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Horreur/Épouvante
GeorgesLEBET : L'oreille musicale
 Publié le 13/12/25  -  2 commentaires  -  20514 caractères  -  8 lectures    Autres textes du même auteur

James est un jeune homme paumé dont la vie se résume à travailler, sortir le soir, se mettre la tête à l’envers, puis recommencer le lendemain. Cette boucle infinie ne s’arrête que lorsqu’il prend sa guitare, et compose seul dans sa chambre des chansons géniales que personne ne veut écouter. Quand une nuit il croise une petite boule de poils au détour d’une sombre ruelle, il ne sait pas encore qu’il aura une offre difficile à refuser.


L'oreille musicale


Pour James, plusieurs solutions étaient possibles. Réussir à se sortir de cette vie sans couleur, ou la laisser définitivement s’assombrir dans un torrent de noirceur.

L’homme est un animal imprévisible, et c’est pour cela que James ne comprenait pas le monde qui l’entourait. Il se sentait comme étranger à tout ce qu’il voyait autour de lui. Il avait eu autant de déceptions que de joies dans sa jeune vie, mais seuls les mauvais moments retenaient son attention. Sa vie s’organisait entre jongler entre son job alimentaire, et faire la fête pour échapper à toute cette merde. Une seule chose le faisait tenir au quotidien, la musique.

C’était pour lui sa respiration, son oxygène alors qu’il avait la tête sous l’eau. Elle ne le décevait jamais. Plus les années passaient, et plus sa passion grandissait. Il savait ce qu’il serait plus tard, un foutu musicien ! Un musicien sincère et habité pleinement par son art, pas comme ces trous du cul de pop stars « strass et paillettes » qu’on voit partout à la télévision.

Il rêvait d’être le successeur de Nirvana, Joy Division, Led Zep’, et de groupes rock plus ou moins connus du grand public. Il serait intransigeant, préférant survivre avec sa musique, plutôt que de déborder d’argent en se compromettant. INTRANSIGEANT ! C’est cette ligne de conduite que suivait sa vie.

Hélas, la réalité le rattrapait, et l’époque dans laquelle il vivait n’avait rien à voir avec ce à quoi il aspirait. L’image était au centre de toutes les attentions, la forme avait plus de valeur que le fond, le nombre de vues sur Internet avait plus d’importance que la qualité de la musique. Les gens payaient des fortunes pour aller voir des artistes internationaux, machines à tubes éphémères, et rechignaient à débourser un petit billet pour voir des « futurs grands » dans des petites salles de concert. Des salles qui devenaient, au passage, de plus en plus rares et vouées à disparaître…

Il en était sûr, il était né à la mauvaise période. Pour lui, tout le business actuel était absurde, construit sur des fondements en carton. Le capitalisme avait gagné, écrasant tel un bulldozer tous les petits artistes sur son chemin, car pas assez rentables.

Alors que faire ? Comment passer sur les grosses radios, les chaînes de télé, sans se fourvoyer et faire sa pute sur Internet ? James n’en avait aucune idée. Il continuait à écrire et composer, sans vraiment espérer un retour sur ses créations. Il savait que comme tout le monde il finirait par arrêter, trouver un « vrai métier », avoir une femme, des enfants, et faire sa vie loin de tous ses rêves. Des milliers d’apprentis musiciens se sont cassé les dents sur l’autel de la gloire, alors qui était-il, lui, pour échapper à son destin ? Lui, le fils d’un fonctionnaire et d’une fleuriste qui n’y connaissaient rien à l’histoire musicale. Il n’avait aucun contact, aucune famille qui travaillait dans l’industrie musicale. Isolé comme une fourmi perdue dans une immense fourmilière.

Il commençait sérieusement à désespérer, quand un jour, sa vie bascula. Il venait de terminer sa journée de travail alimentaire, et rentrait directement chez lui dans une chaude nuit d’été. Il était seul, et la rue, qui d’habitude était si bruyante, se fit silencieuse. Elle était comme enveloppée par une brume pourpre, on aurait dit que cela formait un couloir qui menait jusqu’au bout de celle-ci. Machinalement, son regard se dirigea par terre, mais un bruit attira son attention. Sur une poubelle, trônait un chat, roux, fier comme pas possible, et toisant les individus qui osaient croiser ses yeux rouge sang. James n’était pas très fan des chats, et celui-là confirmait ce qu’il pensait d’eux. Des êtres indépendants, ingrats, je-m’en-foutistes, et prêts à tout pour arriver à leurs fins. Des enfoirés adulés de tous ! Cependant, ce chat était différent, il le voyait bien, mais ne savait pas pourquoi. Une sorte d’aura se dégageait de ce petit animal, et il ne lui manquait que la parole pour décoder ses signaux. James passa devant lui et continua son chemin.


— Je te connais.

— Quoi ?


James se retourna et ne vit que le chat posé sur ses petites pattes fragiles. Il pensait que c’était un SDF qui voulait lui parler mais il ne vit rien. Il reprit sa route. La nuit, le cerveau peut inventer toutes sortes de bruits ou de voix étranges quand on est seul.


— Je te connais, James.


James se retourna et comprit qu’il était en train d’halluciner, car il n’y avait personne sauf ce maudit chat derrière lui. La fatigue du travail sans doute…


— Très bien, tu m’ignores mais ça ne pourra durer longtemps. Ils ont tous cédé au bout de quelques jours. Bonne nuit James.


James ne prêta pas attention à ces dernières phrases, pensant que son cerveau déraillait à cause du travail et des relents de LSD de la nuit dernière.

Une semaine passa, mais cette nuit restait une interrogation à laquelle il n’avait pas de réponse. De plus, il avait comme l’impression que quelque chose le suivait depuis cet épisode. Comme si tous les soirs, un fantôme passait la nuit en sa compagnie. Il ne se sentait jamais seul, même durant sa pause-déjeuner, quelque chose le surveillait, il en était sûr !

Une nuit, alors qu’il se préparait à partir en soirée en ingurgitant comme d’habitude quelques verres de rhum et un acide, il vit deux points lumineux sur le rebord de sa fenêtre qui transperçaient son salon. Il pensait que la chimie commençait à faire effet, et que c’était normal de commencer à « triper ». Son dealer l’avait prévenu, ce nouvel arrivage était un peu plus fort que les précédents.

Malgré l’orage qui grondait dehors, il s’approcha de la fenêtre, et il comprit tout de suite que ce n’était pas un rêve. Il fit un bond en arrière pris par la peur de ce qu’il avait vu. C’était un chat ! LE chat qu’il avait vu une semaine avant. Comment l’avait-il retrouvé ? Comment était-il monté, sachant qu’il habite au 5e étage d’un immeuble ? Le chat finit par rentrer à l’intérieur de l’appartement en se pavanant, et fixa James pendant deux bonnes minutes sans rien faire. Il continua de le toiser, et sa tête avait l’air d’avoir une expression humaine. Terrifié, James ne dit rien, il savait que quelque chose se passait, mais son cerveau était incapable de comprendre ce qu’il lui arrivait.


— Alors, tu me reconnais, James ?


James pensait devenir fou, le chat était en train de lui parler. Un animal était en train de lui parler et de l’appeler par son prénom.


— Qu’est-ce que tu veux ?! s’écria James en tombant par terre. C’est cet acide qui me fait perdre la tête ?! C’est pas possible, je suis en train de délirer là ! Tu ne peux pas parler, ça n’a aucun sens ! Casse-toi de chez moi !


Le chat lui coupa la parole.


— Arrête de pleurnicher, James ! Relève-toi ! Tu n’es pas en train de rêver, je suis bien en train de te parler. Ces produits que tu prends te crament les neurones, mon ami, mais pas au point d’inventer ce qui est en train de se passer maintenant.

— C’est pas possible, tu n’es pas réel ! Les chats ne parlent pas ! s’écria James.


Le chat se rapprocha de James et se mit à lui parler droit dans les yeux.


— Écoute bien ce que je vais te dire, mon petit James. Ce que je vais t’apprendre va changer ta vie, il y aura un avant, et un après. Je pense que toute ta vie tu n’as attendu qu’une seule chose, mais tu n’as jamais pu la réaliser. Je suis là pour exaucer ton vœu…

— Quel vœu ?! J’ai rien demandé, laissez-moi tranquille ! s’exclama James en essayant de se relever.

— Quel vœu ? dit le chat. Je vais d’abord te dire qui je suis, ça va peut-être te remettre les idées en place. Tu me vois sous une enveloppe terrienne, mais ce n’est pas ce que je suis au fond. Je suis celui que vous appelez ici sur Terre, non sans une petite once de méchanceté, Lucifer.

— Quoi ?! Tu te fous de moi ? Toi, le chat roux, tu serais en fait le diable ?! Tu te fous de ma gueule, c’est impossible ! Je…


Le chat lui coupa encore la parole, et une image indescriptible arriva dans la rétine de James. Une vision beaucoup trop réelle pour ne pas y croire. Il ne parlait plus avec un mammifère à quatre pattes, mais avec un monstre bodybuildé, doté de sabots, de cornes et d’une queue enflammée. Une sorte de bestiole couleur noire avec des yeux jaunes injectés de sang à la pupille rectangulaire. James stoppa net ses mouvements, et il écouta sans rien dire ce que cet être avait à lui dire.


— Tu comprends mieux maintenant, mon enfant ? demanda le monstre qui était redevenu un chat. Je sais que ta vie est insignifiante, sans saveur, qu’être mort ou vivant t’importe peu, puisque pour toi le train est passé. Mais si le train t’attendait finalement ? Si je te permettais de rattraper ton retard ? Si je te donnais une seconde chance, tu ne serais pas plus heureux, mon ami ?

— Comment ça, que voulez-vous dire ? demanda James.

— Ça te dit quelque chose, Jimi Hendrix ? Jim Morrison ? Janis ? Amy ? Cobain ? Et bien d’autres ! La liste est longue…

— Oui, bien sûr, ce sont toutes des stars de la musique, des personnes qui m’ont donné envie de faire de cet art mon métier. Ils sont aussi tous morts jeunes… dit-il en baissant la tête.

— Très bien, penses-tu que seul le talent suffit ? Penses-tu que seul le travail suffit ? Que seules les « relations » et l’image suffisent ? T’es-tu déjà demandé comment des inconnus deviennent des « superstars » du jour au lendemain, alors que pour certains, ça prend des années, voire pour d’autres comme toi, ça n’arrive jamais ?

— J’en sais rien, la chance sûrement…

— La chance ?! Il éclata de rire. Tu te fous de moi ?! T’es bien innocent, mon ami…

— Ne me dites pas que vous y êtes pour quelque chose… dit James.

— Je les ai tous connus, j’ai parlé à Mozart, Bach, etc. Tous rêvaient d’une chose, que leur art soit connu dans le monde entier. Ils étaient sincères et avaient du talent, de la passion, tout comme toi, mais ils avaient aussi besoin d’un petit coup de pouce… Dieu avait ses préférés et autre chose à foutre que de s‘occuper de leurs « petits malheurs », donc je leur ai donné ce qu’ils voulaient, et ils en ont fait ce qu’ils ont voulu… C’était un pari sur l’avenir comme on dit.


Ses yeux commencèrent à virer au noir.


— Je t’observe depuis que tu es tout petit, James, je te connais par cœur. Tu penses que le monde n’est pas prêt à t’écouter, que les gens et l’industrie ne comprennent rien à ton art. Tu penses que tu es différent, et que tous ces connards ne sont pas prêts à changer car ils ont trop peur de perdre leur petite fortune. Tu as peut-être raison… Je sais qu’aujourd’hui le monde a changé, la plupart des stars sont des anomalies dénuées de talent. Elles ne sont que des opportunistes, des prostituées de luxe dépendant des réseaux sociaux, je n’ai plus rien à faire. Je vais être franc, les « affaires » ne sont pas bonnes pour moi, je ne joue plus le même rôle qu’avant depuis que ce monde médiatique existe. Mais ce soir, James, je te propose un « arrangement ». Je te donne ce que tu veux, et en échange tu deviens disons… mon partenaire.

— Quoi ? Votre partenaire ?! Normalement, vous n’en avez pas besoin. Lucifer marche seul en enfer, non ? Vous voulez mon âme, c’est ça ?! On n’a rien sans rien dans la vie, n’allez pas me faire croire qu’en échange de ma réussite, vous allez seulement vous contenter d’avoir… un partenaire ! Vous vous foutez de ma gueule !

— Surveille le ton que tu as avec moi, James, je pourrais ne pas rester patient très longtemps si tu continues comme ça. Heureusement pour toi, tu n’es pas le premier, ils ont tous réagi de la même manière au début, mais ils ont aussi tous cédé. Si je t’ai choisi, c’est que tu en vaux la peine, James. Je suis sûr que tu peux montrer à tous ces incapables que la vraie musique et les vrais musiciens ne sont pas morts. Tu as juste à me donner ton accord et ta confiance.

— Ma confiance… Mon accord… James répétait ces mots en marmonnant. Pourquoi ce n’est pas Dieu qui est venu me voir ? Je lui ai demandé plein de fois de m’aider et c’est vous qu’il m’a envoyé ?!

— Dieu ?! Un rire déchira l’ensemble de la pièce. Dieu ? Ce juge qui décide qui est bon ou mauvais ? Qui a le droit d’avoir une vie de rêve et qui a le droit de pourrir dans la merde et l’anonymat le plus total ? Tu parles de celui-là ? Je te l’ai déjà dit, il a autre chose à faire, et entre nous, disons qu’il n’a pas vraiment l’oreille musicale…

— L’oreille musicale…

— Oui mon ami, bref, assez parlé de lui. Pour en revenir à ma proposition, c’est assez simple en fait. Tu m’autorises à être en quelque sorte ton « manager » et je m’occupe de tout. Tu as juste à dire « oui j’accepte », je ferai le reste… Je te laisse la nuit pour réfléchir, et je repasse te voir demain pour ta réponse. Réfléchis bien, je peux t’offrir ce que tu as toujours voulu, profite de cette opportunité, mon ami ! Ou reste dans ta vie misérable et tes espoirs déchus à jamais…


En une demi-seconde le chat disparut. James était par terre, au milieu de son salon, choqué par ce qu’il venait de se passer. Il venait de voir le diable en personne sous la forme d’un putain de chat ! Ou peut-être était-ce cet acide qui lui avait fait brûler ses derniers neurones ? Il décida finalement de ne pas sortir, dans le but de trouver une réponse à la proposition que lui avait faite la petite bête.

La nuit avait été terrible pour James. Il n’avait pu dormir que par séquences entrecoupées de cauchemars, où ce maudit chat lui demandait de donner une réponse. Ne parvenant pas à réussir à trouver le sommeil, il avait passé son temps à réfléchir mais il restait dans l’indécision la plus totale. D’un côté, on lui proposait d’avoir ce qu’il avait toujours voulu, mais de l’autre, il ne savait pas ce que ça signifiait de devenir le « partenaire » du personnage le plus craint de la religion chrétienne. Le jeu en valait-il la chandelle ? Son cerveau tourmenté retourna le problème dans tous les sens, et il finit par prendre un somnifère pour s’endormir.

Au lever du jour, sa décision était prise, il se disait que quitte à vivre dans la dépression et le regret toute sa vie, il valait mieux se lancer et accepter la proposition. Si des gens comme Hendrix ou Jim Morrison avaient accepté, il n’y avait pas de raison de dire non. Comme le citait Cobain dans sa lettre de suicide : « Il vaut mieux brûler franchement que de s’éteindre à petit feu. » James était sûr de lui.



Cinq années ont passé, et James était enfin devenu un incontournable de la scène musicale mondiale. Son ascension avait été fulgurante. Après une première vidéo postée sur YouTube, tout s’était enchaîné, les albums, les tournées, les passages radios et TV, la reconnaissance des plus grands musiciens que James idolâtrait. Tout s’était déroulé comme prévu de A à Z. Ses rêves les plus fous s’étaient réalisés sans faire le moindre effort.

Le pacte passé il y a des années n’était plus qu’un lointain souvenir, trop flou pour qu’il y pense tous les jours. Pour la première fois de sa vie, James était heureux. L’argent n’était plus un problème et il s’était marié avec un superbe mannequin qui partageait sa vie depuis près de deux ans. Malgré ses multiples conquêtes adultères et ses frasques, sa femme continuait de rester avec lui. Encore un des « effets magiques » de la décision qu’il avait décidé de prendre il y a des années, ou bien était-elle seulement avec lui pour profiter de sa célébrité et de son argent ? Peu importe pour James, il savait qu’il n’aurait aucun mal à retrouver quelqu’un d’autre de toute façon.

Un soir, alors qu’il rentrait avec une jolie serveuse d’une soirée organisée par Marilyn Manson, le taxi prit un chemin différent de d’habitude pour le ramener chez lui. Il pensait qu’il y avait sûrement un accident et que le GPS avait fait faire un détour pour l’éviter. De toute façon, dans l’état où il était, sa seule préoccupation était de dormir pour prendre des forces en vue de cette nuit qui s’annonçait torride. Après une heure de trajet, le taxi s’enfonça dans une forêt noire perchée sur des collines, dont les arbres semblaient se pencher pour former un sinistre tunnel. James fut surpris par ce paysage et sentit comme une oppression de la part de cette nature froide aux allures de forêt Blair Witch. Au bout d’un moment, le taxi s’arrêta et le chauffeur lui dit :


— Ça y est, vous êtes arrivé, monsieur.

— Ah bon, vous êtes sûr ? Je ne vois pas ma maison, on est au milieu de nulle part là, faut faire demi-tour, votre GPS s’est trompé, mon ami ! lui dit James qui sortait brutalement de son sommeil.

— Non, je vous assure, sortez ! dit la voix monocorde et caverneuse du chauffeur.

— Vous vous foutez de moi ?! s’énerva James. Y a rien ici, c’est le trou du cul du monde ! Je vais pas sortir pour vous faire plaisir ! Reprenez la route et ramenez-moi chez moi putain !


C’est à ce moment-là que James vit deux points rouges dans la nuit à travers le pare-brise.


— Qu’est-ce que c’est que ce bordel ?!


Il comprit vite avec effroi qu’il connaissait déjà ces deux points lumineux. Il sentit une boule dans son ventre le tordre en deux, ses mains commencèrent à trembler, et son cœur s’emballa. Il savait qui était derrière tout ça, c’était pour lui le moment de payer. Il avait donné son accord, et maintenant la bête venait chercher son dû. James prit tout son courage et sortit de la voiture en ouvrant la portière avec le plus grand calme possible. La serveuse bien éveillée n’arriva pas à comprendre ce qu’il se passait.


— Ça y est, c’est le moment, nous y sommes, c’est ça ?! demanda James d’un ton assuré à son interlocuteur qui ne laissait transparaître que ses deux billes lumineuses à travers la nuit. Vous m’avez tout donné et maintenant je dois vous le rendre ?! Je suis prêt, vous savez ! Je savais que ça arriverait un jour mais j’avais fini par l’oublier. Je dois vous dire quoi ?! Merci ?! Merci de m’avoir donné ce dont j’avais toujours rêvé ?! Merci d’avoir donné un sens à ma vie qui aurait dû être un misérable trou à chiottes ?! Merci de m’avoir donné le succès en échange de mon âme ?! C’est surfait ! Et si j’avais à refaire votre marché, je le referais sans hésiter ! J’étais une merde et vous m’avez sorti de ce bordel, je dois le reconnaître.


Les deux points lumineux cachés dans la pénombre ne bougeaient pas. Ils restaient comme figés devant le spectacle. James savait que son interlocuteur salivait d’avance de voir ce spectacle. Voir le magnifique, le flamboyant James, se ridiculiser et redevenir cet adolescent perdu dans cette société devait donner un sentiment de toute-puissance à la bête.


— Alors, tu ne dis rien putain ?! hurla James. Je n’ai pas peur, je sais que tu te régales de me voir dans cet état ! Je vais te la donner mon âme, t’inquiète pas ! Je partirai comme je suis venu, dans la surprise et le fracas ! Mes fans feront de moi une légende de la musique à tout jamais, tu le sais ça ?! T’as prévu quoi pour moi ? Un accident de voiture ?! Une pendaison ?! Un coup de fusil en pleine tête ?! Une noyade ?! Un putain de missile dans ma gueule ?!


Devant le silence de son interlocuteur, James s’énerva de plus en plus et commença à s’approcher de la bête qui était cachée derrière les fourrés. Les points lumineux commencèrent à se reculer au fur et à mesure que James avançait.


— Qu’est-ce qu’il se passe ? Le grand démon a peur de moi ?! Le petit chat a besoin d’aller chier dans sa litière ?! James se mit à rire. T’es ridicule ! Le grand chef des enfers, je t’en foutrais ! T’es juste un petit matou qui se prend pour le roi ! Ton numéro ne m’impressionne plus maintenant, mon ami ! J’ai plus rien à perdre, tu comprends ?!


James s’approcha encore.


— Sors de là ! Tu crois que je ne te vois pas ?! Viens ! C’est mon destin et je l’assume ! Montre-toi sale monstre de merde !


James finit par arriver à moins d’un mètre des points lumineux. C’est à ce moment-là que l’impensable arriva. Deux hommes terrifiés avec une caméra dans les mains sortirent des buissons, avec sur leur visage le sentiment qu’il venait de se passer quelque chose d’extraordinaire, et que ça resterait gravé à jamais sur leurs images. La vérité inattendue avait éclaté. Alors qu’ils étaient juste là pour piéger un homme coupable d’adultère, le destin avait fini par leur donner une exclusivité que le monde entier ne s’attendait pas à connaître.

De son côté, James, après avoir saisi le drame qui s’était joué, avait déjà sauté dans le ravin qui longeait la route.


 
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   ANIMAL   
26/11/2025
trouve l'écriture
aboutie
et
aime un peu
Le thème faustien bien connu est adapté ici à la vie moderne. J'ai lu sans déplaisir cette histoire d'âme vendue au diable.
Là où je n'adhère plus, c'est la chute. Pourquoi diable (!) James se suicide-t-il pour si peu ? Piégé pour adultère (bôf, ça lui coûterait une pension et il a les moyens) et en plus avouant sans le savoir qu'il a vendu son âme en échange du succès ? Et alors ? A notre époque, c'est au contraire un passeport pour la gloire, il n'y a qu'à voir Marilyn Manson (qui justement est cité) ou encore Tommy Johnson...

Bref, pour moi ça ne tient pas, James aurait pu et du en faire une pub retentissante, quitte à prétendre qu'il jouait la comédie en se sachant espionné. Opinion personnelle bien sûr.

Le style, rien à dire de spécial, le texte se lit bien. Mais je crois que l'histoire doit être revisitée pour se situer vraiment à notre époque où le scandale fait vendre plus que jamais.

   plumette   
28/11/2025
trouve l'écriture
perfectible
et
aime un peu
Le thème du pacte avec le diable n'est pas nouveau, et il n'est pas si simple de le décliner de façon originale et surprenante;
Ici, il y a de bons ingrédients: le désir de James d'être un musicien reconnu, le diable incarné dans un matou, les dialogues qui sont vifs et crédibles, et la chute à laquelle on ne s'attend pas du tout.
il y a du suspens, une tension qui monte avec un bon sens de la narration mais cela ne m'a pas suffit. Trop de maladresses dans l'écriture, et de petites incohérences ou insuffisances: ex : en quoi consiste le fait d'être le partenaire du diable? Cette idée qui est intéressante est finalement complètement abandonnée.
Il me semble qu'il manque quelque chose à ce texte pour être convaincant.


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