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Fantastique/Merveilleux
laplume : Un petit air familier
 Publié le 05/04/07  -  3 commentaires  -  6027 caractères  -  22 lectures    Autres textes du même auteur

Une musique fait le tour du monde. Elle y fait d'ailleurs malheur...


Un petit air familier



C’est dingue ce que peut faire faire la musique. C’est quelque chose de grand, de beau et de très puissant. Avec elle on vibre, on communique, on médite et on danse. J’adore la musique. Une belle chanson, un joli slow et le tour est joué pour les tombeurs. Un beau morceau de gospel et la prière est sacrée pour un croyant. C’est quelque chose de divin, la musique. Mais elle peut, parfois, conduire au pire. Elle ne le fait pas exprès. D’ailleurs, ce n’est de la faute à personne quand ça arrive.


Jean est un homme ordinaire. Il va chaque matin en ville pour s’enfermer quelques heures dans un grand bloc de béton armé. Il prend sa voiture et écoute la radio. Il change de station car il n’aime pas les informations tristes du matin. Il tombe sur une radio qui passe en boucle les tubes du dernier été. Il entend quelques notes d’une affreuse boîte à rythme synthétique mêlée d’un accompagnement de violon en silice. Une horrible voix déformée par l’électronique vient ternir un peu plus encore la beauté très partagée du morceau. On aurait dit un chat avec de l’électronique embarquée dans la gorge. Jean se rappelle combien ce titre était passé à la télé, à la radio, en magasin, en boîte… Les médias avaient dû la diffuser un bon million de fois au moins. Et ce matin-là, ils en remettaient une louche, histoire d’abrutir l’audimat une fois de plus.

Cette musique avait fait le tour du monde pendant les vacances. Et elle allait en refaire un maintenant, grâce à Jean.


Il arrive au boulot avec cette monstruosité en tête. Le pire avec une musique qu’on déteste, c’est qu’elle se plante dans la cervelle comme une tique sur la peau. Elle devient inextricable et on a beau essayer de la combattre, elle finit toujours par revenir à la charge. On peut se forcer à chanter une autre chanson, ça ne change rien. On peut se noyer dans un véritable concert de chefs-d’œuvre, faisant appel à toute la sensibilité humaine en soi pour apprécier le génie dégagé par quelques notes angéliques, c’est chou blanc. La bête finit par gagner contre la belle. Seul le temps et la patience viennent à bout de ces musiques qui, d’une année sur l’autre sont oubliées totalement. C’est là le paradoxe car on a l’air en tête tout le temps mais lorsqu’il part trop longtemps, il a un mal fou à revenir et à se faire apprécier.


Jean s’enferme dans son box de télévendeur en informatique. Tous les box se collent comme des alvéoles de ruches. Ils sont tout petits et serrés – une vraie fourmilière mais en plus moche. Jean et ses collègues appellent, décrochent, raccrochent, parlent, argumentent et vendent. Jean vérifie son listing de client. Il chantonne doucement la musique merveilleuse de la voiture. Le vendeur de droite l’entend et dans son oreillette, la dame entend un petit bruit de fond avec un petit air familier. Elle n’entend presque rien, juste un petit refrain quasiment inaudible mais son cerveau, le traître, sait de quoi il s’agit. Inconsciemment, la dame fait remonter cette musique à la surface.

Trop tard, elle est piégée. Et maintenant, le tour du monde peut commencer.


La pauvre femme n’aime pas cette musique. Étant assez puritaine et conservatrice, elle ne peut adhérer à ce genre de mœurs musicales au risque de pactiser avec le diable du commerce et de l’industrie musicale. Forcément, avec la rabattage incessant des médias, elle connaît, comme tous les citoyens qui écoutent la radio ou regardent la télé, ce morceau hideux et pourtant très apprécié par la jeunesse. Toute la journée, elle tente d’arracher ce refrain de sa tête. Elle avait entendu dire, un jour, qu’il fallait chanter la musique pour que celle-ci s’en aille. Alors, la dame chante devant ses fourneaux, dans sa voiture et même au supermarché. Un adolescent passe à côté d’elle et l’entend chanter cette chanson. Il est étonné de voir une femme d’un âge certain apprécier ce style musical. Ça lui rappelle cet été. Il n’écoutait que ça et avait même acheté le cd. En rentrant chez lui, il cherche dans sa tour ce fameux cd afin de le réécouter. Il le passe en boucle tout en faisant quelques devoirs et c’est son père qui lui ordonne finalement d’arrêter cette cacophonie incessante ou de baisser le son. Le père du gamin se demandait souvent comment son fils pouvait apprécier ce genre de musique barbare et dénuée de sens. On ne comprend même pas les paroles semi-anglaises à cause de tous ces sons étranges et métalliques qui couvrent la voix et qui se couvrent l’un l’autre. D’autant plus qu’elle était passée tout l’été et qu’il n’en pouvait plus de le réentendre.

Mais c’est peine perdue car dès qu’on en perçoit les premières notes, on ne peut plus s’en défaire. Le lendemain, le père, ayant mal dormi, se précipite au boulot avec son calvaire. Il est distrait par la musique et son manque de sommeil ne l’aide pas. Il est pilote de ligne pour une petite société louant ses services aux entreprises qui n’aiment pas dépendre des grandes lignes aériennes. Ce matin, il pilote un avion avec à son bord le P.D.G. d’une multinationale et deux actionnaires de la boîte. Il fallait aller en Angleterre pour un rendez-vous d’affaires. Tout le long du trajet, la musique tourne dans sa tête, faisant rompre au fur et à mesure les limites du supportable. Le pilote tape du poing subitement sur les commandes pour affirmer son dégoût grandissant. Mais les systèmes s’emballent subitement et ne répondent plus.


Jean rentre chez lui après une longue journée de travail. Il s’assied devant son écran de télé et regarde les informations tristes du soir. Il entend qu’un avion s’est écrasé en mer avec à son bord trois passagers et le pilote. Pour l’heure, rien ne permet de déterminer ce qui s’est passé mais par un heureux miracle, tout le monde est sain et sauf.

Les jours passent et les journalistes rapportent les propos des enquêteurs. Sur la bande de la boîte noire diffusée, on peut entendre le pilote fredonner un petit air connu de tous avant de s’écraser. Tout l’audimat est aux aguets.


Trop tard, tout le monde est piégé.


 
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   Fattorius   
6/4/2007
 a aimé ce texte 
Bien ↓
Y'a de l'idée, et même de la bonne! Attention à certains détails, de concordance des temps par exemple. Il eût été rigolo, par ailleurs, d'allonger encore le parcours de l'affreuse petite chanson, de lui ajouter quelques péripéties. Mais c'est un texte sympa!

   Jeff   
6/4/2007
 a aimé ce texte 
Bien ↓
Voilà une très bonne idée de texte. Simple et efficace. Bien traité on attendait presque plus de développement sur le "tour du monde"... En même temps c'est aussi la simplicité du traitement qui en fait le charme.
Merci pour ces quelues lignes de réel bien décrites.

   Maëlle   
15/4/2007
histoire d'une scie ... non, non, je ne chanterais pas!


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