aux joyeuses couleurs primaires, les savants les plus poètes ou les plus mystiques d’entre les colons tentent en vain de capter dans leur télescope la belle planète bleue, éjectée de son orbite comme la première comète jamais observée de mémoire de joujou.


___________________________________________

Ce texte a été publié avec des mots protégés par PTS.


 
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   Cristale   
28/5/2025
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime beaucoup
Une vision apocalyptique de la fin du monde où la nature et l’humanité s’effacent peu à peu face à la puissance destructrice des éléments d’une Terre en colère. Les êtres vivants, remplacés par des « joujoux», je dirais des « robots » dotés d’une intelligence artificielle indépendante qui a dépassé l’intelligence humaine dont elle s’est nourrie… voilà de quoi méditer sur notre rapport à la planète et à notre propre humanité.

Un peu d'humour noir :
"Une minute de silence fut observée lorsque tomba le dernier ver de terre, pourtant déterminé à aimer son étoile jusqu’à la fin des temps."

Une nouvelle agréable en lecture dont le récit, bien que fictif, pourrait devenir plausible. Tout ce que le cerveau humain a pu imaginer a fini par devenir concret.

Entre autres, le passage qui me touche le plus :

 « … les savants les plus poètes ou les plus mystiques d’entre les colons tentent en vain de capter dans leur télescope la belle planète bleue, éjectée de son orbite comme la première comète jamais observée de mémoire de joujou. »

L’idée que les robots soient devenus des savants poètes et mystiques me laisse rêveuse.
Quoi qu’il en soit merci pour la poésie de ce récit malgré les « mauvaises nouvelles » annoncées. Je ne suis pas spécialiste en catégorie "nouvelles" mais celle-ci me plaît bien.

Bonne chance pour le concours !

   Provencao   
12/6/2025
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime beaucoup
Bonjour,

" ...autres insectivores avaient grillé avec leur pitance depuis belle lurette quand ces ancêtres, nullement incommodés par la chaleur brûlante, glissaient encore sur les pentes de caldeiras fringantes qui éjaculaient leur lave en bouillons. On les aperçut encore se désembourbant presque aisément de nappes de pétrole stériles cependant que les ptérodactyles s’engluaient misérablement."

Qu’est-ce qui se joue dans la renaissance d’un illusoire de fin de monde ? Ne berne-t-il pas l' émotion face à la disparition d’un certain dessin eurocentré, du monde?

Un tel fictif invite-t-il à réfléchir, ou espère t-il faire tenir cette mémoire le plus longtemps possible ?

Belle écriture apocalyptique , usitée comme l’accablement de tous nos possibles ?

Belle réflexion qui m'a beaucoup interpellée.

Bon espoir pour ce concours.

Au plaisir de vous lire,
Cordialement

   Robot   
12/6/2025
Voilà une idée originale. La reconversion des poupons plastiques en êtres-objets, joujoux éternels et pensants. Pourtant ils vivent sur le manque fondamental d'amour et de tendresse qu'ils semblent ne plus jamais connaître à moins de découvrir une autre planète bleue ou des enfants à leur ressemblance pourrait les chérir.
Une belle métaphore sur la pollution des mers par le plastique qui peut survivre éternellement.

   jeanphi   
12/6/2025
trouve l'écriture
aboutie
et
aime beaucoup
Bonjour,

C'est une très belle histoire, caustique à sa manière.
Le schéma hyper dépouillé sur un langage soutenu et une syntaxe agréable et solide donne un résultat des plus efficaces.
Simplicité apparente qui pourrait encore être édulcorée de quelques détails techniques (biologie, ...), encore que ces details contribuent à l'aspect hautement ironique de la situation !

Bravo

   Yakamoz   
12/6/2025
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime beaucoup
Une apocalypse tectonique qui détruit tout sur terre. Cette origine de la fin du monde n’est pas banale, loin des récits d’anticipation habituels ou des hypothèses envisagées. Les humains survivent quelque temps, mais finissent par s’éteindre. Ce qui résiste n’est pas un microorganisme ou une obscure espèce d’insecte à l’épaisse carapace, mais des poupons de plastique, allusion au caractère de polluant éternel de cette matière. Ils partent coloniser une autre planète après avoir « capté l’intelligence humaine restée en suspension dans l’atmosphère ».

Idée originale que cette vie extraterrestre non biologique, synonyme d’éternité, d’un monde sans problèmes où il fait « bon vivre ». Mais le contact charnel leur manque, et sans doute aussi les sentiments et l’amour ?

L’écriture est riche, elle joue avec le sens des mots, suggère des images fortes. Merci pour la lecture !

   Charivari   
13/6/2025
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime bien
Bonjour. Vraiment très surprenant ! J'ai été happé. De grandes trouvailles, comme ces exhalaisons dépressives... J'ai beaucoup aimé cette révolte tectonique, peut-être moins les joujoux, ça m'a un peu dépassé. Mais c'est un très bon texte


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