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Humour/Détente
jensairien : L'homme à tête de valise
 Publié le 29/04/09  -  21 commentaires  -  4125 caractères  -  92 lectures    Autres textes du même auteur

Inspiré d'une photo de mode où l'on voit le visage d'un mannequin disparaître derrière une valise tenue à l'épaule.


L'homme à tête de valise


Il avait passé sans entrave le portique mais il déchanta en avisant le fonctionnaire dévoué au contrôle des passagers. Celui-ci, un blondinet de taille moyenne en costard cravate bleu flic, se tenait debout à l’entrée du quai, les deux mains sur les hanches, une jambe fléchie, le visage crispé dans une moitié de rire nerveux comme une mauvaise viande, les yeux méchants. On l’imaginait attendant un rival pour lui casser la gueule ; ou alors, plaqué par sa femme et, tout au fond de sa cervelle, en train de lui régler son compte. Ce type, se dit-il, ce n’est pas mon ami.


Une petite table en bois à la peinture écaillée, placée devant l’agent, faisait office de guichet. Un peu inquiet mais déterminé, il desserra le col de sa chemise et secoua sa grosse tête de valise, imprimant sur sa face de cuir tanné un air tout à fait ordinaire. Le douanier l’avait vu venir. Il lui fit signe d’approcher. Une flexion sur l’autre jambe et les mains toujours sur les hanches, il l’envisagea crânement.


- Vos papiers !


À l’intonation de sa voix, il était évident que son passeport serait plus important que sa personne. Ici, un homme sans papiers, on le roulait en boule et on le jetait à la poubelle.

Il s’efforça de ne laisser paraître aucun trouble mais, quand il lui tendit sa carte, il évita son regard. L’autre empoigna le document comme pour le déchirer et passa respectivement de sa photo à sa face, le dardant sans retenue. Puis il aboya :


- C’est quoi cette lanière ? Elle n’est pas sur la photo !


- C’est un accident, fit l’homme, le buste droit, presque au garde-à-vous. J’ai dû faire remplacer une fermeture qui avait lâché. Attendez, j’ai là une facture qui l’atteste.


Et il commença à sortir de sa veste défraîchie une liasse de papiers, sa grosse tête de valise dandinant sur son cou d’un air préoccupé.


- Inutile ! martela le fonctionnaire.


Puis, pointant son index :


- Faites-moi voir ça.


Maîtrisant son trouble, le voyageur répondit bêtement :


- Vous voulez la voir ?


L’autre oscillait entre le cramoisi et une pâleur morbide, comme s’il contenait une rage folle.


- Posez-la sur la table !


Alors il s’exécuta et, instinctivement, rentra le buste, sa tête maintenant posée de biais sur la tablette en bois. Le douanier frémit, l’œil pétri de hargne et sans la soulever, la roula en tout sens.


Manifestement insatisfait de son investigation il lâcha :


- Qu’est-ce qu’il y a à l’intérieur ?


L’homme resta figé, affolé par la question. Qu’est-ce qu’il pouvait bien y avoir dans sa tête ?


- Eh bien… rien, rien de spécial.


Il regretta aussitôt ses mots.

Le douanier ouvrit un tiroir et, après avoir fouillé parmi divers objets, en sortit un petit marteau.


« On va voir ça ! » fit-il, et empoignant fermement la tête au niveau de l’oreille en l’écrasant contre la table, il lui donna un coup sec juste au dessus de la tempe. On entendit un craquement d’os mais le passager, crispé, ne broncha pas.


Le douanier donna un second coup puis, toujours sans détacher la tête de la table, la faisant tourner, il décolla un éclat d’os et regarda à l’intérieur. Un filet de sang s’écoula dans la tignasse et un peu de substance gélatineuse glissa sur la table. D’un doigt il écarta un petit morceau d’os qui pendait à un lambeau de peau et s’essuya aussitôt la main sur un chiffon.


- Ça va, dit-il, vous pouvez passer.


Sans autre formalité, l’ignorant aussi subitement qu’il l’avait malmené, il fixa son regard au-delà du portique, d’où viendrait le prochain candidat.


L’homme rempocha ses papiers, récupéra sa tête avec précaution, rassemblant les éclats d’os et de chair jaillis sur la table et s’en alla d’un pas furtif. Au bout du quai le navire, une passerelle jetée sur le port, s’apprêtait au départ. Il se sentit presque rassuré, respirant à nouveau l’air saturé de gasoil.


Sur le ponton pratiquement désert, il croisa une femme élégamment vêtue tenant un enfant par la main, dans un petit costume de marin. Elle fit un écart en le croisant et pressa le pas, tirant son gamin derrière elle.


- Tu as vu maman, fit le rejeton, un étranger !


 
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   Anonyme   
29/4/2009
 a aimé ce texte 
Un peu
hm
Bon
alors ici il y a deux choses à distinguer n'est-ce pas?
Le style, l'histoire, la narration bref, ce qui pour moi est un peu... oui bon n'ayons pas peur des mots basique un rien trop énumératif.
Oui trop... asseptisé.

Sinon y a le message derrière, ma foi intéressant.
Bien trouvé.
Bien imaginé.

pour moi mal mis en forme.
Sauf la dernière phrase...

Pardon

   Flupke   
29/4/2009
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↓
Original comme d’hab (mais existe-t-il des nouvelles jensairiennes banales ?)
Chute intéressante. Belle parabole, suscitant la réflexion.
J’ai bien aimé en particulier :
en costard cravate bleu flic
tout au fond de sa cervelle, en train de lui régler son compte
À l’intonation de sa voix, il était évident que son passeport serait plus important que sa personne. (Résume bien le dilemme de l'homme à la tête de valise, souhaitant aussi être considéré comme un être humain).

   Anonyme   
29/4/2009
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Bonjour jensairien,
J'aime beaucoup cette image :
"Ici, un homme sans papiers, on le roulait en boule et on le jetait à la poubelle."
A cause du résumé, je suis vraiment partie sur l'idée que cet homme avait une tête de valise. Donc carrée... ? Ou rectangulaire.
"...sa tête maintenant posée de biais sur la tablette en bois. Le douanier frémit, l’œil pétri de hargne et sans la soulever, la roula en tout sens." C'est le "roula en tout sens" qui me gêne, parce qu'un truc anguleux roule difficilement. Et si même il roule, le corps suit... (désolée jensairien mais ce matin je suis d'humeur extrêmement basique, peut-être qu'à la prochaine lecture, l'image passera mieux)
"Au bout du quai le navire, une passerelle jetée sur le port, s’apprêtait au départ" après au bout du quai, perso, j'aurais mis une virgule. (mais c'est juste mon avis)
J'aime beaucoup la dernière phrase. Et le fond de l'histoire.
Merci.

   Anonyme   
29/4/2009
 a aimé ce texte 
Un peu ↑
J'aime bien l'idée de fond.
J'aime assez le personnage du douanier il est bien campé.
Ce qui me gêne un peu. C'est que tout se situe de l'extérieur je sais pas si j'arrive à me faire comprendre...On voit bien les persos on les imagine mais ils ne touchent pas vraiment. peut être est ce l'intention de l'auteur de décrire de manière un peu "clinique " mais moi j'aime bien ressentir les persos.

Sinon pour l'écriture elle est fluide, précise, avec quelques images qui relèvent par exemple:
e visage crispé dans une moitié de rire nerveux comme une mauvaise viande, les yeux méchants
L’autre oscillait entre le cramoisi et une pâleur morbide, comme s’il contenait une rage folle.

(en fait j viens de m'apercevoir pourquoi j'imaginais bien le douanier toutes tes images le concernant sont très parlantes)

Sinon bah pour la fin sans plus vraiment. Mais une seconde j'ai imaginé un monde où les gens auraient des têtes de " " Et là quelques part ca ouvre des possibilités.

Xrys

   solidane   
29/4/2009
 a aimé ce texte 
Bien
Une très bonne idée de départ. Un texte qui me laisse perplexe. Une ambiance bien rendue, environnement, personnages, surtout la personnalité expressive du douanier et le côté "ça pourrait être tout le monde" de l'homme à tête de valise.
A côté de cela, il me reste pourtant un vide. Pourquoi ?
Un texte... ???

   nico84   
29/4/2009
 a aimé ce texte 
Un peu ↓
L'idée est bonne mais la nouvelle un poil courte et la forme ne me plaît pas beaucoup. Certes on imagine la situation qui prête à reflexion. Mais c'est un peu plat. Il n'y a pas de présentation des personnes, tout est assez sobre, neutre.

Je n'adhére pas beaucoup à cette façon de l'avoir écrit même s'il me semble que ce n'est pas de la maladresse mais plutot une volonté de faire passer un message et d'instaurer une atmosphére.

Idée originale donc mais je n'ai pas été embarqué.

   Anonyme   
29/4/2009
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Une idée originale et un texte qui se lit bien.

Je n'avais pas saisi la chute possible avant de la lire, et elle m'a agréablement surpris.

Je trouve l'idée de partir d'une image très intérrssante, même s'il manque un petit quelque chose à la nouvelle: un peu plus d'intégration au texte. C'est un peu trop distancié parfois, comme si tout était extérieur.

Mais c'est un bon texte, finalement pas si dôle que ça (dans le sens où classé en humour tu évites la simple poilade, pour approfondir ta réflexion et la notre), et l'absurde me plait.

   Anonyme   
29/4/2009
 a aimé ce texte 
Bien ↓
Moi j'aime bien le côté "Beckettisant" de la chose...
Du coup, la fin, avec "T'as vu maman un étranger", cela me reconfronte trop brutalement à la réalité. La "critique sociale", salutaire en soi, ne passe pas terrible du coup, enfin c'est ma lecture.
Avec une autre fin, j'aurais vraiment beaucoup aimé cette nouvelle, dommage... (pour moi).

   Selenim   
29/4/2009
 a aimé ce texte 
Un peu ↓
J'ai trouvé fort dommage d'abandonner la trame fantastico-absurde. Le récit s'effondre comme un château de cartes.

Cela commençait plutôt bien mais pourquoi faire de chair et de sang cette valise ?
Je m'attendais à une révélation bien plus absurde, plus étonnante.
Des valise gigognes, des liasses de billets de banque, un manuscrit d'un roman inachevé... que sais-je encore.

Quant à la dénonciation de xénophobie structurée autour du gardien stéréotypé et la réflexion anodine du rejeton, elle est hors de propos et tombe à plat.

Quel dommage.

Quelle déception.

Selenim

   Menvussa   
29/4/2009
 a aimé ce texte 
Un peu ↓
Il y a de l'idée et puis c'est déjanté, j'aime ça. Mais ça manque de cohérence dans l'absurde. Tête de valise ou pas tête de valise. Qu'est-ce que c'est que cet os qu'on casse, pour un défaut de lanière alors que le douanier aurait pu ouvrir cette tête comme on ouvre une valise. Bref je ne m'y suis pas vraiment retrouvé. La chute avec la réflexion du gosse, oui mais trop classique.

   victhis0   
29/4/2009
 a aimé ce texte 
Un peu ↑
le coté surréaliste du départ devient ambigu dès que l'on tripatuille de la chair : c'est dommage de mon point de vue; tu aurais pu pousser la logique jusqu'au bout.
Il manque pas mal de trucs, quand même, pour emporter l'affaire : un peu de sentiments plus nets de l'homme valise, une trame plus épaisse.
L'idée de base reste marrante

   myrtille   
29/4/2009
Pourquoi pas, absurde comme il faut.
Après lecture des autres commentaires, c'est vrai que continuer sur la valise aurait pu être sympa.

   widjet   
29/4/2009
 a aimé ce texte 
Un peu ↓
Désolé, mais moi, quand c’est trop absurde, trop abstrait, je ne visualise pas toujours bien (c’est important pour moi de me projeter une image), donc je passe à côté.
De plus, l’écriture manque de précision et m’empêche de bien « voir » la scène. Au vu du titre, je m’attendais à rire un peu, sourire du moins.

L’univers lui reste le même, singulier. En tout cas, reconnaissable (ce qui est plutôt une qualité)

Je reste malgré tout un fidèle lecteur de JSR.

Widjet

   liryc   
30/4/2009
 a aimé ce texte 
Un peu ↑
Nouvelle qui m'a parue à la fois très amusante par son côté absurde à la Vian mais comme déjà dis déconcertante dans certains passages. Je suis revenu plusieurs fois sur des paragraphes précédents pour être sûr d'avoir compris quand tu parlais de la tête car le texte était terre-à-terre jusque-là et soudain tout bascule dans le délire et le floue.
Les autres parties sont plus peaufinés. Je reste donc partagé et cureiux de découvrir la prochaine de tes nouvelles.
Liryc

   aldenor   
30/4/2009
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Un texte bien construit. Beaucoup de petits détails « bien vus » dans les descriptions. Le passage de la lanière remplacée est excellent.
Je ne suis pas convaincu par la chute, qui ne découle pas naturellement du texte.

   Anonyme   
30/4/2009
Un texte qui hésite entre absurde et dénonciation sociale. Pour être franc, le lecteur est un peu déboussolé. Et cela parce que tu n'as pas tranché. Belle idée en tout cas.

   Anonyme   
30/4/2009
 a aimé ce texte 
Un peu
L'écriture est correcte. Le ton est celui d'une narration orale. Genre l'anecdote que l'on se raconte en bonne compagnie.
Il me semble inadapté au sujet.
Du coup le surréalisme tombe à plat.
Je suggère à l'auteur de garder la trame de son histoire, mais d'adopter un style plus déjanté, pour employer un terme à la mode.

   Anonyme   
2/5/2009
 a aimé ce texte 
Bien
J'ai lu ce texte, avec plaisir. L'idée de l'homme à tête de valise est originale, et bien exploitée. Fallait y penser.
Et puis, j'ai regardé la catégorie de la nouvelle pensant trouver "Science-fiction" ou "Fantastique". Quand j'ai vu "Humour-détente", je me suis dit que l'humour n'était pas assez visible. Humour noir, d'accord. Mais il faudrait un style, des expressions plus imagées, plus drôles.

En même temps, je vois dans cette nouvelle une critique de certaines méthodes policières : vérification d'identité pour les délits de sale gueule...

   FIACRE   
2/5/2009
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Voilà une affaire rondement mené et bien décollée du courant de contrôle.
La dernière fois que je suis venu j'y ai laissé deux doigts.
C'est dire si les temps sont au réchauffement.

   FIACRE   
2/5/2009
Après la" tête " le e ! Rondement menée bien sûr où l'avais-je...

   Togna   
2/5/2009
 a aimé ce texte 
Un peu
J’ai bien aimé cette scène surréaliste, prétexte à l’évocation du dilemme de l’immigration, mais j’aurais aimé en lire un peu plus. Comme quoi, Jensairien, les lecteurs oniriens sont rarement satisfaits. Bravo pour l’originalité et la concision.


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