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hersen : Libre arbitre
 Publié le 06/01/20  -  16 commentaires  -  8025 caractères  -  189 lectures    Autres textes du même auteur


Libre arbitre


La cérémonie prenait fin et la solennité du moment se relâchait sensiblement. Les enfants devenus pré-adultes avaient été évalués et tous s'apprêtaient maintenant à entrer dans leur période d'adaptation à la société.

Les instructeurs se laissaient aller à quelques sourires, la sévérité de l'apprentissage gestion de vie mise de côté ; chaque enfant avait dû, pendant cette période, séparer le sérieux des études et l'insouciance du jeu. Ces deux aspects, au fil du temps, changeaient en proportion ; quand il n'y eut plus d'espace jeu, incluant amis et découvertes personnelles, alors l'heure de cette cérémonie était venue, après laquelle il n'y aurait plus de remise en cause possible.


D'un claquement de mains, la liberté de choisir sa boîte était venue.


Il était permis, à ce moment, que tous les jeunes impliqués s'égaillent joyeusement, s'étreignent pour marquer ce temps fort de leur vie et partent dans le plus grand désordre à la recherche de « leur » boîte.


Elles étaient alignées en plusieurs rangées, les couleurs variant de l'une à l'autre. Il était en effet important que les postulants puissent se projeter dans ce qui correspondrait le plus à leur goût. Chacune était équipée de tout ce qui était nécessaire à une vie organisée, le sofa représentant un des éléments les plus luxueux pour ces enfants sortant de leur scolarité rééducative. Ils n'avaient connu jusque-là que les lits des dortoirs.


Bien que ces jeunes fussent intégrés à part entière dans la société à partir de ce moment, la « période des boîtes » constituait l'ultime vérification de leur aptitude à vivre au sein de cette société établie. Chaque maillon aurait sa place tant qu'il ne tenterait rien portant préjudice à une organisation qui avait fait ses preuves.


Les rééduqués en fait n'en étaient pas. Ils devaient simplement, n'étant pas nés comme les autres, faire preuve de non-déviance. Les autorités restaient de ce point de vue très ouvertes et refusaient de discriminer a priori. On voulait simplement s'assurer que ces enfants, nés d'une union biologique et que l'on appelait « enfants spontanés » dans le jargon des laboratoires, ne seraient pas empêchés dans leur vie par des gènes inappropriés et qu'ils n'entraveraient pas la bonne marche d'un ensemble bien programmé. Car la norme, la procréation assistée complétée par le choix de gènes inoffensifs pour la vie de groupe, scrupuleusement sélectionnés au fil du temps, était maintenant établie depuis longtemps. Les individus, bien qu'ayant des organes reproducteurs peu opérants par des générations de non-usage, pouvaient avoir des réminiscences d'instinct de conservation et, à leur insu, développer des appétits sexuels déplacés, car inutiles. Si par mégarde des enfants naissaient, ils n'étaient pas rejetés, mais soumis à des tests de comportement. Un vivier, en fait, du plus haut intérêt scientifique, dans la mesure où ces naissances étaient peu nombreuses et permettaient de mieux comprendre l'humain d'avant et d'établir clairement une liste de facteurs d'éviction.


Afin que rien ne vienne interférer dans leur éducation, ils étaient séparés de leur mère dès la naissance ; le plus souvent, celle-ci était affectée dans un endroit éloigné.


Ces jeunes se dirigeaient donc vers les boîtes, chacun devant choisir la sienne. L'objectif de cet événement de fin de cursus consistait à ne pas contrarier des éventuels penchants inadéquats qu'il était à ce moment facile de percevoir par les instructeurs. Et, ainsi, de ne pas s'encombrer d'éléments potentiellement perturbateurs dans une société qui tournait rond.


Joss ne se précipita pas comme les autres. Il resta un instant à observer les nouveaux habitats. Ce qui n'étonna personne ; il était déjà fiché non conforme. On le laissa donc aller à son rythme. Il se mit à arpenter doucement les allées, entendant les cris enthousiastes de ses compagnons rééduqués découvrant des boîtes toutes plus sublimes que les autres, dotées d'un très grand confort et de matériel de liaison interpersonnel très sophistiqué. Il entendit même que l'on souhaitait la bienvenue aux nouveaux entrants par leur nom et qu'on les conviait d'emblée à se mettre à l'aise. Les lumières tentatrices attiraient Joss et il souffrait de ne pouvoir s'enthousiasmer comme ses camarades. Malgré tout, à force de déambuler, il perdit de son attirance envers ces boîtes fabuleuses. Il demeurait insensible à cet engouement organisé de toutes pièces et se sentait exclu. Et, par ce sentiment même d'exclusion, se sentait coupable. Il continua à marcher, s'éloignant des lumières. Il arriva alors à une boîte qu'il prit dans un premier temps pour un bloc inerte sans aspérité, sans entrée non plus. Il s'approcha. Le bloc était gris, peu engageant et baignait dans une demi-obscurité en contraste avec les allées magiques des boîtes. Il distingua alors non pas une porte, mais une ouverture. Planté sur le seuil, il observa. Un espace vide, une pauvre table bancale et une chaise, ainsi qu'un matelas par terre. Entré par le mur nord, il vit que les murs est et ouest étaient du même gris terne. Un aspect rugueux s'en dégageait, peu engageant. Mais au sud, pas de mur. Une lueur bleutée, des étoiles au loin, un souffle frais. En comparaison avec l'aspect de la pièce, cela sembla à Joss un paradis inconnu, un habitat cosmique douillet. Il savait qu'en mettant un seul pied dans la boîte, alors ce serait la sienne. C'était ainsi. Désorienté, il recula donc prudemment, ne voulant pas forcer le destin à le faire disparaître dans l'infini. Il revint côté lumière, plus calme maintenant que quasiment chaque jeune avait déjà choisi son lieu. Quelques boîtes restaient vides. Il en choisit une vert et bleu et se posta sur le seuil, observant toutes ces belles choses créées pour une vie facile et sans question. Un écran s'alluma soudain et Joss reconnut son instructeur. Celui-ci l'invita à entrer, insistant sur son appartenance à la société qu'il devrait maintenant servir du mieux qu'il le pourrait dans un contexte de bienveillance et de respect. Joss s'approcha un peu plus. Il aimait cet aîné qui avait toujours montré envers les enfants une sorte d'amour collectif. Un éducateur qui avait toujours été attentif à ce que personne ne reste en dehors du groupe et de ce point de vue, c'est Joss qui lui avait donné le plus de mal. Ainsi que Foya, dans une moindre mesure. Peu attentif, les yeux toujours au loin, Joss avait l'air de constamment chercher autre chose, autre part.


Tandis que son instructeur une fois de plus l'appelait doucement, Joss fit trois pas en arrière. Il fronça les sourcils et marcha vers la boîte grise. Il entra. Il sentit alors un léger déplacement d'air et comprit en se retournant que la porte avait disparu. En un instant, il s'était coupé des siens. Il s'assit sur le sol, contemplant devant lui ce qui un instant auparavant lui avait semblé vide. Des arbres et des maisons se détachèrent de l'obscurité, des routes et, surtout, des personnes. Et une mer inlassable portant des bateaux et des dunes. Joss resta longtemps ainsi, à observer. Puis il se leva, s'approcha du bord. Il avait très peur de tomber en mettant un pied hors du plancher de la boîte. Et c'est là qu'il vit Foya se dirigeant vers les dunes parmi lesquelles une oasis brillait.


Au bout d'un temps qui lui parut long, il avança un pied, puis l'autre. Il disparut de son monde dans l'instant.


Instructeur n°1 : Joss et Foya éjectés.


Sa voix était morne, bien que le message fût clair : l'exercice était réussi, peu de pertes à déplorer.


Président : Bien. Nous savions qu'ils n'étaient pas conformes et ils ont décidé eux-mêmes, instructeur n°1. Vous avez fait votre travail, rappelez-vous toujours que ce ne sont pas des meurtres.


Fournissant un effort colossal, ce dernier tenta, une fois de plus, de ne pas se laisser envahir par le souvenir d'une nuit avec la mère de Joss.


Il apposa son sceau confidentiel sur les dossiers de ces deux enfants. Affaires irrémédiablement classées.


 
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   plumette   
6/1/2020
 a aimé ce texte 
Bien ↓
J'aurai plutôt classé cette nouvelle en science fiction, mais ce n'est sans doute pas trop tard?

Nous sommes dans une époque où la reproduction dite biologique, sans aucune assistance est devenue l'exception. Manifestement, on ne se reproduit pratiquement plus en faisant l'amour.

les enfants issus de cette manière ancienne de faire sont observés et instruits pour voir s'ils ne vont pas être des perturbateurs dans le nouveau monde.

Excellente idée de départ! Après je pense que l'auteur pourrait soigner un peu plus l'écriture car le premier paragraphe a failli me décourager. Certes, on ne sait pas de quoi on parle et c'est voulu ! mais j'ai tout de même trouvée un peu confuse la présentation de cette population particulière.

Je me suis aussi posée la question de la construction de la nouvelle. Peut-être serait-il plus efficace de nous présenter d'emblée cette nouvelle société. C'est juste une question que je me pose, je ne suis pas sûre de la réponse.

j'ai bien aimé la boîte grise et les promesses qu'elle semble receler. On devine assez vite que Joss va choisir cette boîte-là.

la fin est attendue ( la disparition de Joss) mais il y a un petit plus bien pensé.

Du potentiel dans cette nouvelle. Je suis plus sévère avec l'écriture

Plumette

Ps: pour qu'on comprenne ma première phrase, je précise que j'avais commenté ce texte en EL et que je l'ai édité pour corriger une répétition.

   poldutor   
14/12/2019
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Bonjour
Voila une nouvelle glaçante, qui décrit ce que pourrait être l'humanité dans
les siècles à venir : les "progrès" de la biologie génétique aidant.
Cela ressemble au "Lebensborn" si cher aux nazis, mais à rebours...
ici on rééduque ceux qui ont été conçus différemment des autres.

"Afin que rien ne vienne interférer dans leur éducation, ils étaient séparés de leur mère dès la naissance ; le plus souvent, celle-ci était affectée dans un endroit éloigné."

Dans cette humanité déshumanisée, la procréation sexuelle est définitivement bannie, on à recours à la PMA, on n'a plus des femmes et des hommes, on à des abeilles, des fourmis, tous identiques, sans défaut ni danger pour "l'organisation qui à fait ses preuves".

Seuls deux "pas conforme" Foya et Joss ont choisi le "suicide" de la liberté.

Très belle nouvelle bien écrite, qui mène tout doucement vers un dénouement heureux.

Je n'ai pas trop aimé la révélation sur la conception de Joss.

Bravo pour ce texte.
Cordialement.
poldutor en E.L

   Corto   
19/12/2019
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Cette nouvelle qui rappelle quelques thèmes connus de science fiction est claire et bien rédigée.
Le titre parfaitement trompeur ne nous prépare guère à affronter cette société qui fabrique des robots 'pensants' (?) qui au départ ressemblaient peut-être à des humains.

Le héros est le plus sympathique "Joss avait l'air de constamment chercher autre chose, autre part." Resterait-il une graine de "libre-arbitre" dans ce monde terrifiant ?
On aurait presque envie de sauver Joss de tous ces pièges qu'on lui tend.

Le dénouement en deux temps fait froid dans le dos:
"Instructeur n°1 : Joss et Foya éjectés" avec rebondissement quand l'instructeur "Fournissant un effort colossal, ce dernier tenta, une fois de plus, de ne pas se laisser envahir par le souvenir d'une nuit avec la mère de Joss".
Et comme si le cynisme n'était pas parfait une phrase définitive le complète: "rappelez-vous toujours que ce ne sont pas des meurtres".

On se laisse prendre à l'intrigue grâce à la construction habile du récit.

   cherbiacuespe   
20/12/2019
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Un monde (parfait) qui pose bien des questions. Si tout doit être conforme, pas d'assassins, oui, mais pas de Copernic non plus. Alors? D'après Orwell, elle sert aussi à s'approprier le pouvoir.

Petit texte mais excellent dans ce qu'il exprime sur le thème de la liberté et un questionnement très actuel sur la normalité. L'ensemble tient bien en place, c'est bien écrit. Merci pour cette réflexion toute en finesse.

Cherbi Acuespè
en EL

   Anonyme   
6/1/2020
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Bonjour hersen,

A la lecture de cette nouvelle, plutot d'anticipation je trouve, un mot me revient constamment en tête : 'eugénisme'. Sauf qu'ici il n'est pas déterminé de façon parfaite dès le départ, les déviances, les accidents ont toujours lieu, indépendants de la volonté d'obtenir des individus 'parfaits'. La sélection s'opère alors selon le libre arbitre (donc la part d'humanité réelle, ce petit truc en plus qui différencie l'humain de l'animal) de ceux ci, permettant de gommer les individualités...

Brrr !
Une nouvelle très pneumatique (clin d'oeil) !

Dugenou.

   maria   
6/1/2020
 a aimé ce texte 
Bien
Bonjour Hersen,

Si je devais qualifier ta nouvelle d'un mot, je dirais qu'elle est incomplète.
Tu ne dis rien sur cette société. Qu'exigeait elle de ses individus ?
Comment se manifestaient les différences de ceux "n'étant pas nés comme les autres" ?
Qu'est ce qui a poussé Joss à faire ce choix ?
Qu'il eut été "éjecté" avec Joya est-ce un signe d'espoir ? Un recommencement dans un ailleurs où la vie naitrait à nouveau de nuits d'amour ?

Il ressort de cette histoire un profond attachement à l'humanisme et à ses imperfections, qui contraste avec l'eugénisme dont a parlé Dugenou.
L'amour avant tout et par dessus tout semble être ta signature que tu arrives à apposer avec brio dans tes écrits dans différentes catégories. Bravo et merci.

   GillesP   
7/1/2020
 a aimé ce texte 
Bien
Bonjour Hersen,
J'ai immédiatement pensé au film Bienvenue à Gataca lorsque je suis entré dans ta nouvelle, aussi facilement, d'ailleurs, que les jeunes gens pénètrent dans les boîtes, en raison d'une écriture, comme d'habitude, efficace, sans lourdeur, procédant par petites touches successives de façon à ce qu'on comprenne progressivement les caractéristiques du monde dystopique que tu évoques.
J'ai néanmoins été un peu frustré par certains éléments laissés dans l'ombre, notamment concernant le personnage de Foya, à peine esquissé. Je n'ai pas bien compris son rôle dans la nouvelle, si ce n'est le fait qu'elle semble représenter, dans ses possibles liens avec Joss, quelque chose qui a disparu de ce monde:l'amour.
Au plaisir de te relire.
GillesP.

   ours   
7/1/2020
 a aimé ce texte 
Passionnément
Salut Hersen

Je ne vais trop pas m'attarder sur la narration que je trouve très claire, concise, efficace ainsi que l'intrigue et le suspens qui sont bien maintenus jusque là fin qui crise sur le gâteau m'a surpris. En si peu de caractères je trouve déjà cela remarquable.

Quand on parle de libre arbitre, la question sous-tendue étant 'aurait-il pu en être autrement ?' évidemment cette question se pose de façon universelle mais le style de l'anticipation permet par un jeu d'esprit de se poser la question sous un angle différent dans un contexte bien précis. Et l'auteure ne nous sert pas de réponses toutes faites mais une histoire sur laquelle pourra germer nos réflexions : autre point fort de cette nouvelle selon moi. Je me suis attaché aux personnages et la découverte de la paternité de Joss par un anonyme 'instructeur n1' m'a même ému.

Dans le décor, on découvre d'autres questions plus polémiques avec en fond une société de contrôle qui résume la sexualité à de la deviance, qui réduit les individus à des génotypes et qui éliminent les individus qui ne répondent pas aux critères... Rien de vraiment neuf pour qui aime les romans d'anticipation mais comme toujours chez toi il y a un virage poétique dans la sortie de Joss qui fait la différence.

En conclusion une bonne lecture et de bons questionnements sur notre propre société. J'adhore.

Allez hop mon premier passionnément en nouvelles.

   OiseauLyre   
7/1/2020
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↓
Je salue l’idée originale, très bien trouvée (reproduction naturelle devient une déviance) et le concept des « boites » dont l’une piégée renvoie vers ce qu’il me semble être le monde réel, dévasté, post-apocalyptique.
J’ai bien aimé l’immersion dans cet univers de science-fiction. Je trouve qu’un texte de science-fiction doit s’écrire comme la partie émergée d’un iceberg qu’est son monde avec ses renvois et références. On a envie d’en savoir plus, d’explorer avec vous ce monde.
Je reproche quelques lourdeurs d’écriture, notamment le deuxième paragraphe qui empêche de rentrer avec fluidité dans le texte. Je reproche un peu aussi un manque de clarté sur le paragraphe des « dunes » j’ai dû le reprendre pour bien visualiser la scène et le paysage. Un dernier élément que je trouve dommage (et c’est complètement subjectif) est d’avoir senti le besoin d’expliciter la déchéance morale de ces nouveaux hommes. Il aurait fallu à mon sens, simplement préciser que ces deux jeunes couraient vers leur perte et guidés par leurs « mentor » de manière délibérée. La chute est très bien.

   Anonyme   
9/1/2020
 a aimé ce texte 
Passionnément
Une histoire rondement menée, avec une écriture toujours agréable qui dit ce qu'elle à dire avec clarté, et mène son lecteur pile là où elle l'a décidé.

J'adore l'éjection de Joss et Foya ! Comme j'aime beaucoup penser qu'il y aura toujours, quoi qu'il advienne, des personnes qui ne rentreront jamais dans aucune case, qui seront toujours titillées par ces ailleurs loin du formaté et du convenu.

Ici, la réflexion avec une pointe d'ironie aigre-douce s'aide de la SF pour nous faire toucher du doigt ce qui est déjà en train de se manigancer dans nos sociétés qui s'uniformisent de plus en plus. Bien vu !

Le dernier tableau, celui qui nous révèle le père de Joss lorsqu'il tique un peu, apporte une touche d'humanité qui rajoute de la dimension à la bêtise des hommes. Comme pour mieux la mettre en exergue en montrant jusqu'à quel point elle est prête à aller dans ses délires de course à l'échalote.

Pour ma part, j'aime voir dans ce dernier sursaut l'espoir que tout n'est pas perdu. Comme j'ai aimé inventer ma propre suite ; à savoir que Joss et Foya se retrouvent sains et saufs hors des sentiers battus, et qu'avec tous les rejetés du système, seront toujours présents pour contrer l'aberration.

Merci hersen pour ce dernier partage.
Quelle imagination ! À se demander où tu vas chercher toutes ces histoires. Je m'en doute un peu remarques ! Il suffit de se pencher à babord et à tribord. C'est ça, hein ? :))

A bientôt de lire encore...


Cat

   Davide   
9/1/2020
 a aimé ce texte 
Bien
Bonjour hersen,

Le ton détaché et indifférent est aussi glacial que l'histoire qui se raconte. Il n'y a rien d'alléchant dans ce monde sous contrôle, déshumanisé, où la vie elle-même devient un objet d'étude (un objet tout court…)

L'idée de la boîte est intéressante, car la boîte enferme : "La liberté de choisir sa boîte…". Y a-t-il vraiment une liberté lorsqu'on choisit le cercueil dans lequel on vivra (mourra ?) toute sa vie ?

J'ai trouvé la nouvelle efficace, sobre et claire dans son intention.

   Vincente   
9/1/2020
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Comme la narration est bien menée ! Portée par un style direct, presque celui factuel d'un journalisme d'investigation, méticuleux, scrupuleux ; les mots ne sont pas ici pour "faire joli" ou provoquer quelque sensiblerie. On assiste à une démonstration d'autant plus intéressante qu'elle est singulière et clairement exprimée.

Ce premier degré de perception ne peut suffire à emporter le lecteur. Présentant un cas de figure, une sorte de modélisation fruit d'une extrapolation sociétale, le projet d'écriture annonce d'abord la démarche anticipatrice de l'auteur. L'exercice a vocation à faire réfléchir à l'orientation eugénique de notre civilisation tendant à l'hégémonie scientifique. Le transfert, pour trouver du crédit et en même temps se défaire d'une rigueur toute pragmatique, va requérir des images réalistes (par exemple, le fait de donner l'impression en début de récit que les jeunes gens sont ceux que l'on connaît, venant de terminer leur cursus et s'apprêtant à faire le "choix de leur vie" : quelle métaphore !!!), va signifier l'ambivalence de ce qu'il y a sous certaines notions (par exemple "la liberté de choisir sa boîte", en fait la liberté de choisir son mode d'enfermement, ici au premier degré, mais dans nos vies, il en est de même au sens figuré…), ou par quelque justification… totalitaire comme le final à l'échappatoire cynique peut le révéler.

Si bien que si la fiction se nourrit dans une réalité, la nôtre, elle en étire et en torture beaucoup les parallèles. Pour accepter la démonstration, donc pour lui trouver une valeur de vérité, le lecteur est chargé de reconstruire des corrélations pertinentes. L'auteur lui laisse "le boulot" de finaliser son récit en le réinsérant dans l'imaginable. Comme en poésie où la métaphore tient lieu "d'explicitation", dans cette nouvelle le pan métaphorique l'irriguant va devoir se suffire à lui-même pour prouver l'ampleur de sa pertinence. Je vous avouerais qu'il me reste un doute, non sur celle-ci, mais sur les moyens donnés à chacun dans ce récit d'en tirer la quintessence.

C'est une nouvelle, avec un parti pris de concision et d'impact, où le sujet est fort, original, bien mené. Alors peut-être est-ce bien ainsi, sans ce petit grand plus qui s'impatiente dans l'à-côté.

   STEPHANIE90   
9/1/2020
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Bonjour hersen,

une nouvelle pour moi fantastique, mais il est vrai qu'elle ouvre à la réflexion sur "un monde trop conformiste". Faire rentrer dans le moule à tous prix, tous les esprits libres pour éviter l'opposition et le désordre, une triste future réalité peut-être ? On peut se poser la question...
Il est aussi question d'humanité avec cet instructeur n°1 qui laisse aller ses émotions aux souvenirs d'une nuit d'amour. Peut-être est-il le père biologique de cet enfant conçu dans une scène d'amour.

Mais ce n'est peut-être pour Joss qu'une mort sociétale ??? Libéré du système "tout propre trop clean". Lol

Merci pour ce bon moment de lecture,
Stéphanie90

   hersen   
9/1/2020

   Louis   
9/1/2020
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Cette nouvelle nous place dans une société fictive qui pratique les manipulations génétiques et l’eugénisme. Toutes les fécondations se font in vitro, et l’on sélectionne les « gènes inoffensifs pour la vie de groupe ».
On présuppose donc qu’il y aurait des gènes qui déterminent un comportement conformiste, qui induisent une soumission à l’ordre établi empêchant toute « déviance », tout écart par rapport à la norme imposée, alors que d’autres gènes détermineraient des comportements indociles, voire même de rébellion ou de subversion, des conduites menaçantes pour la pérennité du groupe social, dont l’organisation, considérée comme parfaite, devrait rester immuable.

On croit donc, dans cette société, au déterminisme génétique, qui ne laisse pas de place à la liberté. Un individu ne s’est ni construit ni choisi, son « programme » génétique constitue une prédestination et nul ne peut échapper au chemin tracé par ses gènes. On croit ainsi au tout inné.

Mais les enfants, protagonistes de ce récit, sont des « enfants spontanés », « nés d’une union biologique ». Dans ce monde imaginaire où ils prennent place, la sexualité a été abolie, sexualité réduite à la « reproduction ». Non seulement on croit, en ce monde, au déterminisme génétique, mais on confond, de plus, sexualité et reproduction. Une telle société capable de manipulations génétiques, est aussi en mesure de concevoir et d’imposer de puissants moyens contraceptifs, et ainsi de permettre la sexualité tout en évitant la reproduction. Or elle ne le fait pas. (N’oublions pas que cette confusion mène aux idées intolérantes selon lesquelles toutes les activités de plaisir sexuel non orientées vers la reproduction seraient « contre-nature », « perverses », « déviantes » ).

Pourtant, des reproductions naturelles se produisent encore dans ce monde fictif, faute à la « réminiscence d’instincts de conservation ». Cette société n’aurait donc pas encore atteint une totale maîtrise de la nature biologique humaine. Les enfants nés de cette façon, les « enfants spontanés » ne sont pas aussitôt éliminés, on se prétend dans ce monde, comme dans le nôtre, ouvert et tolérant : « les autorités restaient de ce point de vue très ouvertes et refusaient de discriminer a priori »

Ces enfants sont néanmoins soupçonnés d’être des facteurs de troubles sociaux, des individus qui, devenus adultes, pourraient être « dangereux ». Ils sont donc « éduqués ». Non pas instruits, pas même « élevés », mais « éduqués », au sens de l’acquisition de conduites adaptatives aux exigences la vie sociale de leur temps. Ils ont affaire, non à des professeurs, mais à des « instructeurs » qui dispensent un « apprentissage gestion de vie ». Croit-on alors que des gènes « non inoffensifs » pourraient être empêchés de s’exprimer par une éducation autoritaire, et que le déterminisme génétique serait limité par une part d’acquis ?
Pas vraiment. « Les rééduqués en fait n’en étaient pas ».Tout n’est que leurre ici dans un discours en contradiction avec les pratiques, comme dans notre monde.

Lors d’une cérémonie, substitut des traditionnels rites de passage de l’enfance à la vie adulte, on organise en réalité un test qui ressemble fort à ces expériences menées en laboratoires où des souris, ou bien des cobayes, doivent trouver un morceau de fromage dissimulé dans une cage à l’issue d’un parcours labyrinthique. Il s’agit, par ce test, d’opérer un tri entre les jeunes qui sont adaptables, et ceux qui ne le sont pas, les graines de futurs « déviants », déterminés en cela par leur génome hors norme.

On prétend laisser à chacun la « liberté » de choisir une « boîte » qui orientera leur vie, de faire preuve de libre arbitre par ce choix. Le leurre est à son comble, puisque l’on présente comme relevant d’un libre arbitre ce qui est considéré en réalité comme la conséquence d’un déterminisme génétique, qui est à l’opposé du libre arbitre.
Le leurre se poursuit en ce qu’il s’agit d’opter, par un prétendu libre choix, pour une « boîte », l’image même d’un enfermement, l’équivalent d’une cage.
Ces « boîtes » sont des cages dorées, toutes illuminées par des « lumières tentatrices », séduisantes.
Elles promettent tout le confort possible, et un « matériel de liaison interpersonnel très sophistiqué ». On ne contraint pas en apparence les jeunes nouveaux adultes à entrer dans ces « boîtes », la contrainte étant trop ressentie comme le strict opposé de la liberté, mais on les y attire, on pratique l’art trompeur de la séduction, on les y invite même par des propos avenants : « on souhaitait la bienvenue aux nouveaux entrants par leur nom et les conviait d’emblée à se mettre à l’aise »

La « boîte » fait immanquablement écho avec ce que l’on désigne aujourd’hui par ce nom : une entreprise, une usine, des ateliers, des bureaux, etc. Et bien sûr, cette nouvelle, à travers la fiction d’une société dystopique, fait une critique pertinente du monde actuel.

Le choix du personnage « Joss » ne va dans un sens qui convient aux autorités du monde dans lequel il a le malheur d’être né. Il échoue le test. Il entre dans la « boîte » où il ne faut pas entrer.
Une boîte qui n’en est pas une. Ses particularités sont très significatives. Elle est de teinte grise, mal éclairée, elle ne brille pas des lumières clinquantes des autres boîtes, n’a pas leur apparence colorée tentatrice, ni leur confort douillet. Mais surtout, elle n’est pas fermée, enclose, mais ouverte : « Il (Joss) distingua alors non pas une porte, mais une ouverture ». L’espace intérieur est ouvert au sud, sans mur, vers « une lueur bleutée, des étoiles au loin, un souffle frais ». Il semble ouvert sur des horizons célestes, ouvert sur un ailleurs infini, sur un paysage sans fin de mer et de dunes, vers des personnes réelles avec lesquelles toutes les aventures sont possibles, vers une liberté.
Ses goûts le détournent d’un confort au prix d’un asservissement, d’une solitude derrière des « moyens interpersonnels de communication très sophistiqués » dans lesquels on reconnaît facilement nos smartphones, réseaux sociaux internet, et tout le toutim. Il ne jouera pas docilement la partition que l’on a composée pour l’harmonie sociale. Il est une fausse note qu’il faut supprimer. Il menace d’introduire un ailleurs illimité dans un monde qui veut se perpétuer dans le confinement. Il doit être « éjecté », hors du monde, hors de la vie.

La duperie du discours se poursuit : la mise à mort du « déviant » ne doit pas être qualifiée de « meurtre » : « Rappelez-vous toujours que ce ne sont pas des meurtres » !

On apprend à la fin du texte, allusivement, que l’instructeur de Joss est son père « spontané ». Il laisse ainsi mourir son propre enfant. Son idéologie est plus forte que ses sentiments paternels, très affaiblis dans une société où il n’y a plus vraiment de parents et d’enfants.

C’est notre monde qui est soumis à une critique dans cette nouvelle, juste et fine sur certains points.
On peut regretter cependant qu’elle ne remette pas en question l’idéologie du tout inné, le fantasme actuel du tout génétique, qui implique un déterminisme génétique strict, comme s’il y avait là une vérité, alors que la biologie actuelle nie ce déterminisme et fait une large place aux interactions entre l’organisme et son environnement.
De même, le vieux préjugé qui confond reproduction et sexualité risque de passer pour une vérité chez le lecteur, s’il ne reçoit pas de critique dans un texte à visée justement critique.

Ces questions mériteraient de longs développements, je sais…

Merci hersen pour ce texte intéressant, et la fine dénonciation, par une imagination fertile, de certaines tendances et tromperies de notre époque.

   papipoete   
25/1/2020
 a aimé ce texte 
Beaucoup
bonjour hersen
découvrant l'un après l'autre les sujets qui se dévoilent, on songe au " Lebensborn " durant la dernière guerre, on l'on fabriquait de bons allemands ( pas des bons à rien ) ; un peu plus loin, aux maisons de correction où l'on " redressait " qui s'était tordu.
Puis on entre dans la science-fiction avec ces boites, où il est préférable d'entrer et celles qu'il ne fallait surtout pas choisir...
NB il se dégage de ce texte plein d'images, très concrètes ou complétement imaginaires ; et même très émouvantes comme dans l'ultime phrase, quand l'instructeur voit " tomber " son élève...songeant à la nuit passée avec sa mère.
Un texte qui fait tantôt sourire, tantôt frémir...le mettrons-nous en application dans un triste avenir ?


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