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Sentimental/Romanesque
-Katrina- : Mademoiselle Émilie
 Publié le 08/11/11  -  13 commentaires  -  34704 caractères  -  184 lectures    Autres textes du même auteur

Une femme, un SDF, une maladie et un saucisson par semaine...


Mademoiselle Émilie


29 juillet 2010


Ongles bleu électrique, sandales compensées et sac à main de chez Gucci, elle s’avance vers moi en souriant. Tout d’abord, je ne lui prête aucune attention. Les pouffes qui viennent défiler avec leur choucroute blonde et leur poitrine surdimensionnée, on en voit tous les jours au magasin. Mais elle se plante devant moi, et ses deux lèvres charnues s’écartent pour former un « bonjour ». Il n’y a pas que sa poitrine qui est mutante. Je suis fascinée par ces deux énormes plis de chair qui jacassent pour savoir où se trouve le rayon cosmétique.

Mécaniquement, je lui réponds :


- Vous prenez le rayon en face, puis vous tournez à gauche et c’est tout droit.


Elle me sourit, comme on sourirait aux clochards en leur donnant une pièce de 5 centimes. En croyant qu’ils sont une sorte de sous-espèce, qu’il serait impoli d’ignorer.

Elle repart en tortillant ses petites fesses rebondies, et je me demande combien elle a dû payer pour s’offrir un cul comme ça.

Puis je la vois s’arrêter, et revenir sur ses pas.


- Euh, on tourne à gauche, d’accord, mais à quelle gauche ?


Je lui souris pour ne pas éclater de rire. Je me mords si violemment les joues qu’un goût de sel et de rouille envahit ma bouche.


- Je ne sais pas, vous en avez deux, vous ?

- Vous vous fichez de moi parce que je suis blonde ?

- Non, je suis blonde aussi.


Elle m’observe un instant et acquiesce.


- Alors ?


Exaspérée, je soupire, prends un marqueur, et fais une croix sur son bras gauche.


- Voilà. Quand vous arrivez au bout du rayon, vous tournez à cette gauche-là.


Elle me dit merci, et je hoche la tête silencieusement. J’ai envie de lacérer son sac qui se balance insolemment contre sa hanche, de déchirer sa robe Prada, d’arracher son collier Chanel, de ruiner son maquillage, ses crèmes meurtrières, son mascara tue-baleines, et de planter une aiguille dans son sein, pour voir si la mamelle se dégonflerait, comme vient de le suggérer Stéphane.

C’est bien d’avoir Stéphane assis à côté de toi, toute la journée, quand il pleut, que les clients te font chier, que ton ascenseur est en panne et que tu dois te taper les 6 étages à pied. Ce type est un sacré antidépresseur. Cheveux bruns en brosse, yeux bleus, gentillet, c’est un type qui plairait à maman. Qui m’aurait sans doute plu à moi aussi.

Avant.

Avant que la Vie ne me rattrape, ne me saisisse par la nuque bien fermement avec ses ongles crochus s’enfonçant dans mon cou, et me force à la regarder droit dans les yeux, pour que je voie le sombre de la pupille, le noir et les petites veines rouges que je n’avais pas vues auparavant. Que je ne voulais pas voir auparavant. Je ne voyais que le bleu, limpide, délicieux, qui cachait le monstre rampant et misérable qui se terrait tout au fond de son regard. Elle m’a ramenée dans une cruelle réalité, m’a imposé des vérités qu’il était impossible de fuir.

Quand on est heureux on ne se rend pas compte que tout peut basculer, à n’importe quel moment, sans prévenir et en faisant des dégâts monstres.

Je regarde Stéphane, et je lui fais un pauvre sourire, pâle réplique du rayon de soleil qui illumine son visage. Puis quelqu’un arrive, et je fais mon boulot. Sourire, dire bonjour, bip-bip-bip incessants de cette putain de machine, dire le prix en souriant comme si je lui disais qu’en fait le père Noël existe vraiment, encaisser, re-sourire, dire au revoir.

C’est fou ce qu’il faut être hypocrite pour être caissière. Tout le temps sourire, faire semblant d’être polie, patiente, alors qu’en réalité tu passes toute la journée à te dire qu’ils ont vraiment l’air con, avec leurs yaourts allégés en sucre et leurs shampooings qui font repousser les cheveux.


14 août 2010


Je le dis à Stéphane. Au début il ne me croit pas, puis il prend sa tête entre ses mains et pleure doucement. Je le prends dans mes bras et je soupire. Pourquoi ce n’est pas moi qui pleure ? Pourquoi je me sens toujours obligée de consoler les autres alors qu’il s’agit de MA souffrance ? Pourquoi personne ne peut comprendre que je ne veux pas de tout ça, de ces pleurs, de cette compassion dégoulinante de mièvrerie ?

Je lui tapote le dos, piètre geste pour lui faire comprendre que je ne compte pas m’attarder. Il relève les yeux, je détourne la tête pour ne pas le regarder.

Je n’y peux rien, dès que je vois quelqu’un pleurer, je pleure aussi. Il commence à parler, je mets un doigt devant sa bouche.

« Je t’en prie, Stéphane. Ça ne sert à rien ». Puis je m’en vais.

Pourquoi ai-je l’impression d’être la pire des salopes, insensible et sans pitié aucune ?


19 août 2010


Dernier jour aujourd’hui. Je ne travaillerai plus après. Au téléphone, ma meilleure amie me demande comment je me sens. Comment je me sens ? Fatiguée, désespérée, salie par ce truc qui souille mon corps, moche et inutile. Mais la salope revient au grand galop.

« Je me sens bien. Oui, vraiment. »

Mentir pour protéger ceux qu’on aime, est-ce que c’est vraiment faire la salope ? Je n’en sais rien. Et j’en ai marre de me poser des questions stupides. Alors je vais sous la douche et mets le jet au plus froid sur mon corps, pour m’interdire de penser, pour oublier. Pour noyer mes peurs, mes doutes, pour étouffer la bête infâme en moi. Quand je sors, je regrette âprement d’avoir mis une grande glace juste en face de la douche. J’ai oublié de ne pas regarder.

Et là, je ne peux plus me mentir.

Mes yeux gris cernés, mon visage amaigri, mes cheveux blonds secs et cassants, mon cou fin comme une brindille sont là, bien réels.

Je touche ma peau. Dure et tendue, jaunâtre.

Non, je ne suis pas anorexique.

Le monstre m’empêche d’avoir faim, c’est tout.

Puis, dans la glace, je ne vois plus mon visage, mais les portes massives de la clinique Pasteur. Le chirurgien John Bonnet. Ses lèvres pincées, ses yeux noirs.

Pourquoi les yeux des chirurgiens sont-ils toujours noirs ?

Sans doute que bleu c’est trop coloré pour l’hôpital. Trop clair, trop gai, tellement gai que ce serait une cruelle infamie que d’avoir les yeux bleus pour annoncer à un malade qu’il va bientôt mourir. Je revois les couloirs blancs qui s’étendent à l’infini, qui me donnent la nausée.

Ce cher John qui s’avance, maladroitement.

Il n’est pas habitué, depuis le temps ?

Faut croire qu’on s’habitue jamais à ce genre de choses.


- Émilie Batis ?

- Oui.


Sa bouche s’ouvre et 3 mots en sortent. 3 petits mots ridicules, inutiles, tellement insignifiants. 3 petits mots qui changent la face du monde ? De mon monde ? Qui établissent odieusement une tout autre réalité ?

Au début je rigole. Je ne saisis pas bien.

Je ne veux pas saisir.

Le problème c’est que cet homme-là doit avoir l’habitude des gens réfractaires à la compréhension de ces choses. Alors il me force à comprendre.

Il me prend par les épaules, m’empêchant de regarder autre chose que ses petites billes noires impassibles, et il le répète, d’une voix posée, déterminée. Je me concentre intensément sur sa bouche mangée par une barbe de 3 jours. Je suis fascinée. La vie de ces petits poils gris, blancs, qui courent partout à leur guise, peut se révéler tout à fait captivante. Ce qu’ils font est d’une rare inutilité, pourtant ils continuent de pousser, sachant pertinemment qu’ils vont être rasés le soir même, pour le rendez-vous avec madame.

Je m’imagine à leur place, honteusement je les envie.

Et puis enfin j’entends.

Je détache mon regard de ma stupide contemplation et plonge mes yeux dans les siens.

Il attend que je réagisse.

Comment est-on censé réagir à ce genre de choses ?

On pleure, on crie, on s’évanouit, on insulte, on jure, on blasphème. On supplie.

Seulement moi je n’étais pas au courant de ces banalités d’usage.

Alors je ne réagis pas.

Je lui souris, je lui dis merci, et je m’en vais.

Merci de ne pas avoir fait semblant d’éprouver de la compassion, ou du remords. Merci de l’avoir dit sans trembler. Merci de m’avoir obligée à l’entendre.

Merci de ne pas avoir eu les yeux bleus pour m’annoncer ça.


20 août 2010


Quand je sors de l’hôpital, tout d’abord je ne pense à rien. Puis une bête phrase se forme dans mon esprit.

Elle est arrogante, cette salope, avec ses airs de conquérante et ses 3 mots minables.

Mais elle se répète en boucle, dans ma tête, tant que je n’entends plus que ça, cette putain de mélodie que j’ai envie de fredonner, de hurler à la face du monde, ce traître misérable.

Je suis leucémique, je suis leucémique, je suis leucémique.

La poissonnière me dit bonjour en souriant.

Hey Sonia tu sais quoi ? Je viens d’apprendre que je suis leucémique. T’entends ça ? Je suis leucémique putain !

« Bonjour Sonia, tu vas bien ? ». Je ne m’attarde pas à écouter sa réponse. Je déteste les gens qui disent « Salut, ça va ? ». En fait ils s’en foutent royalement, ils demandent ça pour être polis, et attendent juste que tu dises « oui » pour pouvoir se casser.

Je ferme les yeux. Je ne veux plus penser à ça.

Il ne faut plus que je pense à ça.

Mais ma glace m’empêche de voir autre chose. Je suis nue, mouillée, et je repense à ce gamin qui fait du skate-board.

Tu t’en fous sûrement, mais je suis leucémique. Toi tu roules sur une conne de planche avec ses malheureuses roulettes, et moi je suis leucémique. Et après il y en a qui disent que la nature est bien faite. Tous des salopards hein ?

Et ça continue comme ça. Le boulanger, le facteur. Mon voisin.

Tout semble normal. Les gens passent à côté de moi, vont faire leurs courses, téléphonent, sourient. Et ce connard de soleil qui se met à briller.

La vie continue, alors que mon monde vient de s’écrouler. Est-ce que je suis mise à part, maintenant, est-ce que j’aurai toujours l’impression d’être à l’extérieur de cette masse sombre et floue qui ne connaît que les petits tracas quotidiens ?

Moi je marche, avec cette voix qui hurle, qui déracine mes oreilles, qui me donne mal à la tête.

Putain je le sais que je suis leucémique on a compris !

Grand silence. Je me dis que je suis en train de devenir folle.


2 septembre 2010


Je n’ai pas besoin de me sécher, je le suis déjà. J’enfile n’importe quoi, maintenant ça n’a plus aucun intérêt. Je descends les marches de mon appartement, alors que l’ascenseur n’est pas en panne. 20 minutes de marche par jour qu’ils disent.

Je vais voir Momo. Fidèle au poste, assis sur son carton devant le magasin. Un jour que le patron a voulu le virer, je l’ai supplié de le laisser, lui exposant mes arguments sur l’isolement des SDF. Il devait pas être bien au courant, le boss, parce qu’il a gobé toutes mes conneries et qu’il est parti en soupirant. C’est qu’il a une bonne tête, Momo, avec ses bouclettes brunes et ses yeux tout bleus.

Alors maintenant tout le monde connaît Momo, ça fait un an qu’il est là. Ça fait un an qu’il me sert de pilier. Il est indestructible, Momo. Je le regarde, il me sourit, et j’ai l’impression d’être la huitième merveille du monde. Je cours vers lui, me réfugie dans ses bras chauds et protecteurs.


- Qu’est-ce qui t’arrive princesse ?


En entendant sa voix grave et rocailleuse me demander ce que j’ai, là seulement je me rends compte que je suis en train de pleurer.

Puis je me demande pourquoi je ne lui ai pas dit, à lui, à Momo, alors que c’est celui auquel j’aurais dû penser en premier, bien avant Stéphane. Peut-être que j’ai trop peur qu’il me déçoive, lui aussi, qu’il se mette à pleurer, à compatir, à se dire désolé.


- Momo, je suis leucémique.


Son visage a comme un bug, ses traits se figent, tout comme ses yeux céruléens. Cela ne dure qu’un instant, à peine une seconde, puis très vite il se reprend.


- Bah, tu t’en remettras. Tu veux du saucisson ?


Je souris. C’est mon Momo, comment avais-je pu croire un seul instant qu’il me décevrait ? Je hoche la tête. C’est notre saucisson du jeudi, le saucisson qui veut dire que c’est mon jour de congé, et que je peux passer toute la matinée avec lui. Je croque dans la généreuse tranche qu’il me tend, plus grosse que d’habitude. Chaque semaine, j’oublie à quel point c’est délicieux, et je m’extasie devant le goût merveilleux de la charcuterie.

D’autres boivent pour oublier, moi je mange du saucisson avec un SDF devant mon magasin.


24 septembre 2010


Je me réveille toutes les nuits en hurlant. Je rêve de la bouche de John Bonnet, des petits poils qui se baladent partout, qui me fascinent, de ses deux lèvres qui s’agitent sans cesse pour prononcer ces 3 mots. La phrase s’insinue dans ma tête, me dévore, ronge tout en moi, me laisse en feu, puis s’éloigne pour me regarder brûler. C’est là que je commence à hurler.

Je suis fatiguée, je ne mange rien. Je n’ai plus envie de rien.

Le traitement doit commencer dans 4 jours. Chimiothérapie. Ouais, le truc qui te consume pour te laisser vide, qui détruit tout en toi et qui te prend tes cheveux. Je demande à John si on peut pas simplement me laisser mourir en paix. Il rigole, parce qu’il croit que je plaisante. Puis il voit que non, et plante ses deux billes dans mes yeux. Je déteste ça.


- Je ne vous laisserai pas mourir, Émilie.

- Vous y pouvez quoi, vous, avec votre habit de magicien et votre scalpel ? Arrêtez de prendre ma maladie pour une affaire personnelle, pour soulager votre conscience, et foutez-moi la paix.


Il sourit, je ne comprends pas pourquoi. Mais ça fait longtemps que j’ai arrêté d’essayer de comprendre le comportement de mes semblables.


- Je n’essaye pas de vous soigner pour soulager ma conscience, madame, j’essaye de vous soigner car c’est mon métier.


Et toc, le vieux a cloué le bec à la salope. Je l’ai mérité. Alors je repars, et je fourre mon sourire dans ma poche. Je ne sais pas comment réagir quand je sais que j’ai tort.

Je ne sais pas s’il y a une manière adéquate de réagir, quand on vient de commettre une bourde, à part savoir se la fermer et s’en aller.


9 octobre 2010


Je parle à Momo des rêves que je fais la nuit. Il ne dit rien pour me rassurer mais il me rassure quand même, avec ses grosses mains qui tiennent fermement les miennes, ses yeux qui ne me quittent pas un seul instant, son souffle calme et régulier qui s’ajuste au mien. Il m’écoute, comme ça, pendant 20 minutes environ, puis le magasin ouvre et nous achetons notre saucisson. Après, on va avenue des Colombes, et on fait les cons en faisant peur aux pigeons. Puis on va à la rivière, je m’assois tout contre lui, et on regarde les cygnes qui passent lentement. On se moque de la terre entière, on se fait des promesses complètement stupides.


- Tu sais faire le moonwalk, Momo ?

- Bien sûr princesse, il sait tout faire le Momo.

- Tu m’apprendras, dis ?

- Ah, pour sûr que je t’apprendrai !

- J’aimerais bien aller en Australie, aussi.

- D’accord. On ira faire du moonwalk avec les kangourous.

- Tu promets ?


Là, je le sens bien qu’il hésite. Momo il ne ment jamais.


- Je promets.


Je souris. Pour la première fois de sa vie, Momo a menti.


25 octobre 2010


Stéphane tient à me voir, aujourd’hui. Bah oui, même quand on est leucémique, on est obligée de revenir dans la réalité de temps en temps. Mais pour lui, je crois que je peux bien faire ça. Je respire un grand coup et pousse la porte du café dans lequel il m’a donné rendez-vous. Je le vois, il me sourit. Je le trouve moins beau qu’avant.

Puis on parle. Ça m’agace, de parler. Je ne parle que le jeudi. Le reste du temps, je subis les bla-bla des autres. En entendant, mais sans écouter vraiment. Mais lui je l’écoute. Car il a mis son plus beau pantalon, et s’est aspergé de parfum, alors que d’habitude il n’en met jamais. Je me sens mal à l’aise.


- Tu te sens bien, comment ça se passe ?

- Je survis comme je peux, avec les moyens du bord.


Il sourit tristement.


- Tu…euh… tu ne devais pas commencer un traitement il y a un mois ?


Je renonce à lui épargner quoi que ce soit. Après tout c’est un grand gaillard dont le bras fait ma jambe, il pourra bien supporter ça.


- Si, mais ils ont fait des analyses plus poussées et je souffre d’une leucémie aiguë myéloïde.

- Ce qui veut dire ?

- 19 cas depuis 1980.

- …

- C’est une leucémie souvent incurable. Le chirurgien a dit qu’il allait m’appeler quand il aurait trouvé un traitement à peu près adéquat.

- …

- Dis quelque chose, merde.

- Et tu veux que je dise quoi ?


Là je ferme les yeux doucement.

Putain pourquoi t’es venue ? Mais pourquoi t’es venue bordel ?

Je dois me retenir de ne pas pleurer. Je me fais violence pour ne pas pleurer. Il s’approche de moi et me prend dans ses bras. Il est doux. Mais la seule chose qui me vient à l’esprit c’est qu’il a mis trop de parfum. Je ne veux pas qu’il me déteste, alors je pose ma tête sur son épaule, et je le serre moi aussi. Tout au fond de moi, je lui dis adieu. Je ne veux pas le revoir, je ne veux pas avoir envie de pleurer, je ne veux pas le faire souffrir.

Je veux juste vivre avant de mourir.


2 novembre 2010


Le téléphone sonne. John. Merde, fait chier. J’avais fini par croire qu’il m’avait oubliée. Il veut que je passe à l’hôpital demain. L’espoir le fait vivre, à celui-là.

Au fond à quoi ça sert l’espoir ? À ce qu’on se mente, qu’on se voile la face, qu’on fasse tout pour y croire alors qu’on sait pertinemment que c’est la fin ?

L’espoir est une gigantesque blague qui se fout de notre gueule voilà tout.

Je commence à être fatiguée de vivre. Et l’autre con du 5e qui se plaint parce qu’il a attrapé un rhume carabiné. Putain mais s’il savait, si seulement les gens pouvaient arrêter de regarder leur cul et voir qu’il y en a qui souffrent tellement plus qu’eux.

Et pendant que vous vous plaignez que l’eau de votre bain est trop chaude, il y a un gamin qui est en train de mourir de froid de l’autre côté de la planète.


9 novembre 2010


Je vais voir Momo aujourd’hui, même si ce n’est pas jeudi. J’ai besoin de lui, de ses yeux doux et de son sourire qui décongèlerait un iceberg. Il n’est pas à sa place habituelle. Alors je l’attends, je m’assois sur son carton et je regarde. Je regarde les gens, qui ont l’air heureux. Qui sourient comme je n’aurai plus jamais le droit de sourire, comme s’ils étaient invincibles et que rien ne pourrait jamais les briser. Je regarde le soleil, qui brille comme un fou, et je me dis qu’il brille si fort juste pour illuminer ma bassesse. Je regarde les oiseaux qui semblent chanter un hymne à la Mort.

Et puis je vois Momo qui arrive, et tout s’éteint. Il n’y a plus que lui.


- Bonjour princesse.


Il ne me demande pas pourquoi je suis là. C’est ça qui est bien avec Momo. Il comprend toujours. Et il sait se taire. Même s’il se tait je sais qu’il écoute, plus que n’importe qui, alors je parle, les mots sortent furieusement de ma bouche avec un plaisir indicible, une force monstrueuse, et je ne m’arrête plus. Lui il me regarde et je me sens plus vivante que jamais. Je lui raconte ma peur, ma terreur, je lui dis que la chimio commence dans deux jours. Je lui demande si ça fait mal, je lui demande si je vais toujours être la même après, je lui dis que je vais perdre mes cheveux. Je lui dis que je ne voulais pas de tout ça. Je lui dis que si je dois souffrir, je préfère mourir tout de suite. Je sors tous les mots qui me brûlent, qui me détruisent, je sors tout de moi. Puis il n’y a plus rien. Alors je me tais. Intérieurement, je le supplie de dire quelque chose, de me dire que je suis folle, qu’il ne peut rien faire, lui, avec son saucisson et son sourire.

S’il te plaît Momo, dis-moi quelque chose.


- Vous savez quoi, madame Émilie ?

- Mademoiselle, pas madame.


Là il sourit Momo.


- Tu sais quoi mademoiselle Émilie, je t’aime. Alors le vieux Momo, il te protège.

- Je sais.


Et je souris. Parce que je le sais vraiment.


23 novembre 2010


Ça y est. Je suis chauve. Momo il me dit que je suis toujours aussi belle. Moi je me fais peur. Je suis fatiguée. John a dit que ça ne serait que temporaire. Temporaire est une saloperie de mot pour ne pas dire qu’on ne sait pas quand ça va s’arrêter. Tous les gens autour de moi sont doux, gentils, serviables.

Tous les gens autour de moi sont des hypocrites. Ils sourient parce que c’est plus humain de sourire aux malades, et quand ils me proposent de l’aide alors qu’ils savent pertinemment que je vais dire non, ils sont contents parce qu’ils ont fait leur bonne action de la journée.

J’ai demandé à John si j’allais mourir. Ses petites billes rondes m’ont scrutée, sans doute pour savoir si j’étais capable de le supporter. Je ne sais pas ce qui l’a décidé à me le dire. Je pèse 40 kilos tout habillée, j’ai une mine affreuse et j’ai l’air d’une enfant perdue.

Pourtant il l’a dit.


- Tout le monde meurt un jour vous savez.

- Est-ce que je vais mourir bientôt ?

- Nous faisons notre maximum pour ralentir la progression de la maladie.

- Donc je ne guérirai pas ?

- Je ne le sais pas, madame.

- Arrêtez de me dire madame. C’est mademoiselle.


C’est vrai ça. Madame ça fait tout de suite plus grave, plus sérieux. Plus distingué.

Je n’aurai pas le temps de me faire appeler madame.


5 décembre 2010


C’est bientôt Noël. Ça me fait bizarre de me dire que c’est mon dernier Noël. Je crois que le plus horrible dans tout ça, ce n’est pas que je vais mourir, mais que je sais que je vais mourir. J’aurais préféré ne pas le savoir, et continuer à vivre normalement, sans avoir la peur constante quand je m’endors que je ne vais jamais me réveiller. J’ai mal, ils me brûlent, ils me dévorent. Je n’en peux plus. Je veux que tout ça s’arrête.

Il faut que tout ça s’arrête.


14 décembre 2010


La douleur est insupportable. Putain Dieu, si t’existes fais que ça s’arrête. Je m’excuse de n’avoir jamais cru en toi, je m’excuse de te prendre pour une gigantesque blague, je m’excuse pour ce que tu veux, mais fais que ça s’arrête, je t’en supplie.

Je veux juste mourir.


25 décembre 2010


Ça va mieux. T’y crois pas trop vite, Dieu, c’est pas grâce à toi. Ils ont temporairement arrêté le traitement, le temps que je me repose. J’ai même le droit de rentrer chez moi. Pour mon dernier Noël, ils me doivent bien ça. Ils m’ont ordonné de rester chez moi bien au chaud, à l’abri des microbes.

Je marche pieds nus sur la plage et je bois un énorme milk-shake fraise-banane avec Momo.

Et les microbes, je les emmerde.


2 janvier 2011


Momo me fait parfois oublier que je suis malade. Il me fait parfois aussi oublier que je vais bientôt mourir, dans 5 mois tout au plus. Personne ne m’a jamais rendue aussi heureuse.

Vivre me paraît si simple, à présent que je n’y ai presque plus le droit.


21 janvier 2011


Momo n’a pas menti. Momo ne ment jamais.

Aujourd’hui, on est allés au zoo. On est allés voir les kangourous, et on a dansé le moonwalk. Les gens nous regardaient comme si nous étions complètement fous, et ils s’éloignaient petit à petit. Et nous, on dansait de plus belle, et on se tordait de rire en voyant les têtes des kangourous, qui paraissaient complètement abrutis.

Après, Momo m’a acheté une glace cassis, et on est allés au bord de la mer. Elle était belle, la mer, plus insolente que jamais, je crois que je ne l’ai jamais autant aimée qu’à cet instant-là. Elle montrait presque arrogamment sa grandeur en crachant de puissantes vagues qui venaient s’écraser contre les rocs pointus. Le vent fouettait ardemment mon visage, balayait des mèches blondes désordonnées qui avaient commencé à repousser, s’infiltrait dans mes poumons, et j’étais plus vivante que jamais.

Il m’apprend comment on fait pour être heureux, Momo.

J’aimerais que rien ne change.


3 février 2011


La maladie progresse rapidement. Plus que prévu. John m’a engueulée ce matin.


- Mademoiselle, vous réalisez l’étendue de votre irresponsabilité ? On vous avait dit de rester bien sagement chez vous. On essaye de vous guérir, cela implique que vous fassiez aussi des efforts.

- Non, vous n’essayez pas de me guérir, vous essayez de ralentir la progression de la maladie. Moi je veux juste profiter de pouvoir vivre encore un peu plutôt que de me terrer chez moi en attendant de mourir.

- On ne peut pas vous sauver si vous ne voulez pas l’être, mademoiselle.


Là j’ai frémi.


- Il me reste combien de temps ?


Il m’a dévisagée, peut-être pour voir s’il allait me mentir ou pas. Je crois que mon regard l’en a dissuadé.


- Dans l’état actuel des choses, et si votre état ne s’améliore pas, vous tiendrez à peine deux mois.


Je tressaille. Deux mois. Alors c’est si grave que ça ? C’est quoi, deux mois, dans l’immensité de la vie ? Une poussière, infime preuve du temps qui passe et que l’on regarde déjà derrière soi. Deux mois. Deux mois. Putain dans deux mois, je serai morte, je verrai plus Momo, mon Momo, ma vie. Ça fait quoi, quand on est mort ? On va au paradis ? Notre âme tourmentée erre éternellement ? Ou c’est le néant ? Au pire, j’aimerais bien que ça ne soit pas le néant. Ça me fait peur, le néant.


- Mademoiselle, ne mettez pas votre maladie entre parenthèses pour vivre le plus intensément possible. Vivez juste le plus longtemps possible.

- Vous savez, je m’appelle Émilie. On dit mademoiselle quand on ne connaît pas, vous vous venez de m’annoncer que je vais mourir dans deux mois, alors vous pouvez m’appeler Émilie.


John il sourit, je ne comprends pas pourquoi, mais je n’ai jamais compris cet homme.

Je sors de l’hôpital, et il commence à pleuvoir.

Je me dis que la météo se fout royalement de ma gueule.


27 février 2011


Je n’écris plus beaucoup, j’ai bien mieux à faire. Je ne dors quasiment jamais. C’est une perte de temps bien trop importante. Je crois que je n’ai jamais mangé autant de saucisson que durant ce mois. Je n’ai jamais autant ri, autant parlé, autant rêvé.

Je crois que je n’ai plus peur de mourir. Je l’attends presque, cette salope, peut-être juste pour voir si elle va vraiment m’attraper. Je méprise la Mort comme jamais, je la viole avec un exécrable plaisir, comme si elle ne pouvait jamais m’atteindre. Momo il dit que plus on est vivant plus la Mort a peur de nous. Plus on est heureux plus elle tremble, plus on rit plus elle recule. Alors il faut que je rie. Je crois qu’il dit ça parce qu’il a peur que je pleure.


5 mars 2011


Le jour où j’ai dit à Momo que j’étais leucémique, il m’a tendu une tranche de saucisson. Le jour où je lui ai dit qu’on allait commencer la chimio, il m’a dit que je serais belle en Barthez.

Le jour où je lui ai dit que j’allais mourir dans deux mois, il m’a dit qu’il foutrait un poing dans la gueule de la Mort si elle se ramenait.

Quand je me suis affalée par terre, hier, en pleine rue commerciale, il m’a relevée en me souriant, comme si je venais de lui dire l’heure.

Il n’a jamais failli, Momo, jamais vacillé. Il a toujours été indestructible, Momo.

En ignorant ma maladie, il a fait comme si elle n’avait jamais existé.

Il m’a sauvé la vie, Momo.


22 mars 2011


Je suis toujours vivante. La Mort doit en avoir marre que je lui résiste. Et moi je continue à être heureuse, stupidement heureuse, comme une enfant de 2 ans qui vient de découvrir qu’elle peut courir. Je vois mes amis, ma famille, mais surtout Momo. Et puis j’ai vu John aussi. Il m’a dit que j’étais la patiente la plus têtue qu’il ait jamais eue.

Je crois que c’est sa façon de me dire que je vais lui manquer.


7 avril 2011


Avec Momo, on a parlé de la Mort. C’était la première fois.


- Dis Momo, tu crois que ça fait quoi quand on est mort ?


Là le Momo il m’a regardée, et il m’a comme posé une question, avec ses grands yeux tout bleus. Je crois qu’il me demandait si je voulais vraiment qu’on parle de ça. Je me suis mise contre lui, entre ses bras chauds, et j’ai attendu. Je savais que là, tout contre son torse, il ne pourrait rien m’arriver. Au bout de quelques minutes, je crois que j’ai répondu à sa question, et il a ouvert la bouche.


- Je crois que quand on est mort c’est comme quand tu dors, sauf que tu ne peux pas rêver.


Là je tremble.


- Alors c’est le néant ?

- Ça dépend si tu veux que je te dise la vérité, princesse.

- Je ne sais pas, en fait. Je crois que je n’ai pas envie que ça soit le néant.

- Quoi, toi tu préférerais que ça soit un petit ange qui te réveille tous les matins en jouant de sa lyre et en t’annonçant que ça sera tous les matins de l’éternité comme ça ? Tu préférerais vivre dans le monde de Charlotte aux fraises, avec un arc-en-ciel tous les mètres, des fleurs partout et des gens qui te disent bonjour en souriant ? Franchement, je te croyais moins cucu.


Je ne sais pas comment il fait, Momo. Mais je n’ai plus peur du néant, maintenant.


23 avril 2011


Je défie toutes les lois de la nature, même les plus indiscutables d’entre elles. Je devrais déjà être morte. On s’interroge sur mon cas.

John, avec toutes ses années d’études et tout son fatras de diplômes, il n’y comprend rien.

Momo, avec son sourire et un saucisson par semaine, il assomme tous les scientifiques du monde, il défie toutes les lois de la nature. Même la Mort a peur de lui.


17 mai 2011


Je n’aurais voulu manquer ça pour rien au monde. Aujourd’hui, c’était l’anniversaire de Momo, et je crois que c’était le plus beau jour du monde. On est allés au marché, on a acheté toutes les cochonneries qu’on voyait, et on s’est empiffrés de churros, de sucres d’orge, de guimauves au citron et de bonbons dégoulinants de sucre toute la journée. Après, on s’est promenés au bord de la mer, et j’ai eu envie de me baigner. On dirait pas, mais il fait froid, un 17 mai, au bord de la mer, en Bretagne. Mais je voulais me baigner une dernière fois. Je crois que Momo se sentait incapable de me dire non. L’eau devait être à 15°C, mais moi je la trouvais délicieuse. On y est restés quelques minutes avant que Momo dise qu’il fallait que je sorte. On avait l’air fins, sur la plage, avec nos pulls de laine qui nous collaient à la peau et nos chaussures bon marché qui faisaient d’adorables « sploch-sploch ». Mais quand on sait qu’on va bientôt mourir, c’est incroyable comme notre vision des choses change tout à coup. Cette vieille femme qui promenait son affreux chien sur le sable mouillé, elle nous a regardés comme si nous étions deux aliénés, mais moi j’ai eu pitié pour elle. J’ai eu pitié pour elle qu’elle n’ait rien d’autre à faire un mardi après-midi que de traîner sa graisse en tirant son malheureux chien sur les plages désertiques du Morbihan.

On ne se rend pas compte, quand la Mort ne nous a pas encore approchés, ce que ça peut être stupide, de promener son chien sur une plage.

Il y a tellement mieux à faire.


25 juin 2011


Je suis encore là. Je crois que je commence à fatiguer. J’ai remercié John, aujourd’hui. Car je me suis rendu compte qu’il n’était pas censé me laisser sortir de l’hôpital, ni me laisser m’occuper de ma vie à ma guise.

On dit très rarement non à Momo.

C’est qu’il peut être impressionnant, parfois, mon Momo.

Ce matin, en allant au magasin pour acheter notre saucisson, on est passés devant l’école, et j’ai vu des enfants qui parlaient, qui couraient. Qui riaient.

Je me suis sentie en trop, comme si moi je n’avais plus le droit d’être là.


19 juillet 2011


C’est le soir. Je suis dans les bras de Momo, sur son carton, devant le magasin. On parle, on regarde les étoiles. Il fait frais. Mais j’aime ça, parce que les frissons qui parcourent ma peau me prouvent que je suis vivante.


- Dis Momo, c’est quoi ton vrai nom ?

- Paul-François. Alors tu comprends…

- Je préfère Momo.

- Moi aussi princesse.

- Je crois que je t’aurais moins aimé, si j’avais dû t’appeler Paul-François.


Momo il sourit, et ça me rend heureuse.


- Comment tu as fait, pour me faire oublier que j’étais malade ?


Là il tremble, mais il ne se défile pas.


- J’ai essayé de l’oublier moi aussi.

- Mais tu n’y es pas arrivé.


Ce n’était pas une question, alors Momo ne répond pas.

Puis on ne dit plus rien. On regarde le ciel bleu roi, et les milliards de petites taches scintillantes qui luisent comme des folles.

Je me tourne vers lui, et doucement je murmure :


- Merci.

- De quoi ?


Merci d’être là, près de moi, merci de ne m’avoir jamais abandonnée, merci d’avoir été si fort, si bon, merci de m’avoir toujours aimée alors que tu savais que j’allais mourir, et de m’aimer encore plus.


- Merci, c’est tout.

- Alors de rien.


Mes yeux s’emplissent de larmes peu à peu.

- Émilie ?


Là je sais qu’il faut bien que j’écoute ce qu’il va dire. Car il ne m’appelle jamais Émilie. C’est toujours princesse, ou mademoiselle Émilie.


- Je t’aime.


C’est tout. Je t’aime. Trois petits mots. Les plus importants.


- Je t’aime aussi, Momo.


Puis je me serre encore plus contre lui, pour sentir son odeur, sa bonne odeur de savon de Marseille et de lessive à la violette.

Et je regarde le ciel, encore. Elles sont belles, les étoiles, si belles. Elles brillent si fort.

C’est beau, le ciel, un soir de juillet.



***



J’ai trouvé ce cahier sur elle. Elle écrivait dedans hier.

Je crois que c’est à moi de finir l’histoire.

La petite est morte. Dans mes bras, hier soir. Elle souriait, à moi, aux étoiles, je n’en sais rien, mais elle souriait, et elle était belle, si belle… Moi j’étais comme un con à entendre son cœur qui battait faiblement, et je ne pouvais rien faire. J’avais envie de hurler, mais je ne faisais que la serrer plus fort dans mes bras, de peur qu’elle ne comprenne.

C’était toute ma vie, cette gamine.

Quand tu marches avec elle, c’est le soleil que tu tiens par la main.

Elle t’éblouit, mais sans te piquer les yeux.

J’ai voulu la sauver. J’ai voulu lui faire oublier qu’elle allait mourir.

Moi je souffrais comme un fou, mais il fallait que je garde tout ça à l’intérieur de moi, il fallait que je lui sourie comme si tout était normal.

Comment j’aurais pu étouffer sa souffrance, si je lui avais servi la mienne sur un plateau ?

Elle avait besoin de ça. Du Momo fort et indestructible.


Merci. Je ne sais pas à qui je dois le dire, mais merci de me l’avoir laissée un peu plus. Merci de m’avoir laissé le temps de l’aimer, merci de m’avoir laissé la protéger.

Cette fille c’est une perle, un diamant à l’état brut. Je l’aime, si fort que ça me brûle, ça me détruit. Je veux la serrer dans mes bras, sentir son odeur, la voir sourire, comme avant. Et là mon cœur se compresse comme un fou et me fait un mal de chien.

Mon soleil s’est éteint, et je vais devoir continuer avec la pluie.

Mademoiselle Émilie est partie.


Momo.


 
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   Anonyme   
8/11/2011
 a aimé ce texte 
Bien
Eh bien ! J'avoue que pendant un bon tiers du texte j'ai détesté la narratrice, sa colère, son mépris : "si seulement les gens pouvaient arrêter de regarder leur cul et voir qu’il y en a qui souffrent tellement plus qu’eux". J'ai eu l'impression qu'elle tombait précisément dans ce travers.
Et puis juste après cette phrase, justement, j'ai eu l'impression d'un renversement ; soudain j'ai compris la narratrice, elle m'a émue et j'ai trouvé que le texte avait un ton juste, touchant. Peut-être faut-il, là aussi, en remercier Momo.
Le SDF qui sent le savon et la lessive à la violette, honnêtement cela m'étonne un peu, car je crois que c'est le plus gros problème quand on est SDF, rester propre sur soi et laver ses vêtements. Mais enfin on est dans le romanesque. La fin est trop chargée dans le pathos à mon goût (c'est mon goût).

Au final, un texte qui m'a mise mal à l'aise, et peut-être est-ce bon signe. Il m'a bousculée.

"Je ne voyais que le bleu, limpide, délicieux, qui cachait le monstre rampant et misérable qui se terrait tout au fond de son regard" : je trouve cette phrase lourde, notamment à cause des deux relatives imbriquées introduites par "qui".
"tellement gai que ce serait une cruelle infamie que d’avoir les yeux bleus pour annoncer à un malade qu’il va bientôt mourir" : cette phrase me paraît lourde elle aussi ; trop de "que".

   Charivari   
24/10/2011
 a aimé ce texte 
Pas
J'ai vraiment aimé le début, j'ai trouvé ça très bien écrit, humoristique, un poil cynique mais pas trop... Le coup de la main gauche de la blonde m'a beaucoup fait rire, ça se lisait comme du petit lait.

Mais alors, dès qu'on a commencé à parler de maladie, alors là je n'ai plus aimé du tout : quand on écrit sur un sujet aussi grave, je pense que la moindre des choses c'est de se documenter.

Non, ce n'est pas du tout plausible que ce soit le chirurgien qui de but en blanc explique à une patiente non accompagnée, qui vient seule à la consultation, qui apparemment est jeune et n'a pas de soutien familial et affectif, tous les détails d'une maladie incurable. C'est n'importe quoi, ça, et ça discrédite tout le texte.

Du coup, les réactions de la narratrice sonnent complètement faux, d'ailleurs, le texte manque cruellement de psychologie (de vraie psychologie, pas d'effets de style) : on lui annonce sa maladie et paf, elle est parfaitement consciente de tout, du pronostic, du diagnostic, elle assimile tous les termes médicaux parfaitement, au point de réussir à les raconter.

Ici, pas d'équipe médicale, pas de soins palliatifs, pas de services sociaux ni de paperasse administrative, pas de feuille de sécu, asolument rien, juste un chirurgien qui s'appelle John (d'ailleurs pourquoi chirurgien: quelle a été l'opération ?), et qui engueule la patiente si elle essaie de faire une vie normale (d'ailleurs, en principe, ça n'est pas contre-indiqué, que je sache).

Dommage, il y avait une certaine poésie, le personnage de la narratrice était assez attachant, et cette idée d'une relation qui se noue avec ce SDF était excellente, mais on est tellement à mille lieues de la réalité qu'on ne peut pas adhérer.

   horizons   
8/11/2011
 a aimé ce texte 
Un peu ↑
Début prometteur effectivement à la fois ironique et réaliste. On glisse assez bien vers la maladie grâce aux commentaires amers d'Emilie. Le personnage du SDF est une bonne idée.
Mais ensuite l'hsitoire s'enlise dans le romantico tragique, surtout à la fin, avec cette mort complètement improbable dans les bras du SDF. Le contexte, les symptômes, la famille sont inexistants ce qui rend cette histoire peu crédible. Il y a les larmes...mais il manque le sang et la sueur si j'ose dire (ou si Churchill ose le dire).

   Anonyme   
9/11/2011
 a aimé ce texte 
Un peu
Cette Mademoiselle Emilie m'a été antipathique dès le début et finalement, malgré ses malheurs, ça ne s'est pas arrangé.
Il faut dire qu'elle n'est pas tendre avec ses concitoyens (la cliente, la poissonnière, la vieille dame, l'autre con du 5è...) ils en prennent tous pour leur grade. Il n'y aurait que Momo qui serait l'Humanité à lui tout seul. Je n'ai pas cru à cette histoire.
Ce n'est par ailleurs ni bien ni mal écrit et je n'ai même pas été émue.
Mais peut-être, et sans doute même, quelque chose m'a-t-il échappé.

   brabant   
8/11/2011
 a aimé ce texte 
Passionnément
Bonjour -Katrina-


J'avais commencé à lire ce texte dans mon espace lecture, en me disant qu'il avait l'air pas mal, bien sympa avec ses rondelles de saucisson ; j'avais pas trop aimé la blonde botoxée, beaucoup aimé celle qui ne l'était pas ; y'a d'l'humour que j'm'étais dit, va falloir que j'y revienne à ce texte, car la nuit s'avançait... Je le garde sous la langue comme une friandise.

J'étais pas arrivé à cette histoire de leucémie.

Quand j'y suis revenu, dans l'intention de me régaler, avec suffisamment de temps de récupération, il s'est évaporé (c'était de ma faute, hein ; je l'avais eu suffisamment longtemps dans mon EL) avant que je puisse le saisir. Je m'étais dit : mince, j'espère qu'il sera publié. Il doit être amusant, hautement divertissant, ce texte !...


Le revoilà ! Je dois être une midinette : Sonia m'a fait pleurer. Et le cahier de Momo !... J'ai de la rouille dans les yeux.


Tout est juste et bien calibré :
- la construction, les dates, la progression de la maladie.
- les sentiments, la révolte, la lutte.
Tout cela fait/est vrai.
- Le toubib lui-même fait/est authentique. Pas facile ça. Les oncologues ne ressemblent pas aux autres toubibs.


Un petit bémol : pas évident/facile de s'empiffrer de saucisson avec une chimio et cette maladie. Mais je crois que ces orgies sont à prendre de façon symbolique. Des rondelles de cochonnailles pour pendule(s), Sonia a au moins eu le choix de(des) horloge(s) qu'elle a dévorée(s) à pleines dents. Hé Hé, pas mal ça !


Tout ça pour vous dire que, moi, je n'ai pas marché, j'ai dévoré.

Dois faire du cholestérol maintenant à cause de vous...


ps: Bon, j'ai un texte qui sort demain, permettez-moi de vous demander de ne pas l'évaluer si vous le lisez. Mon évaluation est sincère et désintéressée, je ne veux pas qu'elle soit sujette à caution. Lol. :)

Bonne continuation

   Anonyme   
8/11/2011
Commentaire modéré

   Anonyme   
8/11/2011
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Merci Katrina ! Je ne suis plus un gamin... depuis très longtemps mais cette histoire m'a pris aux tripes... Ce n'est malheureusement pas une fiction mais une histoire de tous les jours, une histoire que certains d'entre nous ont cotoyée, que d'autres subiront peut-être un jour. Ce carnet de marche d'une Emilie condamnée reflète, je le sais, un calvaire que nous ignorons trop souvent soit par égoïsme, soit par indifférence et lâcheté... Et puis il y a Momo, le laisser pour compte qui accompagnera jusqu'au bout du chemin une Emilie à la dérive ;
bien sûr, cette chute est assez peu probable dans ces conditions mais Momo me réconcilie avec le genre humain...
Je sais que je n'oublierai pas ce texte pour de multiples raisons...
Au plaisir de vous lire !

   Marite   
9/11/2011
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
C'est en lisant la dernière partie (en italique) de cette nouvelle que j'ai senti ma gorge se serrer et les larmes sont arrivées. Bon, je n'ai quand même pas sangloté mais j'ai été touchée ... Pour ma part la narratrice ne m'a pas énervée du tout, je trouve que sa réaction face à l'annonce de sa maladie est naturelle et elle a su trouver, d'instinct, la personne, Momo, qui allait lui permettre de traverser cette période. Bravant les règles de bienséance, elle a trouvé dans ce SDF, ce que personne, dans son environnement ne pouvait lui donner. La personne qui la côtoyait avant a fui, lâchement. Elle a découvert l'essentiel de la vie avant de s'en aller et c'est ce que je retiens de cette lecture. Merci Katrina. Ah! l'écriture s'est faite oublier pendant ma lecture, c'est qu'elle doit être parfaitement adaptée à la narration je pense.

   M-arjolaine   
9/11/2011
 a aimé ce texte 
Beaucoup
J'ai eu un peu peur lorsqu'on s'est aventuré dans l'histoire de la maladie. C'est un sujet casse-gueule, et même si j'ai aimé votre texte, j'ai trouvé le traitement de la réaction du personnage un peu naïf, j'ai eu l'impression de lire le texte d'une jeune fille de vingt ans tout au plus.
Cela dit, je me suis curieusement laissée prendre au jeu (pourtant ce genre de texte n'est pas ma tasse de thé), jusqu'à me retrouver à la fin du texte, à lire le passage en italique avec d'énormes larmes aux yeux.
Le texte en lui même est sans doute un peu maladroit ; par exemple, les dates me laissent perplexe. Dès le début, elle sait qu'elle est malade. Pourtant, elle parle de sa journée à l'hôpital au présent comme si elle avait eu lieu le 20 Août. Ça m'a gênée un petit peu. Et puis ce côté naïf et adolescent dans la manière d'écrire se remarque aussi, même s'il n'est pas forcément un défaut, et qu'il n'y a peut être que moi que ça dérange.
Vous m'avez quand même émue, c'est tout de même le premier but d'un récit. Merci, bravo.

   Anonyme   
9/11/2011
 a aimé ce texte 
Bien
J'avais vu "Love Story" quand j'étais ado et comme tous les ados de l'époque j'ai été très ému. J'ai lu ce texte en me souvenant de cette émotion et comme il est bien écrit et que j'aime rêver, ça a marché, je l'ai lu et vécue avec émotion. Mais ça c'est parce que je suis un bon public et que j'arrive à me détacher du monde pour entrer dans les histoires. Mais le temps est passé et je dois dire que je trouve que que cette "love story" entre une caissière et un SDF n'est pas réaliste, ça ne se passe pas comme ça. Elles luttent pour vivre, pied à pied, elles souffrent et se fatiguent trop pour aller chercher le soutien d'un clochard improbable. Elle ont plutôt besoin de leurs proches qui c'est vrai ne sont pas toujours à la hauteur et il y a aussi les soins palliatifs. Quoiqu'on puisse faire on reste seul dans la douleur.

Au début cet univers est bien rendu, la douleur est perceptible et les réactions violentes sont à la hauteur du désespoir mais à partir du moment où Momo sait et qu'il devient le support moral d'Émilie ça ne va plus. On ne voit plus que cet amour improbable, des scène irréalistes. Alors qu'être SDF est certainement une souffrance et une solitude aussi grande que celle de la maladie. Et puis Émilie je ne la vois pas. Même si elle est décrite physiquement, elle n'a pas d'histoire, pas de famille (ou si peu), Alors j'ai du mal à m'y attacher. Ses pensées ne sont dirigées que vers sa maladie pour essayer de l'oublier. Alors elle ne vit pas intensément ses derniers jours, elle est déjà morte et passe son temps dans le rêve. Une idée de fin me vient en écrivant cela: la chute aurait pu être que Momo n'était finalement qu'un fantasme d'Émilie : petit à petit elle devient folle, Peut-être que j'aurais mieux compris?.

   rmfl   
11/11/2011
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Une agression contrôlée, un humour en sourdine......je suis tout de suis rentrée dans le texte et ressenti un peu la "fin" et d'Emilie et du texte....
le texte coule, il raconte une maladie odieuse, sans exagération, et ceux, qui ont eu un tant soit peu un quelquechose de cette maladie, savent qu'il n'y a pas un mot en trop!

Alors bravo, Kathrina, j'ai trouvé cela fort bien écrit et particulièrement le personnage de Momo....merci !

   matcauth   
22/11/2011
 a aimé ce texte 
Bien ↑
il fallait comprendre à quel point ce texte est une poèsie, les soins palliatifs, termes techniques et compagnie sont sans intérêt même si ils auraient rendu réaliste cette histoire qui ne l'est pas. Mais qu'importe, l'essence du texte était ailleurs et il a été très bien développé. Peu être la fin arrive aurait t-elle pu arriver après une escalade de souffrance, ou d'amour, d'ailleurs, plutôt qu'à un moment plutôt banal.
Voilà, dommage que la haine des autres personnes rende Emili un peu moins sympathique car pour le reste, cette fable douce et triste était agréable à lire.

   alvinabec   
23/11/2011
Bonjour,
Très bon texte où la progression est bien rendue, depuis le déni du diagnostic quand le praticien l'annonce à sa patiente jusqu'au soutien de l'amour-saucisson.
La stylistique demanderait à être un peu retravaillée sans doute.
La plume est alerte (évitez les poncifs, les images d'Epinal, vous gagnerez en efficacité).
Le ton, dans l'ensemble, est juste même s'il présente des variations curieuses à la lecture.
A vous lire...

   Anonyme   
29/11/2011
 a aimé ce texte 
Bien
Je dirai à Charivari qu'il s'agit de la création littéraire , ce que vous demandez , serait un reportage . La littérature ne reflète pas la réalité .Elle crée sa réalité . L'écrivain est en droit de violer toutes les règles ,quitte à procurer du plaisir . Cette nouvelle procure du plaisir, émeut , fait rire . Un texte réussi , il 'est aussi visuel , il fera un bon court métrage .


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