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Humour/Détente
hectorludo : Futée
 Publié le 11/12/13  -  12 commentaires  -  8005 caractères  -  112 lectures    Autres textes du même auteur

Après une vie de misère elle trouve un abri. Mais rien n'est jamais vraiment acquis.


Futée


Lorsque je suis arrivée chez lui, j’ai failli faire demi-tour. Ce n’était pas un appartement qu’il habitait, c’était un cloaque.

Une ambiance des années cinquante, tous les meubles et objets étaient d’époque. En plus d’annoncer clairement leur âge et leurs cicatrices, ils étaient d’une saleté repoussante.

Je supposais qu’il avait hérité de ces lieux, s’était installé et jamais fait le moindre ménage depuis. Il n’avait jamais bougé un buffet pour regarder derrière, jamais, seulement, songé à changer le papier peint aux fleurs délavées qui partait en lambeaux à présent.

Seule la télévision, devant laquelle il passait ses journées, était récente.

Évidemment, vous pouvez me rétorquer que je n’avais pas à me plaindre. J’avais enfin trouvé un toit, j’étais à l’abri de toutes les sales bêtes qui courent le monde.

J’avais même réussi, à force de me cogner contre des portes qui s’obstinaient à rester closes, à oublier d’où je venais.

J’avais beau minauder à leur oreille, je n’étais pas la bienvenue. Alors, dehors, dans le vent ou sous la pluie je les regardais, au travers des vitres, vivre au chaud et bien tranquilles dans leurs maisons.

Je me sentais vraiment très seule.

Avec lui, ce fut tout de suite différent. Il me trouva assise sur son palier avec son journal.

Avec lenteur, il se baissa pour le ramasser. Dans le même temps il fit un geste vers moi, je crus à une invite et me faufilai prestement à l’intérieur. En fin de compte, j’avais mal interprété son geste. Il faut dire que ses mouvements manquaient de précision. Pourquoi ? Simplement parce que ce type était obèse, tellement obèse que je le qualifierais, si j’osais, d’énorme obèse.

Chacun de ses mouvements mettait en route une suite de vagues ondulantes le long de son corps. Il vivait presque nu, à part un cache-sexe qui disparaissait complètement dans les replis monstrueux de ses cuisses, je ne pouvais rien rater de ces incroyables mouvements flasques.

Il n’était pas d’un naturel bavard, l’erreur reconnue il m’invita avec force gestes à déguerpir de son antre. Je lui chantais ma petite chanson triste, mais, c’était inutile, il ne voulait pas de moi. Obèses ou maigres, ils ne sont pas plus accueillants. Seulement, un mince, c’est beaucoup plus agile en général qu’un énorme obèse. Et puis, un si gros, ça s’essouffle vite. Alors, puisque j’étais dans la place, je décidai de rester.

Après un dernier sursaut, il se calma et finit par renoncer.

C’est à ce moment que je pus mesurer l’ampleur du désastre ambiant.

Dans un amoncellement sauvage de couches superposées de boîtes de pizzas et de coffrets de hamburgers s’affichait son régime alimentaire. Pour faire passer ces nobles nourritures, des cannettes de bière et de Coca vides débordaient d’un grand panier.

Je compris pourquoi il avait opté pour les livraisons de mangeaille à domicile en voyant la cuisine. Toutes les assiettes et les verres remplissaient l’évier à tort et à travers. La crasse s’était transformée en champignonnière.

Je le harcelais pour qu’il se bouge, mais rien n’y fit. Il avait ses habitudes bien ancrées et ce n’était pas mon intrusion qui allait changer quelque chose.

S’il avait renoncé à me chasser, il ne m’avait pas adoptée pour autant.

Pour preuve, sa goinfrerie égoïste. Il ne voulait pas me céder une miette de ses repas pantagruéliques. Pourtant, vu mon format et mes besoins, cela ne lui aurait pas manqué.

J’en étais réduite à ruser, à l’énerver pour qu’il renverse une portion que je m’empressais de chiper.

Je sentais bien que son surpoids XXXL l’empêchait de se venger de mes harcèlements quotidiens.

Au fond de ses petits yeux méchants, engoncé dans les replis graisseux, je saisissais parfois des éclairs qui, à coup sûr, étaient synonymes d’envie de meurtre.

Mais bon, il était lent et j’avais un toit. Je refusais de céder à la peur et de renoncer à mon confort.

Par ailleurs, je commençais à l’aimer, cette montagne de saindoux. Il se dégageait de sa personne une odeur qui ne me laissait pas indifférente. Le summum de cette fragrance s’exhalait dès qu’il faisait un effort. Pour lui un effort c’était de se lever. Immédiatement.

Il se mettait à suer. À cet instant, le parfum exquis de sa sueur me grisait.

Vous devez penser que j’étais complètement cinglée de trouver cette senteur merveilleuse, peut-être, mais ce n’est qu’une nouvelle preuve que les bizarreries de la nature sont sans limite.

Lorsque cet arôme me parvenait, je devenais folle, je ne pouvais plus me contrôler.

J’essayais de m’approcher le plus vite possible afin de humer l’odeur la plus forte.

Malheureusement, s’il ne pouvait guère bouger, il avait l’œil vif et il me chassait.

La mort dans l’âme, je devais attendre qu’il s’endorme pour venir lécher, oui, je dis bien lécher, ne vous en déplaise, cette sueur au parfum qui déjà s’évanouissait.

Parfois il se réveillait et me surprenait collée à lui. Il piquait, alors, une rage folle et criait après moi en me lançant à la figure tout ce qui lui tombait sous la main.

Il faillit, plusieurs fois, m’atteindre. Il s’en fallut de peu.

La guerre était franchement déclarée entre nous maintenant. Il ne me supportait plus.

Je le voyais fourbir des armes diverses auprès de lui. Il choisissait des objets qu’il pouvait saisir rapidement avec ses gros doigts boudinés, ou bien de petits projectiles qu’il cachait au creux de ses paumes et me lançait dès que j’avais le dos tourné.

J’étais malheureuse de cette situation et ne voyais pas comment changer nos rapports.

J’avais conscience de vivre un drame cornélien, je l’aimais, j’aimais sa peau et lui voulait la mienne. Quelle solution pouvais-je envisager ?

C’est lui qui m’apporta la solution sans le faire exprès.

Ce matin, il fit un malaise en ramassant son journal. Rien de grave rassurez-vous, mais, il laissa la porte entrebâillée pendant qu’il s’écroulait sur le vieux canapé défoncé.

Je remarquai, alors, une petite sur le palier. Elle était plus jeune que moi et avait le regard désespéré des êtres sans foyer.

Je discutai un peu avec elle, elle me raconta son errance, sa quête.

Elle avait perdu sa famille et s’était retrouvée soudain seule au monde.

C’est là que l’idée me vint.

Je lui proposai d’entrer, cinq minutes, pour continuer notre petite discussion. Elle accepta avec empressement. Une fois à l’intérieur, elle embrassa du regard l’obèse et sa tanière. Je réussis à calmer ses inquiétudes.

Je lui expliquai les avantages à vivre dans cet environnement si peu engageant, auprès de cet homme tellement hors du commun.

Je lui racontai comment j’avais réussi à séduire cette montagne de chairs, à gagner sa confiance et son affection.

Je la convainquis que son odeur si particulière était une chose qu’il fallait avoir au moins une fois sentie et goûtée dans sa vie.

J’ajoutai que, si elle savait se débrouiller, elle pourrait obtenir les mêmes avantages que moi. Avantages que j’étais prête à partager avec elle.

Cette jeunesse était l’innocence incarnée. Elle me supplia de lui expliquer comment procéder. J’acceptai, généreuse. Éperdue de reconnaissance, elle écouta mon mode d’emploi de la séduction appliqué aux obèses.

Toute confiante, elle s’approcha de l’homme qui commençait à reprendre vie et toucha doucement sa cuisse. Comme elle paraissait fluette à côté de cette masse.

Soudain une ombre passa. Une énorme main s’abattit sur la petite avec une violence inouïe. Il y eut un claquement atroce et un cri de victoire.


– Je t’ai eue salope !


La main se releva et le corps de la petite tomba à terre. Elle était morte.

Je contemplais le cadavre sans émotion particulière. C’était elle ou moi.

Au moins, il allait être calmé pendant un petit moment, il avait eu ce qu’il voulait.

Du haut de l’étagère où j’étais perchée, je regardais ce meurtrier, l’homme que j’aimais en me lissant les ailes. Il allait sûrement se rendormir, je pourrais voler encore une fois vers cette sueur odorante.

Ce n’est pas facile d’être une fine mouche dans ce monde cruel.


 
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   Pascal31   
19/11/2013
 a aimé ce texte 
Pas ↑
Le problème, avec ce récit, c'est que j'ai compris dès les premières lignes (lorsqu'elle se cogne aux portes, en fait) qu'il s'agissait d'un insecte, et la suite m'a confirmé rapidement que le narrateur était une mouche.
Du coup, avec la chute éventée, j'ai poursuivi ma lecture sans réel plaisir. Un texte écrit de manière assez neutre (attention, quelques fautes par-ci, par là) et - à mon sens - trop maladroitement pour berner le lecteur.
Au final, je ne suis pas vraiment emballé.

   LeopoldPartisan   
22/11/2013
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Pas folle la guèpe. De fait pas trop fine bouche mais sacrément futée. Voilà une petite nouvelle plaisante. Pas de prise de tête, mais bien observé. Au printemps suivant elle sera énorme et aura sans doute aissainé.

   Anonyme   
22/11/2013
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Pas mal ! J'ai cru tout le long du texte à une chatte, et je trouvais que c'était un peu facile comme astuce, mais une mouche c'est plus drôle...

J'ai trouvé l'ensemble bien vu, astucieux, un bon mouvement pour ce texte. La description de l'obèse, de sa demeure et de sa vie m'a paru efficace, dégoûtante comme il se doit.

   Anonyme   
25/11/2013
 a aimé ce texte 
Bien ↓
Bonjour
Un bémol pour cette suite continue de phrases courtes qui ne laissent pas grande part au style, c'est seulement raconté et si c'est bien fait c'est un peu pauvre au niveau des images.
J'aime bien la fin, je m'attendais à autre chose - je ne veux rien dévoiler - et ça m'a agréablement surpris et fait sourire.
Bonne continuation

   Robot   
25/11/2013
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
J'au apprécié l'humour (noir) de cet éloge au sordide.
Cette légèreté de présentation malgré le sujet. Des phrases courtes sans circonvolutions inutiles.
Des traits pleins d'esprits:
"Il me trouva assise sur son palier avec son journal."
"La crasse s’était transformée en champignonnière."
"j’aimais sa peau et lui voulait la mienne"
Et cette chute horrible, préméditée.
Un texte cynique... mais réjouissant.

   senglar   
11/12/2013
 a aimé ce texte 
Bien
Bonjour HectorLudo,


Je me suis dit assez vite que l'auteur ne m'aurait pas et que l'intruse n'était pas une personne mais un animal, mais en fin de compte J'AI ETE EU au tournant car j'avais opté pour une chatte... Beuh non ! Une mouche !

Nous avons tous notre mouche dans la vie qui vient nous mettre hors de nous quand nous mangeons... quand nous regardons la télé... quand nous lisons... quand nous... quand nous... ! C'est bien simple j'ai toujours une tapette à portée de main.

Bon celui-là je ne comprends pas comment il n'est pas envahi par une myriade de mouches étant donné l'état de son appartement et les amoncellements de nourriture périmée, les restes moisissant et l'eau stagnante de l'évier aux équilibres d'emballages et de vaisselle !

Mais le récit était plaisant je vous passe cette faiblesse :)

Senglar-Brabant

   Anonyme   
14/12/2013
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Ecriture efficace et rapide à l'image de la mouche futée !
Dommage que son identité se devine à mi chemin, j'ai pensé à une chienne au tout début, mais à partir du gout de la sueur odorante, j'ai compris. Et à partir de là, la lecture perd de son sel, je trouve ...Mais cela se lit bien. La vie de la mouche (et des ses goûts) est assez bien décrite ainsi que l'énervement que rencontre les humains face à elle.
Bonne continuation

   Anonyme   
15/12/2013
 a aimé ce texte 
Bien
Bonsoir, Hectorludo,
J'ai pensé à un tas de créatures (femme,chatte, chienne, mouche, extraterrestre et même souris), et quand la petite consoeur s'est pointée, j'ai su ce qu'il allait lui advenir, mais en fait, à trop chercher à savoir quelle était la nature de ce personnage-narrateur, tout du long, je n'ai pas vraiment décortiqué ce texte. Et puis à la fin, comme j'ai sué sang et eau, pff !! pour me retrouver devant une chute éventée bien avant l'heure, je me suis dit: à quoi bon relire tout ça. Déjà que le gros m'avait plus qu'écoeuré au passage.
Je sais, cher hectorludo, il est dur de trouver des sujets qui font tilt ( mouche, j'ai pas osé), qui scotchent leur monde sur tous les murs. Je vis ça à chaque nouvelle. Alors pour le souvenir de ce texte que j'ai eu plaisir à lire tout de même, je mettrais un bien.

PS: Brabant a raison, comme bien souvent d'ailleurs, la puanteur de cet appart avec cet obèse trônant au beau milieu de sa décharge aurait dû mettre la puce (oui, oui, j'avais pensé à celle-là aussi) à l'oreille de bien d'autres mouches.

   Piterne   
16/12/2013
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Lire uniquement pour deviner qui parle est plus un jeu qu'une réelle lecture.
Comme beaucoup, j'ai longtemps pensé à une chatte "assise sur son palier", jusqu'à "lécher(...) cette sueur au parfum" qui laisse penser que les chats sont attirés par les mauvaises odeurs ! Puis "Elle avait perdu sa famille et s’était retrouvée soudain seule au monde." et là, je me suis dit qu'une famille de chats, on les noie, pourquoi en avoir épargné une ???
Alors je me suis laissé bercer et t'ai laissé révéler la vérité.
Et j'ai souri de la découverte.
Et rire dans cette rubrique, c'est déjà bien suffisant.

Petit doute : à "les bizarreries de la nature sont sans limite", j'aurais écrit "limites" au pluriel ; car s'il y en avait eu, on dirait plutôt les limites de la bizarrerie qu'une seule limite.

   fergas   
24/3/2014
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Bonjour Hectorludo,

J’ai tout de suite pensé à une blatte, le bon vieux cafard de nos familles. D’ailleurs, certaines espèces volent, et ça expliquait qu’elle se cogne aux portes. J’aurai du songer à une mouche avec le coup de la sueur, mais j’étais trop pressé de voir la chute de l’histoire. Elle ne m’a pas déçu.
Je pense connaître quelques situations dans la vie réelle qui sont tout à fait similaires au niveau environnement délabré (pizza+coca+vaisselle sale= dépotoir). La justesse de la description m’apparaît clairement.

Attention cependant à l’abus de virgules, ça finit par couper le souffle :
… jamais(,) seulement(,) songé …
… la télévision(,) devant laquelle il passait ses journées(,) était récente.

Un mot oublié aussi :
…s’était installé (et n’avait) jamais fait le moindre ménage depuis.

   Bidis   
24/3/2014
 a aimé ce texte 
Bien ↓
Le début me semble un peu confus. Je trouve que l’agencement des paragraphes n’est pas bien mis en place. On parle de l’intérieur de l’appartement avant d’y avoir pénétré. J’aurais préféré voir cette description suivre sa présentation, c'est-à-dire « le désastre ambiant », lequel dans le texte vient loin derrière.
Aussi, on parle du personnage en cache-sexe avant de l’avoir fait se déshabiller, de sorte qu’on le verrait presque arriver en string sur le palier…
« l’erreur reconnue » : pas très clair. Ici, je relis et je me demande s’il ne s’agit pas d’un chat. Auquel cas, j’ai envie d’abandonner ma lecture. J’ai horreur de l’anthropomorphisme qui attribue aux animaux des sentiments humains.
La chute me surprend mais ma déception reste entière.
Il y avait du bon dans cette nouvelle, le personnage de l’obèse est bien mis en place et l’écriture n’ennuie jamais. Mais le procédé mis en place a été trop exploité.

   carbona   
4/9/2015
 a aimé ce texte 
Bien
Bonjour,

J'ai bien aimé ce récit, d'abord cru à une réelle personne sans abri puis ai pensé à un chien quand l'obèse lui jette de la nourriture, alors je me disais "zut, j'ai trouvé, ça ne me plaît plu" et puis non une mouche ! Chouette, vous avez réussi à me surprendre et j'aime ça !

On visualise bien le personnage de l'obèse, l'ambiance dans son appartement, les insectes qui lui tournent autour, c'est bien décrit.

Merci pour la lecture.


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