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Science-fiction
Filipo : Regrets et Cie... (3)
 Publié le 28/03/08  -  2 commentaires  -  13922 caractères  -  13 lectures    Autres textes du même auteur

Une seule équation erronée peut-elle faire exploser un barrage et tout de même passer inaperçue ? Suffit-il d'être convaincu pour convaincre ?
Connaître le futur peut être à la fois un avantage... et un handicap.


Regrets et Cie... (3)



Résumé des épisodes 1 & 2 :


Je m’appelle Franck Dumont et je suis ingénieur dans un grand cabinet spécialisé. J’ai participé à la conception d’un projet de barrage en Inde, lequel projet vient d’être livré en un temps record à notre client. C’est alors que j’ai vécu une expérience hors du commun : la rencontre avec un autre moi-même, vivant en 2034. Mon alter ego m’emmena faire une petite balade dans l’espace-temps, sur le site du fameux barrage, alors terminé, en septembre 2013. Nous étions sur les lieux au moment précis où l’un des contreforts céda, entraînant la destruction de l’immense barrage et la mort de plus de trente mille personnes.


Mon double me demanda alors mon aide pour empêcher cette catastrophe sans précédent de se produire. Avant de réintégrer mon présent, il m’expliqua l’origine de ce terrible accident ; une grosse erreur de conception passée inaperçue dans notre projet. Après un instant de flottement, j’acceptais la réalité si perturbante de l’expérience extra sensorielle que je venais de vivre. Mais il me fallait absolument de l’aide pour débusquer cette faille ! Lors du repas organisé pour fêter la fin du projet, je trouvai l’occasion de me rapprocher de Karina, une collègue ayant justement participé à la conception du dispositif de soutènement. Karina et moi allions devenir très proches, durant cette fameuse soirée…


------------------------


Je me réveillai dans un environnement inconnu et dépouillé. Autour de moi, le mobilier et les bibelots éclairaient de taches pastel la pénombre d’un jour naissant. Que faisais-je là ? Au bout de quelques instants, des souvenirs inquiétants affluèrent… Le barrage qui cède, la vague monstrueuse qui fonce sur moi…


Je fis un effort pour me raccrocher à la réalité et reprendre un peu de contrôle sur moi-même. Ça, je l’avais vécu hier. Aujourd’hui, j’étais en sécurité dans le lit de Karina où s’était terminée cette folle soirée !


Je repoussai doucement la couette pour me lever, prenant garde de ne pas réveiller la belle endormie. La vue de ses courbes émouvantes sema le trouble en moi. Je devais bien me l’avouer, si je m’étais intéressé à cette nana, en premier lieu c’était dans l’espoir qu’elle puisse m’aider dans ma quête. Puis le charme de sa personnalité avait opéré, et je n’avais plus vu en elle qu’une jeune femme particulièrement attirante.


Est-ce que je devais la mêler à tout ça ? Si je me confiais, me croirait-elle ? Je marchais sur une corde raide, au moindre faux pas je risquais de me casser drôlement la gueule.


Je rassemblai sans bruit mes frusques, joyeusement éparpillées aux quatre coins de la chambre quelques heures plus tôt. Puis je me dirigeai vers le salon, où je me rhabillai en silence. Il était temps de lancer un raid en direction de la boulangerie la plus proche, que j’allais piller sans vergogne pour lui préparer un petit déjeuner de princesse.


Au moment de sortir, je butai sur son sac à main, échoué au seuil de la porte. Le sourire aux lèvres, je ramassai le sac de Karina, en repensant aux moments torrides ayant suivi notre irruption fracassante dans son univers. Tout en remettant pêle-mêle dans sa besace les babioles répandues dans l’entrée, je ramassai machinalement un petit agenda noir, qui dépassait à moitié sous le guéridon en vannerie où reposait son téléphone.


Une pulsion phallocrate me poussa à feuilleter rapidement les pages diaphanes, où courait la fine écriture de Karina. Je n’étais cependant pas très fier de moi, à l’idée de pénétrer par effraction dans son jardin secret.


Sur la dernière page figurait une liste de mots, barrés à coups de pointe Bic rageurs. Tous, sauf le dernier : « Antartica ». Qu’est-ce que ça pouvait bien vouloir dire ? Pas le temps de chercher, pour l’instant. On verrait plus tard ! Je remis l’agenda dans son sac à main, que je déposai ensuite bien en vue sur le guéridon.


Au moment précis où ma main se tendait vers la poignée de la porte, j’entendis une toux discrète dans mon dos… Karina me regardait, appuyée à l’embrasure de sa chambre. Depuis combien de temps m’observait-elle ? Je me sentis mal à l’idée qu’elle ait pu surprendre mon sale petit manège. Si tel était le cas, son attitude n’en laissait toutefois rien paraître.


- Alors, tu te sauves comme un voleur, sans même un au revoir ? fit-elle avec un sourire un peu triste.

- Voilà que je me fais pincer ! Moi qui comptais faire mon petit effet en venant te réveiller avec un plein sac de viennoiseries, irrésistiblement appétissantes… Eh bien, tant pis pour la surprise.


Son sourire s’éclaira et elle vint se blottir dans mes bras. Je l’enlaçai d’un geste gauche, un peu timide.


- Et si on allait au café du coin, accompagner d’un bon chocolat chaud ces quelques croissants que tu comptais m’offrir ? me proposa-t-elle gaiement.


Pour toute réponse, je l’embrassai avec fougue. Je me sentais à nouveau plein d’espoir, avec Karina à mes côtés. La vie semblait reprendre des couleurs, malgré la sombre prophétie qui pesait sur nous. Il me restait cependant un dilemme à trancher : devais-je lui parler de ma rencontre avec Franck 2034 ?


ooo000ooo


J’approchai de mes lèvres la tasse de café fumante, tandis que Karina plongeait la main avec un plaisir évident dans le sac de viennoiseries. Il était presque dix heures du matin. Nous étions assis à la terrasse d’un petit bistrot de quartier, prenant tout notre temps pour apprécier ce petit déjeuner tardif.


Je n’avais pas abandonné l’idée de parler à Karina de mes craintes. Et aussi de l’aide précieuse qu’elle pourrait m’apporter. Il fallait simplement que je trouve les mots pour la convaincre. Je cherchais comment m’y prendre, quand je remarquai soudain un changement dans son regard. Il se perdait à présent au loin. Les traits de son visage s’étaient durcis.


- Tu as de nouveau cet air préoccupé, Franck. Je crois que tu ne m’as pas tout dit, hier au restau.


Un des grands mystères de l’existence, c’est bien ce sixième sens que les femmes semblent avoir pour appréhender nos états émotionnels les plus intériorisés… Je n’allais pas pouvoir repousser plus longtemps l’instant de lui faire ma surprenante révélation. « Allez, Franck, un peu de courage, joue franc jeu avec elle ! »


- Non, tu as raison, quelque chose ne va pas. Il y a une faille dans le projet que nous avons rendu et cette pensée me ronge…

- « Une faille » ? Mais qu’est-ce que tu racontes ? me demanda-t-elle, alarmée.

- On a commis une erreur de conception sur une partie critique du barrage, ce qui va provoquer une véritable catastrophe dans quelques années…


Karina, perplexe, me dévisageait sans rien dire, comme si le sens de mes paroles lui échappait. Ce que je venais de dire semblait aussi incompréhensible pour elle que si je m’étais exprimé dans une langue inconnue.


Après un long silence pesant, elle retrouva ses facultés d’élocution, opposant à mon soudain délire un argument sensé.


- Si tu es si sûr de toi, alors pourquoi ne pas en avoir parlé avant ?

- Je ne suis au courant que depuis hier après-midi, lui objectai-je.

- Parle-moi un peu de cette fameuse faille, Franck. C’est pas banal ça, une bourde assez critique pour menacer la sécurité d’un barrage de rang quatre, mais suffisamment bien planquée pour ne pas éveiller l’attention d’un bataillon d’experts internationaux. Je suis vraiment curieuse d’en savoir plus…


Son incrédulité, confinant à l’agacement, exhalait l’âpre parfum de la colère et de la peur. Oui, je crois qu’elle avait peur, peur de s’être trompée sur mon compte, cette sorte de peur que peut engendrer le comportement, soudain insensé, d’une personne que l’on avait crue jusqu’à présent saine d’esprit.


Le vin était tiré, à présent il fallait le boire.


- Ok. Il y a un problème au niveau d’un des contreforts du barrage. Il va s’effriter en quelques mois seulement, avant de rompre d’un seul coup, sous la pression du lac de retenue. Boum ! Est-ce que tu imagines seulement les dégâts dans cette région surpeuplée ?

- Comment peux-tu être si sûr de toi ? Et surtout, qui a bien pu te raconter une pareille ânerie ? me jeta-t-elle d’une voix blanche.

- Heu… je ne peux rien te dire en ce qui concerne la source de cette information. Mais ça n’enlève rien à sa véracité !


Elle devait penser que j’avais totalement perdu l’esprit ! Je me jetai à l’eau quand même.


- Karina, j’ai besoin de toi pour mettre le doigt sur l’erreur à l’origine de la rupture de ce contrefort. Tu as participé à toute la phase de conception des soutènements de cette saloperie de barrage… ce qui fait de toi la personne la plus à même de m’aider.


Elle ne répondit rien pendant quelques instants, me scrutant d’un regard un peu perdu, presque douloureux. Je pris ses mains entre les miennes ; elles étaient glacées.


- J’ai peur de comprendre la raison qui t’a poussé vers moi, Franck. Tu avais besoin de mes compétences pour vérifier ta théorie, c’est ça ? me demanda-t-elle avec une tristesse presque résignée.

- Ce qui est arrivé entre nous n’était pas calculé et, même si je parais obnubilé par cette histoire, je ne t’aurais jamais obligé à partager ce que tu crois être un délire paranoïaque, me défendis-je.

- Je ne crois pas au hasard. Ni à la providence… Si tu es aussi inquiet, c’est que tu dois avoir de sérieuses raisons de l’être. J’accepte donc de t’aider, mais à condition que tu me dises tout par la suite ! Et je veux aussi tout savoir sur ton mystérieux informateur…


Je déglutis avec difficulté. On avait intérêt à trouver quelque chose de consistant, avant que je n’aie à lui parler de mon petit voyage dans la quatrième dimension !


- Promis, je te dirai tout ce qu’il y a à savoir, dès que possible.

- Alors, mettons-nous immédiatement au travail ! me lança Karina, d’un ton sans appel.


Et avant que je n’aie le temps de bouger le petit doigt, elle avait ramassé son sac, repoussé sa chaise et s’était levée. Elle attendait que je fasse de même, me jetant un regard de défi dans lequel je lisais toute sa détermination.


ooo000ooo


Venir sur notre lieu de travail un samedi matin aurait été quasiment routinier durant les semaines précédentes. Venir bosser aujourd’hui, par contre, ça relevait du non-sens pathologique ! Je me rendais parfaitement compte de l’effort que Karina faisait pour moi, et avec le sourire encore.


J’allais nous chercher un peu de café pendant qu’elle se connectait au serveur de fichiers de la boîte. Quand je revins, elle avait déjà ouvert plusieurs fichiers Autocad, chargé les derniers relevés topo du coin, bref elle était fin prête à traquer la moindre donnée erronée, si sournoisement cachée soit-elle.


- Est-ce que ton fameux « indic » t’a un peu précisé de quel côté chercher ? Vu qu’il y a vingt-sept contreforts, un petit coup de pouce serait le bienvenu ! me demanda-t-elle, en tendant la main vers la tasse de café au lait - sans sucre - qui lui était destinée.

- Oui, il a même été assez précis : celui qui a un « pet au casque », c’est le troisième en partant de la droite.

- Super ! Et bien, en trois ou quatre heures à peine, j’aurai fait le tour complet de notre nouveau copain, du moindre boulon à la plus infime contrainte. Si erreur il y a, je t’assure que je ne vais pas la louper !

- Bien… et moi, qu’est-ce que je peux faire pour t’aider ?

- Tsss, tsss. Tu me regardes faire, sans toucher à rien, c’est tout. Commençons tout de suite par ausculter le radier d’étanchéité aux alentours, c’est la source d’ennui la plus probable…


Je m’installai sur un fauteuil à roulette, que je tirai près d’elle, la regardant travailler avec émerveillement. Ces doigts volaient au-dessus du clavier, la souris s’agitait, frénétique sous sa main experte, tandis que les équations, les plans et les relevés divers défilaient sur l’écran, comme autant d’unités d’infanterie dans une parade militaire en version turbo propulsée !


Au bout d’une demi-heure, je m’étais résigné à ne pas participer du tout, ce qui accroissait d’autant mon impatience. J’espérais toujours un cri de victoire mettant un terme rapide à ces fastidieuses vérifications, mais ça faisait belle lurette que je ne regardais plus le ballet hypnotique sur l’écran. À la place, je trompais mon ennui en laissant divaguer mon esprit par la fenêtre de son bureau.


Une heure après, Karina n’avait encore rien trouvé de significatif. Moi, pendant ce temps, j’en avais profité pour améliorer nettement mon habileté au lancer de boulettes en papier froissé. Il était temps de trouver autre chose pour être activement inutile, car la panière commençait à déborder.


Je lui proposai alors de faire une pause bien méritée, en allant casser une petite croûte dans un troquet pas loin. Ma suggestion ne reçut pas l’aval de la petite dame, qui me proposa plutôt d’aller moi-même y faire un tour à pied, afin de ramener quelque pitance susceptible de nous caler l’estomac. Elle me précisa de bien prendre mon temps, surtout. Je décidai de suivre son conseil, car être débarrassé de moi quelques instants lui permettrait à coup sûr d’être plus sereine pour avancer.


Je revins vers quatorze heures, avec un chouette assortiment de sandwichs dans un sac en papier recyclé. Je m’attendais à ce que mon retour soit accueilli par le genre de sourire que l’on réserve d’habitude à la caravane du tour de France, lors de la distribution des colifichets publicitaires dans les cols de haute montagne. Je fus plutôt déçu…


Karina avait fini toutes ses vérifications, mais son air renfrogné ne me disait rien qui vaille. Elle accepta sans un mot mon offrande, engloutissant avec appétit son jambon beurre. Une fois la dernière miette avalée, elle formula clairement ce que je craignais par-dessus tout d’entendre :


- Désolé, Franck, mais je n’ai rien trouvé d’anormal. Rien du tout !


À suivre…


 
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   strega   
28/3/2008
 a aimé ce texte 
Un peu ↑
Alala, la fin de ce texte est vraiment bien écrite, tout à la fois, suspens et découverte.

Ceci dit, j'ai trouvé cet extrait un poil plus ennuyeux que les autres. Mais en fait, en recadrant dans le contexte, ce passage est nécessaire, parce que Franck se livre, qu'on s'immerge un peu plus dans son univers.

Ah, je ne sais pas si les données techniques sur le barrage sont "vraies", mais c'est très crédible en tout cas.

Franck m'est de plus en plus sympathique.
Je lierai bien entendu la suite avec plaisir.

   Menvussa   
25/4/2009
 a aimé ce texte 
Bien
Une légère baisse d'intensité. J'ai du mal à l'imaginer jetant des boulettes en papier alors que l'heure est si grave et s'absentant avant qu'elle n'ait fini de chercher la faille. je trouve aussi qu'elle a capitulé un peu vite.


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