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Sentimental/Romanesque
Donaldo75 : Emmeline
 Publié le 01/06/20  -  11 commentaires  -  27725 caractères  -  115 lectures    Autres textes du même auteur

Love est un motif artistique créé par le peintre américain Robert Indiana et qui est formé des quatre lettres formant le mot « Love », amour en anglais. Apparu sur une carte postale réalisée pour le Museum of Modern Art en 1965, il est par la suite surtout repris sous forme de sculptures, certaines monumentales, dont la plus fameuse était située à New York, à l’angle de la sixième avenue (Avenue of the Americas) et de la 55e rue, non loin de Central Park, jusqu’en 2019, année de son retrait.


Emmeline


La réunion s’éternisait. Comme tous les lundis matin, Francis commentait le tableau de bord des résultats commerciaux, demandant à chaque directeur d’agence d’expliquer les écarts au budget, de proposer des actions correctrices et des ajustements quand c’était nécessaire. Nous devions tous nous soumettre à l’exercice, devant le premier de la classe aux résultats irréprochables et notre bienveillant calife, le vibrionnant James Pearson III, descendant attitré d’une lignée venue conquérir les territoires hostiles du Minnesota trois cents ans auparavant. Francis se voyait bientôt prendre la place du chef à plumes, attendant que le patriarche à la tête de l’entreprise nomme de nouveaux vice-présidents pour remplacer les fins de race, dans un mouvement darwinien. Et James Pearson III sentait bon le déclin d’une aristocratie américaine érigée dans les collines noires à coups de revolver.


J’écoutais patiemment mes camarades de stock-options quand mon téléphone mobile vibra. Je regardai l’écran et constatai que Lydia, la directrice des ressources humaines, m’avait envoyé un message. « Toujours d’accord pour ce soir au motel ? » s’affichait en bleu sur mon écran, avec un joli smiley couvert de bisous. Je répondis par un « oui » agrémenté d’une rose symbolique. Jamais je n’aurais imaginé Lydia aussi collante mais la savoir dans un lit avec moi habillait ma presque cinquantaine d’habits de lumière même si nous devions nous fréquenter sous les radars de la bienséance.


– Toujours avec nous, Terence ?

– Oui, James. Je réponds à un client.

– Une urgence ?

– Non.

– Alors ça peut attendre.


C’était facile pour lui ; sa maîtresse était dans la salle, à le contempler de ses yeux bleus morts d’amour. Tout le monde le savait ; il s’en doutait mais ne tentait même pas de cacher sa préférence pour une femme à peine plus âgée que sa fille, mariée à un pauvre bougre d’ingénieur en travaux finis et mère de trois petites filles blondes. Cette liaison alternative – un terme diplomatique trouvé par Lydia lors d’une soirée arrosée – en gênait certains aux entournures, en particulier Francis l’ambitieux. Je soupçonnais James d’être amoureux, un dernier sursaut romantique avant de tirer le rideau sur une vie bien remplie entre conseils d’administration et clubs privés pour fumeurs de cigares. Cette seule pensée aurait pu me soulager d’une larme de crocodile, si j’avais eu des écailles.


À la fin de la journée, je pris ma voiture et me dirigeai vers les faubourgs ouest de Minneapolis où se concentraient les motels bon marché. Lydia et moi avions l’habitude de ces rendez-vous presque clandestins, dans des endroits sûrs où seuls transitaient les voyageurs de commerce venus du nord des États-Unis. J’avais commencé ma liaison avec cette belle brune pendant un séminaire de management au Canada, deux ans plus tôt. Nous avions démarré les manœuvres d’approche pendant une présentation soporifique dans un amphithéâtre où je m’étais débrouillé pour me retrouver assis à ses côtés. Elle m’avait délivré des signes positifs et j’avais continué discrètement. Nous avions terminé au lit le soir même et trouvé l’expérience suffisamment agréable pour décider de remettre le couvert, une fois de retour dans le Minnesota. De fil en aiguille, notre relation furtive s’était étoffée de plus de sexe, plus de contrôle, l’interdit sans les risques.


Lydia ne m’avait jamais réellement aimé. Je n’étais pas le seul à occuper ses nuits hors du foyer marital. Elle collectionnait les liaisons avec de jeunes serveuses impressionnées par sa posture classieuse, ses ensembles à deux mille dollars, sa berline de société et son statut social. Son mari était un vieux lion fatigué qu’elle avait marre de dompter. J’étais devenu son tigre, un nouveau défi dans son appétit de domination. Elle n’aimait pas vraiment les hommes mais uniquement le pouvoir qu’elle avait sur eux. Je flattais son ego comme elle satisfaisait le mien. Elle le savait mais ne désespérait pas de me mater. Pour cette raison et un millier d’autres moins glorieuses, notre relation était vouée à l’échec depuis le début et je m’étais rapidement fait une raison. Je ne cherchais pas le grand amour avec elle, juste du bon sexe.


***


La soirée de fin d’année ne dérogeait pas à la règle de l’entreprise. Après un discours pompeux de notre vieux président-directeur-général, chacun avait abreuvé l’assistance d’un laïus formaté où les chiffres du plan stratégique à cinq ans tenaient lieu de cap à une armée de collaborateurs aveugles. Je n’avais même pas essayé de jouer la carte de l’originalité – de toutes les manières, Lydia m’en avait dissuadé lors de nos séances de préparation – et étais gentiment rentré dans le rang des bergers occupés à rassembler les moutons avant la tonte hivernale. Après tout, nous n’étions pas une startup de Californie aux projets ambitieux, aux innovations transcendantes, pleine de promesses d’un futur lumineux pour l’espèce humaine. Nous n’étions qu’un sobre éditeur de logiciel comptable, installé depuis quarante ans à Minneapolis pour le meilleur et pour le pire.


Lydia discutait de techniques de management avec de jeunes caciques désireux de briller en société et de s’attirer les grâces de la direction. James racontait son dernier trek himalayen. Francis cirait quelques paires de chaussures dirigeantes. Je m’ennuyais ferme à écouter les histoires de projet où des consultants forcément plus intelligents que leur client réglaient des robinets logiques pour transformer l’eau bénite en vin de messe. La soirée s’annonçait longue et pénible. Le champagne californien n’arrivait pas à chauffer mes neurones lassés d’un trop plein de conventions. Je décidai de m’exiler un instant sur la terrasse ouest, la patrie des fumeurs et des âmes esseulées.


– J’ai bien aimé votre présentation.


Cette phrase improbable ne venait pas d’un sous-fifre en quête de reconnaissance. Une grande et belle femme blonde, fine, aux yeux d’un bleu lumineux, me regardait intensément, attendant une réponse. Je ne la connaissais pas. Elle ne ressemblait pas à la population locale d’informaticiens et de cadres administratifs. Sa tenue recherchée, sa coiffure, son phrasé distingué, tout laissait à penser qu’elle s’était perdue dans le Minnesota.


– Merci. Nous sommes-nous déjà rencontrés ?

– Non. C’est la première fois que je viens ici.

– Vous êtes ethnologue ?


Mon trait d’humour fonctionna. Au lieu de chercher le sens caché de ma phrase, mon interlocutrice se mit à rire. Sa jolie bouche bien dessinée et ses dents parfaites illuminèrent ma soirée.


– Non, je suis venue avec mon époux. Il travaille à la comptabilité.

– Alors, peu de chance que je le connaisse.

– En effet. C’est un homme discret.

– Et il vous laisse seule ?

– Il discute chiffres avec le contrôleur de gestion.

– Ce n’est pas votre truc, les chiffres ?

– Pas vraiment.


Sa réponse ne m’étonna pas. Je l’imaginais mal en train de débiter le réel en débits et en crédits, à coller des plus et des moins sur des signes cabalistiques utilisés par des savants fous pour qualifier les pertes et les profits, le bien et le mal, le pauvre et le riche, le conforme et l’intolérable. Elle me semblait plutôt du genre à réciter des poèmes d’Emily Brontë à des enfants venus des quartiers défavorisés, en écoutant l’intégrale de Kate Bush en musique de fond. Je la voyais princesse céleste tombée dans un pays poisseux et couvert par la glaise. Elle me plaisait.


– Et vous avez un prénom ?

– Emmeline.

– C’est très britannique.

– On me le dit souvent. En réalité, c’est d’origine germanique.

– En tout cas, c’est plus seyant que Gretchen ou Hildegarde.

– Vous aimez bien manier les clichés.

– Je suis jongleur dans le civil.


Emmeline me gratifia à nouveau de son rire cristallin. Il me faisait penser au célesta dans le ballet « Casse-Noisette ». J’avais désormais envie de me transformer en prince et de m’évader avec la belle Emmeline loin de ce monde de chiffres et de conventions où les comptables restaient des crapauds et enfermaient leur épouse dans un château fort bardé de débits et de crédits.


– Et vous, Emmeline, que faites-vous de beau quand vous ne félicitez pas les orateurs ?

– D’après vous ?

– Procédons par élimination. Vous n’êtes pas ethnologue.

– Dans un sens, un peu.

– Mais vous n’aimez pas les chiffres.

– Pas dans les bilans et les comptes de résultat.

– Vous êtes bien renseignée pour une profane.

– Mon mari essaie de m’expliquer l’économie d’entreprise.

– Vaste programme !


Les yeux d’Emmeline s’embuèrent. Visiblement, elle n’appréciait pas le métier de son mari. Je n’allais pas lui jeter la pierre, étant donné que je ne portais pas les comptables dans mon cœur, des empêcheurs de commercer en rond, une espèce frileuse qui voyait les risques avant l’aventure. S’ils avaient débarqué en premier du Mayflower, nous habiterions dans des tipis et chasserions l’ours brun avec un arc et des flèches.


Je ne voulais pas la brusquer. Il me semblait inutile de démarrer un remake de « Madame Bovary » où j’aurais le mauvais rôle. Contrairement à Lydia, Emmeline ne paraissait pas du genre à chevaucher la bête dès le premier soir, surtout avec son mari quelque part dans les environs. Elle ne cherchait rien de particulier. Sa vie sentait juste le vide, l’ennui, l’effacement progressif de son individualité.


– Je vous imagine enseignante.

– Touché.

– En lettres.

– Raté. Essayez encore !

– Vous me donnez un indice ?

– Tendez-moi votre main, la paume levée vers le haut.


Sa voix douce donnait envie d’obéir, de s’abandonner dans son univers. Je lui tendis la main. Emmeline sortit un feutre de son sac et dessina un motif sur ma paume. Je reconnus immédiatement la version en noir et blanc d’une célèbre sculpture de Robert Indiana.


– Impressionnant !

– Vous trouvez ?

– Non, je déconne, c’est juste quelconque !


Emmeline me fixa puis lâcha un rire dont elle avait le secret. Je ris à mon tour, sincèrement, sans feindre une quelconque posture polie. La situation était jouissive. Je ne voulais pas en rater une miette.


– Vous avez compris, maintenant ?

– Je pense. Vous enseignez l’amour.

– Presque. Les arts plastiques.

– C’est le mot amour que vous avez écrit sur ma paume.

– Ce n’est pas moi mais Robert Indiana. Il y a une nuance.


J’avais enchaîné trop vite. Cependant, Emmeline ne m’en portait pas rigueur. Elle ne s’était pas renfermée dans sa gangue. Visiblement, je lui procurais un plaisir nouveau, celui d’un monde en couleurs où tout un kaléidoscope d’émotions s’égrenait sans barrière.


– Sacré Robert ! Il n’en manque pas une.

– Savez-vous ce qu’il voulait communiquer par ses sculptures ?

– Il me l’a dit mais je ne me souviens plus quand. Je crois que ce soir-là, Andy Warhol et Roy Lichtenstein lui avaient coupé la parole.

– Vous étiez un élève dissipé à l’école ?

– Je ne sais pas. Je n’ai jamais connu de professeure d’arts plastiques comme vous.

– Eh bien, elle vous a probablement expliqué que derrière cette sculpture, Robert Indiana exprimait l’absolue nécessité de l’amour et que si nous étions tous confrontés à l’amour, notre vie n’en serait que plus belle même si sa pente est fatale.


Que pouvais-je répondre à de si fortes paroles ? Rien. Emmeline s’avérait une personne profonde, authentique, la prisonnière consciente d’une prison dorée, bordée par deux océans et dirigée par un vieil oncle cacochyme baptisé Sam. Le ciel aurait pu s’écrouler autour de nous. Je ne désirais plus qu’une chose : que le temps se fige et nous grave pour toujours dans ce moment de grâce. La technologie en décida autrement. Son téléphone mobile vibra.


– Oui, chéri, je suis sur la terrasse ouest. Je te rejoins dans la salle de réception.


***


Le ver était dans le fruit. Les jours suivants, je ne pensais plus qu’à Emmeline. J’avais perdu le goût de la cabriole avec Lydia dont les tentatives désespérées pour me garder dans ses filets tombaient invariablement à l’eau. Pas réellement patiente, ma belle directrice des ressources humaines me signifia mon congé par un message texte subtil : « Va te faire mettre, connard ! ».


N’étant pas du genre à me morfondre pendant toute une ère géologique en attendant l’arrivée des météorites, je pris mon destin en main. Je voulais à tout prix revoir Emmeline sans pour autant jouer à l’éléphant dans un magasin de porcelaines. Pour cela, je mis en marche mon service de renseignement privé, Emmett, un vieux copain de beuverie qui travaillait au service administratif de la mairie. Il trouva non sans mal l’adresse de ma nouvelle égérie, celle de son établissement scolaire situé à Saint-Paul, la ville jumelle de Minneapolis, ainsi que ses horaires de cours. Je choisis un jour où elle terminait à seize heures et décidai de traîner par hasard dans le coin à l’heure de sa sortie.


La rue était calme. Je tentais de ressembler à un passant anonyme. Soudain, Emmeline me fit face comme téléportée de sa salle de classe.


– Alors là, quel hasard ! Terence le jongleur.

– Emmeline ! Je suis ravi de vous rencontrer.

– Je veux bien vous croire vu le mal que vous vous êtes donné.

– Comment ça.

– À vous de me le dire.


Mon astuce s’avérait éventée. Emmeline n’achèterait jamais une histoire abracadabrante où hasard et coup de chance finiraient en rencontre impromptue. Je décidai de me montrer beau joueur.


– J’avoue. Je voulais vous revoir.

– Faute avouée est à moitié pardonnée.

– Alléluia !

– Ne criez pas victoire trop vite.

– Dois-je marcher sur des braises avec la tête couverte d’épines ?

– C’est tentant.

– Allons plutôt boire un verre dans le coin. C’est plus moderne.


Emmeline me décrocha un sourire à damner un évêque. J’admirai le dessin de ses lèvres parfaites et la blancheur de ses dents. Mon cerveau marqua une pause, laissant à mes neurones le plaisir de savourer un tel spectacle. La magie emporta le reste de mon corps et me transforma en statue de sel.


– Vous êtes avec moi, Terence ?

– Qui êtes-vous ?

– Emmeline Williams, vous vous souvenez ?


Emmeline ne se démontait pas. Au contraire, elle rentrait dans la scène avec une économie de mots digne d’Ingmar Bergman. J’adorais ça. L’instant dura une éternité. Une fois de plus, son téléphone portable annonça la fin de la récréation. J’émergeai brusquement de mon rêve urbain et vis Emmeline appuyer sur la touche rouge de son smartphone.


– Alors, on va le boire ce verre ?


La suite se déroula comme des nuages flottant dans le ciel un soir d’été. Emmeline me parla de sa passion pour la peinture, la sculpture et l’histoire de l’art. Je lui racontai mes dix années passées en Europe où j’avais arpenté les rues de Paris, Londres, Madrid et Rome, visitant les musées, assistant à des concerts de musique concrète, loin de mon présent dans les collines noires du Minnesota. Notre conversation convergea à New York, son activité culturelle bouillonnante, la ville de tous les possibles, un phare dans la culture américaine, le pont entre l’Ancien Monde et le Nouveau. Plus nous parlions, plus notre bulle devenait immense et colorée. Son téléphone vibra à plusieurs reprises mais elle ne prit même pas la peine de l’éteindre ou le déconnecter. Nous étions ailleurs et nul cerbère électronique ne pouvait nous séparer à coups d’ondes magnétiques.


La réalité nous rattrapa quand le serveur annonça la fin de son service. Il devait encaisser les consommations avant de confier ses tables à un de ses collègues. Je le maudis intérieurement d’avoir rompu le charme mais Emmeline me rassura d’un sourire magnifique, un arc-en-ciel dans un horizon brusquement assombri. Sa voix douce et calme me réchauffa.


– Je dois partir, Terence. Ce fut un plaisir de discuter avec vous.

– Quand nous reverrons-nous, Emmeline.

– Vous savez où me trouver, désormais. Surprenez-moi.


Emmeline venait de me donner l’autorisation de la revoir, de construire une relation basée sur autre chose que les conventions, le qu’en-dira-t-on et les courbettes de salon. Elle m’avait réveillé. Je ne désirais plus connaître des aventures sans lendemain où le sexe déclinait en automatique la gamme des fantasmes d’adultes frustrés par leur vie quotidienne. Je voulais vivre de vrais sentiments et non enchaîner les petits coups vite faits dans des motels de seconde zone, à l’abri des regards mais comme des milliers de pantins désarticulés, des morts en sursis. Mon rêve n’était pas une bannière étoilée affichée dans des spots publicitaires où des citoyens modèles buvaient des litres de soda sans prendre un kilo, avalaient des hamburgers à la chaîne et roulaient dans des cubes de métal. Ma vie rêvée prenait les traits d’une grande blonde aux yeux bleus et au rire cristallin, une magnifique enchanteresse qui me dessinait des sculptures de Robert Indiana sur la main.


***


Notre liaison durait depuis six mois. Emmeline s’était enflammée d’un seul coup, tel un feu de forêt dans une nuit trop sèche. J’avais utilisé tous mes tours de magie pour l’ensorceler à mon tour. Son mari la négligeait, la cantonnait aux rôles de mère et de maîtresse de maison, alors je la valorisais, l’habillais de féerie, lui faisais découvrir les trésors cachés du Minnesota. Étant donné que j’habitais seul dans un grand appartement du centre de Minneapolis, nous n’avions aucun mal à nous retrouver discrètement chez moi, ce que je n’avais jamais permis par le passé, même avec Lydia. Elle prétextait des réunions tardives, des dîners professionnels, tout l’arsenal des excuses à un dollar que son mari semblait avaler sans se poser la moindre question. Je l’emmenais loin de son quotidien terne où son travail d’enseignante lui assurait une bouée de sauvetage pour ne pas sombrer dans la dépression, celle de la femme américaine enfermée dans un mode de vie dépassé et provincial. J’adorais ça.


Lydia m’alerta en premier. Après une longue phase de bouderie liée à notre rupture abrupte, elle renoua le contact par un message texte. « Il faut qu’on parle. ASAP ». Notre rendez-vous eut lieu dans un bar de Saint-Paul, un lieu tranquille et pas trop fréquenté par nos collègues de travail, l’endroit où elle et moi avions naguère l’habitude de boire un verre avant nos agapes sexuelles. Elle était en avance et s’affichait superbe, comme si je devais regretter notre relation passée parce qu’elle était la plus belle du village, la pouliche certifiée de compétition dans un concours agricole. En cela, elle n’avait jamais rien compris à ce qui motivait nos rencontres torrides marquées au feu du sexe et de l’interdit.


– Tu es dans la merde, Terence, et pas qu’un peu.


À ces mots, je devinais une sorte de jouissance, celle de la maîtresse en titre remplacée malgré elle par une concurrente plus jeune. Ne voulant pas lui donner ce plaisir, je décidai de rester calme, de ne rien montrer de mon inquiétude naissante devant l’inconnu.


– Explique-moi ça.

– Tu baises avec la femme de Williams, non ?

– Et si c’est le cas, qu’est-ce que ça change ? Le monde ne va pas s’arrêter de tourner pour une histoire de fesses.


Lydia me regarda, horrifiée. Elle me donnait l’impression d’une missionnaire catholique rencontrant pour la première fois une peuplade païenne au fin fond de l’Afrique australe. Il ne lui manquait que la Bible à la main pour compléter le tableau.


– C’est la femme d’un collègue.

– Et toi, tu es une collègue de travail, également. On n’a pas passé nos nuits au motel à regarder des estampes japonaises, il me semble.


Je croyais alors mon argument imparable. Lydia me ramena immédiatement sur terre.


– Williams est au courant pour sa femme et toi. Il a écrit une lettre à notre P.D.G.

– Quel connard !

– Tu t’attendais à quoi ? À ce que tu te tapes impunément sa femme ?

– Quelque chose comme ça. Oui.

– Tu n’es pas possible !


Je commençais à me rendre compte du problème. Je devais probablement à Lydia de ne pas être convoqué officiellement par mon patron, voire pire. Le patriarche ne plaisantait pas avec les mœurs, du moins dans la charte de l’entreprise parce que les faits montraient une autre réalité. La rumeur lui attribuait des maîtresses, certaines mêmes dans sa propre société. Et mon propre supérieur hiérarchique entretenait une relation adultère au sein de son équipe. Je pensais ces exemples suffisants pour me dédouaner, me permettre la transgression avec Emmeline. J’avais oublié la règle de base de notre belle Amérique puritaine : tout ce qui n’était pas caché sous le tapis devenait interdit. Williams le cocu avait brisé la loi du silence.


L’affaire ne devint pas un scandale national. Le président-directeur-général ne mandata pas une commission interne pour terminer par une séance de flagellation collective sous les sunlights de CNN. Bien ancrée dans son rôle de directrice des ressources humaines du groupe, Lydia régla le problème par la voie diplomatique, gratifiant l’impétrant d’un hochet et lui assurant que je serais durement sanctionné. Pour ma part, le service juridique me concocta une belle lettre de démission, avec une grosse prime de départ à la clé, une implacable clause de non-divulgation et tout l’arsenal pour se couvrir en cas d’humeur de ma part. Mes camarades de stock-options me déclarèrent rapidement radioactif. James ne vint pas me réconforter. Je me retrouvai seul.


Du côté privé, la situation prit une tournure pathétique. Williams menaça son épouse d’entamer une procédure de divorce pendant laquelle il demanderait la garde exclusive de leurs enfants et réclamerait des dommages et intérêts pour préjudice moral. Emmeline se battit bec et ongles contre les velléités de son époux, constata que ses amis d’hier témoignaient contre elle dans son dos et finalement se retrouva mise à pied par son chef d’établissement, sous un prétexte fallacieux. Nous étions tous les deux seuls contre le reste du monde. Les hypocrites allaient nous enterrer vivants.


Le jour de mon départ officiel de l’entreprise, Emmeline m’envoya un message texte. « J’ai besoin de te voir ce soir. ». Je lui fixai alors rendez-vous dans un obscur estaminet du quartier indien de Minneapolis, un endroit méconnu des bien-pensants et du rêve américain. Quand je la vis arriver, je compris pourquoi j’étais tombé de ma cage dorée et surtout pourquoi je ne regrettais rien même si désormais le paradis m’était fermé à jamais. Elle illuminait la pièce de sa présence et rendait ce bar mémorable, un souvenir éternel dans ma vie d’adulte. Rien ne laissait transparaître sa fatigue, la lassitude générée par les hordes de mesquins qui la traitaient comme une sorcière et lui promettaient l’enfer tous les jours. Je l’embrassai sur la joue. Elle prit ma tête de ses deux mains et me gratifia d’un baiser en Technicolor. Mon petit cœur explosa.


***


Deux ans plus tard, j’étais tranquillement accoudé au zinc d’un bar de San Francisco, à essayer de mettre la serveuse dans mon lit, quand j’entendis une voix depuis longtemps oubliée déclamer mon nom. Je me retournai et découvris la face lumineuse de mon vieux copain de beuverie, Emmett.


– Je rêve, vieux frère. Tu es donc à San Francisco !

– Eh oui, la Californie, terre de la nouvelle technologie, patrie des rêveurs et des aventuriers.

– La dernière fois que je t’ai vu, tu partais à New York.

– J’ai changé d’avis. New York portait des références douloureuses.

– Un amour de jeunesse.

– Non, des sculptures de Robert Indiana.


Emmett ne me jugea pas. Son regard ne me projeta pas la vision d’un monde de terriens bien collés dans la glaise. Pour cette raison et aussi sa capacité à lever le coude sans mettre la honte à ses camarades de comptoir, j’appréciais sa compagnie. Emmett s’avérait un sage élevé à l’alcool de bois et aux amours rapides dans les bottes de foin. Il aurait pu devenir un héros de Jim Harrison.


– Comment trouves-tu la Californie ?

– Plaquée toc.

– Tu m’étonnes ! Alors, pourquoi restes-tu ici ?

– C’est mieux que le Minnesota.

– Tu n’as pas envie de repartir en Europe ?

– Non.

– Tu m’as l’air bien fataliste.


Je regardai mon interlocuteur ; il n’avait pas tort, j’étais devenu un mort en sursis tentant vainement d’habiller ses derniers instants de lumières artificielles. Ce soir, c’était la serveuse à quatre pattes dans mon lit. Demain, ce serait une autre rencontre impromptue ou une biture à la vodka polonaise voire les deux en même temps, si j’avais de la chance. Emmett saisit la substantielle moelle de mes pensées immédiates et décida de me sauver la mise en me branchant directement sur le mal qui me rongeait.


– Je suppose que tu n’es plus en contact avec ton enseignante.

– Emmeline ? Non.

– Tu ne tiens pas à la revoir ?

– Elle en a déjà assez bavé avec son connard de mari.

– Et elle devrait terminer sa jeune vie enfermée dans une cage dorée à subir les vengeances mesquines d’un cocu même pas magnifique ?

– Je ne dis pas ça.


Que pouvais-je faire d’autre ? Emmeline et moi avions connu les affres d’un système inhumain quand les tenants de l’hypocrisie américaine décidaient de vous en retirer, de vous déclarer hors des clous, « persona non grata » pour cause d’insuffisance morale.


La serveuse s’approcha de nous, me lança un regard moqueur puis posa la question commerciale.


– Je vous sers quelque chose, messieurs ?

– Balance-nous deux double mojitos, bébé, répondit Emmett. Je sens qu’on va en avoir besoin.

– Je n’ai pas prévu de me mettre la tête à l’envers ce soir, Emmett.

– Tu n’as pas d’autre choix, Terence. Je crois que ton plan cul est terminé avant même d’avoir commencé.

– Je confirme, ajouta la serveuse.


Une fois les consommations servies, Emmett me montra une table isolée et proposa d’établir nos quartiers. D’ordinaire, j’aimais bien rester accoudé au zinc. Je trouvais un petit côté pictural à cette posture, un peu comme dans les toiles de Edward Hopper où l’Amérique urbaine se magnifiait de personnages solitaires perdus dans l’immensité. Cependant, je sentais qu’il avait envie de me confier quelque chose d’important, peut-être la vérité ultime sur Dieu, le roi des castors ou les routes de son Oklahoma natal. Je décidai de le suivre. J’aimais vraiment bien Emmett ; il ressemblait à mon reflet dans un miroir fatigué, rouillé, déformant.


– Et si je te disais que l’oiseau s’est envolé ?

– De quoi parles-tu Emmett ?

– Reviens parmi nous, Terence. Je parle de ton enseignante. Emmeline Williams.


Emmett ouvrit une nouvelle fenêtre sur le monde. Le soleil entra dans la pièce, décrocha les toiles d’araignées, aveugla les faïences et brûla la poussière. Emmeline ne s’appelait plus Williams. Elle avait rayé ce nom marital des tablettes en gagnant son divorce contre la conjuration des cocus, des bien-pensants et des mal-baisés. Et cerise sur le gâteau, Emmeline, désormais Stevenson, avait déménagé à New York, retrouvant un poste en histoire de l’art dans un musée prestigieux où les fantômes de Robert Indiana, Roy Lichtenstein et Andy Warhol abreuvaient les murs de leur abstraction magnifique.


– Je n’en reviens pas !

– À croire que ta dulcinée était plus forte que ce que tu croyais.

– Ou le système moins pourri.

– Qui sait ?

– Et je suppose que tu sais où elle habite.

– Aussi vrai que je m’appelle Emmett.


Jamais un double mojito ne m’avait autant fait planer. Je n’avais plus envie de me mettre la tête à l’envers ou entre les longues cuisses d’une barmaid de passage. Je pensais à la sculpture de Robert Indiana, à la pente fatale de l’amour et au dessin sur la paume de ma main. Emmeline Stevenson me donnait envie d’arpenter New York à la recherche d’un trésor perdu dans les collines noires du Minnesota. Je revivais et j’adorais ça.


 
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   maria   
22/5/2020
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Bonjour,

Dans une grande entreprise :
Terence, cadre, met fin à sa relation (purement sexuelle) avec Lydia lorsqu'il tombe sous le charme d'Emmeline. Mais la "belle enchanteresse" est mariée...Dénonciation. Dernier baiser. Adieu. Mais, deux ans plus tard...
Je suis désolée, mais c'est le genre d'histoires qui ne me fait pas palpiter.
Cependant, j'ai beaucoup aimé le style et l'humour de l'auteur(e). En particulier dans l'emploi d'un vocabulaire guerrier, de faune sauvage pour parler de l'économie d'entreprise.
Et aussi la poésie du narrateur lorsqu'il rencontre Emmeline pour la première fois, par exemple : "Je la voyais princesse céleste tombée dans un pays poisseux et couvert par la glaise. Elle me plaisait."

Mon manque de connaissances en peinture et en sculpture m'a empêchée de faire le rapprochement entre l'exergue et la nouvelle.
Je suis certainement passé à côté de quelque qui m'aurait fait davantage apprécié le texte. Sinon, pourquoi les USA ? Une note d'exotisme à l'intention des lecteurs européens ?

J'ai aimé l'ensemble pour le style, pas trop pour l'histoire.
Merci du partage et à bientôt.
Maria en E.L.

   Annick   
1/6/2020
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Bonjour Donaldo.

Une nouvelle sur fond d'entreprise, "entre débit et crédit", et dont les employés ont obligation de résultats.
Une liaison entre collègues, sans amour, fondée sur les relations physiques. Voilà toute la vie banale de cet homme mais qui, dans cette nouvelle, devient un protagoniste truculent, à l'humour acide et percutant.

Et puis arrive la magnifique princesse blonde, Emmeline, qui a le mérite de venir d'un milieu professionnel différent du sien et de laisser dans son sillage comme un parfum délicat, une oeuvre d'art, une sculpture de Robert Indiana, un remède contre "l'économie d'entreprise" et sa vie vide et bête à pleurer...

Une histoire sentimentale somme toute banale. Ce qui ne l'est pas, c'est le regard du protagoniste, le narrateur, incisif, à l'humour caustique, taillant "des costards " aux gens qu'il juge médiocres, avec une précision chirurgicale et offrant une vision sans complaisance du milieu de l'entreprise, dont les employés ont pour seul horizon, stratégie, objectifs.

Bravo pour l'écriture résolument moderne, les dialogues qu'on aimerait plus longs et plus nombreux tant ils sont savoureux, et le rythme enlevé qui nous emmène au bout de l'histoire.

Mon écriture est aux antipodes de la vôtre. J'apprends aussi à écrire autrement en vous lisant.

   Anonyme   
1/6/2020
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Bonjour Donaldo75,

Emmeline emballe, Terence s'emballe. Ou l'inverse ?.

Ce yuppie du Minnesotta plaît. Requin, au bagou ravageur, avec un cerveau nettement en dessous de la ceinture, il égaye ce (trop long pour moi, adepte de l'instantané) texte, pas si déplaisant finalement (litote).

Je note quoi alors ? Allez, soyons fous, voici un 'beaucoup'.

Dugenou.

   Anonyme   
1/6/2020
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Bonjour,

C'est bien écrit, on pourrait facilement penser que c'est un récit romancé tant les ressorts de l'histoire sont crédibles.

Cependant, car il y a un "cependant", je ne suis absolument pas convaincu par le personnage d'Emmett du genre "Huggy-les-bons-tuyaux" promu au rôle d'un "Deus ex machina" bon marché.

Là, c'est un peu bâclé. Le personnage manque vraiment d'épaisseur pour reprendre une expression tout faite qui m'agace mais je n'ai pas trop le temps de finasser...
Je ne prétends pas que le hasard ne puisse jouer aucune rôle dans une histoire, tout au contraire, mais il faut que ce soit bien amené et surtout crédible.

Reconnaissons qu'ici le procédé affaiblit sérieusement cette partie de la narration.

Dans l'ensemble, concernant ladite narration, j'ai pensé au style un peu distancié et humoristique de la veine des romans policiers des années 50/60 qui florissait dans les collections populaires genre "le masque et la plume".

C'est pas mal, je ne me suis pas ennuyé un instant !

Allez, on dira classé catégorie "Roman de gare" mais ne le prenez pas mal, j'aime beaucoup ce genre méprisé et méconnu.

   Shepard   
2/6/2020
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Salut Donaldo,

Je dois dire que j'ai reconnu l'auteur sans problème en EL... =)
Rêve américain délavé, retour aux sources et morts aux hypocrites... Avec des jolies filles. Le personnage m'a paru antipathique au départ mais devient finalement attachant, probablement un trait des gens cyniques. Dialogues bien écrits, sans trop en faire, assez naturels, je me suis amusé à les lire.

Je ne vais pas sortir mon habituelle analyse du pourquoi et du comment cette fois, seulement une remarque sur l'ellipse avant la fin : why ? Contrainte de format ? Après avoir rencontré "la flamme" je trouve que Terence a trop facilement abandonné. Pourquoi se sont-ils séparés au fait ? Surtout au vu de leur dernier rendez-vous ? De mon point de vue, ça ressemble à une grosse facilité pour nous placer une fin en demi-teinte en mode pilier de bar lessivé... Le monde est trop nul pour avoir une happy end.

Toujours est-il qu'à part ça, j'ai beaucoup aimé.

   Perle-Hingaud   
3/6/2020
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Bonjour Don,

Je t'aime bien dans ce registre. Il y a du recul et du cynisme, mais pourtant un grand espoir en l'amour: c'est rassurant et sans doute nécessaire. Je pense que pour faire un "grand" de ce texte, il faudrait transformer cet opus en roman, en donnant plus d'épaisseur au narrateur. Nous suivons ses pensées, mais il manque en fait quelque chose en lien avec l'extérieur de son monde. Une dimension politique, je pense, qui transcende l'économique. Un décor dans lequel tu t'investisses (et donc qui fournisse une trame de fond à tes personnages). L'équivalent de la Guerre de Sécession pour les persos d'Autant en emporte le vent, par exemple, ou des attentats du 11 septembre dans "La belle vie". Ce qu'il y a de bien avec les USA, c'est que tu as pléthore de sujets, et que chaque jour qui passe donne une actualité plus terrible. Et donc riche pour alimenter et donner une dimension supplémentaire, indispensable, à l'amour entre tes héros.
Rien à dire sur l'écriture, elle est top.
C'est chouette. :)

   thierry   
15/6/2020
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Bravo ! Belle réussite ! Je viens sur ce site pour trouver des textes de cette envergure. Vraiment merci d'avoir partagé ce travail savoureux. On frôle l'excellence, on est pas loin du "passionément" d'ailleurs si je m'écoutais... Mais non, tu sais mieux que personne qu'il y a des marges de progression dans cette affaire.
Aussi, autorise moi quelques poncifs, ça permet de recadrer ces choses que tu décris, vues de l'extérieur.

Des + et des - :

Les + : c'est fluide et intelligent, subtil et pas démago. Dès le départ, c'est très bien construit, bien rythmé et envoyé avec une belle progression. J'imagine l'énorme travail que cela représente de faire simple et direct, de maintenir l'ambiance, la cohésion et la route droite.
Les personnages ont une véritable épaisseur, parfois chaleureux à la limite de l'inquiétant. Oui, beaucoup de nuances, finalement.
Sans nul doute, une écriture de professionnel, le genre de texte dont on se dit des années après "ah oui ! j'ai lu un truc dans un bouquin..., etc.".

Les - :
Les marges de progression sont certainement dans le scénario. Tu as un tel niveau et là une telle facilité que tu peux compliquer un peu le jeu. Pourquoi cette fille n'aurait-elle pas assassiné son mari par exemple ? Cette chute est un peu légère, j'ai eu envie de palpiter comme dans les romans de Tonino Benacquista par exemple, ou qu'apparaisse les troubles engendrés par James Elroy.
Peut-être suffit-il de donner un peu d'épaisseur à l'architecture, prendre plus de temps à l'élaboration ?
Enfin, fais gaffe aux références artistiques, c'est vite gonflant, oui bon tu es un pro de l'art moderne américain, moi ça me gave un peu. Endy Warrol franchement... tout ce que j'en retiens c'est qu'il a croisé Truman Capote dont tu dois être un fidèle disciple, le reste ...

Donc, oui bravo, j'attends la suivante avec impatience pour jeter du haut de mon Olympe "qu'on lui donne trois plumes à ce Donaldo" !

   hersen   
16/6/2020
 a aimé ce texte 
Bien ↓
Je vais une fois de plus me mettre dans de sales draps.
Voilà : je ne comprends pas pleinement à quelle époque se passe cette nouvelle.
les références artistiques nous font penser aux 80-90, mais je suis incapable de me rappeler si à cette époque il y avait des portables. Si oui, c'est ceux que l'on a appelé les "cabines téléphoniques"après coup, comparés aux télémovels actuels, tellement ils étaient gros. Donc, un mobile, époque actuelle ?

Donc, cela m'embête car en fait, je ne peux réagir de la même façon à ta nouvelle en ce qui concerne Emmeline et ce qui est son combat, non raconté mais sous-jacent, pour se sortir des griffes de son mari.
Le narrateur rend une grosse place mais n'est pas pour moi celui qui a le plus d'épaisseur. Il est finalement assez banal, baise banal, drague banal, et cela est renforcé par son effacement lorsque l'adultère est découvert.

En gros et pour le dire sans m'étaler : Emmeline s'en sort toute seule ( c'est surtout sur ce point que j'aurais aimé pouvoir situer dans le temps), mène son combat, tandis que son amoureux retourne à une vie "de latence".
Il se réveille quand son pote détective lui apprend la nouvelle vie de son aimée.
Mais rien de suffisant pour moi n'étaye le fait que le détective va se défoncer pour trouver des renseignements pour le narrateur qui tue le temps comme il peut, de bar en bar.
Finalement, il a du bol, ce narrateur. il n'aura pas eu à faire beaucoup d'efforts pour retrouver sa dulcinée.
Y a pas de justice, penseront certains qui galèrent dans ce genre de situation ! (c'est de l'humour, ça, ça fait pas partie du com :)

Comme assez souvent avec tes nouvelles, j'ai l'impression de toujours aller à contre courant de ton propos. je cherche toujours un truc dont ni toi ni moi n'avons idée.
Et comme je ne trouve rien de mes élucubrations dans les autres coms, je m'inquiète. (pour moi, pas pour toi... )

Bon, et maintenant, je le dis ? La forme : écriture sérieuse, précise, qui rend la lecture très fluide, très agréable à lire.

Merci pour cette lecture et à une prochaine.

   FlorianP   
16/6/2020
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Bonjour,

merci pour cette nouvelle qui m'a bien embarqué. Le récit est bien mené, les dialogues fluides et le ton un brin caustique nous renvoie (avec plaisir) aux auteurs en vogue dans les années 60-80. Les références artistiques m'ont plu.

Deux petits bémols : J'ai trouvé un peu bizarre que ce soit Emmett qui apporte les informations de fin. Un ex-collègue aurait sans doute été plus crédible ou alors le personnage d'Emmett aurait mérité d'être plus présent. Et, j'ai trouvé un usage un poil trop important des métaphores/comparaisons dans la première partie du récit : elles viennent alourdir le texte et rompre le rythme. D'autant que certaines sont un peu éculées ("un éléphant au milieu d'un magasin de porcelaine").

Des petits défauts dans un texte de très bonne facture.
Au plaisir de lire d'autres de tes textes

   Donaldo75   
17/6/2020

   Anonyme   
30/6/2020
"Je suis jongleur dans le civil". Vraiment ? Ce qui me frappe dans cette histoire, c'est cette sorte d'aveuglement du narrateur qui croit vivre l'exceptionnel et reste empêtré dans de la banale coucherie. En témoigne pour moi l'ellipse de deux ans du texte au cours de laquelle, manifestement, le narrateur ne s'est en rien intéressé au devenir de son prétendu grand amour. Et maintenant qu'il a appris que tout va bien pour elle, il va se pointer la bouche en cœur à New York ! "Salut chérie, on remet le couvert ?" Ben dis donc.

Alors, si la narration marquait sa distance avec Terence, si son ton ne me paraissait pas complaisant envers lui et sa vulgarité autosatisfaite, convaincu qu'il est d'être meilleur qu'autrui tout en se conduisant exactement comme ses chefs et collègues, pourquoi pas. Ce serait une peinture humaine triste mais lucide. Seulement l'ensemble du texte et surtout sa conclusion en forme de récompense pour cet avatar navrant de héros romantique me paraît adhérer sans recul au point de vue dudit héros qui "camoufle ses petits appétits sous de grands sentiments" (Gérard Lauzier). Quant au style, je le trouve surfait lui aussi, mais c'est peut-être parce que l'histoire m'a tellement énervée. Pas pour moi cette fois, désolée.

Pour éviter de baisser l'évaluation globale de votre texte, je retire la mienne (Pas), de loin la plus sévère et qui arrive après la bataille.


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