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Horreur/Épouvante
Donaldo75 : Défilé gothique
 Publié le 20/04/24  -  7 commentaires  -  6828 caractères  -  41 lectures    Autres textes du même auteur

My demons though quiet are never quite silenced. Calm as they may be, they wait patiently for a reason to wake, take an overdue breath, and crawl back to my ear.

(Citation gothique)


Défilé gothique


La musique électronique remplissait lourdement l’espace, suintant des pistes de danse aux alcôves enfoncées dans les murs. Des femmes quinquagénaires drapées de tuniques gothiques s’évertuaient à remuer leur corps fatigué dans des postures alambiquées. Malcolm se demandait vraiment ce qu’il faisait là, au milieu de cette foule d’un autre temps, d’une époque consacrée largement avant sa naissance. Soudain, venue presque de nulle part, une sorte de sorcière aux yeux rouges se posta en face de lui et entama la conversation.


– Qu’est-ce qui t’amène ici, beau ténébreux ?

– Mon métier.

– Comment ça ?


Le jeune homme lui expliqua qu’il exerçait la profession de mannequin. À ce titre, il avait été réquisitionné pour participer au défilé de Norma Dickinson, l’iconique créatrice des années quatre-vingt revenue sur le devant de la scène à l’occasion de ce grand événementiel de mode. Cette réponse n’arrêta pas son interlocutrice. Elle commença juste à le draguer lourdement. Par charité chrétienne ou parce qu’il était bien élevé, Malcolm ne l’envoya pas illico sur les roses. Il invoqua sa timidité maladive. La femme continua cependant à l’entreprendre.


– Curieux, ça, un mannequin timide. Viens avec moi, je vais te mettre à l’aise.

– Plus tard, peut-être. Je dois travailler.

– Je ne suis pas à ton goût ? Tu préfères les hommes ?


Cette question l’énerva sur le moment. Il l’entendait à chaque fois qu’il écartait les avances d’une soupirante un peu trop sûre d’elle. Celle-ci supposait qu’il était forcément gay, comme tous les mannequins masculins dans l’inconscient collectif de ces bourgeoises endimanchées, une excuse pour ne pas se regarder dans le miroir et comprendre qu’elle pourrait être sa mère.


– Ni l’un ni l’autre. Je suis venu faire mon job, ce qui exclut la bagatelle.

– Tu vas t’en mordre les doigts, crois-moi mon chou.

– Probablement. Une prochaine fois.

– Tu as un prénom, au moins ? Moi, c’est Madeleine.

– Je n’ai qu’un numéro de série. C’est long à épeler.

– Tu es sérieux ?

– Demande à Norma Dickinson.


Malcolm la regarda gober son histoire puis s’éclipsa en direction de la grotte principale, le lieu du défilé. Arrivé au pied du podium, il avisa une jeune femme brune parée de l’uniforme propre aux professionnelles des relations publiques.


– Bonjour, je suis mannequin. C’est ici que je dois me préparer ?

– Attends, je vérifie. Quel est ton prénom ?

– Malcolm. Et toi ?

– Megan. Tu as survécu à la drague des années quatre-vingt ?

– Je pense, oui.

– Félicitations !


Megan lui exposa le pitch de la soirée. Il s’agissait de rentrer dans le monde de Stephen King, un écrivain américain iconique des deux dernières décennies au siècle précédent. Le thème choisi était celui du corbeau, un artefact récurrent dans les versions cinématographiques des œuvres du maître. Dans l’esprit gothique propre à l’époque, cet oiseau était devenu un mythe au point d’influencer la mode. Norma Dickinson s’en était approprié les codes jusqu’à rendre ses créations légendaires.


– Tu as saisi l’idée ?

– Je crois, oui.


Malcolm n’avait pas trop le choix, en réalité. Toucher des cachets de misère commençait à lui peser. Quand Gordon son agent de fortune lui avait fait miroiter dix mille livres pour deux heures, il n’avait pas hésité un instant, même si la créatrice en question traînait une réputation sulfureuse, au sens propre comme au figuré. Pour ce défilé, il comprit qu’il n’aurait pas trop à réfléchir. La clientèle lui demandait de mettre des vêtements d’un autre temps puis de marcher lascivement sur le tapis pourpre en remuant un peu les fesses. Maquillage aidant, il donnerait l’impression de sortir des ténèbres, créant l’illusion attendue par la grande Norma Dickinson.


– Viens avec moi, alors.


Malcolm suivit Megan jusqu’à la loge. Il aperçut d’autres mannequins, affairés à se travestir en néo-romantiques, enfilant de larges costumes à pourpoint et des chemises de dentelle. Le jeune homme s’installa dans un coin libre puis attendit les habilleuses. Ces dernières passaient d’un spot à un autre avec des vêtements plein les mains et soufflaient leurs consignes comme dans une pièce de théâtre dont une belle jeunesse servait de décor. La séance d’habillage se déroula en mode automatique. Malcolm ne jugea pas les parures qu’on lui demandait de porter et n’essaya pas de nouer le contact avec ses consœurs et confrères.


Une annonce musicale sonna l’heure du défilé. Norma Dickinson apparut dans un nuage magnétique. Elle semblait encore plus folle que dans sa légende, vêtue comme une baronne de l’ère victorienne montée sur échasses. Malcolm scruta les autres modèles. Aucun ne réagissait au grotesque de la situation. La cause semblait entendue pour ces forçats du mannequinat, probablement blasés des soirées ubuesques aux délires mégalomaniaques propres à la haute société londonienne. La créatrice se lança dans un discours incompréhensible, une sorte de mélange d’incantations religieuses et d’autosatisfaction surchargée. L’assistance acquise à sa cause applaudit à tout rompre chacune de ses phrases. Malcom attendit patiemment la suite, adoptant une posture ténébreuse comme demandé par Megan.


L’éclairage passa du pourpre au bleu foncé. L’ambiance devint progressivement électrique, froide, un peu effrayante pour le commun des mortels. L’air se muta en plasma. La musique commença à siffler des notes stridentes. Au signal convenu, Malcolm avança, placé en troisième position sur le podium. Comme demandé par le staff, il ne sourit pas, força son regard de braise et marcha en oscillant négligemment les hanches. Le défilé suivit la routine imposée par l’exercice, entre retouches, maquillage et changements de parure. La musique électronique, rythmée par des percussions synthétiques, accentua l’impression d’artifice.


À la quatrième rotation, Malcolm perçut une rupture dans la séquence. Il constata que la fille initialement placée devant lui avait soudainement disparu sans qu’il s’en aperçoive. Étonné, il se retourna. Désormais, seuls six mannequins défilaient, en lieu et place des quinze de départ. Et ce n’étaient plus que des hommes. Il tourna la tête en direction de la piste. Des ombres à l’apparence féminine s’agitaient en une danse frénétique, jetant des bouts de tissus au-dessus de leur propre tête. Le jeune homme attribua ce comportement à l’excentricité du public.


Le spectacle changea alors de dimension. L’homme devant lui sombra dans l’obscurité, le laissant seul et démuni face à des silhouettes déchaînées. Malcolm pensa alors à l’invitation de Madeleine et à sa remarque énigmatique. Ensuite, il entendit Norma Dickinson annoncer les desserts. Le plancher craqua sous ses pieds. Le plasma se transforma en sang. Les ombres devenues inhumaines se jetèrent sur lui telle une meute de louves.


 
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   cherbiacuespe   
1/4/2024
trouve l'écriture
convenable
et
aime bien
"L’air se muta", bien que correct, sonne mal aux oreilles. Et c'est tout! Autant le dire : insignifiant! Belle maîtrise de l'écriture donc, un plan facile à suivre, facile et agréable à lire, mais sans surprise dans la construction du texte, ce qui n'est qu'un constat, pas un reproche.

C'est une histoire très courte, nerveuse, qui ne tourne pas longtemps autour du pot. Tout les ingrédients sont là, même Stephen. Cependant, la fin me laisse sur ma faim (c'est le 1er avril, j'en profite). Pour une histoire très courte, elle ne pouvait trop s'étaler en longueur, certes. Là, c'est un peu trop abrupt et aurait mérité trois lignes supplémentaires, un peu plus imagées, un petit clin d’œil au Maître.

Certes pas raté, mais la perfection l'est pour un poil, en somme.

Cherbi Acuéspè
En EL

   Malitorne   
20/4/2024
trouve l'écriture
convenable
et
aime un peu
La catégorie m’a attiré mais je dois dire que je reste sur ma faim. J’ai toujours cette impression, sans doute erronée, que tes écrits sont vite expédiés, pas assez approfondis. L’horreur commence véritablement à la fin mais hop, c’est déjà fini ! Des détails dans l’assaut de ces espèces de goules, la mise à mort, auraient renvoyé un impact plus fort. Il y a de l’idée mais ça reste pour moi trop superficiel dans le déroulé. La tension dramatique n'a pas le temps de s'installer.

   jeanphi   
21/4/2024
trouve l'écriture
aboutie
et
aime bien
Bonjour,

Comme toujours, je trouve la plume de l'auteur hyper à la hauteur. Une écriture neutre qui se dévore, des personnages lisses que le lecteur peut s'approprier, et dont les motivations paraissent profondément humaines. Un style de romans à histoires, concret et pragmatique.
Toutefois le fond me laisse perplexe, ou du moins, le dénouement. J'ai été pris par surprise, par une forme de dégoût perturbant. Sans doute est-ce là le but de la manœuvre que d'entraîner ainsi une réflexion orientée sur la superficialité, voir même un raisonnement davantage poussé sur l'inéluctablilité de la sensualité sous l'angle de la dérive du matérialisme.
Cet événement final me paraît néanmoins pour le moins incongru à la lecture, bien que, rétrospectivement, toute l'histoire semble y préparer.

   Dugenou   
20/4/2024
trouve l'écriture
aboutie
et
aime bien
Bonjour Don,

Je trouve ta nouvelle bien dans sa catégorie : comme tout texte d'horreur, la fin se doit d'être litotique, plus suggérée que montrée. Et c'est le cas. Seulement, le reste du texte devrait relever d'une poétique de hyperbole, montrée, remontrée, démontrée, et c'est sur ce point que je reste sur ma faim. Je n'ai pas frémi autant que j'aurai voulu.

Point de vue qualité de l'écriture, comme d'habitude, rien à dire.

   Robot   
21/4/2024
trouve l'écriture
aboutie
et
aime bien
Une nouvelle rapide mais qui conserve toute son efficacité jusqu'au bout. C'est justement le récit court qui pour moi donne de la force à la lecture en surprenant le lecteur.
Pas besoin d'élaborer un long suspense ou de délayer le propos. La fin entraine le lecteur dans l'engloutissement de ces ombres.

Une question: Pourquoi tes récits ont-ils toujours des personnages états-uniens. Serait-ce moins efficace avec des "héros" d'autres continents qui manqueraient d'un exotisme adapté au genre horreur ou S.F.

   ferrandeix   
24/4/2024
trouve l'écriture
aboutie
et
aime beaucoup
Une très belle écriture, élégante, raffinée. Le déroulement de l'action crée une atmosphère, une fascination amplifiée par le milieu ambigu et sulfureux. Tout serait parfait, sauf que la finale, quoique lyrique et teinté d'horreur, à la manière d'une nouvelle extraordinaire de Poe, semble gratuite - sauf si je n'ai pas compris. Cela dit, je reste sur une bonne impression car j'accorde plus d'importance au style, à l'atmosphère crée par le discours littéraire plutôt qu'à une chute, d'autant plus que souvent les chutes de nouvelles sont superficielles. Je ne me suis même pas aperçu qu'il y avait des cacophonies - mais après vérification a posteriori, il y en a tout de même. Et j'ajoute "l'air se muta" me paraît sonner très bien à l'oreille, comme quoi la notion d'euphonie est subjective.

Donc, au final, je dis "bien", voire très bien.

   Pouet   
26/4/2024
trouve l'écriture
aboutie
et
aime bien
Slt,

je ne vais pas couper les cheveux en quatre sur les restes d'une notice Ikéa permettant de monter un hémisphère droit en kit avec un hémisphère gauche en faux cuir de gnou des alpages suisses, pourtant ça me démange, allez j'ai trouvé que, pour un court texte, il y avait beaucoup de mots tournant autour de « ténèbres » (trois nom di diou!), merdre j'ai effilé un tif, promis le ferai plus.
Sinon j'ai bien aimé, me suis pas attendu à la chute.
En fait le gonze il avait un numéro de série pour l'abattoir, j'espère que c'était un morceau de choix et que les louves se sont bien léchées les babines.
Je sais pas trop pourquoi ça m'a ramené à y a longtemps, quand je lisais du Graham Masterton. Sympa.


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