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Humour/Détente
in-flight : Boudoirs, Roudors™ et pélicans
 Publié le 31/12/23  -  5 commentaires  -  6995 caractères  -  49 lectures    Autres textes du même auteur

Deux variétés de biscuits, un volatile et quelque peu de sacré.


Boudoirs, Roudors™ et pélicans


On frappa à la porte. Un inconnu que je connaissais bien pénétra dans le salon. J’allais le chasser, mais il affirmait avoir vécu une expérience de mort imminente que – par souci d’économie de papier et de flux de données numériques – nous renommerons EMI (il faut savoir écouter la voix de son maître).

Donc, je fonçai chercher du café et des biscuits, puis je revins en trombe afin qu’il me narre son aventure. Je m’affalai dans le canapé comme une grosse patate et tel un spectateur ayant payé son billet, je lui intimai l’ordre de me divertir. Il m’observa froidement :


— Tu as déjà très mal réagi avec le type de l’hélicoptère, l’autre jour.


Je recrachai mon biscuit et faillis m’étouffer d’étonnement. Comment avait-il pu lire la nouvelle précédente ? Vous oui, mais lui ! Se pouvait-il que ce salopard de merde en sache long sur moi ?


— J’en sais long comme le bras, oui ! poursuivit-il, d’un air fielleux. Tout ce que nous pensons est su, jugé et emballé dans la logistique du grand Maître. Et j’ai eu l’honneur de le rencontrer…

— Dans ce cas, je retire « salopard de merde ».

— Inutile, c’est déjà dans les cartons.

— Putain de chiotte !

— Ça aussi.

— Mais bordel de cul, se peut-il que tu sois un ange ?

— Non Johnny, je suis un messager et tu piaffes d’impatience de savoir ce que j’ai à te raconter.

— Certes, dis-je en me redressant.


Je pris un air obséquieux et lui proposai une tasse de café accompagné de quelques boudoirs froidement exposés dans une écuelle en plastique. Il inclina la tête et celle-ci effectua un mouvement de rotation signifiant la négative. Il prit alors un air possédé et gueula dans toute la pièce :


— Je déteste les boudoirs !


Après qu’il eut exprimé son aversion, je lui expliquai posément qu’il ne fallait pas prendre ce genre d’offrande trop à cœur, que le respect devait être de mise lorsqu’un hôte propose ce type de pâtisserie à son invité, quand bien même elle pouvait renvoyer à une antipathie liée à la culture, ou à une plaie gastronomique toujours vive. Sans cette déférence pour la donation de simples boudoirs, c’était tout simplement la panne décence. Mais lui ne souhaitait pas philosopher sur le boudoir et, avec un ton plus mesuré, il me demanda si j’étais en possession de Roudors™ de la société Saint-Michel.


— Techniquement tout est possible, affirmai-je. Il suffit de s'arranger avec l'auteur pour qu'il ajoute une ligne.


La vulgaire assiette en plastique se mua en joli plateau doré et les petits biscuits désirés furent ajoutés à ceux boycottés par le visiteur. Ce dernier s’assit dans un fauteuil, piocha dans le plateau et commença à expliquer son aventure la bouche pleine :


« Je me trouvais sur mon bateau de pêche lorsqu’un pélican vint m’attaquer. Je fis alors preuve d’un courage exemplaire en me défendant contre les coups acharnés de cet oiseau dont le bec défie les lois de la physique. Mais le satané volatile parvint à me saisir la manche et m’emmena très haut dans le ciel… Pour mieux me relâcher ensuite.

Chute… Sentiment que ça va faire mal… Boum !… Mort ? Pas tout à fait.

La suite, on la connaît : le tunnel avec sa lumière blanche, la sensation de flottement, le bien-être et l’errance céleste. Et enfin ! La rencontre avec le Grand Ordonnateur…

Lorsque je l’aperçus au bout du tunnel, Il siégeait fièrement sur son trône avec un regard de faïence. Je ne me l’étais pas imaginé aussi massif, ni aussi farouche : Il possédait les dimensions d’une armoire à glace, mais sans l’air commode. Avec une divine autorité, Il fit un vague signe de la main dans ma direction et m’invita à exposer les raisons de ma présence chez Lui.


— Ben, il est con c’t’oiseau ! affirmai-je.


Il souffla de dépit.


— Je veux dire, repris-je avec plus de tact, c’est pas de chance quoi. Je suis tombé sur le pélican le plus hargneux de la planète.


Mon bourreau d’oiseau étant une œuvre de sa Création, je pris donc soin de ne pas faire d’amalgame, précisant que je ne mettais pas tous les pélicans dans le même sac. De plus, ayant fait de l’ornithologie à l’école primaire, je n’étais pas insensible au charme de nos amis aériens, voire angéliques. Il m’observait sans rien dire, je pris ça pour un acquiescement. Sans transition, il m’expliqua que durant notre existence terrestre, toutes nos pensées et nos actes sont invariablement jugés ; il s’ensuit que lorsque la mort physique advient, nous sommes convoqués pour revivre chacun de nos gestes et paroles, ainsi que l’effet qu’ils ont eu sur les autres. De la sorte, si j’avais envoyé un coup de poing dans le buffet d’un camarade à l‘école, j’allais ressentir, dans cet espace hors du temps, la douleur que j’avais provoquée.

Mazette ! songeai-je. Les plus grands criminels allaient en baver, ça me rassurait un peu. Il me relâcha là-dessus, un peu comme un commerçant laisse partir un pauvre type qui tentait de voler une pomme. Je ne comprenais pas bien son objectif, mais lorsque je fis demi-tour, il m’éclaira avec sa lampe et me dit deux choses :

→ Fais gaffe à la première marche de l’escalier en partant.

→ Va porter la bonne nouvelle au premier Johnny que tu trouveras.

Je pris alors l’annuaire et, vu que tu étais un « Johnny » proche de chez moi, je suis venu ici… »


— Je comprends mieux désormais pourquoi je ne te connais pas ! affirmai-je. Mais je ne comprends toujours pas ce que tu as contre les boudoirs. Bref… Hé ben mon vieux, tu m’as bien diverti.

— Oui, mais ce n’était pas le but ! As-tu seulement compris le message ?

— Oui, le rassurai-je. À l’avenir, que des Roudors™ !


Il en vint à me dire que j’avais mal saisi son témoignage, que la quintessence de son message n’avait pas été entendue et que je faisais fausse route. En fait, il craignait que Dieu se fâche car le récit qu’il venait de me rapporter ne semblait pas être passé dans les circonvolutions de mon cerveau. Je le rassurai en lui expliquant que j’avais parfaitement retenu la leçon, quand tout à coup, j’aperçus au loin par la fenêtre une escadrille de pélicans se dirigeant vers ma maison. Étonnant en cette saison, me dis-je. Surtout loin des côtes. Qui plus est, en plein centre-ville… Mon visiteur semblait terrorisé par l’armada qui fonçait sur nous, il me prit par le col et commença à me secouer.


— Ils vont me bouffer ! beugla-t-il, les yeux habités par la peur.


Ça commençait à bien faire ! Je lui expliquai qu’après avoir accueilli un inconnu qui m’avait gueulé dessus, après avoir répondu à ses goûts en matière de biscuits, après l’avoir écouté comme une assistante sociale bénévole, j’avais pour ma part assez œuvré pour la charité. Mon existence future s’annonçait sous les meilleurs auspices et Dieu pouvait être fier de moi.

Je le poussai virilement en arrière et claquai la porte. Puis, j’observai par la fenêtre : les pélicans s’approchaient avec un air rageur et déterminé.

Je tirai les rideaux, me vautrai dans le canapé et repris un boudoir. Une forme de paix intérieure vint se loger en moi.


 
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   jeanphi   
31/12/2023
trouve l'écriture
aboutie
et
aime bien
Bonjour,

Angle très moderne et très libre.
Je vous lis d'abord non sans réticence de trouver des détails crus ou pathétiques sur les expériences de mort. Mais ce n'est pas le cas, ce récit est vraiment parfaitement balancé entre spontanéité et fond du message.
Il y a un côté très Pennac, tout est éclaté, on dirait que le hasard de la vie des personnages a sa place dans votre récit, et un peu le lecteur aussi.
Et puis le côté dérisoire de la requête envers le visité revêt votre histoire d'une enveloppe de crédibilité.

   Corto   
31/12/2023
trouve l'écriture
aboutie
et
aime bien
Je suis d'ordinaire prudent vis-à-vis des textes "Humour" mais ici votre titre m'a harponné.
Le mélange de réalisme et situations incongrues m'ont plu (boudoir versus Roudors...), le "grand Maître" et son "messager", le/les pélicans, l'EMI et le Grand Ordonnateur. Et enfin le "message", celui qui ne passe décidément pas facilement de l'un à l'autre.
Et finalement on s'en moque un peu puisqu'on a passé un bon moment avec cette histoire farfelue bien contée dont le bagage mystico-moralisateur reste plutôt mystérieux.
Bravo.

   dowvid   
2/1/2024
trouve l'écriture
convenable
et
aime bien
J'aime bien.
On ne se prend pas la tête, on rigole et on joue avec les mots.
Et l'auteur s'intègre dans le plumitif, j'aime ça.
Merci

   Cox   
4/1/2024
J’éviterai de noter pour deux raisons :

J’ai un ressenti assez similaire á celui que j’ai exprimé sur votre dernier texte, ce qui ne nous avance pas beaucoup. Prendre de nouveaux exemples pour faire les memes remarques me parait inutile, on passera donc. Même si je note que j’ai trouvé moins de lourdeurs ici. L’intention qu’avait l’auteur de forcer un rire á chaque ligne se fait un peu moins sentir dans ce texte, ce qui le rend plus facile à parcourir pour moi.

D’autre part, cette fois, je n’ai pas trop compris le texte. Et j’évite de noter ce que je ne comprends pas (raison pour laquelle je commente de moins en moins de poèmes :p). Plusieurs questions restent en suspens pour moi, qui me laissent l’impression de n’avoir rien bité à l’histoire :
- Pourquoi est-ce que c’est un « inconnu qu’il connaissait bien ». La tournure m’a fait sourire sur le coup, mais sans y trouver d’explication dans le texte, elle me frustre à présent. Il le connait ce type, ou pas ?
- Pourquoi est-ce que l’inconnu paradoxal sort une référence au dernier texte du multivers de l’auteur ? Je m’attendais à ce qu’il y ait une raison cosmique á son omniscience, mais je n’ai pas trouvé d’explication. On sait ce genre de choses automatiquement quand on entre au paradis ? Il dit lui-meme avoir trouve ce Johnny dans l'annuaire, au pif, ce qui laisse a supposer qu'il n'a pas fait beacoupde recherches sur sa biographie
- J’aime beaucoup les grossièretés qui me font rire pour rien d’ordinaire, mais je ne les ai pas comprises dans le contexte de votre dialogue. Elles paraissent tres forcees juste pour salir les "cartons" divins.
- Pas compris du tout le délire sur les biscuits, qui parait pourtant central. Y’a-t-il un symbolisme ? Si c'est juste pour mettre un place un détail anodin qui sera la seule chose que Johnny retiendra, pourquoi tant insister dessus? Ça ferait d'autant plus mouche si c'était juste une remarque sans importance jetée a la volée et qu'on a presque oubliée au moment où Johnny fait encore une fixette dessus. J'ai l'impression de rater un truc, encore.
- Quelle est la « bonne nouvelle » que le miraculé doit porter au premier Johnny venu ? Que le karma existe ? Ca me parait etre une sale nouvelle pour beaucoup d'entre nous (et votre perso en tete de liste). Je n’ai pas bien compris ce passage, ni les raisons pour lesquelles Dieu se sent des besoins de communication d’un coup. Les voies de ce type seraient impénétrables que ça ne m’étonnerait qu’á moitié.

Enfin bref, il y a un paquet de trucs qui ne me paraissent pas clairs (ou alors je suis un peu idiot. Ou alors les deux, ce qui me parait le plus probable). Je sens bien que la plupart de ces doutes peuvent se justifier par le ton absurde du texte. Mais moi, quand je ne comprends rien á un texte, j’ai du mal :p

   Cairote   
14/3/2024
trouve l'écriture
aboutie
et
aime un peu
J'ai bien aimé cette écriture énergique et souple, avec des clins d'oeil assez imaginatif pour passer, bien qu'ils soient forcément un peu beaucoup fabriqués ("EMI (écouter la voix de son maître)", "philosophie sur le boudoir", "une armoire à glace, mais sans l’air commode").
Côté culture générale, j'ai aussi appris qu'un boudoir pouvait être un biscuit et que Roudors était une marque de biscuits.
Le tout m'a tout de même paru un peu trop artificiel pour me faire donner une meilleure note, bien que je partage son opinion sur la nature intrinsèquement loufoque des EMIs.


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