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Réalisme/Historique
Malo : Refuge
 Publié le 08/05/17  -  6 commentaires  -  9191 caractères  -  60 lectures    Autres textes du même auteur

Ils avaient un travail, une vie agréable dans un pays qu'ils aimaient. Ils ont dû partir…


Refuge


Je marche, ma fille sur les épaules, ses fesses reposant sur le haut du gros sac à dos qui bat mes reins. Ma compagne marche derrière moi tenant notre fils par la main. Je ne sais plus depuis combien de temps nous avons quitté la maison. Je ne sais pas non plus où nous allons. Un jour il faudra bien qu’on pose nos sacs…


On ne pouvait plus rester là-bas. Cela devenait dangereux pour nos vies. Alors on est partis après avoir dit adieu aux parents et aux amis. Les parents étaient trop vieux pour nous suivre. Ils ne voulaient pas quitter l’endroit qui les avait vus naître. Ils préféraient mourir dans leurs meubles, disaient-ils avec un sourire un peu triste. Les amis étaient partagés. Certains avaient pris les armes. Ils se battaient pour la liberté sans trop savoir de quel bord elle se trouvait. Ils se rangeaient au côté de chefs de guerre et défendaient leur quartier. D’autres ne savaient pas quoi faire. Difficile de tout quitter et l’espoir que les choses s’arrangeraient, qu’un compromis serait trouvé.


La pluie commence à tomber. La petite se met à pleurer. Elle a de plus en plus de mal à supporter la situation. Au début ses yeux brillaient. Tout était nouveau pour elle. C’était comme un jeu à l’échelle du monde. Aujourd’hui elle est fatiguée. Elle ne comprend pas pourquoi nous marchons ainsi. Elle ne comprend pas pourquoi elle a dû quitter sa chambre rose, si douillette, avec ses peluches sur le lit et ses boîtes de jouets dans l’armoire « Camion-poubelles ». Je dis la petite, par habitude. Elle s’appelle Anisa : un petit visage piqué de taches de rousseur, des cheveux blonds encadrés par deux nattes, fière qu’elle était chez nous de ses quatre ans qu’elle aimait égrener sur ses doigts. Maintenant elle est constamment triste. Elle dit vouloir retrouver Mania, sa copine de maternelle. J’ai l’impression qu’elle se réfugie dans un rêve.


Nous nous abritons sous un abribus. Je pose notre barda à nos pieds. Une jeune femme fait un pas de côté et nous regarde en coin. Son car arrive, elle y grimpe rapidement.


Notre garçon s’appelle Malou. Lui non plus ne comprend pas très bien ce qui nous arrive. Du haut de ses douze ans il est très courageux. C’est le deuxième homme de la famille. Il veut me seconder pour le bien-être de sa mère et de sa petite sœur. Mais lui aussi craque parfois. Alors il vient contre moi et cache son visage dans mon manteau pour pleurer. Je lui parle doucement jusqu’à ce qu’il relève la tête et me dessine une ébauche de sourire. C’est mon grand qui serait bien mieux à l’école ou à jouer au foot dans ce stade qui venait d’être rénové. Il marchait bien au collège. J’ai l’impression de lui voler son enfance en l’entraînant ainsi derrière moi. Mais que faire d’autre ? Il veut être chirurgien quand il sera grand et il a bien compris qu’il lui fallait travailler dur pour réaliser son rêve. Quand pourra-t-il rejoindre une salle de classe ?


Je ne sais pas si j’ai bien fait d’entraîner ma famille dans cet enfer. Mais ce que nous avons quitté était aussi un enfer. La ville déchirée par plusieurs factions. Difficile d’y circuler, sans parler du danger. Cette peur constante de ne pas retrouver l’un des nôtres en rentrant à la maison. Bientôt l’impossibilité de continuer à travailler. On restait dans l’appartement ou à proximité. Puis la nourriture a commencé à se raréfier. Et cette pression constante des combattants pour que l’on prenne aussi les armes ! C’est ma femme qui en a parlé la première. J’ai vite compris qu’il fallait tenter le coup. Nous n’étions pas les premiers à partir. Et puis nous apporterions une force de travail au pays qui nous accueillerait. Nous avons retiré tout notre argent puis nous nous sommes renseignés sur les possibilités de quitter le pays. J’ai couru les ambassades pour obtenir des visas, présentant mes diplômes, vantant ma force de travail et mon don pour les langues. Aucun pays n’a voulu de nous. Trop de monde à vouloir partir.


À la porte d’une ambassade, j’ai été abordé par un homme qui disait pouvoir m’aider. Il connaissait des personnes qui sauraient faciliter notre départ. Nous avons été boire un verre. Il m’a dit qu’il s’agissait d’une association dont le but était de se charger des familles qui désiraient sortir du pays pour s’installer dans une nouvelle patrie. Il m’a prétendu que cette association ne cherchait pas à faire de bénéfice. Malgré tout, l’obtention de papiers ainsi que tous les à-côtés exigeait des frais dont elle ne pouvait pas entièrement se charger. Je lui ai demandé combien cela coûterait pour nous quatre. Le prix était exorbitant, mais cela restait encore possible au vu de nos économies. Un sacrifice qui nous permettrait, avec un peu de chance, de nous réinstaller ailleurs. J’en ai parlé à ma femme et à des amis. Nous devions quitter le pays en camion, de nuit, pour rejoindre un port où un navire nous conduirait vers notre terre promise.


La pluie a cessé. Nous reprenons la route. Nous sommes près d’une petite ville où j’espère que nous pourrons nous arrêter pour la nuit. L’idéal serait de se reposer quelques jours, ne serait-ce que pour les enfants. Mais qui nous accueillerait ? J’ai l’habitude d’aller frapper à la porte des presbytères ou des monastères s’il y en a. Je me dis que les hommes de Dieu ont un devoir de charité. Parfois nous sommes bien accueillis. Le plus souvent je sens que nous dérangeons. Jusqu’ici je n’avais rien demandé à personne que je ne puisse lui rendre. J’ai toujours cru que mon épouse et moi, nous pourrions assurer les besoins de la famille par notre travail. Aujourd’hui je dois quémander de l’aide. C’est quelque chose que j’ai beaucoup de mal à faire. Fierté mal placée peut-être, en tout cas un mauvais goût d’humiliation qui me mine. Je crois que si j’étais seul, je finirais par m’asseoir au coin d’une rue pour m’y laisser mourir. Si dans les villes où l’on passe nous ne trouvons aucun accueil, il nous reste toujours les hôtels à bas prix. On ne demande pas qui nous sommes. Une chambre sale le plus souvent, mais au moins un toit sur la tête. Seulement notre cagnotte n’est pas extensible. Nous ne savons pas quand nous pourrons enfin nous poser.


Donc un soir, nous avons rassemblé nos affaires pour rejoindre le camion qui serait notre premier lien avec la liberté. Nous n’étions pas les seuls. Il a fallu se tasser dans la cabine en laissant des bagages sur le parking, abandonnés par manque de place. Je pense qu’ils n’ont pas été perdus pour tout le monde. Et le voyage a commencé. Nous n’étions pas tous assis. Il fallait s’accrocher à ce qu’on pouvait pour ne pas tomber les uns sur les autres. Ma femme et moi pensions surtout à nos enfants, à leur apporter un peu de confort. Au petit matin le camion s’est arrêté. On nous a fait descendre. Impossible d’aller plus loin nous ont dit nos accompagnateurs. Le port où nous attendait le bateau n’était qu’à quelques kilomètres. Nous y serions rapidement, le navire nous attendrait. Nous étions en rase campagne. Il faisait froid et l’humidité nous saisissait. Des voyageurs ont voulu protester. Le conducteur et son aide ont sorti des revolvers, sont montés rapidement dans le camion, ont démarré.


Les passagers du camion se sont alors éparpillés dans le noir. Rejoindre le port… Mais les enfants étaient trop fatigués. Il nous fallait trouver un endroit, abrité si possible, pour qu’ils se reposent. Et puis le jour se levait. Tant de monde sur les chemins retiendrait certainement l’attention de la police. Un peu plus loin j’ai vu une petite construction en pierres qui devait servir habituellement d’abri aux moutons. Si elle était vide on pourrait s’y réfugier quelques heures. Elle était vide et sèche. La nuit tombée nous sommes repartis. Par chance nous n’avons pas fait de mauvaises rencontres. Arrivés au port nous avons erré sur les docks à la recherche de notre navire. Il était parti sans nous ou n’avait jamais existé. Que faire ? Nous n’étions pas vraiment en sécurité dans cette ville, et puis nous étions censés posséder les visas pour notre « terre promise ». De toute façon nous ne pouvions plus retourner en arrière. Alors nous avons pris la route…


Une petite dame emmitouflée dans un grand manteau nous dépasse. Elle se retourne pour nous regarder. Je m’approche d’elle, lui demande s’il existe un presbytère dans cette ville dont je ne connais même pas le nom. Elle me fixe longuement dans les yeux. Je suppose qu’elle ne m’a pas compris. Je me suis exprimé en anglais, mais… elle me sourit et me fait signe de l’accompagner. En chemin elle m’interroge, juste pour créer le contact, sachant très bien ce que nous cherchions. Elle me dit qu’elle possède une grande maison et que nous pourrons nous y reposer le temps qu’il faudra. Il y a encore des gens formidables.


J’aimerais tant qu’un pays lui aussi nous sourie ; qu’il nous ouvre ses portes en nous offrant l’asile dont nous avons tant besoin. Que nous posions enfin nos sacs. La petite pourrait de nouveau jouer avec des enfants de son âge et mon garçon reprendre le chemin de l’école. On me permettrait de travailler et nous reprendrions dignement le cours de notre vie. N’importe quel travail ferait l’affaire, n’importe lequel.


 
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   Anonyme   
16/4/2017
 a aimé ce texte 
Pas
Un texte essayant de retranscrire le vécu de réfugiés mais qui, à mon avis, rate son but. J'ai plus l'impression de lire des idées préconçues, piochées au gré de l'actualité, qu'une restitution fidèle du quotidien de ces malheureux. Il y a trop d'accumulations d'images toutes faites (les pauvres enfants, l'abnégation des parents, les méchants passeurs) ajoutées à une tentative moralisatrice : "J’aimerais tant qu’un pays, lui aussi nous sourit".
Ca ne respire pas l'authenticité mais la vision superficielle qu'une personne de chez nous peut avoir.
Le style, sage et sans relief, correspond au ton insipide d'un récit qui partait assurément d'un bon sentiment. Tout ceci manque de force.

   Tadiou   
9/5/2017
 a aimé ce texte 
Bien ↓
(Lu et commenté en EL)

Histoire racontée simplement, sans pathos, sans recherche d’effet de style, presque un documentaire.

Mais j’ai l’impression d’un survol, presque d’un résumé, tant on en apprend peu sur cette famille. Personne ne s’exprime, à part le père-narrateur. Aucune indication sur le pays d’origine.

Alors je me sens frustré par de telles ellipses. Il me semble qu’on peut susciter de l’émotion, même sur ce sujet (hélas, tellement d’actualité), sans tomber dans l’eau de rose et la mièvrerie.

Donc je m’interroge sur les intentions de l’auteur. Je m’interroge sur l’impact d’un tel récit, à l’écriture presque télégraphique, même si j’apprécie la retenue, la pudeur, la sobriété.

Récit journalistique? : il faudrait davantage d’infos, à mon sens.

Volonté de toucher une corde sensible ? : il faudrait un autre style, une autre démarche.

Donc je trouve que ce texte est dans un entre-deux, ce qui ne m'est pas très satisfaisant.

Je relève une incohérence entre la nécessité de partir et les quelques indications données sur la vie au pays avant le départ : on a l’impression d’une vie agréable et « normale » : on parle de « chambre rose, si douillette, avec ses peluches sur le lit et ses boites de jouets dans l’armoire « Camion-poubelles ».
On parle de « jouer au foot dans ce stade qui venait d’être rénové » ….

Du coup, malgré les quelques justifications, le départ de la famille me semble artificiel (vue très personnelle à partir de ma vie hexagonale).

Il me semble que ce récit, auquel chacun(e) peut compatir, gagnerait à voir ses intentions précisées avec un style adapté.

Le gris (ou noir) du récit se termine en une belle lueur de solidarité et de compassion: on peut tout à fait l’apprécier. Comme j’apprécie le fait qu’il véhicule des valeurs « positives » d’humanité.

   plumette   
19/4/2017
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Ce texte est d'une actualité triste et dure , toujours renouvelée.
Le récit ne progresse pas de façon linéaire puisque le narrateur, pris à un instant t pendant son son "exode" revient sur les conditions matérielles de son départ. Ce choix est judicieux (pour moi bien sûr car il révèle dés le début que malgré la dureté du sujet, la famille est encore au complet et a donc échappée au drame ( du naufrage par exemple)
Ce texte dénonce à la fois le rôle des passeurs, la condition très difficile des candidats à l'émigration et à la fin, il termine sur une note heureusement porteuse d'espoir.
C'est un texte sobre, qui ne peut que nous laisser un malaise tant ce qui est décrit concerne des êtres qui nous ressemblent.
l'écriture est simple, utile au propos, le narrateur apparait comme plutôt résigné, beaucoup de tristesse se dégage de ce récit.

je l'ai pris comme un texte qui participe à sa manière à faire prendre conscience ( autrement que par d'horribles images) de la cruauté de ce parcours.

Merci pour cette lecture

Plumette

   Velias   
9/5/2017
Bonjour Malo,
Une écriture maîtrisée et cohérente mais...j'ai trouvé ce récit surfait. Je n'ai ressenti aucune empathie à la lecture de vos lignes. Trop cliché pour moi : les parents, leurs enfants, les méchants passeurs etc
Désolée, j'espère être plus clémente au prochain texte

   Thimul   
11/5/2017
 a aimé ce texte 
Un peu
Si je loue le propos du texte celui ci ne m'a pas totalement convaincu.
Je pense que les migrants qui tentent "l'aventure" sont dans un désespoir et une urgence bien plus importante que ce qui est décrit dans ce texte.
Je ne ressens pas le désespoir et la peur des protagonistes de cette histoire. Du coup il y a un décalage entre le propos et le ressenti qui m'a empêché d'éprouver l'empathie que j'ai spontanément pour ces hommes ces femmes et leurs enfants qui fuient l'horreur pour un Eldorado que bien souvent ils ne trouveront jamais.
Aucun migrant ne part sur les routes sans une destination précise et ce n'est absolument pas abordé dans le texte alors que tout le problème vient principalement de là. Dans la réalité beaucoup veulent rejoindre l'Angleterre par exemple et se retrouvent en France parce qu'on leur refuse le passage.
C'est cet appel vers une terre promise que j'aurais voulu ressentir ici. La colère que tout être humain pourrait éprouver, la peur bref toute une palette d'émotions qui, je trouve, ne sont pas abordées à leur juste niveau.
De ce fait, le texte plutôt bien construit manque de puissance.
Dernière remarque ; j'ai beaucoup de problèmes avec "nous avons été boire un verre". Je me trompe peut-être mais je crois que "nous sommes allés..." est l'expression correcte.

   Donaldo75   
27/5/2017
 a aimé ce texte 
Bien
Bonjour Malo

J'ai bien aimé cette histoire.

Je ne recherche pas, dans ce type de récit, à trouver un témoignage authentique de la situation, parce que ça n'est souvent pas possible, que l'auteur n'a pas connu cette vie de réfugié. Et puis, écrire ce n'est pas relater.

Du coup, ce qui pourrait passer, aux yeux d'autres lecteurs, pour des clichés, ressemble, à mon avis, à une interprétation de cette situation que jamais nous ne connaitrons. Ce n'est pas du journalisme sur le terrain, mais de la fiction inspirée de faits réels mais lointains.

Le style est sobre; c'est appréciable.

Merci pour la lecture,

Donaldo


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