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Science-fiction
Laurent-Paul : Moustachov
 Publié le 26/10/25  -  3 commentaires  -  4061 caractères  -  20 lectures    Autres textes du même auteur

Un pèlerinage spatial à Moustachia.


Moustachov


La navette suivante se posa dans un sifflement aigu et un nuage de vapeur ; le soleil rouge noyait la scène d’une lueur sanglante que les ombres allongées projetées par les immenses immeubles rendaient encore plus oppressante. Parmi ces gratte-ciel tout de synthécristal et de plastacier, le palais cathédrale du saint vivant, du presque invaincu, le brave maréchal Moustachov dressait les clochers d’or et d’airain de sa splendeur jusqu’aux nuages épars à peine radioactifs. C’était là-haut que la salle du trône attendait la foule venue honorer l’inestimable saint vivant.

Guidée par un grand barbu, la foule des pèlerins épuisés mais heureux quitta la navette en toute hâte. Aucun parmi eux ne s’était rasé depuis le début de leur pèlerinage. Certains voyageaient depuis des années, avaient traversé la galaxie et renoncé à leur vie pour accomplir les rites ultimes de la vraie foi. Le dernier passager à peine débarqué, le vaisseau décolla immédiatement chercher d’autres pèlerins. Ceux qui venaient de débarquer se dépêchaient, encadrés par les vaillants gardes du Régiment Velu. Tous s’organisaient pour rejoindre le palais cathédrale de Moustachov. À genoux, derrière le grand barbu scandant les innombrables bienfaits et qualités de Moustachov, les pèlerins entamèrent en chantant le dernier cheminement de leur long voyage. Ils étaient enfin proches. Peut-être pourraient-ils voir le héros parfait, voire l’approcher. Peut-être même l’un d’entre eux serait-il distingué et serait-il choisi pour aller peigner la sainte moustache. Tous, en prévision de cet hypothétique mais auguste éventualité, portaient, accroché autour du cou, un petit peigne d’ivoire véritable et de nacre même pas synthétique. Et peut-être, si l’un d’eux pouvait peigner l’auguste moustache, un saint poil resterait-il accroché au peigne. Alors, sans aucun doute, l’heureux élu pourrait mourir l’âme quiète. Car ce poil était la relique la plus convoitée de cette partie de l’univers : enchâssé dans un viseur, c’était l’assurance de faire mouche à tous les coups. Inclus au Livre, celui relatant les vaillants exploits du saint vivant, c’était augmenter la portée de ses prières ; offert à un proche, c’était lui faire un cadeau inestimable ; glissé dans une urne funéraire, c’était l’assurance d’un cheminement paisible vers les Champs des morts glorieux…

L’innombrable foule à genoux progressait lentement mais inexorablement, mue par la volonté farouche d’aller se recueillir dans le palais cathédrale. Une autre foule quittait le bâtiment immense par les portes de derrière, rejoignant le second spatioport. Cette foule était moins dense : nombre de pèlerins, touchés par la grâce moustachovienne, s’engageaient dans le Régiment Velu, léguant également tous leurs biens à Moustachov afin qu’il en fasse usage pour purger la galaxie du fléau des imberbes.
Et parmi ces fléaux, le pire était celui des vilains, des cruels, des lâches, des affreux, des horribles, des nauséeux Légionnaires Chauves, célèbres pour porter des armures couleur os, leur nourriture de base. Depuis des siècles, ce fléau menaçait la paix de Moustachov. En effet, ces posthumains, gonflés aux hormones et anabolisants, avaient perdu ce qui fait de l’homme un homme : son système pileux. Aussi, jaloux de la splendeur capillaire de Moustachov à l’origine de son charisme divin, ce fléau n’avait de cesse d’abattre la munificence nouvelle, l’espoir de l’humanité qu’était Moustachov. Et leurs attaques haineuses étaient sans fin, et les victoires de Moustachov et de ses fidèles Velus également.

« Victoire, gloire à Moustachov, victoire, mort aux Imberbes, victoire ! » scandait la foule innombrable des pèlerins dans son lent flux ininterrompu. Car tous les pèlerins cheminant sur leurs genoux ensanglantés vers le palais cathédrale le savaient : Moustachov, le presque invaincu toujours à la tête du presque invincible Régiment Velu, représentait le seul espoir d’une humanité hostile à l’épilation et au rasage, synonymes de l’oppression des Imberbes, des chauves et surtout des raseurs.


 
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   ANIMAL   
26/10/2025
trouve l'écriture
aboutie
et
aime bien
Science-fiction, politique-fiction, humour… les trois réunis dans cette courte nouvelle font un gentil petit cocktail au premier abord mais si on plonge, on peut y voir un pamphlet contre l’imbécilité du fanatisme. L’humain trouvera toujours quelque chose pour diviser et régner, et il y aura aussi toujours des suiveurs dont la vie est si peu intéressante qu'ils doivent exister à travers d'autres.

Un texte au poil.

   papipoete   
26/10/2025
trouve l'écriture
aboutie
et
aime bien
bonjour Laurent-Paul
une Nouvelle courte, j'y vais !
La quête vers l'inaccessible poil, que le Très-Haut porte ostensiblement, fait avancer les pèlerins venus de partout ; ils vont enfin pouvoir approcher ce Saint Barbu !
NB un mélange de voyage à Rocamadour, où l'on accomplit les derniers décamètres à genoux, et une odyssée à Bagdad au temps des barbares, où ne pas être affublé d'une barbe est mortel blasphème !
- Imberbe qui ici t'avances, fais ta prière, tu vas mourir !
On pourrait sourire par moments, mais la chose est trop grave, alors " poilons-nous ! "

   Donaldo75   
16/11/2025
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime bien
Mine de rien, ce n'est pas un texte facile à écrire car sous pas mal d'aspects il pourrait sembler manquer de matière. Pourtant, et j'ai ressenti cette impression dès ma première lecture, en prenant plus de temps pour le lire, j'en ai apprécié les couleurs. Le style, déjà, précis, plein, dense, imprime la tonalité comme lorsque l'orgue résonne dans le temple. Le fond, ensuite, compréhensible dans la fin du récit dont une pointe d'humour relève le goût, est tellement d'actualité depuis une vingtaine d'années que le traiter de manière aussi originale et indirecte me semble une excellente idée.

Bref, c'est subtil, peut-être trop pour les pressés de la lecture mais dans ce format court il est possible d'en apprécier le mélange fond/forme sans se prendre la courge avec des analyses compliquées où l'équation du troisième degré deviendrait la cheville ouvrière d'un raisonnement alambiqué.

Bravo !


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