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Fantastique/Merveilleux
Elwyn : Métapsychose
 Publié le 30/03/08  -  6 commentaires  -  44792 caractères  -  51 lectures    Autres textes du même auteur

Depuis qu'elle a rencontré Stéphane, Sarah se comporte bizarrement. Et quand le jeune homme vient à disparaître et que Sarah ne trouve qu'une maison en ruine là où il prétendait habiter, elle se met en tête de le retrouver, quitte à remuer des souvenirs qui auraient dû rester enfouis. Mais n'est-ce pas l'imagination de Sarah qui lui joue des tours ?


Métapsychose


Sarah enfonça les écouteurs de son MP3 plus profondément dans les oreilles et donna un brusque coup de pédale qui la fit décoller du trottoir.


Les roues griffèrent le tarmac de la rue Destrée et la propulsèrent en haut de la butte qui surplombait sa maison. Sarah sentait les pans de son gilet battre contre ses reins et les cartes à jouer qu’elle avait fixées à ses roues stridulaient d’un claquement lancinant. Elle tourna le guidon et s’engouffra dans une rue transversale à droite au son de :


« I've been around for a long long year

« Stolen many man's soul and faith ... »


Sarah donna un nouveau coup de pédale et se laissa descendre. La route bifurqua à gauche sur une avenue fort fréquentée. Sarah se rabattit sur le côté gauche et grimpa sur le trottoir. Au bout de quelques mètres, elle vit une grille noire qui s’ouvrait sur un parc. Elle s’y engagea.


« Please to meet you... »


Elle pédala furieusement dans l’allée de gravier et passa sous un porche.


« Hope you gess my name... »


Jambes tendues, debout sur les pédales, Sarah traversa une large étendue d’herbe verte parsemée d’arbres.


« But what’s puzzling you...

« Is the nature of my game... »


La bicyclette fit quelques cahots et s’arrêta. Sarah la posa contre une haie et s’étendit dans l’herbe fraîche avec délectation. D’un même mouvement, elle éteignit son MP3 et le posa à terre, à côté du vélo.


On était le premier juillet, premier jour officiel des vacances. La tête vide de Sarah bourdonnait des cris des oiseaux et du bruissement du feuillage. Elle prit une longue respiration et se remit en selle, fourrant son MP3 dans sa poche.


Elle descendit une petite allée, passa devant un banc que les habitués du coin surnommaient “le banc des amoureux” et remonta un chemin de terre entre deux bosquets.


Le parc était assez grand pour s’y balader durant des heures, mais au bout d’une demi-heure, Sarah coupa à travers la pelouse pour revenir sur ses pas. Le coin qu’elle préférait se trouvait non loin du banc des amoureux. C’était un simple petit bouquet d’arbres. Il n’était pas différent des autres, mais c’est là que Sarah venait jouer quand elle était petite.


Sarah piqua un sprint, sentant le vent lui gonfler les cheveux et la sueur perler sur le front. La journée était particulièrement radieuse.


- Please to meet you ! chanta Sarah en roulant à toute allure.


À chaque soubresaut de son guidon, elle avait l’impression que le vélo allait décoller du sol et l’envoyer valser dans les graviers. Elle braqua brusquement en posant pied-à-terre et conduisit la bicyclette près d’un petit muret. Elle abaissa la béquille et se laissa tomber à ses côtés, face au bosquet d’arbres, les “Trois Arbres”, comme elle les appelait.


Sarah s’épongea le front. Elle s’apprêtait à ressortir son MP3 quand elle entendit une voix qui venait des Trois Arbres.


- Joli freinage, commenta celle-ci.


Sarah leva un regard intrigué mais, tout d’abord, ne vit personne. Puis, un jeune homme sortit de l’ombre du bosquet.


- Je vous ai vue tourner dans le parc, dit-il d’un air d’excuse. Vous avez un sacré coup de pédale.


Sarah rit de bon cœur. C’était une belle journée et rien ne pouvait l’assombrir. Le jeune homme ne bougeait plus, se demandant s’il devait avancer. Finalement, il prit le parti de s’approcher.


Sarah fut frappée de l’éclat de la lumière sur son visage. Il avait la peau d’une pâleur extrême, mais parfaitement lisse. Ses cheveux étaient coupés courts et d’une douce teinte blonde. Il ne devait pas être beaucoup plus âgé qu’elle.


- Vous venez souvent au parc ? demanda-t-il sur le ton de la conversation.

- Oui, répondit Sarah. J’habite tout près.

- Moi aussi, dit l’inconnu.

- C’est vrai ? dit Sarah dont le visage s’éclaira. Où ça ?

- À deux rues d’ici, derrière la gare.

- J’habite en face de la gare ! s’exclama Sarah.

- Alors, nous sommes voisins, dit le jeune homme en souriant.


Il s’assit face à elle, à quelques pas de distance. Sarah remarqua un carnet qui dépassait de sa poche.


- Qu’est-ce que c’est, ça ? demanda-t-elle en désignant l’objet du doigt.


Le jeune homme le tira de sa poche et le lui tendit. Sarah en feuilleta le début : il ne contenait que deux dessins.


- Ils sont très bons, dit-elle, le regard sérieux.


L’inconnu rit et eut un geste de dénégation.


- Oh si, je sais de quoi je parle, se défendit Sarah. Mon père a fait ses études aux Beaux-arts et je les ai fréquentés moi-même quelques années.

- Ici ? demanda l’inconnu. À l’école des Beaux-arts ?

- Oui, acquiesça Sarah. Vous y êtes allé aussi ?

- Non, dit le jeune homme en secouant la tête. C’est mon oncle qui m’a appris. Il est peintre.

- Oh ! fit Sarah.


Elle tourna encore quelques pages et découvrit plusieurs esquisses au crayon.


- Mais... c’est moi !

- Oui, dit le jeune homme un peu gêné. Je vous observais pendant que vous faisiez le tour du parc.

- Vous venez souvent ici pour dessiner ? demanda Sarah.

- Presque tous les jours.


Et tout d’un coup, elle ne savait pas pourquoi, Sarah se mit à parler, parler, comme elle n’aurait jamais fait avec un inconnu. Le jeune homme lui inspirait une confiance toute nouvelle et elle se prit à raconter toute sa vie.


Vers cinq heures, elle regarda brusquement sa montre.


- Mon Dieu ! Il faut que j’y aille.

- Tenez, prenez-les, dit le jeune homme en lui tendant les dessins qu’il avait faits d’elle.

- Je... non, je ne peux pas...

- Prenez, insista-t-il, c’est un cadeau.


Sarah les accepta de bon cœur et remercia chaleureusement le jeune homme.


- Écoutez, dit celui-ci, je viendrai de nouveau ici mardi prochain. Peut-être nous croiserons-nous à nouveau.

- Même heure ?

- Même heure, même endroit, acquiesça le jeune homme en souriant.


Sarah enfourcha son vélo et partit, le visage radieux, vers sa maison.


***


Les jours qui la séparaient de mardi s’étiraient interminablement. On aurait dit que la trotteuse de l’horloge faisait exprès de traîner.


Sarah retrouva dans une armoire son vieux nécessaire à peinture, ses sanguines et ses fusains. Elle tenta de représenter le mystérieux inconnu du parc, mais ne parvint pas à se remémorer assez fidèlement ses traits. Mécontente du résultat, elle observa le dessin en songeant qu’elle n’avait même pas pensé à lui demander son nom. Elle le saurait mardi, se dit-elle en rangeant soigneusement ses crayons.


Sarah était plus enjouée, et cela n’échappa pas à sa mère.


Le mardi suivant, elle saisit son vélo et pédala comme une furie vers le parc. La voyant partir ainsi, sa mère pensa qu’à coup sûr, elle avait l’amour en tête.


Sarah retrouva le jeune homme au même endroit. Ils s’assirent tous deux à l’ombre des arbres et conversèrent.


Pendant deux heures, Sarah prit des poses et il la dessina. Ensuite, comme la dernière fois, il lui tendit les feuillets.


- J’ai quelque chose pour vous, dit-il en sortant une feuille de papier d’un sac.


C’était un autoportrait. En le regardant, Sarah eut l’impression qu’il avait été projeté sur le papier. Le regard clair, le front brillant du garçon se traduisaient parfaitement sur le dessin. Et puis, songea-t-elle, comment avait-il pu deviner que rien ne lui aurait fait plus plaisir au monde ? Comme s’il avait eu connaissance de ses tentatives infructueuses devant sa feuille désespérément blanche tout au long de cette semaine.


Le jeune homme la regarda en souriant et Sarah eut l’impression qu’il savait ce qu’elle venait de penser.


- Vous reviendrez mardi prochain ? demanda Sarah.


Le jeune homme acquiesça, silencieux. Sarah se leva, prit sa sacoche et s’apprêta à partir.


- Au fait, dit-elle en se ravisant, je ne vous ai pas encore demandé votre nom.

- Stephen, répondit le garçon.


Il eut une moue à la fois gênée et amusée.


- Et vous allez rire si je vous dis mon nom...

- Non, allez-y, dit Sarah. Je ne me moquerai pas, promit-elle.

- Athanatos, Stephen Athanatos.


Il se leva à son tour.


- C’est de quelle origine ? demanda Sarah.

- Grecque. Mon père était originaire d’un petit village au nord d’Athènes.

- Alors, vous êtes Belgo-Grec, c’est ça ?

- Même pas, dit Stephen en souriant. Ma mère est Anglaise. D’où Stephen. Elle voulait sans doute que son fils garde dans son nom un peu de ses origines.

- En tout cas, c’est réussi, dit Sarah en souriant à son tour.

- Et vous ?

- Sarah Moira Nanton.

- Moira ?

- C’est le nom de ma mère. Comme la vôtre, elle voulait qu’il reste quelque chose d’elle à travers sa fille.

- Si la mère est aussi jolie que la fille, j’ai hâte de connaître sa famille, dit Stephen en s’approchant.


Il l’embrassa, puis fit un pas en arrière et l’observa de son regard clair.


- Alors, au revoir Sarah.

- Au revoir, répondit-elle avant de s’éloigner sur son deux roues.


***


Les mardis suivants, ils se retrouvèrent au parc. Sarah évitait les sarcasmes de sa mère en se bouchant les oreilles.


Durant tout l’après-midi, ils parlaient, dessinaient, se racontaient leurs souvenirs d’enfance, s’étendaient dans l’herbe au soleil.


- Pourquoi ne viens-tu pas plus souvent au parc ? demanda Sarah alors qu’ils bronzaient, couchés au milieu d’une immense pelouse.

- Je ne suis pas là les autres jours, répondit simplement Stephen.

- Où es-tu, alors ?

- Je travaille, dit Stephen d’un ton qui fit comprendre à Sarah que la conversation était finie.


Au bout de quelques minutes, elle réattaqua.


- Où habites-tu, exactement ?

- Je te l’ai dit, près de la gare.

- Mais encore ?


Sarah attendit. Étrangement, elle était convaincue qu’il ne répondrait pas. Pourquoi, elle n’en avait aucune idée.


- Avenue des Passants, numéro 26, Inspecteur.

- Et quel est votre numéro de GSM ? l’interrogea Sarah en prenant une voix grave et sérieuse.

- 0478/ 66 16 00, Votre Honneur, mais par pitié, ne me faites pas de mal...


Ils éclatèrent de rire et Sarah le chatouilla jusqu’à ce qu’il la repousse et la chatouille à son tour. Ils roulèrent dans la pelouse en riant aux éclats.


- Il est l’heure, dit Stephen en se redressant et en retirant les brins d’herbe qui étaient restés accrochés à ses cheveux.


***


Si la semaine lui parut encore interminable, cette fois au moins, ils pouvaient se parler par GSM interposés.


Néanmoins, le samedi, elle n’y tint plus et traversa les rails du chemin de fer pour se rendre au 26, avenue des Passants.


La bâtisse était haute et sombre. Aucune lumière ne perçait les rideaux tirés, sans doute pour se protéger de l’éclat du soleil. Sarah traversa un petit jardinet et monta quelques marches. La sonnette était vieille et couverte de poussière. Sarah pensa un instant qu’elle était cassée mais la sonnerie retentit dans la maison, amplifiée par les couloirs vides.


Il n’y eut aucune réaction. Sarah recommença sans le moindre résultat. Elle se dit que Stephen et sa famille étaient peut-être partis en vacances et qu’il ne l’avait pas prévenue, mais il n’y avait aucun journal sur le seuil. Sans doute s’étaient-ils absentés pour la journée et allaient-ils revenir le soir. Après tout, Stephen avait bien fait sentir que son travail lui prenait beaucoup de temps.


Elle retourna chez elle, dépitée.


***


Le lundi, elle revint au 26 avenue des Passants. Il n’y eut pas plus de réaction que la dernière fois. La bâtisse semblait abandonnée. La peinture des volets s’écaillait par endroits et l’herbe du jardin non entretenu ressemblait plus à un tas de foin qu’à une pelouse.


Sarah poussa une grille qui grinça horriblement.


Elle s’apprêtait à faire demi-tour quand une voix familière la fit sursauter.


- Sarah, c’est toi ?


Elle se retourna vers la rue, pleine d’espoir, mais ce n’était que Guillaume.


Guillaume était un ancien camarade de classe avec lequel elle s’était bien entendue autrefois, jusqu’au jour où leur relation était devenue trop proche pour lui. Elle savait qu’il habitait dans le coin, mais ne connaissait pas son adresse exacte.


- Tu cherches qui ? demanda-t-il.

- Un ami à moi, répondit vaguement Sarah.


Elle n’avait aucune envie de parler avec Guillaume.


- Il n’habite sûrement pas ici, en tout cas.

- Et pourquoi ? demanda Sarah, soudain inquiète.


Stephen s’était-il moqué d’elle ?


- Cette maison est abandonnée depuis dix ans, répondit Guillaume.


Sarah ouvrit la bouche, prête à répliquer, mais se contint. Après tout, elle ne connaissait rien de Stephen, juste quelques anecdotes de sa vie. Comment avait-elle pu lui faire confiance ? Elle sentit la rage lui monter au cœur, et la vue de Guillaume n’arrangea rien.


- Peut-être t’es-tu trompée de maison ? suggéra celui-ci.


Sarah sentit un petit espoir poindre à la surface et se retourna vers la porte d’entrée. Mais non, il s’agissait bien du numéro 26. Alors, sa mémoire lui faisait-elle défaut ? Avait-elle mal compris ?


- Tu veux venir prendre un verre à la maison ? demanda Guillaume.


Sarah secoua la tête. Dans un moment pareil, c’était bien la dernière chose qu’elle voulait faire, surtout avec lui. Guillaume comprit bien sa réaction.


- Je connaissais bien les anciens proprios, dit-il pour tenter d’engager la conversation. Ils avaient un garçon de mon âge. C’étaient des Grecs, je crois, ou quelque chose comme ça...


Sarah se retourna brusquement vers lui.


- Des Grecs ?


- Oui, acquiesça Guillaume, surpris de sa soudaine réaction.

- Ils ne s’appelaient pas Athanatos, par hasard ?

- Tu les connais ? s’étonna Guillaume.


Sarah réfléchit quelques secondes.


- Pour finir, je boirais bien quelque chose.


***


Guillaume la fit entrer chez lui, et elle nota inconsciemment qu’il habitait le numéro 28, la maison voisine de celle - prétendue - de Stephen.


Il la conduisit dans le salon et lui amena des rafraîchissements.


- Parle-moi de cette famille, demanda Sarah une fois qu’il l’eut rejointe et se fût assis.

- La femme était anglaise et le mari grec, expliqua Guillaume. Ils s’étaient connus en Belgique pendant leurs études et avaient décidé de se fixer ici. L’homme n’aimait plus la vie exténuante qu’il menait en Grèce, toujours à courir. Et la femme avait de la famille dans le coin. Ils ont appelé leur fils Stephen Athanatos pour...

- Pour garder un souvenir des deux nationalités, je sais, le coupa Sarah.


Guillaume continua ses explications.


- Je jouais souvent avec lui devant la cour. On se faisait toujours enguirlander par nos parents à cause des voitures, dit-il avec un petit sourire nostalgique. Ils ne connaissaient pas grand monde dans le coin, et la famille du côté de la mère a fini par déménager et retourner en Angleterre. L’oncle de Stephen s’installa ici.

- Et lui apprit la peinture, conclut Sarah.

- La peinture ? s’étonna Guillaume. Son oncle était bien peintre, et j’ignore comment tu le sais, mais Stephen n’a jamais appris à peindre. Du moins, il n’en a pas eu le temps.

- Que veux-tu dire ? demanda fébrilement Sarah.


Mais au fond d’elle-même, elle le savait déjà. Ce regard clair, ce front cristallin, cette peau si pâle...


- Stephen a été renversé par une voiture il y a dix ans, alors qu’il roulait à vélo dans la cour. Il a été tué sur le coup.

- C’était un mardi ! murmura Sarah.

- Possible, pourquoi ? demanda Guillaume qui n’avait pas perçu son trouble.


Sarah secoua la tête et se prit les tempes entre les mains.


- C’est impossible...

- Qu’est-ce qui est impossible ?

- Depuis trois semaines, je vois Stephen au parc...

- Stephen est mort à l’âge de neuf ans. Tu ne peux pas le rencontrer dans le parc.

- Neuf ans... Dix-neuf à présent, calcula Sarah. Ça correspond.

- Correspond à quoi ?

- Guillaume, es-tu certain qu’il est mort, ce jour-là ?

- Mais bon sang, Sarah, tu es devenue folle ? J’ai vu l’accident !

- Ils ont peut-être rapatrié le corps, puis ils se sont rendu compte qu’il était encore vivant... réfléchit Sarah à toute vitesse.

- Sarah ! Ça ne rime à rien ce que tu racontes ! Tu ne vas pas me faire croire que tu fréquentes un fantôme depuis trois semaines... ?

- Je n’ai pas rêvé ! s’énerva Sarah.


Elle sentit que sa tête était sur le point d’exploser.


- Je l’ai vu ! Je lui ai parlé ! Je l’ai touché ! J’ai des preuves ! Il m’a donné des dessins et j’ai... j’ai...


Désespérément, elle chercha son GSM, mais elle se rendit vite compte qu’elle l’avait laissé recharger chez elle.


- J’ai des messages de lui... J’ai même un autoportrait qu’il a réalisé...

- Écoute, Sarah, tenta de la calmer Guillaume. C’était peut-être un farceur. Un gars qui connaît cette histoire et qui t’a menée en bateau, c’est tout.


Sarah continuait à secouer la tête.


- À quoi ressemblait-il, ton ami ? demanda Guillaume, voyant bien qu’il était inutile d’essayer de la raisonner pour le moment.

- Grand, blond, les yeux bleus, la peau très pâle...


Guillaume songea que ça correspondait aux souvenirs qu’il avait de Stephen, mais jugea préférable de ne rien dire de peur de la complaire dans ses affabulations.


Alors, Sarah lui raconta tout : la rencontre dans le parc, les discussions à l’ombre des Trois Arbres... tout, sauf le baiser qu’il lui avait donné et qui restait gravé sur sa peau comme une marque brûlante.


Quand elle eut terminé, elle se rendit bien compte que Guillaume ne la croyait pas. Elle eut un mouvement de colère. Il ne l’avait jamais crue. Il ne l’avait jamais aidée...


- Sarah, disait-il, tu dois te rendre à l’évidence : Stephen Athanatos est mort depuis dix ans. Et tous ceux qui le connaissaient sont morts ou partis... à part moi... Et je peux t’affirmer qu’il a été tué sur le coup.

- Où est-il enterré ? demanda Sarah de la même voix butée.


Guillaume soupira.


- Sarah... Comment veux-tu que je le sache ? J’avais huit ans à l’époque...

- Et ses parents ? Que sont-ils devenus ?

- Ils sont retournés chacun dans leur pays.

- Ils se sont séparés ?


Guillaume acquiesça.


- Il m’a fallu du temps pour comprendre pourquoi. La mère de Stephen n’en pouvait tout simplement plus de voir son mari : elle voyait son fils disparu à travers lui.


Mais Sarah n’écoutait pas. Elle cherchait un moyen de se raccrocher à ce qu’elle avait vu la semaine dernière, une piste qui lui permettrait de retrouver le jeune homme.


- Qui les connaît ici ?

- Pas grand monde... Mais tu peux demander à tes parents. Ils ont sûrement entendu parler de cette histoire. Ça a fait pas mal de bruit...

- Et l’oncle ? demanda si soudainement Sarah qu’elle fit sursauter Guillaume.

- L’oncle ?

- Oui ! l’oncle de Stephen. Celui qui peignait.

- Je crois qu’il habite encore la ville, répondit-il à contrecœur. Mais Sarah, ne va pas te précipiter chez lui en lui disant que son neveu est vivant. Crois-moi, ça lui ferait beaucoup de mal.

- Où vit-il ? Tu as son adresse ?

- Non. Et même si je l’avais, je ne te la donnerais pas, dit Guillaume d’un air sombre. Tu vas faire souffrir beaucoup de personnes en remuant cette vieille histoire...


Elle se leva et prit son sac.


- Ne va pas trouver son oncle, Sarah ! lui cria-t-il alors qu’elle traversait le vestibule.


Sarah s’arrêta sur le pas de la porte.


- J’avais enfin trouvé quelqu’un qui me comprenait, dit-elle en s’adressant au chambranle. Je ne compte pas le perdre, cette fois.


Et elle claqua la porte.


***


Sarah démarra l’ordinateur. Elle se connecta à Internet et attendit que la machine ait fini son crachotement et lui présente la page d’accueil Google. Elle tapa “accident de voiture 1996 avenue des Passants” et fit défiler les résultats. Ils étaient peu nombreux. Elle supprima sans peine ceux qui n’avaient aucune relation avec sa recherche et cliqua sur un lien.


La page s’ouvrit sur un bref article dans la rubrique “faits divers” d’un journal local. Elle le parcourut rapidement. Celui-ci ne lui apprit rien de nouveau.


Dépitée, elle saisit le bottin et l’ouvrit à la lettre A. Sarah ne s’attendait à rien, et pourtant, le nom Athanatos brilla comme un phare au milieu de la page. Son doigt suivit la ligne et s’arrêta sous l’adresse : Alexandre Athanatos, 126 A rue du Marais.


Elle prit note sur une feuille de papier qu’elle glissa dans sa poche et descendit souper.


***


- Sarah, ta soupe va refroidir, la rappela à l’ordre sa mère pour la énième fois depuis le début du repas. Qu’est-ce que tu as de ces temps-ci ?


Moira Nanton soupira à en faire voler la serviette posée devant elle. Sarah avala un peu de soupe froide, le regard dans le vide.


« Please to meet you...

« Hope you gess my name...

« But what’s puzzling you...

« Is the nature of my game... »


- Et enlève-moi ces écouteurs ! s’énerva sa mère. Tu sais que je déteste quand tu fais ça ! Oh, mais où as-tu donc la tête ces temps-ci !


Sarah ne répondit pas, mais sa main effleura le bout de papier plié dans sa poche.


« 126 A, rue du Marais. » pensa-t-elle en raclant le bord de l’assiette.


***


Le lendemain - on était de nouveau mardi - Sarah prit la direction du parc comme à son habitude. Elle le traversa d’un bout à l’autre, s’attendant à tout moment à voir apparaître Stephen avec une bonne explication. Mais elle ne vit personne.


Elle sortit du parc et pédala en direction de la rue du Marais. Le numéro 126 A était un petit appartement encastré entre deux maisons. Un escalier s’ouvrait à côté d’une minuscule fenêtre obstruée par des barreaux.


Sarah posa sa bicyclette contre le mur et déchiffra les noms inscrits sous la sonnette. Elle trouva rapidement celui qu’elle cherchait, griffonné à la main sur un bout de carton. Mais quand elle appuya, rien ne se produisit. À tout hasard, elle s’annonça dans l’interphone. Mais l’appareil semblait hors d’usage depuis longtemps.


Sarah colla son nez contre la porte vitrée et, ce faisant, celle-ci s’ouvrit sans la moindre résistance. Sarah se retrouva dans un couloir étriqué, couvert d’une tapisserie surannée et moisie par endroits. Un nouvel escalier recouvert d’une peinture d’un blanc douteux menait à l’étage. Sur sa droite, ce qui semblait être une loge de concierge était plongée dans la pénombre.


Sans plus hésiter, Sarah gravit l’escalier jusqu’au premier palier. Elle chercha une sonnette et, n’en voyant pas, frappa trois coups sourds à la porte.


- Trois coups sourds à la porte du malheur, pensa-t-elle ironiquement.


Un bruit de pas lui répondit, ou plus exactement un frou-frou de pantoufles qui indiquait que quelqu’un venait lui ouvrir. La porte pivota et Sarah se trouva nez à nez avec le propriétaire des pantoufles.


Alexandre Athanatos était un vieil homme à la peau ridée et parcheminée, brûlée par le soleil et fanée par le temps. Il portait une ample chemise resserrée aux poignets ainsi qu’un pantalon de toile fine. Son crâne était parfaitement lisse et laissait voir des gouttes de sueur perlant sur ses tempes.


Il la considéra avec surprise. Manifestement, il n’avait pas l’habitude de recevoir des visiteurs.


- Monsieur Athanatos ? demanda Sarah en jetant un coup d’œil par-dessus l’épaule du vieillard.


Elle aperçut un vieil atelier de peinture. Des chevalets qui n’avaient plus dû servir depuis des années pendaient lamentablement le long des murs. Boîtes en carton, feuilles et objets divers jonchaient le sol.


- Qu’est-ce que vous lui voulez à Monsieur Athanatos ? demanda-t-il avec un grognement.

- Excusez-moi de vous déranger... J’aurais aimé vous parler...

- J’achète rien, dit-il d’un air bougon en s’apprêtant à fermer la porte.

- Mais je ne vends rien, se défendit Sarah.

- Et j’ai pas de temps à perdre...

- S’il vous plaît, tenta de le retenir Sarah, j’ai besoin de votre aide.


Mais le vieil homme était sourd à ses supplications et il referma la porte. Sarah entendit une clef tourner dans la serrure.


- C’est au sujet de Stephen !


Sarah attendit, espérant une réaction. Mais il n’y en eut aucune. Dépitée, elle tourna les talons.


La porte s’ouvrit.


- Attendez, dit le vieillard.


À son front plissé, Sarah comprit qu’il était en train de prendre une décision.


- Entrez, dit-il en s’effaçant pour la laisser passer.


Sarah pénétra dans l’antre du peintre.


- Excusez l’bordel, dit celui-ci. J’ai pas l’habitude de recevoir du monde...


Sarah l’aurait bien deviné toute seule. Dans un recoin, elle avisa un fauteuil qui, par miracle, avait échappé au désordre ambiant. Le vieux l’invita à s’asseoir tandis qu’il débarrassait une chaise pour lui-même.


Sarah cherchait par où commencer.


- Alors ? lui lança le peintre, vous parliez de Stephen.


Sarah acquiesça, mal à l’aise. À présent qu’elle se trouvait là, elle commençait à penser que Guillaume avait raison.


- C’est bizarre, dit-elle.

- Quoi donc ? s’offusqua le vieux.

- Je n’avais pas imaginé votre maison comme cela.

- Et comment la voyiez-vous ?

- Je ne sais pas. Plus grande. Avec une immense verrière à l’arrière, où vous garderiez vos plantes et où vous auriez une bonne lumière pour peindre.

- Comment vous savez ça ? demanda sèchement le peintre. Comment vous savez que je n’habitais pas ici avant ?

- Stephen me l’a dit, répondit Sarah.


Elle vit que le coup avait porté. Le vieil homme la regardait, abasourdi.


- Il allait souvent jouer dans votre serre quand il avait cinq ans. Et ça vous mettait hors de vous. Il se cachait sous les plantes et vous regardait fouiller la pièce en jurant. Mais vous l’adoriez. Vous vous étiez juré de lui transmettre votre art.


Le vieillard ne la quittait plus des yeux. Convaincue d’avoir toute son attention, Sarah poursuivit.


- Vous étiez en froid avec votre frère - son père. Alors, Stephen n’a plus pu aller chez vous. Ni jouer dans la serre. Il en était très triste. En grandissant, il est venu vous voir à l’insu de son père et vous lui avez donné ses premières leçons de dessin.

- Votre fable s’effondre, Mademoiselle. Je n’ai jamais donné cours à Stephen.

- Parce qu’il est mort dans un accident à neuf ans ? demanda Sarah.

- Qui vous a raconté tout cela ?


Négligeant de répondre, Sarah se pencha et sortit les esquisses de son sac - celles réalisées par Stephen au cours des trois dernières semaines. Elle mit en évidence l’autoportrait.


- Me croiriez-vous, Monsieur, si je vous disais que depuis trois semaines je vois votre neveu au parc et qu’il m’a tout l’air en excellente santé.


Le vieillard saisit les dessins et les détailla avec soin.


- Vous êtes très douée, Mademoiselle.

- Ce n’est pas moi qui ai dessiné cela, c’est Stephen.

- Allons, je ne sais pas qui vous a fait croire cela, mais mon neveu est bien mort depuis dix ans.

- Comment connaîtrais-je tous ces détails sur votre vie dans ce cas ? Et observez ce dessin : ne vous rappelle-t-il personne ?

- Bien sûr que si, on dirait mon frère quand il avait votre âge. Sauf que ce garçon-ci a les cheveux blonds.

- Comme Stephen. C’est un autoportrait qu’il m’a offert.

- Stephen serait revenu de parmi les morts pour offrir des dessins à une jeune fille ? dit le vieillard avec une pointe de moquerie dans la voix.


Sarah comprit qu’il ne la croirait pas si elle ne sortait pas son atout.


- Bien. Alors, écoutez ceci : vous ne vouliez pas que Stephen se rende dans la serre à cause d’un accident qui s’était passé lorsqu’il avait quatre ans. Vous cultiviez des roses, énormément de roses. Stephen s’était ouvert le bras en jouant avec. Personne ne l’a jamais su. Pas même ses parents. Mais vous avez eu peur qu’il ne se blesse plus gravement. Il y avait beaucoup d’outils de jardinage tranchants dans la serre.


Le vieil homme la regarda étrangement.


- Personne ne connaissait cette histoire de la rose à part moi et...

- Et Stephen, le coupa Sarah. Vous commencez à me croire à présent ? Et je pourrais vous en raconter bien plus.

- Eh bien, je crois que votre histoire vaut la peine d’être écoutée, Mademoiselle.


Comme elle l’avait fait la veille, Sarah résuma ses rencontres avec Stephen ainsi que leurs discussions. Puis la disparition et la maison abandonnée.


- Tout cela est tout simplement stupéfiant, commenta le peintre une fois qu’elle eut terminé. J’espère que vous n’êtes pas sujette à des visions.

- Non, rassurez-vous, dit-elle en souriant. J’aimerais me rendre sur la tombe de Stephen. Peut-être comprendrais-je mieux.

- Hélas, c’est impossible. Stephen a été enterré en Grèce, conformément au souhait de ses parents. Mais... attendez, j’ai ici quelques photos...


Le vieux se leva et farfouilla un long moment dans les tiroirs d’un vieux bureau.


- Les voilà.


Il les tendit à Sarah.


La première représentait un petit garçon assis sur une balançoire. Il avait le visage rieur et la photo était un peu floue à cause du déplacement du sujet. Néanmoins, Sarah reconnut ses yeux d’un vert puissant. La seconde avait été prise au cours d’un voyage à la mer. Stephen était entouré de ses parents. Cette fois, ses yeux verts se détachaient clairement sur le fond bleu.


- Celle-ci a été prise il y a tout juste dix ans, dit l’oncle.

- Vous voulez dire... ?

- Juste avant l’accident, oui.


Elle retourna la photo et déchiffra la date imprimée au verso : 20 juillet 1996.


- Stephen est mort le 29, soit trois jours après son retour, expliqua le vieil homme.

- Ce qui signifie que mardi prochain...

- Ça fera tout juste dix ans, oui.


Sarah se leva, sentant qu’il était temps pour elle de prendre congé. Elle posa encore une dernière question.


- Pourquoi avoir quitté votre ancienne maison ?

- Mon bail arrivait à sa fin. Et la vie d’artiste n’est pas bien rémunératrice.

- Où se trouvait-elle ?

- À la sortie de la ville, après le pont. À présent, elle est cachée par les arbres. Les derniers propriétaires l’ont laissée à l’abandon.


Il tourna les yeux et Sarah comprit qu’il pleurait. Sur sa mélancolie, sur ce que le temps lui avait enlevé, et sur Stephen.


- Je vais vous laisser à présent, dit-elle en lui tendant la main.


Le vieil homme la serra.


- Revenez un de ces jours. Et si vous revoyez mon neveu...

- Promis, je l’amènerai ici.

- Merci. Désolé de ne pas vous être d’un plus grand secours, Mademoiselle. Mademoiselle comment, au fait ?

- Sarah, Sarah Nanton, répondit-elle.


Le regard du vieil homme s’empourpra.


- NANTON ! hurla-t-il.


Surprise par cette brusque agressivité, Sarah fit un pas en arrière et manqua de trébucher sur une caisse.


- DEHORS ! HORS DE MA MAISON ! DE-HORS ! hurla-t-il en agitant les bras dans tous les sens.


Terrifiée, Sarah battit en retraite et dévala les escaliers.


***


Profondément choquée, Sarah refit machinalement le chemin qui la menait chez elle.


Le soir, au souper, elle décida de questionner sa mère.


- As-tu entendu parler d’un certain Stephen Athanatos ? demanda-t-elle tandis que sa mère servait la soupe.


Moira lui jeta un regard soupçonneux.


- C’est un gars du quartier qui t’a fait une blague, c’est ça ?


Sarah la regarda sans comprendre.


- Maman, mais de quoi tu parles ?

- Qui t’a parlé de Stephen ? demanda sa mère d’une voix sèche.

- Personne en particulier. J’aimerais juste savoir, c’est tout.

- Stephen était un petit garçon de neuf ans qui habitait avenue des Passants, de l’autre côté de la gare.


Sarah savait déjà tout cela, mais elle jugea bon de ne pas interrompre sa mère.


- Ton père et moi les connaissions peu. À vrai dire, ils se liaient avec très peu de gens.


Moira posa une assiette de soupe fumante devant sa fille.


- Que s’est-il passé ?


Le visage de sa mère s’obscurcit.


- Un jour, ton père et moi sommes partis en voiture. En revenant, vers la fin de la journée, nous sommes passés dans l’avenue des Passants. Un petit garçon traversa la route. Ton père freina, mais c’était trop tard.


Sarah laissa tomber sa cuillère. Elle regarda sa mère, horrifiée.


- C’est une vieille histoire, tout cela, dit sa mère qui avait toujours les yeux fixés sur la soupière.


Sarah repoussa violemment sa chaise et sortit de la pièce.


- Sarah ! Où vas-tu ? Mais qu’est-ce qui t’arrive, bon sang !


***


Le mercredi matin, Sarah enfourcha son vélo et pédala jusqu’à la sortie de la ville. Ses pensées tournaient dans sa tête comme un maelström en furie.


C’étaient ses parents qui avaient écrasé le petit Stephen. Sans nul doute, son père devait être un peu éméché. La rue était large, la nuit pas encore tombée. Il aurait pu l’éviter. Sarah se sentit emplie de dégoût.


Le vieux peintre avait parlé d’une maison cachée par les arbres. C’était une bien maigre indication. Heureusement, les maisons abandonnées étaient rares dans les environs. Sarah ne tarda pas à repérer ce qu’elle cherchait.


Cachée par des bouleaux, la maison était de plain-pied. Le dernier propriétaire avait bâti des dépendances attenantes à un garage. Sarah frappa à la porte. Comme elle s’y attendait, elle n’obtint aucune réponse.


Elle poussa doucement la porte qui s’ouvrit sans protester. Le corridor était frais : l’air pénétrait par les carreaux cassés. Sarah visita une cuisine propre et fonctionnelle, un salon où brûlait un petit feu, et une remise remplie de matériel à dessin. La chambre était au bout du couloir. Une unique chambre, communicant avec une salle de bain récemment rajoutée à l’ensemble.


Ce n’était pas cela qui l’intéressait.


Sarah ressortit. Il s’était mis à neiger. Elle suivit un petit chemin de cailloux qui menait aux dépendances. La porte était entrouverte.


Elle traversa deux ateliers remplis de toiles avant de trouver ce qu’elle cherchait : la serre. Un pâle soleil hivernal traversait les vitres et tombait obliquement sur les parterres de fleurs et les arbustes. Un chevalet était dressé face à une large baie vitrée donnant sur l’arrière. Des pots de fleurs étaient suspendus aux murs et le lierre proliférait librement.


- Oui, c’est ça, murmura Sarah. Exactement comme je l’avais imaginé...


C’est alors qu’elle le vit. Elle ne comprit pas comment elle n’avait pas noté sa présence plus tôt. Le peintre.


Assis sur un tabouret, face à son chevalet, il donnait les premiers coups de pinceau à ce qui semblait être un portrait de femme.


Alexandre Athanatos reposa sa palette sur le sol et se retourna.


- Je... Excusez-moi... Je ne voulais pas m’introduire... balbutia-t-elle.


Mais le regard du vieil homme la traversa de part en part. Il se leva et passa à côté d’elle sans lui prêter la moindre attention.


- Stephen ? Où es-tu, bougre de garnement ?


Stupéfaite, Sarah regarda s’en aller un Alexandre Athanatos quinze ans plus jeune que celui qu’elle avait rencontré la veille.


- J’parie qu’t’es encore en train d’jouer sur ta salopiaute de balançoire ! À c’temps-ci... !


Alexandre s’éloigna en bougonnant. Sarah entendit la porte de l’atelier claquer derrière lui.


Se retrouvant seule, elle observa la serre. Les roses attirèrent tout de suite son attention. Elles étaient vraiment magnifiques. De petites lampes éclairaient sans répit les plantes et de fins tuyaux de plastique leur procuraient l’eau nécessaire.


Sarah se retourna en entendant grincer la porte de l’atelier. Il y eut un petit rire, puis une touffe de cheveux blonds emmêlés apparut dans l’embrasure de la porte.


Stephen parcourut l’atelier du regard pour s’assurer qu’il était seul et entra. Il ne devait pas avoir plus de quatre ans.


Le petit garçon s’avança dans la pièce, observant avec curiosité les instruments posés sur les étagères. Il se dirigea vers Sarah, ou plus exactement, vers les roses. Stephen tendit la main pour en cueillir une, mais son pied dérapa sur le sol glissant. Sarah voulut crier pour le prévenir, mais elle se rappela qu’il ne pouvait l’entendre.


Stephen tomba sur un parterre de roses. Elle l’entendit hurler alors que les épines lui charcutaient le bras.


Le vieux peintre accourut, tout essoufflé. Il calma l’enfant et le prit dans ses bras.


- Allons, montre-moi ça, dit-il.


Alexandre lui fit un bandage et lui donna un bout de chocolat à grignoter. Puis, il l’emporta hors de la serre.


- Tu ne dois plus aller là, tu m’entends ? Tu n’en parleras à personne, d’accord ? Sinon ton papa ne voudra plus que je te garde...


Sarah les regarda s’éloigner. Elle se tourna vers le parterre de roses et, atterrée, se rendit compte qu’elles avaient disparu. Toutes les fleurs avaient disparu, d’ailleurs. Les outils de jardinage et de peinture, le chevalet, les pinceaux... tout s’était évaporé.


La serre était cassée et l’air chaud entrait dans la pièce. Sarah retraversa les deux ateliers et ne trouva que des pièces vides peuplées d’araignées.


Elle courut hors de la maison. Plus de neige. Elle était revenue en été, le 23 juillet 2006.


Sarah se laissa tomber sur un petit tertre herbu et se mit à réfléchir.


Pourquoi Stephen lui était-il apparu à elle ? Que pouvait-elle faire ? Est-ce parce que ses parents avaient causé la mort du petit Stephen ?


Sarah remonta sur son vélo et rentra chez elle.


***


Le lendemain, Sarah se rendit chez Guillaume. Elle répugnait à se l’avouer, mais son avis comptait encore énormément pour elle. Elle savait qu’il serait toujours prêt à l’aider.


Guillaume la fit entrer et Sarah reprit sa place dans le salon. Elle lui raconta tout ce qu’il s’était passé depuis lundi. Guillaume l’écouta sans l’interrompre.


- Donc, tu es revenue en arrière, dans le temps, c’est bien ça ?

- Je sais que ça a l’air dingue, mais cela paraissait vraiment réel.

- Que crois-tu que Stephen attende de toi ?

- Comment ?

- Il y a sans doute une raison à tout cela. Et le fait que tes parents soient les responsables de la mort du petit Stephen n’est sûrement pas un hasard.

- Ce serait une vengeance, d’après toi ? Il serait venu me hanter ?

- Je n’ai pas dit ça. Peut-être est-ce le contraire : il serait venu demander ton aide.


Sarah le regarda sans comprendre.


- Tu dis que tu as vécu un événement de la vie de Stephen, quand il avait quatre ans. Et si tu retournais en arrière, le 29 juillet 1996.

- Tu veux dire que je dois... sauver Stephen, c’est ça ?

- Empêcher qu’il soit écrasé par tes parents, en tout cas. Le reste ne te concerne pas.


Sarah se prit la tête entre les mains.


- Mais comment faire ? Je ne contrôle rien !

- Laisse venir, lui conseilla Guillaume. Arrange-toi pour être là mardi prochain, dans la maison de Stephen. Il se passera peut-être quelque chose.


***


Sarah était assise sur son lit, silencieuse. Sa mère déboula dans sa chambre.


- Voyons Sarah, dépêche-toi !


La jeune fille leva une tête étonnée.


- Tu as oublié qu’on partait chez ton parrain ? s’énerva sa mère.

- Comment ?

- Sarah ! Tu perds la boule en ce moment ! On va passer cinq jours à la mer.

- Cinq jours ! s’écria Sarah.

- Fais vite ta valise. Nous avons une longue route à faire.

- Cinq jours ! répéta Sarah. Ça veut dire qu’on revient mardi ?


Sa mère la dévisagea.


- Oui, et quelle importance ?

- Je dois absolument être là mardi après-midi, maman !

- Mais calme-toi, Sarah. On devrait être rentré pour deux heures. Mais s’il y a des bouchons... Fais ta valise, maintenant. Et ne traîne pas !


***


Ces cinq jours furent un vrai calvaire. Régulièrement, Sarah téléphonait à Guillaume pour s’assurer qu’il ne s’était rien passé.


- Ne t’en fais pas, Sarah, lui dit-il alors qu’elle lui sonnait pour la troisième fois en une heure. Tu es sur les nerfs, et je le comprends. Mais rien ne se passera avant mardi, je pense. Arrange-toi pour être là le plus tôt possible.


Sarah essaya de paraître malade, mais tout ce qu’elle obtint, ce fut un séjour prolongé au lit avec deux couvertures à 25° à l’ombre.


Elle se montra taciturne et renfermée durant toute la durée du séjour.


Le mardi matin, elle fit ses valises ainsi que celles de ses parents et les jeta dans le coffre de la voiture. Elle trépignait tellement d’impatience que sa mère finit par céder et monta avec son mari dans la voiture après avoir dit au revoir à son parrain.


Durant tout le trajet, Sarah ne cessa de consulter sa montre, ce qui eut le don d’agacer prodigieusement ses parents.


Arrivée à la maison, elle lança sa valise sur son lit et dévala les escaliers.


- Sarah ! Où vas-tu ? demanda sa mère.

- Chez une amie, cria-t-elle depuis la rue.


Elle enfourcha son vélo et pédala à toute allure vers l’avenue des Passants.


Laissant tomber sa bicyclette contre un muret, elle gravit l’escalier de pierre qui menait à la maison de Stephen.


La porte était ouverte cette fois. Prenant cela comme une invitation, Sarah pénétra à l’intérieur. Une cage d’escalier s’ouvrait sur la gauche. Le couloir était étroit, peint en blanc cassé et rempli d’objets divers. À gauche, un living, blanc lui aussi. Il faisait une chaleur étouffante. Sarah jeta un coup d’œil au calendrier accroché au mur, au-dessous du téléphone : 29 juillet 1996.


Elle y était.


Une porte-fenêtre s’ouvrait sur un petit jardin. Deux adultes y prenaient le soleil. Les parents de Stephen.


Un petit garçon passa à côté de Sarah et sortit dans le jardin.


- M’man ? J’peux aller à vélo ?

- Oui, mais ne va pas sur la route. Tu sais que je n’aime pas quand tu fais ça.


Stephen revint dans le living. Sarah le suivit jusqu’à une petite cave d’où il sortit un petit vélo. Stephen était plus grand que dans le souvenir de la serre. Il avait neuf ans, à présent.


Sarah retourna dans la rue, suivant toujours Stephen. Elle observa les alentours, mais ils étaient déserts. Aucune voiture.


Pour l’instant.


Comment était-elle sensée changer le passé ? Elle ne pouvait rien faire. Devait-elle assister, impuissante, à la mort de Stephen ?


Celui-ci roulait sur le trottoir. De temps à autre, il traversait la rue pour gagner le trottoir d’en face.


Sarah entendit une porte claquer : Guillaume. Avec dix ans de moins.


Il ne lui restait que très peu de temps : ses parents allaient bientôt arriver. En effet, une petite voiture descendait la rue à pleine vitesse.


Sarah vit le petit Stephen faire demi-tour et revenir vers le trottoir où elle se trouvait. Dans quelques secondes, ce serait l’impact. Elle entendit Guillaume hurler. La voiture freiner et klaxonner. Alors, sans plus réfléchir, Sarah se jeta sur le petit Stephen.


Ils roulèrent sur le côté. Sarah sentit le souffle du déplacement de la voiture dans son dos. Stephen pleurnichait en se tenant le genou. Mais il était en vie.


Le conducteur sortit de la voiture et courut vers eux.


- Bon sang, une chance que le vélo ait dérapé, sinon, je l’écrasais.


Une femme pleurait. Sarah se coucha sur le dos. Du coin de l’œil, elle vit les parents de Stephen se précipiter hors de la maison.


Elle s’évanouit.


***


« I've been around for a long long year

« Stolen many man's soul and faith ... »


Sarah se redressa dans son lit et regarda d’un œil hagard la radio qui diffusait la chanson des Rolling Stones. Elle serra ses genoux contre elle. Son réveil affichait 7 h 17. C’était les vacances. Il n’y avait aucun bruit dans la maison.


« Please to meet you...

« Hope you gess my name...

« But what’s puzzling you...

« Is the nature of my game... »


Elle coupa la radio et se leva. Sa mère entra dans la chambre.


- Déjà debout ? C’est le premier jour des vacances, ma puce. Tu peux rester un peu au lit.


Sarah mit un certain temps à assimiler ce qu’elle venait de dire.


- Le premier jour... des vacances ?

- Eh bien, toi ! Tu n’as pas bien dormi, on dirait.


Sa mère sortie de la chambre, elle enfila un T-shirt et un jeans et jeta un coup d’œil au calendrier : 1er juillet 2006.


Encore un peu déboussolée, Sarah descendit prendre son petit déjeuner.


Quel étrange rêve, pensa-t-elle. Et si réaliste !


La journée était radieuse. Sarah prit ses écouteurs, son vélo et roula jusqu’au parc. Elle manqua de tomber en dévalant une pente et dut poser son pied à terre pour freiner. Ensuite, essoufflée, elle posa le vélo contre un mur.


- Joli freinage, commenta une voix dans son dos.


Sarah se raidit. Elle se retourna et vit Stephen sortir de l’ombre des Trois Arbres.


- St... Steph...


Sa voix s’étrangla.


- Je vous ai vue tourner dans le parc, dit-il d’un air d’excuse. Vous avez un sacré coup de pédale.


Sarah tenta de sourire, mais tout son visage lui semblait comme figé. Que se passait-il ? N’avait-elle pas rêvé ? Et soudain, elle comprit. Non, elle n’avait pas rêvé. Elle avait changé le passé, et un nouveau futur se mettait en place. Enfin, elle réussit à sourire.


- Vous venez souvent ici ? demanda Stephen en la fixant de ses yeux verts.

- Oui, répondit Sarah. J’habite tout près.


Elle fit un sourire radieux. Les vacances promettaient d’être très belles.


 
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   studyvox   
30/3/2008
On est tenu en haleine.
Le retour en arrière est très réussi.
Bravo

   strega   
30/3/2008
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Oui, vraiment bravo. Le décor est très bien posé, on entre vite dans l'histoire et ce jusqu'à la fin. Et encore, même après le dernier mot, j'étais toujours dedans.

Si le thème n'est pas en soi original, il est cependant bien traité et je ne me suis pas ennuyée une seconde.

Les paragraphes courts, la bonne alternance entre dialogue et parties narratives donne une lecture rythmée et aisée.

Pas beaucoup de reproches à faire, peut-être un : cette chanson en anglais, c'était quoi :p ?

Bravo et merci Elwyn, j'ai passé un très bon moment.

   David   
30/3/2008
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Bonjour Elwyn,

J'ai bien aimé, l'héroine est attachante et le récit connait des rebondissements. Des impressions contrastés pourtant sur l'écriture elle même, par exemple au début la chanson des stones est décomposée, les vers du quatrain rythment une ballade qui me semble plus longue à parcourrir qu'il n'en faudrait pour les chanter, beaucoup de dialogues et pas mal menés mais qui étirent l'histoire, la rendent plus froide au final. Par contre l'histoire est trés bien posée, interressante.

Il y a aussi le titre, j'ai cherché rapidement et n'ai pas trouvé de définition qui me conviennent pour Metapsychose, alors que metempsychose m'évoque un peu cette histoire de revenant, je ne pense pas que ce soit une confusion (?) je m'interroge.

   Bidis   
31/3/2008
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↓
Je me permets quelques remarques en ce qui concerne l'écriture :

- « stridulaient d’un claquement lancinant » : "striduler d'un" me gênait. Or le Larousse ne reprend pas le verbe « striduler ». Je trouve « stridulation », « stridulatoire », « striduleux » et « stridulant (adjectif) ». J’aurais donc parlé des « stridulations » de la carte de jeux dans les roues.
- « mais c’est là que Sarah venait jouer quand elle était petite.
Sarah piqua un sprint. » : inutile répétition du nom de Sarah. Aucun autre sujet ne venant interférer, on aurait pu mette « Elle piqua… »
- « Sarah s’épongea le front. Elle s’apprêtait… » - « Sarah était plus enjouée, et cela n’échappa pas à sa mère. » : Toujours aucun autre sujet pour venir prêter à confusion. (Par contre « Sarah retrouva le jeune homme au même endroit. » Ici, le « Sarah » est nécessaire parce qu’un autre sujet (la mère) est venue interférer entre-temps.)
- « C’était un autoportrait. En le regardant, Sarah eut l’impression qu’il avait été projeté sur le papier. » : ici, c’est le contraire de ma remarque précédente. Entre Stéphane et le verbe « avait été projeté » est venu s’intercaler un nouveau sujet (l’autoportrait ) et grammaticalement c'est lui qui est projeté au lieu de Stéphane.
- « Comme s’il avait eu connaissance de ses tentatives infructueuses devant sa feuille désespérément blanche tout au long de cette semaine » : confusion pour les possessifs. Le « ses » et le « sa » désignent la jeune femme d’après le sens, mais grammaticalement ils ramènent à « il », le garçon.
- « jusqu’au jour où leur relation était devenue trop proche pour lui » : je trouve que « proche » est inapproprié, j’aurais mis « trop intime »
- « qu’il habitait le numéro 28, la maison voisine de celle - prétendue - de Stephen » : pour moi, « la maison voisine » suffit, « le numéro 28 » est superflu et alourdit le texte
- « L’homme n’aimait plus la vie exténuante qu’il menait en Grèce, toujours à courir. » : on peut courir en diverses circonstance, courir après les femmes ou faire de la course à pied par exemple. « à courir partout » aurait mieux cerné le personnage du père, mais l’on n’est pas beaucoup plus fixé, « courir partout dans le cadre de ses affaires » eût été tout à fait parfait.
- « Elle se connecta à Internet et attendit que la machine ait fini son crachotement et lui présente... » : le premier « et » est tout à fait superflu, limite fautif.
- « Mais quand elle appuya, rien ne se produisit » : je trouve qu’il manque ce sur quoi le personnage appuie.
- « La porte s’ouvrit. » : je trouve qu’il faudrait écrire « La porte s’ouvrit à nouveau » puisque c'est pour la deuxième fois.
- « Ton père et moi les connaissions peu. A vrai dire, ils se liaient avec très peu de gens. » : on vient de parler de Stephen seul. Pour valider le pronom « les », il aurait fallu dire dans la phrase précédente « qui habitait avec ses parents… »
- « Alexandre s’éloigna » : on vient de parler de lui et de toutes façons si l’on écrit « il s’éloigna », à mon sens plus léger que la répétition du prénom, la confusion n’est pas possible.
- « qu’elle lui sonnait » : là, il y a carrément faute. 0n téléphone à quelqu’un mais on sonne quelqu’un. Il fallait écrire : « qu’elle le sonnait », (ce qui d'ailleurs je trouve n'est pas très heureux, élégant, comme expression)
- « un séjour prolongé au lit avec deux couvertures à 25° à l’ombre. » : il fait 25° à l’ombre à l’extérieur mais pas au lit tel que semble dire cette phrase. J’aurais trouvé plus juste d’écrire : « alors qu’il faisait au dehors 25 ° à l’ombre ».
- « ... sa mère finit par céder et monta avec son mari dans la voiture après avoir dit au revoir à son parrain. » : grammaticalement, il s’agit (ou peut s’agir en tout cas) du parrain de la mère ; en fait il s’agit, je suppose, du parrain de l’héroïne.
- « Elle manqua de tomber en dévalant une pente et dut poser son pied à terre pour freiner. » : quel vilain possessif ! Personne ne pourrait douter que si l’on dit « et dut poser le pied à terre » (plus léger, plus joli), ce ne soit pas son pied à elle !

MAIS :
- « A chaque soubresaut de son guidon, elle avait l’impression que le vélo allait décoller du sol et l’envoyer valser dans les graviers » : là, on y est, on pédale avec l’héroïne, c’est gai comme tout
- Quand on arrive devant la vieille bâtisse, on est intrigué, le suspense commence. J’adore…
- L’arrivée dans la maison de l’oncle est tout à fait jubilatoire pour qui aime le suspense.
- « Alexandre Athanatos était un vieil homme à la peau ridée et parcheminée, brûlée par le soleil et fanée par le temps. Il portait une ample chemise resserrée aux poignets ainsi qu’un pantalon de toile fine. Son crâne était parfaitement lisse et laissait voir des gouttes de sueur perlant sur ses tempes. » : très bonne description de personnage.

Et je me permets encore quelques petits conseils :
- quand l’héroïne s’étend dans le gazon du Parc, le lecteur s’étend avec elle, un peu fatigué par la course. Il a envie, le lecteur, et surtout quand il a mon âge, de se reposer un peu et de jouir de la nature, du soleil, des chants d’oiseaux, de laisser son imagination vagabonder… Et puis, non, hop en selle ! Si c’avait été une halte pour souffler une minute, elle ne se serait pas étendue dans l’herbe. Il y a des bancs, elle en aurait cherché un. Donc bien penser que le lecteur vit avec les personnages, qu’il veut bien se fatiguer avec eux si cela a du sens mais que la moindre invraisemblance le heurte.
- Les détails comme les noms des rues et n° des maisons sont un peu fastidieux pour le lecteur parce qu’il les enregistre inconsciemment comme autant d’informations à retenir. Ce serait vraiment plus agréable si on connaissait le nom de la ville, s’il s’agissait d’un parc où l’on peut aller se promener (avec peut-être, la statue d’un personnage célèbre) et de vraies rues même si les numéros et la description des maisons en étaient inventés. (Combien j’aime dans Paris retrouver en me promenant des lieux dont parle Zola !). Ceci dit, je me suis trouvée confrontée au même problème dans une de mes nouvelles et n’ai pas eu le courage de bien chercher une configuration qui réponde à la fois à la curiosité d’un lecteur et au déroulement de l’intrigue. Par contre, pour une autre, j’ai fait un réel voyage sur Internet, lequel voyage m’a tout à fait amusée et distraite, et les lecteurs ont cru que j’étais allée là bas… (Dans le même ordre d’idées, donner un numéro de GSM interfère très inutilement dans la lecture parce que là, on est sûr qu’il est fictif.)
- Toujours en ce qui concerne le GSM : « qu’elle l’avait laissé recharger chez elle. » : détail inutile. Ouille, se dit le lecteur, si l’appareil se charge trop longtemps, ça va l’abîmer. Et mon GSM à moi, il est chargé ou non ? Et puis, flûte… ! Où en est-on dans cette histoire de fantômes ? C’était bien palpitant… Fichu GSM va… ! Donc, dire qu’elle l’a laissé le GSM chez elle suffit donc comme détail.
- Quand elle est à la mer, il y a un vrai suspense. Très, très bon. Mais le plaisir est de trop courte durée. Il aurait fallu profiter de cette opportunité d’amuser le lecteur, de lui donner le frisson avec quelques embouteillages, les minutes qui filent, une petite réflexion sur le temps qui file à toute vitesse quand il est important, qui se traîne quand on n’a rien à faire.

Bref, voilà une nouvelle palpitante qui trouverait grand avantage à être retravaillée.

18 pour l'intrigue, le suspense, le plaisir de la lecture - 12 pour l'écriture - moyenne : 15

   Filipo   
4/4/2008
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Aprés le commentaire de Bidis (ouah ! Ca, c'est du commentaire - Bidis, vient donc commenter un de mes textes !) je n'ai plus grand chose à dire... Je m'interroge presque sur l'intérêt de rajouter quoique ce soit....

Mais bon, c'est bien d'avoir un maximum d'impressions de lecteurs, donc j'y vais de la mienne.

En gros, j'avais envie de dire les mêmes choses : le prénom revient trop souvent, là ou il pourrait très avantageusement être remplacé par "elle", "la jeune fille", etc... Si on a le malheur de le remarquer, ça devient tellement visible que ça gâche un peu la lecture.

Sur le style : c'est léger (si j'osais, je dirais : parfois un peu trop - ne le prend pas mal!). Ca serait pas mal de retravailler certaines expressions, phrases, etc pour faire un peu monter la pression dramatique, captiver un peu plus encore le lecteur...

... car le scénario est très bon, et tient parfaitement en haleine !!!
C'est d'autant plus dommage que la "musique" du texte fasse plus "musique de chambre" que "effets spéciaux"...

Bref, une lecture trés intéressante malgré tout.
Bravo pour ton imagination !

   Azurelle   
29/6/2008
 a aimé ce texte 
Bien ↑
A la fin je croyais que Sarah n'avait pu rien apporté à la vie de Stephen, qu'il était peut-être mort d'une manière différente. Ou je ne sais pas mais j'étais encore assez captivée, j'ai même imaginé que Sarah se retrouverait piégée dans le passé. Pour le titre si je traduis ça veut dire au delà du trouble non ? C'est bien trouvé comme Sarah voyage dans le temps.


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