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Réalisme/Historique
kullab : Le Styx [concours]
 Publié le 31/01/09  -  17 commentaires  -  5133 caractères  -  51 lectures    Autres textes du même auteur

C’est un vieux désert, sec et ridé, un désert à la langue de serpent et plus fourbe encore que celui-ci.


Le Styx [concours]


Ce texte est une participation au concours nº 8 : Les brèves d'eau (informations sur ce concours).



Mourad croyait aux signes. Il y avait toujours cru. Maintenant, il s’en voulait, bien sûr, mais il était trop tard. Ça ne servait à rien de s’en vouloir. Tout de même, il invoqua son dieu encore une fois, d’une longue prière qu’il murmura à peine tant sa gorge sèche lui faisait mal, bien qu’il sût pertinemment que son dieu ne pouvait désormais plus rien pour lui. C’était tout ce qu’il pouvait faire à présent. Prier et puis continuer de marcher, bien sûr. Surtout continuer de marcher.


La guerre était finie depuis trois jours mais Mourad allait mourir. Il n’y a pas pire ennemi en ce monde que le désert des Berbères. C’est un vieux désert, sec et ridé, un désert à la langue de serpent et plus fourbe encore que celui-ci. C’est un prédateur insatiable. On ne peut survivre dans le Sahara que si on y est né. Ici, le désert est tout : il est le père universel, la terre, le ciel et le soleil à la fois, ses dunes se meuvent comme des vagues et ses colères sont plus traîtresses encore que celles de l’océan. Cela, Mourad le comprenait à présent. Le vieux désert était vivant et Mourad allait mourir.


Il n’avait pas voulu de cette guerre mais il avait été appelé. Par le roi lui-même, au nom de la patrie, le jour de ses dix-huit ans. Un signe. On ne discute pas les ordres d’un roi. Et puis Mourad était tombé de cheval et il avait perdu ses camarades dans la tempête, à cause du sable. Il aurait dû avoir sa gourde avec lui. Les Berbères gardent toujours leur gourde sur eux. Mais Mourad était arabe, son cheval s’était enfui avec sa gourde et il était probablement déjà mort. Le vieux désert n’a pas plus d’états d’âme pour les animaux que pour les êtres humains.


Chaque pas lui faisait mal. Il avait entendu dire que pour survivre dans le désert, il suffisait de boire son urine. Foutaises. Sa vessie était plus aride et plus sèche encore que sa langue. Il ne sentait plus que ça : cette langue sèche et gonflée qui lui obstruait la bouche, cette gorge douloureuse et ce maudit soleil sur sa tête aussi. Il se dit que quelque part il y avait la mer, fraîche, imbuvable. Il pourrait creuser un puits dans le sable, de ses propres mains. Peut-être y trouverait-il de l’eau. S’il y avait un dieu, il boirait de l’eau. Sinon, il savait qu’au centre de la terre se trouvaient les flammes éternelles ainsi qu’une chaleur plus meurtrière encore que la morsure du désert. C’était probablement cela qui l’attendrait s’il se mettait à creuser. Alors il valait mieux continuer à marcher.


À deux reprises, dans la matinée, le désert avait joué avec lui, comme pour bien lui prouver qu’il menait vraiment la danse, au cas où Mourad se serait permis d’en douter. Mourad avait aperçu, à l’horizon, des étendues d’eau merveilleuses, éblouissantes de beauté. Pour les atteindre au plus vite, il avait accéléré sa cadence, à la limite de l’épuisement. Mais il n’avait jamais trouvé que du sable. Le vieux sable du désert. À chaque fois, un peu d’espoir s’était envolé.


En début d’après-midi, quand le soleil devint trop fort, Mourad se remit à prier. Il commençait à percevoir l’enfer tel qu’on le lui avait décrit. « J’ai tué sans savoir pour une guerre que je ne comprends pas », pensa-t-il. Mourad demanda à son dieu s’il était juste qu’il aille en enfer pour cette faute à laquelle il ne pouvait rien, mais aucun dieu ne lui répondit. C’est ainsi qu’il comprit qu’il était déjà mort et qu’il errerait dans cet océan de chaleur jusqu’à la nuit des temps.


Alors, droit devant lui, il aperçut soudain une vaste étendue bleue. Autour, la terre paraissait verte et fertile. Ses yeux, secs et rougis par le sable, le trompaient : en enfer, il n’existe ni oasis ni repos. Il avait cru distinguer quelques palmiers au bord de l’eau et voilà qu’à présent il entendait des voix. Comme un appel. Dieu ? Non : c’était le diable qui se jouait à nouveau de lui. Le diable s’amuserait avec lui jusqu’à la nuit des temps. Le diable, c’est le désert. Le désert, c’est le diable. Cette fois, Mourad changea franchement de direction pour ne pas entrer dans le jeu du diable.


Tapis au bord de l’eau, deux Berbères regardaient l’Arabe passer. Ils n’étaient armés que d’un sabre et craignaient que l’homme ne porte un fusil. Mais l’homme avait l’air mal en point. Et fallait-il donc qu’il soit bête pour passer au large du seul point d’eau à des kilomètres à la ronde ? Le vieux berbère, qu’on connaissait pour sa sagesse, dit au plus jeune :


– Cet Arabe a perdu la raison.

– Qu’il aille au diable, répondit l’autre.

– Non. Ce n’est pas honorer notre peuple que de parler ainsi. Allons le chercher avant qu’il ne soit trop tard.


Les deux hommes s’avancèrent à couvert mais l’Arabe s’éloignait. Il titubait. Alors les Berbères quittèrent les fougèrent et hélèrent le jeune Arabe. Celui-ci ne se retourna point. Au contraire, il changea brusquement de direction et s’éloigna encore.


– Que le diable ait pitié de lui, dit le plus jeune.



 
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   Claude   
31/1/2009
 a aimé ce texte 
Bien
Le pire, c'est que c'est presque drôle ! Mais d'humour très, très noir...

Bien que le sujet soit "facile", c'est agréable à lire. Le lecteur est suffisamment tenu en haleine pour ne pas s'ennuyer. J'aime bien l'écriture, qui reste simple malgré quelques répétitions.

   Anonyme   
31/1/2009
 a aimé ce texte 
Bien
une nouvelle bien écrite avec une chute empreinte d'humour noir. J'apprécie. Quelques répétitions cependant : le mot "désert", mais ce n'est qu'un détail.
Le titre par contre me semble inadéquat.

   Anonyme   
31/1/2009
Salam Kullab ! Ayant moi-même écrit Sahara ( dans le cadre du concours) je suis, d'une part, intéressé par ce désert-ci, et d'autre part tenu à une certaine neutralité. Toutefois, il y a un point que je voudrais soulever : à ma connaissance, mais je n'ai pas la science infuse, hormis les fougères fossilisées qui ont été mises au jour dans le cadre de fouilles archéologiques, je ne pense pas qu'il reste, de nos jours, des fougères au Sahara, même dans les oasis. Un détail qui ne remet pas en cause la qualité de ce conte arabo-berbère. Merci pour cette agréable lecture. Alexandre

   Faolan   
31/1/2009
FougèreS justement...

Ce texte m'a plu. J'ai trouvé ça bien écrit. La fin est bien trouvée.

Merci.

   Nongag   
31/1/2009
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Une belle plume. Un personnage bien sculpté en quelques lignes habiles. Le désert, je connais vraiment pas, mais le ton me semblait juste et l'ambiance est bien construite.

J'ai également aimé la discussion interne de Mourad avec son Dieu. La façon dont son délire religieux se mêle à celui du soleil et de la déshydratation. Un délire qui l'entraînera à sa perte...

D'un certain point de vu, il rencontre effectivement le diable dans la personne de ces deux arabes peu compatissants. Quoi, ils vont le laisser mourir comme ça? C'est le seul point discutable du récit car je n'y vois pas de logique. Je ne comprends pas pourquoi ils sont aussi indifférents, seulement pour les besoins de la chute du récit?

J'ai quand même bien aimé.

   Flupke   
31/1/2009
 a aimé ce texte 
Bien
fougèrent ou fougères ?
Les mirages sont contagieux je vois :-)
Texte bien écrit et la chute est intéressante.

   Ephemere   
31/1/2009
 a aimé ce texte 
Un peu
Bonjour, j'ai trouvé ce texte un rien répétitif, un peu long. Dieu s'écrit avec une majuscule, je crois, le Dieu du monothéisme en tout cas.
La fin n'est pas mal, c'est bien dans l'esprit de ces gens d'essayer de l'aider sans aller contre sa volonté cependant.
Le style est un peu léger, j'ai relevé au moins 17 fois l'auxilliaire être, des avoir, des voix passives peu harmonieuses ; "Il avait entendu dire" est vraiment trop du langage parlé.
FMR

   dude   
31/1/2009
 a aimé ce texte 
Bien
Le désert... un grand classique effectivement. La soif, les mirages, l'immensité aveuglante... L'imagerie du désert est bien respectée, (à ce titre, la comparaison avec l'océan colle parfaitement au thème du concours).
C'est bien écrit. Un style plutôt simple mais efficace. Les images se forment immédiatement dans la tête du lecteur. L'idée que le personnage s'adresse à son Dieu est très bonne. Elle apporte une dimension supplémentaire à l'histoire. On aurait même pu insister davantage sur ces "dialogues".
Seule la fin m'a moins plu. L'intervention des deux Berbères nous coupe trop du personnage principal. J'aurais préféré qu'on reste avec Mourad jusqu'au bout, sans savoir si il se trouvait face à un mirage de plus ou s'il s'agissait de la réalité.

   jensairien   
1/2/2009
un texte assez convenu, pas grand chose de nouveau sous le soleil. L'idée de la fin n'était pas inintéressante mais n'est pas exploitée.
des effets de style assez plats "les dunes comme des vagues" le vieux berbère "qu'on connaissait pour sa sagesse" qui dit quoi de sage ? que l'autre est détraqué ce qui a l'air bien évident.
Aussi, s'il est appelé "Par le roi lui-même" alors ce n'est pas au nom de la patrie, mais plutôt du royaume.
Enfin bref ce texte n'est pas franchement travaillé.

   marogne   
1/2/2009
 a aimé ce texte 
Un peu
Comprendre que l'on est mort quand Dieu ne réponds pas à nos prières? j'aurais mieux compris le contraire....

Un texte sur une idée intéressante (il me semble avoir lu une bande dessinée sur le même thème il y a longtemps, et je ne me rappelle pas le titre, et ce n'est pas important après tout), mais peut être desservi par quelques approximations, ou raccourcis, qui parfois déroutent.

   Bidis   
2/2/2009
J'ai trouvé ce texte bien écrit, fort et sans concession.

   Menvussa   
3/2/2009
 a aimé ce texte 
Bien ↓
Je me suis laissé entraîner par ce récit plutôt bien écrit mais la fin ne m'a pas emballé.

   melonels   
5/2/2009
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Un texte bien écrit qui nous plonge dans ce désert assassin. Quand certains disent que le Paradis est sur terre, lui, Mourad était en enfer sur terre. En si peu de temps on s'attache à ce personnage et on a envie de lui dire, non le diable ,'est pas là-bas, le point d'eau existe bien, vas et vis.
Bravo au plaisir de te lire à nouveau.

   guanaco   
6/2/2009
Une histoire simple avec une chute sympathique.
Le style est fluide mais il s'appuie à mon goût sur trop de lieux communs.
Merci
Guanaco

   David   
12/2/2009
 a aimé ce texte 
Bien
Bonjour Kullab,

"Le Styx", le seul fleuve que cet arabe franchira jamais désormais... Bravo pour avoir construit une histoire sans faille dans ce petit format, elle est dans la bonne moitié de celle que j'ai lu pour ce concours.

   Anonyme   
13/2/2009
"La guerre était finie depuis trois jours mais Mourad allait mourir" c'est comme tu veux, mais question d'oreille, je préfèrerais "mais Mourad va mourir", puisqu'apparement, c'est inéluctable.

"Le diable, c’est le désert. Le désert, c’est le diable. Cette fois, Mourad changea franchement de direction pour ne pas entrer dans le jeu du diable." Le dernier diable est peut-être en trop ?

Nouvelle pas convaincante qui me laisse pas convaincue.
Mais peut-être est-ce dû aux règles du concours qui intimaient un texte court... Il y a les coureurs de fonds et les sprinteurs, ta catégorie est peut-être simplement la première ?
Au plaisir de te lire encore.

   Ariumette   
22/2/2009
D'abord félicitation d'avoir relevé le défi de ce concours !
Mon avis : Une histoire dure, un désert et l'eau absente. J'ai aimé ! Quelques bémols sur le style parfois, comme par exemple la répétition du mot diable.

Pas de note cause concours


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