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Humour/Détente
Filipo : Chienne de vie
 Publié le 23/10/08  -  5 commentaires  -  23101 caractères  -  35 lectures    Autres textes du même auteur

Histoire d'un délinquant sexuel pas comme les autres.


Chienne de vie


D’aussi loin que j’me souvienne, j’ai toujours connu cette famille. Oh, bien sûr, ça fait longtemps que j’ai pigé que j’étais « pas comme eux ». Quelque part, j’ai toujours su que j’pouvais pas être leur gosse.


C’est en épiant leurs conversations que j’ai fini par apprendre la vérité. À l’époque, j’étais pas plus haut que trois pommes. C’est incroyable ce que les « grands » sont stupides. Ils s’imaginent peut-être qu’on comprend que dalle à ce qu’ils racontent, pass’qu’on est petit ? Y suffit d’être là, à faire semblant de roupiller, pour qu’ils commencent à dégoiser sans se méfier de rien.


C’est comme ça que j’ai appris que j’venais de la rue… Y paraît qu’on m’a trouvé sur un terrain vague, du côté des mauvais quartiers. J’errais là, sans que ça gêne qui que ce soit, couvert d’excréments, de plaies et de bosses. Ensuite, j’ai atterri dans un refuge pour déshérités. Et puis, ce couple entre deux âges m’a recueilli.


Ça m’a fait un sacré choc d’apprendre que j’ai vu le jour dans ce coin pourri ! J’sais pas qui sont mes vrais parents, et j’le saurai sûrement jamais. Y doivent encore vivre là, quelque part dans ce bidonville. En tout cas, j’aimerais leur dire, à ces enfoirés, que j’leur garde un chien de ma chienne...


Avec des débuts pareils dans la vie, faut pas s’étonner à présent que j’sois hargneux, mauvais comme une teigne. J’ai « la rage », comme on dit. J’m’entends avec personne, j’ai pas d’copains. À part mes parents adoptifs, y a pas grand monde qu’arrive à me faire filer droit.


Bon, c’est vrai qu’au départ, j’leur en ai aussi fait baver, à c’couple.


Surtout au type, d’ailleurs. Un vrai connard, sous ses airs sympas. J’crois qu’lui, y m’a vraiment jamais accepté. D’après ce que j’ai compris, il était pas trop pour, au départ. C’est surtout elle qu’a insisté pour me recueillir. C’était pas son truc, à lui, l’adoption, les familles d’accueil, tout ça… Et il a su me le faire sentir ! Dès qu’elle avait le dos tourné, y s’gênait pas pour me tourner des mandales à la moindre connerie. Les premiers temps, y paraît même que j’ai essayé de fuguer plusieurs fois… M’étonne pas !


J’oublierai jamais ce qu’il a dit, un jour tranquille de juin, quand j’étais encore tout minot. Je jouais sous la table du salon. Ni lui, ni elle d’ailleurs, n’avaient remarqué qu’j’étais là.


- On n’en tirera jamais rien de bon, crois-moi. Ça restera toujours une « racaille », un vaurien hostile et dénaturé, qu’il lui avait dit.

- Philippe, arrête ! T’as pas vu comme il nous aime ? Je trouve Mika tellement attachant…

- Il changera plus. On n’aura que des problèmes avec lui.

- C’est pas sa faute, tu sais… C’est tellement traumatisant, ce qu’il a vécu !

- Aaaah, l’adoption ! Jamais j’aurais dû t’écouter ! Les « pièces rapportées », ça fait qu’empirer, avec l’âge…


Mika, c’est moi.


Ils ont pas pu trouver plus stupide, comme prénom… Moi, j’aurais préféré m’appeler Mouloud. Ça, ça en jette ! Mais bon, avec le temps, je m’suis habitué… Remarque, c’est pas pire qu’le diminutif qu’on m’avait collé, dans ce refuge pour nécessiteux. Y paraît qu’ils m’avaient baptisé « Bobby » ! Y a pas plus naze, comme blaze !


Finalement, je m’étais fait à cette famille. On avait fini par trouver un certain équilibre, tous les trois. Avec le recul, j’dirais qu’on était pas loin du bonheur.


Et puis, la vieille a eu cette idée stupide… Bien sûr, y m’ont même pas demandé mon avis. Dommage. Pour une fois, je crois que j’aurais été d’accord avec mon paternel, ce minab’.


- Si je te demande ça, c’est pas pour moi, je t’assure ! elle lui a dit.

- Bon dieu ! Tu crois que c’est pas assez dur comme ça ? En prendre un deuxième ! Quelle idée à la con…

- Franchement, je crois que ça ferait beaucoup de bien à Mika. Il serait plus tout seul… Ça le ferait mûrir, de se sentir responsable. Je suis certaine qu’on aurait moins de problèmes avec lui.


Et là, elle m’a regardé dans les yeux, histoire de s’assurer que j’marchais bien dans sa combine. Je crois qu’elle était pas tout à fait sûre de son coup, quand même. Moi, j’étais tranquille. J’avais entendu le vieux lui répéter, encore et encore, « qu’il y aurait jamais d’autres assistés sous son toit ».


- Tu aurais dû la voir ! Tina est vraiment adorable ; elle m’a complètement fait craquer…

- Et merde ! Combien de fois je dois te le dire ??? C’est fini, j’en veux plus ! TER – MI – NÉ ! qu’il lui a répondu.


J’ai bâillé un bon coup et puis j’suis allé me pieuter sans un mot. J’aime pas les disputes… J’préfère les bonnes bagarres ! Et puis, je voulais pas trop rentrer dans son jeu, à la mère. J’ai dormi sur mes deux oreilles, confiant. Personne n’allait venir me piquer l’affection de mes vieux, surtout pas un petit crevard !


Même pas un mois après, cette Tina débarquait dans not’ vie.


Pas de couilles, le vieux ! Comme d’habitude, sa rombière le menait par le bout du nez. Je l’aurais bouffé, cet abruti… Comment voulez-vous respecter l’autorité du chef de famille, dans ces conditions ? J’étais bien décidé à leur en faire baver deux fois plus, pour la peine !


Tina et moi, on a pris un mauvais départ. Dès que j’ai été seul avec elle, j’lui en ai collé une. Elle est tout de suite allée s’fourrer dans les jupes de la vieille, des larmes plein les yeux.


Oh, elle avait rien de bien menaçant, plutôt l’air apeurée. Mais quand même… J’pouvais pas la sentir, c’était physique. J’ai jamais aimé les blacks. Alors, avoir une noire dans la famille, c’était le comble ! Et elle était vraiment noire. De partout. J’ai vérifié, tu penses.


Pour l’coup, la vieille a pas trop fait de scandale. Elle devait comprendre que j’avais besoin de marquer mon autorité, de délimiter mon territoire. Pourtant, elle a essayé de m’obliger à partager mes jouets avec la nouvelle. C’est là que j’ai pété les plombs. J’sais bien que j’aurais pas dû aller aussi loin. Aujourd’hui, j’regrette… mais c’est comme ça, c’est arrivé, j’y peux rien.


Je l’ai mordue, cette pisseuse. À l’oreille. Jusqu’au sang.


Elle a gueulé comme une sauvage, et pis elle s’est carapatée ; du raisiné lui dégoulinait partout dans le cou. La vieille est arrivée, totalement disjonctée. Je l’avais jamais vue dans cet état... J’ai eu droit à une sacrée correction. C’est la seule fois où elle a porté la main sur moi, mais je me le rappelle encore !


- Mika ! Mais t’es vraiment malade d’avoir fait ça ! qu’elle hurlait, en me secouant comme un paquet de linge sale. À partir d’aujourd’hui, Tina est avec nous, que ça te plaise ou non !


J’ai rien répondu ; je criais pour qu’elle me lâche.


- Je veux que tu la protèges, que tu veilles sur elle. Si jamais je te reprends à lui faire du mal…


Elle a pas terminé sa phrase. Inutile, j’avais pigé. Pour la peine, la vieille m’a cloîtré dans mes quartiers. Toute la semaine. Alors j’ai pris sur moi, et j’ai fait comme si je l’aimais bien, cette stupide mocheté. J’l’ai plus touchée. Même pas dans le dos des vieux.


En fait, j’ai fini par l’apprécier. Réellement. Tina, « ma » petite sœur.


Comment je pourrais pas l’aimer ? Tina est tellement timide. Surtout avec les étrangers. Du coup, ça me mettait en avant. J’suis assez cabotin, j’avoue, et donc, quand y avait du monde, j’en profitais pour faire le beau. Y en avait qu’pour moi ! Pendant ce temps, elle se faisait oublier dans un coin.


J’l’ai eu vite mise au pas. Tina faisait rien sans d’abord me demander mon avis. Au départ, j’pensais que c’était une empotée de première. Et pis avec le temps, j’ai compris que c’était sa façon à elle de m’amadouer. Faut pas croire ! La frangine, malgré son air ahuri et son regard de chien battu, elle est sacrément fortiche pour obtenir ce qu’elle veut !


D’ailleurs, la meilleure preuve, c’est qu’le paternel aussi, y s’est laissé embobiner. Lui qui gueulait partout « qu’il en avait marre d’héberger cette bande d’assistés sous son toit », eh ben… il lui mange dans la main, à la frangine. Elle fait ce qu’elle veut de lui. Des fois, je m’dis que c’est franchement n’importe quoi. Ok, p’t’ête ben qu’chuis un peu jaloux…


D’mon côté, je m’suis mis à jouer les caïds. J’suis devenu son « protecteur ». Faire le dur, ça m’connaît… Bon, j’dois vous avouer un truc : on dit que j’suis un peu frappé sur les bords. Je crois que ça tient de mes origines difficiles (je sais, ça fait mélo, mais bon… ça aide, pour excuser mes conneries).


Bref, j’aime bien provoquer, essayer de dominer les autres. C’t’à-dire, tous ceux qui passent dans mon collimateur. En particulier, s’y sont plus balaises que moi. Paraît qu’ça a à voir avec ma petite taille, que c’est ma façon à moi de compenser… J’sais bien, un jour ça finira mal. J’vais tomber sur un fou furieux, un molosse, qui m’bouffera tout cru.


En attendant, ça marche. Aucun souci, pour me faire respecter ! D’ailleurs, j’ai un truc bien à moi, pour intimider un gonze. J’plante mon regard dans l’sien et j’le lâche plus. Jusqu’à ce qu’il baisse la tête. Bon… quand ça donne rien, je m’approche du gus, sans l’quitter des yeux. Assez près pour qu’on puisse se rouler une pelle. Et là, j’lui pose ma paluche sur l’encolure et j’l’insulte. D’un ton mordant. Pour bien lui faire piger que si y moufte, j’vais l’niquer.


Mes vieux, y z’aiment pas ça. Quand on se balade ensemble et qu’un merdeux s’approche, ils ont toujours peur que ça dégénère. Y a rien à faire, avec eux. Ils ont pas encore compris qu’on arrive à rien, dans cette zone, si on se fait pas un minimum respecter… Le paternel arrête pas de dire qu’un de ces quatre, on va me retrouver dans le caniveau, les tripes à l’air. Moi, j’en ai rien à foutre de c’qu’y dit. Je fais c’que j’ai à faire, un point c’est marre.


Pourquoi qu’je vous raconte tout ça ? Pour rien. Pour causer… Pis p’t’ête bien pour expliquer pourquoi j’ai mal tourné.


Je crois que ça a commencé à déconner aux grandes vacances d’y a deux ans. Mes vieux avaient décidé de nous mettre en pension, la frangine et moi, histoire d’aller se payer un peu de bon temps aux States, tous seuls, comme deux égoïstes. Le paternel, il avait prévu le grand jeu pour épater sa croquignole : Las Vegas et ses palaces de rupins, le grand canyon, Monument Valley… tout le toutim, quoi. J’avais carrément les boules de rater ça.


Ils nous ont fourgué une excuse bidon pour nous expliquer qu’y pouvaient pas nous amener, rapport à des certificats médicaux ou j’sais plus quelle connerie… C’est surtout qu’y voulaient pas cramer leur fric pour « deux assistés » comme nous ! Même Tina a pas réussi à les faire changer d’avis.


Donc, le jour du départ, ils nous ont amenés à ce fameux « camp de vacances ». T’aurais vu le cirque ! Un centre d’entraînement paramilitaire, oui ! Le responsable de c’binz, c’était une espèce de grosse brute en treillis. Y s’prenait pour Rambo, ou chais pas quoi…


La vieille avait pas l’air dans son assiette, de nous laisser là. L’adjudant Rambo lui a fait son sourire ultra bright, puis lui a glissé un truc à la con, du genre : « Je vais en faire de bons petits soldats, de ces deux-là. À votre retour, vous les reconnaîtrez plus ». La mère a répondu d’y aller doucement, quand même. Puis elle lui en a mis une tartinée comme quoi j’étais très sensible, sous ma carapace de p’tite frappe, qu’il fallait être patient avec moi... Tout le tralala, quoi. Moi, en l’entendant, j’avais presque envie de vomir.


Si elle voulait pas qu’je sois encore plus perturbé, alors pourquoi qu’elle m’plantait là ?


Au moment où ils se sont tirés, ils étaient pas fiers d’eux. Elle chialait, bien sûr. J’ai fait comme si j’la voyais pas. Moi aussi, j’avais envie d’ouvrir les robinets. Mais je voulais pas qu’elle le sache. Même pas en rêve !


Dès qu’ils ont décampé, le responsable de ce trou à rat pour ados récalcitrants a montré son vrai visage. Il a commencé par nous engueuler, en nous rabaissant plus bas que terre. Nous disant qu’on était qu’des raclures, qu’on méritait pas nos parents. Que lui, il allait nous apprendre à marcher au pas, à écouter au doigt et à l’œil.


Tina a tout de suite lâché du lest… Il avait pas besoin de lui gueuler dessus comme ça ; la pauvre était déjà carpette !


Ça m’a vite gonflé, son cinéma. Ni une, ni deux, je lui ai sauté à la gorge. Aïe ! J’aurais pas dû ! C’est qu’dans l’armée, ils apprennent de sacrés trucs pour maîtriser un assaillant ! J’me suis vite retrouvé à terre, avec le genou du gus en travers d’la gorge. J’ai essayé de me débattre, d’le mordre comme j’pouvais… mais rien à faire ! Total, j’me suis retrouvé au gnouf d’entrée de jeu.


On est bien resté trois semaines, dans c’piège. La bouffe était immonde, les chambrées purement infectes et y avait pas une seule activité valab’. Trois fois par jour, on avait droit à un tour de paddock avec des instructeurs débiles, censés faire de nous des « petits gars et des petites nénettes bien comme y faut ».


C’est marrant, quand j’y pense. Ce camp-là, il était fait pour les cas difficiles, les durs à cuire. Tous ceux qu’ont un gros problème avec l’autorité. Bref, des gars dans mon genre. Ma frangine, elle, elle avait rien à foutre là.


Mais le pire, c’est qu’elle avait l’air de kiffer ce genre de conneries ! Si y avait eu distribution de médailles, elles auraient toutes été pour sa pomme. C’est pas pour dire, mais quelle lèche-cul, celle-là, quand elle s’y met ! C’était pas le cas des autres pensionnaires de l’adjudant Rambo. Fallait les voir, à la manœuvre… Que des allumés, des zonards, des tarés de la tête. Incontrôlables, qu’y z’étaient !


On nous avait séparés en groupes de trois ou quatre, et dès qu’on avait fini nos activités, on était bouclés à double tour dans nos baraquements. Je crois qu’ils avaient peur qu’on se massacre entre nous… Y z’avaient pas tort. À la moindre occasion, ça aurait fini en baston générale.


Remarque, ç’aurait pas été pour me déplaire. J’aurais pu en profiter pour lui foutre la tête au carré, à ce connard de rouquin. Ralf, qu’y s’appelait. On n’arrêtait pas de se croiser. Au fond d’ses yeux, y avait toujours comme une étincelle de folie. Un vrai malade ! À chaque fois, j’lui balançais des insultes et il était comme un fou, à vouloir m’sauter dessus.


Attends que j’te retrouve dans la rue, Ralf… Ça va bastonner sévère !


Les jours passaient, les vieux revenaient toujours pas. Tu crois qu’ils auraient passé un coup de bigo, histoire de voir comment qu’on allait ? Non ! Même pas ! Silence radio, que d’la friture sur la ligne…


Pis un jour, sans prévenir, y s’sont radinés, tout bronzés, avec des grands sourires.


J’étais tellement joyce que j’ai voulu lui sauter dans les bras, à ma vieille, pour lui coller des grosses bises bien baveuses. Enfin, comme d’hab, quoi. Et v’là que l’aut’ Rambo, y me retient par le colback !


- Holà, mon p’tit ! (Grrrrr… oui, chuis p’tit, je sais !) C’est pas des manières, ça ! Qu’est-ce que j’t’ai donc appris, à la sueur de mon front ?


Y voulait quoi ? Que j’lui fasse la révérence, à la vieille ? Hé, oh ! C’est pas la duchesse d’York, non plus !


J’ai à peine eu l’temps de lui j’ter un regard à ma façon (style « yeux de chacal en pleine crise de conjonctivite ») qu’y m’chopait par l’oreille. Incroyable ! L’a fallu que j’m’incline devant les vieux !


Là, je m’suis dit : « Le gars Rambo, t’as fait une boulette ! La vieille, elle va pas supporter qu’on m’traite comme ça ! ». Penses-tu…


- Oh ! M’ssieur Rambo ! Comment qu’vous l’avez bien dressé, mon p’tit Mika !


(Là, c’est moi qui raconte – j’étais tellement choqué que j’ai pas vraiment bien enregistré c’qu’elle lui avait dit… Mais c’était dans ces eaux-là, c’est sûr. Écœurant !)


C’était pas fini ! Après, il a fallu qu’on leur montre ce qu’on savait faire : comme à la parade ! Parcours d’obstacles, marche en ordre serré, salut militaire… la totale, quoi ! Dégoûté…


Et cette conne de Tina qu’a tout fait impeccable, le sourire en coin ! Quand ça a été mon tour, l’instructeur a cru que j’le ferais pas. Alors, y m’a soufflé un truc à l’oreille, du genre : « Si tu fais l’abruti, j’te casse les pattes en deux ! » Ben du coup, j’l’ai fait. Sans la ramener. Bien comme y voulait… Quelle misère !


Au moment de monter en voiture, j’ai entendu le paternel sortir un truc énorme :


- Vraiment, vous avez fait du bon travail, avec ces deux lascars, qu’il a dit. Surtout Mika ! J’ai du mal à le reconnaître.

- Oh ! Vous savez, avec un peu d’autorité, on obtient tout ce qu’on veut, s’est rengorgé le type. Il suffit juste de leur montrer qui est le chef. Se faire respecter, en somme.

- Fantastique ! Dès qu’on repart en vacances, on vous les ramène !


J’ai cru que j’allais péter un câble !


Mon passage par ce camp, j’crois qu’ça a fini d’me déglinguer. J’causais plus, j’finissais à peine mon assiette, j’avais plus goût à rien. Et puis, j’ai fait des crises d’angoisses. Quand les vieux s’barraient, même cinq minutes, je f’sais un barouf d’enfer ! Les voisins se sont mis à râler, ils ont fait une pétition pour s’plaindre du bordel que j’foutais.


La vieille a commencé à s’inquiéter. Le paternel lui a dit :


- Tu vois pas qu’il veut juste te culpabiliser ? Laisse ! C’est vraiment du cinoche.

- Tu crois ? Je sais pas trop… Il a vraiment l’air malheureux, quand même !


Je leur ai fait de tout, à cette période.


Une fois, on a été se balader dans les bois. Je suis revenu crotté jusqu’aux oreilles. Dès qu’les vieux ont eu le dos tourné, j’me suis roulé dans leur lit. J’leur en ai mis plein les draps… Quel pied ! Et là, la mère qui se radine... Elle m’a foutu dehors, mais elle a rien dit au paternel. Je crois bien qu’elle avait peur qu’il m’étrangle, ce coup-ci !


Et puis j’ai commencé à devenir vraiment mauvais.


Dans le hall de notre immeuble, y avait un vieux SDF qui squattait sans qu’on lui dise trop rien. Il avait un nom vraiment chtarbé… Félix, je crois. Mes vieux, et d’autres aussi, ils lui donnaient à bouffer, y causaient avec lui. J’ai vite trouvé ça insupportable ! Dès qu’y tournait le dos, j’lui piquais sa bouffe, à cet empaffé. J’essayais de lui filer la trouille, pour qu’y s’barre. Malgré les menaces, lui, y voulait rien entendre… Alors, un jour, j’l’ai coincé dans un sous-sol, pour qu’on s’explique entre quatre yeux. Résultat ? Y m’a salement balafré la gueule, l’enfoiré !


Je cherche pas d’excuses. Si j’suis allé en taule, c’est bien que j’l’ai mérité, non ?


Pour commencer, j’aurais pas dû essayer de me tirer d’chez moi. Pas comme ça, sans préparation… Au départ, j’voulais juste faire flipper la vieille, c’est tout ! Être à la rue, je pensais pas qu’ce serait si hard. Dormir dans des terrains vagues ou dans des fossés humides, la peur au ventre, et le ventre vide… Vous imaginez pas ! Alors, pour bouffer, justement, il a bien fallu que j’m’organise. Quelques petits larcins par ci, une razzia de poubelles par là… Je chipais tout c’qui traînait !


Et puis, j’suis rentré dans une bande. Rien que des vrais durs. Des spécialistes du vol à la tire, des braqueurs de petits commerces, et j’en passe… C’est là que j’ai viré délinquant sexuel.


J’pouvais pas me ret’nir, c’étais plus fort que moi !


C’est pas les proies qui manquent, quand on passe son temps dans la rue… J’avais qu’l’embarras du choix, c’était royal ! J’en ai tringlé un bon paquet, des frangines. Ah, ça oui ! Et pis, rien à foutre qu’elles soyent d’accord ou pas. De toute façon, elles avaient beau piailler, j’suis sûr qu’au bout du compte, elles étaient consentantes. Prises à l’insu de leur plein gré, si on veut. Ah ! Ah ! Ah !


De toute façon… c’était qu’des chiennes ! Des zonardes, comme moi.


Quand j’y pense ! J’en ai mis pas mal en cloque. Aujourd’hui, doit y avoir une palanquée de bâtards qui sont de moi, dans la nature. Et j’en suis pas peu fier ! À moi tout seul, j’ai beaucoup fait pour l’espèce. Si on peut dire.


Mais bon, voilà. Même les meilleures choses ont une fin. J’ai fini par me faire chopper. Connement. C’était y a deux jours. J’étais en train d’en chevaucher une, tranquille, à même le trottoir au fond d’une impasse, quand les flics se sont pointés. Pas le temps de débander que j’étais jeté au fond du panier à salade, avec les bracelets. Y m’ont conduit direct à la maison d’arrêt. Et ensuite, y m’ont foutu en cage.


Heureusement, y z’ont fini par passer un coup de fil à mes vieux. J’avais le numéro sur moi.

Y sont arrivés vite fait, tous les deux.


- Vous le reconnaissez ? C’est lui ? leur a demandé le gardien.

- Bien sûr ! C’est mon Mika, qu’elle a pleurniché, la vieille. Qu’est-ce qu’il a maigri…

- Y nous a donné du fil à retordre, le salopard ! Mon collègue s’est fait chopper à la main. Quatre points de sutures ! a dit le flicaillon, solennel comme pour un fait de guerre.

- Ah, quand même ? a repris le pater. C’est qu’il est vif, l’animal !


Le keuf a ouvert les grilles, j’ai essayé d’lui sauter dessus et j’ai eu droit à un bon coup de matraque sur le crâne. M’apprendra à vouloir jouer au rebelle, au lieu de filer doux.


Le reste est un peu vague. J’crois qu’ils ont payé ma caution, puis qu’on est allé à la voiture. Durant tout le trajet, j’balisais sec. Mon vieux, y m’jetait des coups d’œil sans rien dire, le visage aussi fermé qu’un poing de boxeur. La mère, elle, elle osait pas moufter. On l’entendait juste renifler, d’temps en temps.


C’est vrai qu’là, j’avais fait de sacrées conneries ! Je voyais pas trop comment m’en sortir…


Une fois à la maison, y m’ont enfermé à la cave, et y z’ont commencé à discuter de ce qu’y d’vaient faire de moi. J’ai collé mon oreille à la porte… J’vous jure que c’que j’ai entendu, ça f’sait froid dans l’dos !


- Y a pas le choix, si on veut qu’il nous refasse plus jamais le coup, disait le vieux.

- Mais tu te rends compte ! Après ça, Mika ne sera plus jamais le même !

- Je t’assure, c’est la seule solution, lui a répondu le pater. À moins que tu préfères qu’il se fasse refroidir, la prochaine fois…

- Bon sang, Philippe ! Ne dis pas des trucs pareils !

- T’es d’accord avec moi, alors ? Très bien… Allez, perdons pas de temps. On va faire ça vite, sans souffrances inutiles.


Je sais pas trop ce qu’y s’tramait, mais je trouvais ça super louche. Est-ce qu’ils allaient… me torturer ? Ça m’filait vraiment les chocottes. J’me suis promis de foncer dans le tas, dès qu’ils ouvriraient la porte. Si c’était eux ou moi, y avait pas à hésiter ! Tant pis pour mes vieux.


J’ai plus rien entendu pendant cinq bonnes minutes. Puis le paternel a composé un numéro sur le vieux téléphone du salon. J’ai l’ouïe fine, j’reconnaissais sans problème le bruit de ses gros doigts, en train d’écraser ces pauv’ touches qui pourtant lui avaient jamais fait de mal…


- Allo ? Je suis bien à la clinique Pétroskian & fils ?

- …

- On a enfin mis la main sur Mika. Je voudrais m’assurer qu’il ne reparte pas de sitôt en cavale.

- …

- Ouais, c’est plutôt urgent.

- …

- Tout à fait. Une castration…

- …

- Non, le labrador noir, c’est la femelle… Oui. Tina, c’est ça !… Lui, c’est le petit bâtard blanc. Y vient de la SPA.


J’étais cuit ! On allait m’piquer mes bijoux d’famille !


Ahouuuu !



 
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   Anonyme   
23/10/2008
 a aimé ce texte 
Un peu ↑
Assez plaisant à lire malgré quelques longueurs.

Le problème vient du titre: on devine immédiatement qui est qui.

Bref, agréable, sans plus.

   Menvussa   
24/10/2008
 a aimé ce texte 
Pas
Bon, on devine effectivement assez vite de quoi il s'agit. Mais moi ce qui me gène c'est ce langage, t'en fait trop à mon goût, moi, mes chats parlent un Français très Châtié.
J'ai trouvé que c'était également beaucoup trop long.

Bon, bref cela ne m'a pas emballé.

   Bidis   
24/10/2008
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↓
Non seulement la chute est sympathique mais les personnages aussi le sont, tous, et surtout le narrateur.
J’ai l’impression que Filippo écrit en s’amusant comme un p’tit fou. Il a une idée, elle est bonne, il se lance là dedans avec jubilation, ça se sent et c’est pour le plus grand plaisir du lecteur.
Et quand on a « marché » comme moi - car je n'ai pas la perspicacité des commentateurs précédents - c’est très amusant de relire pour voir le texte sous un autre angle : j’ai trouvé plein de petites observations très justes.
Mais aussi quelques petites choses :
- « je m’en rappelle : faute courante - on dit « je me le rappelle » ou je m’en souviens,. Evidemment, le personnage fait plein de fautes, mais je ne crois pas qu’ici c’était intentionnel
- « aux grandes vacances d’y a deux ans » : on n’a pas l’impression qu’un si long laps de temps s’est écoulé depuis ces vacances. J’aurais pensé quelques mois, un an maximum.
- « ces pauv’ touches qui pourtant lui avaient jamais fait de mal » : humour facile donc un peu décevant
« pour ados récalcitrants » : c’est pousser un peu loin la triche, « pour récalcitrants » ou « jeunes récalcitrants » serait plus correct dans le contexte…

   Anonyme   
29/10/2008
 a aimé ce texte 
Bien ↓
C'est pas mal. Au début j'ai cru que c'était un pauvre gamin qui parlait mal. Bon qu'il y a certain endroit on voit qu'il y a quelque chose d'étrange sans savoir vraiment quoi, mais de la à imaginer que c'était un chien (bon je m'en suis quand même douté quand ils ont parlé de castration^^).

   Azurelle   
2/11/2008
 a aimé ce texte 
Pas ↑
Le petit caïd des rues se fait lourd, le rythme lancinant, la fin décevante... L'humour est de mauvais goût bref texte en catégorie détente je ne l'aurais pas mis non plus... Désolé je n'ai vraiment pas accroché à ce texte. J'ai mis un temps pour mettre ce commentaire, j'ai préféré d'autres nouvelles écrites par toi Filipo à celle là...
Je mets un plus car en dépit de mon ressentis, il y a un effort certes excessif, mais tout de même un effort pour donner de la personnalité au personnage. Même si cette histoire ne me plaît pas je reconnais cet effort, que je saurai difficilement rendre.


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