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Sentimental/Romanesque
Manonce : C'est pas ma faute !
 Publié le 05/11/07  -  3 commentaires  -  25831 caractères  -  5 lectures    Autres textes du même auteur

Suite d'Hector Trouduc. Simon rencontre Hector.


C'est pas ma faute !


- Salut Simon !

- Salut !

- Alors t’es bien rentré hier soir ?

- Ouais ! Sans problème !

- Pourtant t’en tenais une bonne !

- T’inquiète pour moi ! je maîtrise !


Ah ! Les sorties du mardi soir ! Comme ils aimaient ça. Rien de tel pour s’éclater ! Ils en rêvaient toute la semaine. C’était de leur âge.


- Qu’est-ce qu’on fait la semaine prochaine ?

- On a huit jours pour y penser, Grand ! Laisse-nous déjà digérer la soirée d’hier !


Pierre et Simon étaient deux copains de longue date. Pierre était presque un géant avec ses deux mètres dix. Simon avait une taille normale, un mètre soixante-quinze, mais paraissait petit à côté de son ami. Coiffé en brosse, cheveux bruns, blondis aux bouts, il soignait son image de sportif accompli.


Enfants, ils étaient inséparables. Aujourd’hui encore, âgés de vingt-six ans, pour les sorties du mardi soir, l’un n’allait pas sans l’autre.


Pour les loisirs, l’un faisait du basket - le plus grand, évidement -, l’autre, Simon était passionné de rallyes.


Il en parlait de ses rallyes… toutes les pauses café à ses collègues de bureau intéressés. Simon aimait conduire vite et cela se savait. Il contrôlait sa voiture comme personne et, au grand dam de ses collègues, espérait le verglas et la neige en hiver pour pouvoir s’amuser sur les routes à bord de son petit bolide, une vieille Austin qui avait du coffre. Tout le monde s’étonnait qu’il ait encore son permis de conduire mais Simon savait apparemment déjouer tous les pièges tendus par les radars fixes ou embarqués. À moins qu’une chance insolente ne lui permette de passer à travers les mailles des filets tendus pour coincer les gens qui, comme lui, faisaient perpétuellement la nique au code de la route ? Toujours est-il qu’il avait encore les douze points que d’autres, moins agressifs que lui au volant, avaient perdus depuis longtemps.


Mais Simon était véritablement un as. Sa voiture, petite et nerveuse, était bien plus qu’un utilitaire, c’était un prolongement de ses membres. Un peu comme les champions de skate qui dans toutes les situations restent collés à leur engin, faisant corps avec lui. C’était un véritable artiste de la conduite automobile.


Il était aussi féru de mécanique et savait mettre les mains dans le cambouis lorsque sa voiture le réclamait. Il le fallait bien car il cassait beaucoup lors des week-ends de compétitions où il conduisait sa 205 rallye pour se mesurer à d’autres passionnés. La casse, inévitable en compétition, et les pneus, d’une gomme spéciale, qui ne faisaient pas long feu à cause des conditions extrêmes qu’il leur imposait, lui coûtaient cher. Ce loisir était ruineux en réparations et en équipement. Son salaire d’ingénieur informatique y passait pour une grande partie mais sa passion se devait d’être assouvie.


Simon était apprécié de ses collègues pour sa verve inimitable qui ranimait les plus endormis le lundi matin. Il parlait et parlait encore de sa dernière course, de ses projets, des gens qu’il avait rencontrés. Cela ne l’empêchait pas d’être bon dans son travail car il y mettait la même ardeur que dans ses loisirs. Son esprit agile, la confiance qu’il avait en lui en faisaient un collaborateur fiable et compétent. Il ne comptait pas les heures passées au bureau et tel un roc semblait incassable.


En général, lors de ses sorties du mardi, Simon savait s’arrêter de boire à temps car il aimait rester maître de ses actes. La veille, il avait fêté son anniversaire. L’alcool coulait à flot grâce aux tournées des copains et il avait été obligé de trinquer à chaque fois. En sortant, son état d’ébriété n’était pas passé inaperçu. Il titubait légèrement et s’était excusé auprès d’une chaise de l’avoir bousculée. Ses amis qui ne valaient guère mieux que lui s’étaient esclaffés de sa méprise sans penser une seconde à lui confisquer sa clef de voiture. Heureusement, Simon avait sans doute Saint Christophe à ses côtés car il rentra sans encombre chez lui.


Ce jour là, en sortant du bureau, Simon devait se rendre chez un copain chez qui il était invité à dîner. Il était vingt heures cinq lorsqu’il termina son travail Les cinquante kilomètres qui le séparaient de sa destination seraient vite avalés à cette heure tardive surtout s’il prenait les petites routes peu fréquentées. Ce parcours avait le double avantage d’échapper aux radars et d’éviter les embouteillages des grands axes. Sa voiture n’aimait pas les embouteillages, elle consommait trop pour qu’il se permette d’y rester de façon prolongée.


En démarrant, il sourit au doux ronronnement du moteur qui n’attendait que l’action de son pied pour changer de régime. Il passa au pas les barrières de sécurité qui délimitaient l’enceinte de l’entreprise. Les vitres baissées pour laisser entrer un peu de fraîcheur dans l’habitacle surchauffé par le soleil permettaient aux passants de profiter de la musique qui sortait à fond des enceintes pour couvrir le bruit du moteur.


« Plus que trois feux pour sortir de la ville », pensa Simon, impatient de pouvoir jouer avec son bolide sur les petites routes sinueuses.


Malheureusement, le troisième feu passé, il se trouva derrière une Twingo poussive dont le tuyau d’échappement laissait sortir une fumée noire, malodorante. Il resta collé à elle pendant un kilomètre cinq cents avant de pouvoir la doubler dans un vrombissement de moteur qui effaroucha la femme qui conduisait l’escargot roulant. De surprise, elle fit un écart sur la droite alors que le dépassement était effectué depuis longtemps en injuriant copieusement le malotru qui l’avait effrayée. Simon, portant toute son attention sur la route qui s’étalait maintenant devant lui sans aucun obstacle, ne s’en rendit pas compte. Il pouvait enfin adopter une conduite sportive sur ce qu’il considérait comme un terrain de jeu.


Un peu plus loin, sur une route qui longeait des bois, il évita une biche qui traversait la route et se félicita de ses réflexes qui une fois encore lui avaient permis d’éviter le pire.


À vingt heures trente-huit il était à destination. Il se rendit compte qu’il n’avait rien apporté à la femme de son ami mais bon, elle était fleuriste, il se voyait mal lui amener des fleurs. Il aperçut une épicerie fine et s’y arrêta pour acheter une bonne bouteille de vin. Il n’arriverait pas sans rien.


- Bravo, tu n’es pas trop en retard ! lui dit Manuel en guise de salut en ouvrant la porte.


Une bonne odeur envahissait la cage d’escalier. Simon se lécha les babines avant de dire :


- C’est un pot au feu ! Super, j’adore !

- C’est bien parce que c’est ton plat préféré… Ce n’est pas vraiment la saison mais bon, tu ne viens pas si souvent que cela. Céline voulait te faire plaisir.


La femme de Manuel sortit de la cuisine pour venir l’embrasser.


Simon lui glissa à l’oreille :


- Merci pour le plat que tu as préparé pour moi. Écoute, si un jour tu en as marre de ce gros hanneton de Manu, je veux bien t’épouser.


Céline rigola et Manuel qui avait tout entendu fit mine de se fâcher :


- Si tu viens ici pour me piquer ma femme, tu peux repartir tout de suite parce que je la garde. Elle est trop bonne cuisinière pour la laisser à n’importe qui !


- J’espère que ce n’est pas que pour ça que tu restes avec moi. Sers plutôt l’apéro au lieu de raconter des bêtises, répondit Céline sur le même ton.


L’apéritif et le dîner se passèrent agréablement. La bouteille de vin rouge amenée par Simon s’était avérée excellente. Finie depuis longtemps, elle avait été remplacée par une autre, tout aussi délectable, pour accompagner le fromage.


Un peu avant minuit, Simon refusa le digestif que lui proposait son copain alors que Céline décidait d’aller se coucher.


- Il faut quand même que je sois en état de rentrer chez moi, s’excusa Simon. D’ailleurs il est temps de partir.

- Comme tu veux Simon mais tu peux aussi coucher ici.

- Non, je n’ai pas pris de change et puis je me sens tout à fait en état de conduire.

- Comme tu veux, répéta Manuel en bâillant.


Une mauvaise surprise attendait Simon sur le parking de la résidence. Sa voiture avait disparu.


- Ce n’est pas possible ! Ma voiture ! On a volé ma voiture ! Qu’est-ce que c’est que ce quartier pourri !


À l’aide de son portable, il prévint Manuel qui ne tarda pas à le rejoindre. Ensemble ils allèrent au poste de police qu’ils trouvèrent fermé. Normal à cette heure tardive. Manuel réussit à convaincre Simon de passer la nuit chez lui pour pouvoir porter plainte le lendemain matin.


Simon ne réussit pas à fermer l’œil de la nuit. Il tenait tellement à sa voiture que des larmes de rage mouillèrent son oreiller. Il fut content d’entendre Céline s’affairer dans la cuisine à six heures car il ne tenait plus en place.


- Je vais te prêter mon Kangoo pour que tu puisses rentrer chez toi. Manu m’emmènera au magasin.

- Merci, Céline, répondit le jeune homme d’une toute petite voix.

- Faut pas t’en faire. On les retrouve toujours les voitures volées. Dans un jour ou deux, quand il n’y aura plus d’essence…

- Tu crois ? demanda Simon avec espoir.

- Oui, elle est peut-être encore dans le quartier. Ce sont sûrement des jeunes qui ont voulu l’essayer.


À huit heures précises, Manuel accompagna Simon au commissariat pour qu’il porte plainte. Ensuite il lui remit les clefs de la voiture de sa femme et ils se séparèrent.


Avant d’aller au bureau, Simon passa se changer chez lui. Un voisin le voyant sortir dans la voiture blanche recouverte de décalcomanies de fleurs se moqua :


- Vous nous refaites les années hippies ? C’est une nouvelle mode ?

- On m’a volé ma voiture, précisa Simon.

- Ah bon ! Ici ?

- Non chez des amis.

- De nos jours, on ne peut plus faire confiance à personne. Je le disais à ma femme pas plus tard qu’hier. Figurez-vous qu’ils ont encore cambriolé le bureau de tabac. On se demande dans quel monde on vit de nos jours.

- Vous avez raison, c’est un drôle de monde, répondit Simon déprimé.


Il se dépêcha de monter chez lui. Il n’avait pas du tout envie d’aller travailler mais il n’avait pas le choix, en cette période de vacances, il n’avait pas de remplaçant, sa présence était indispensable.


La journée de travail passa avec une lenteur exaspérante. Simon attendait que son téléphone portable sonne et qu’on lui annonce que sa voiture avait été retrouvée. Mais à dix sept heures il dut se rendre à l’évidence : personne n’avait cherché à le joindre. Il se promit d’appeler le commissariat au plus tôt le lendemain et quitta le bureau pour se rendre au cabinet d’assurance et faire sa déclaration de vol. Ensuite, il rentra directement chez lui où il mangea une pizza surgelée devant la télévision. Un mal de tête lui vrillait les tempes, sans doute le résultat de la nuit blanche qu’il avait passée. Il se coucha après avoir pris deux cachets pour atténuer ses céphalées.


Le lendemain, il se réveilla d’une humeur massacrante. Ah ! Tenir le voleur entre ses mains, lui faire passer un mauvais quart d’heure, l’aurait soulagé !


Après une courte phase de dépression, son caractère bagarreur reprit le dessus. Il n’allait pas attendre bêtement qu’on lui rapporte sa voiture. Il allait en chercher une autre, plus puissante encore. Cette dernière pensée le rasséréna et il prit son petit déjeuner en lisant les petites annonces d’un magazine spécialisé auto et moto. Il en trouva quelques unes qui l’intéressaient mais il lui faudrait attendre encore un peu que l’assurance le dédommage avant de pouvoir acheter un engin aussi ruineux.


Il récupéra la Kangoo fleurie dans le garage en sous-sol de son bâtiment et partit au bureau l’esprit plus tranquille que la veille. Un appel au commissariat lui confirma que sa voiture n’avait pas été retrouvée. Il soupira et se força à chasser de ses pensées sa petite Austin rouge.


À midi, il téléphona à son ami Pierre pour lui raconter son malheur et lui demander ce qu’il faisait le prochain week-end. D’habitude Simon partait dès le vendredi soir en province pour retrouver les autres passionnés de rallyes. Aujourd’hui, sans sa voiture, il n’en avait pas envie. Il maudit encore son voleur qui se permettait de bouleverser ses plans.


Il sortit du bureau avant quatre heures pour ramener la kangoo à ses amis. Il en avait assez profité et ne voulait pas leur compliquer la vie plus longtemps. Il allait une fois de plus prendre les petites routes mais devait passer d’abord les trois feux. Le troisième était séparé du second par près de neuf cent mètres de ligne droite sur une route en sens unique à trois voies. En démarrant du feu sur la file de gauche, il accéléra à fond pour laisser sur place la Golf qui se trouvait juste à côté de lui. Simon retrouvait son tempérament de vainqueur. Le retour de son esprit de compétition lui arracha un sourire. Le conducteur de la Golf, vexé, ne tarda pas à se retrouver sur sa droite. Sa voiture était bien plus puissante que la Kangoo qui n’avait pas l’habitude d’être poussée à fond.


- Un effort, petite ! encouragea Simon, le pied au plancher.


Soudain, son regard fut attiré par une forme sur le trottoir de gauche. Un type bizarrement habillé souriait de tout son visage. En un instant, Simon comprit que ce « débile, con, plouc » allait se jeter sous ses roues. Il hurla les noms d’oiseaux qui lui venaient à l’esprit en écrasant le frein. Mais il était trop tard, l’homme se jetait sur la chaussée. Simon tenta de l’éviter en donnant un violent coup de volant. Heureusement la Golf était maintenant loin devant mais il ne put éviter l’impact avec le piéton qui vola littéralement avant de retomber, plus loin, lourdement sur le sol. Sa tête heurta violemment le bord du trottoir. La kangoo fit un tête-à-queue avant de s’arrêter brutalement sur le bord du trottoir opposé.


Simon, groggy, resta longtemps les mains serrées sur le volant. Il n’arrivait pas à croire à ce qu’il venait de vivre. Il ne voulait surtout pas le croire. Dans un état second, il vit des passants arrêter la circulation. Il tremblait de tous ses membres. Une douleur lancinante monta de ses entrailles jusqu’au fond de sa gorge. Il hoqueta. Puis, le mal se faufila jusqu’à son cerveau. Sa tête allait éclater si rien ne se passait.


Quelqu’un se rua sur sa voiture et tapa sur le toit en l’insultant. D’un geste automatique, il condamna la porte du conducteur comme si cette simple manipulation pouvait le protéger encore, l’empêcher d’affronter la réalité. Sa main gauche, qui avait agi presque malgré lui, retrouva sa place sur le volant et s’y crispa à nouveau. Son cou se relâcha projetant son menton sur sa poitrine et alors une rivière de larmes sortit de ses yeux. Des sanglots le gagnèrent et il eut envie de mourir sur le champ pour ne pas affronter le regard des autres. Un homme venait de mourir par sa faute ! Une seconde il se vit se vanter devant ses collègues et ses amis de pouvoir conduire par tous les temps et dans n’importe quelle condition. Brusquement la voiture lui fit horreur. Il lâcha le volant, ouvrit la porte et se rua dehors en hurlant :


- C’est pas ma faute !


Sur la route, ses jambes vacillèrent, il tomba à genoux en pleur sans cesser de répéter :


- C’est pas ma faute, c’est pas ma faute !


Une petite voix dans sa tête lui disait : « En es-tu bien sûr ? ».


- Non ! C’est pas ma faute ! Il s’est jeté sous mes roues.


Aucun passant ne tenta de l’aider. Un pompier finit par arriver pour le secourir.


- Avez-vous mal quelque part ?

- Moi ? Non ! Mais l’homme ? Comment va-t-il ?


Le pompier ne répondit pas.


- Il s’est jeté sous mes roues ! affirma Simon dans un sanglot.

- Oui, je sais ! Il y a des témoins.

- Ah ! dit Simon en reniflant bruyamment. Il est… mort ? questionna-t-il la voix brisée par l’émotion.

- Oui, répondit simplement le pompier.


Assommé par la révélation, Simon se calma brutalement.


- Est-ce que je peux le voir ?

- Vous pouvez le voir d’ici. Je ne vous conseille pas d’approcher. Il y a des gens qui vous en veulent de l’avoir renversé. Il vaut mieux que vous entriez dans la voiture de police qui est ici. Elle vous emmènera à l’hôpital pour faire les contrôles nécessaires.


Un policier s’avançait déjà vers lui. Il lui demanda ses papiers et le conduisit à la voiture. Certaines personnes l’insultaient. Simon n’avait pas réussi à voir la victime.


- C’était un homme jeune ? demanda-t-il.

- Oui, répondit laconiquement le policier.


Simon s’écroula sur la banquette arrière avec lassitude. Il voulait éviter de penser mais, en boucle, il revoyait le sourire de l’homme trop habillé pour la saison avant qu’il ne se jette sur la route juste devant sa voiture, il entendait le choc de la collision. Aucune autre pensée ne parvenait plus à effacer la vision horrible de ce qui venait de lui arriver.


Il fit machinalement ce qu’on lui demandait, donna ses papiers et se laissa conduire à l’hôpital tout proche. Le formulaire à remplir, la prise de sang, l’auscultation et les questions du médecin eurent un effet apaisant sur son esprit. Quand tout fut fini et qu’il se retrouva dans le hall de l’hôpital, seul, le désespoir le submergea à nouveau. Comment pourrait-il vivre après ça ?


On lui avait demandé de rentrer chez lui mais il s’en trouvait incapable. Un couple pleurait silencieusement dans la salle d’attente. Peut-être s’agissait-il des parents de l’homme qu’il avait tué. Comme un enfant, il voulut s’excuser. Mais comment s’excuser d’une si grosse bêtise ? S’il n’avait pas fait le fanfaron, l’homme serait toujours en vie. Simon alla s’installer dans un coin de la salle pour tenter de savoir qui étaient ces gens.


Au bout d’un temps incertain, une infirmière vint chercher les deux personnes pour les emmener vers une destination inconnue. Simon se retrouva encore une fois seul avec sa douleur.


Encore plus tard, quelqu’un vint lui demander ce qu’il attendait. Il n’en savait rien lui-même. On lui demanda de partir. Il sortit.


Il faisait noir. Simon commença à marcher.


À l’aube, après avoir erré pendant des heures, il se retrouva en bas de son bâtiment. Il rentra chez lui, se précipita dans sa chambre et s’écroula sur son lit.


Cinq minutes plus tard, il se leva pour allumer la télé et se recoucha. Ses yeux secs ne quittaient pas l’écran des yeux comme pour s’y perdre. Le sommeil le gagna finalement.


La sonnerie du téléphone le réveilla à dix heures. Il ne décrocha pas mais entendit le message laissé sur le répondeur. C’était Manuel qui s’inquiétait de ne pas l’avoir vu la veille.


Simon se leva, se prépara un café et tenta de réfléchir à ce qu’il devait faire. Il lui fallait assumer les événements de la veille. Le café allait lui donner le courage d’annoncer à ses proches qu’il avait tué quelqu’un.


Il commença par écouter les messages laissés sur son portable. Le commissariat de la ville de son ami Manu lui demandait de rappeler. Sa mère s’inquiétait de ne pas avoir de ses nouvelles depuis une semaine.


Appeler sa mère était au-dessus de ses forces. Par contre il fallait prévenir Manu pour l’accident qu’il avait eu avec la voiture de Céline. La mort dans l’âme, il composa le numéro de son ami.


En raccrochant, Simon pensa qu’il venait de perdre deux amis. Il assumerait jusqu’au bout sa responsabilité pour qu’ils rentrent dans leurs frais mais il sentait bien qu’après ça, il n’oserait plus se présenter devant eux. La honte le submergeait jusqu’au dégoût. Comment pourrait-il retourner au bureau, continuer comme si de rien n’était ? Comment avait-il pu être si sûr de lui ? Sa chance légendaire venait de l’abandonner et il se retrouvait comme le dernier des cons, au bord d’un précipice qu’il avait lui-même creusé.


Simon décida de retourner à l’hôpital. Il voulait tout connaître de la victime, se faire pardonner de sa famille.


Après une douche, il prit un bus pour l’hôpital.


Son voisin qui le croisa à l’abri bus lui demanda :


- Ne me dites pas qu’on vous a volé votre voiture fleurie ?

- Non, j’ai écrasé quelqu’un avec ! ne put s’empêcher de répondre Simon.


Le voisin, interloqué, le considéra un instant, se demandant si c’était une plaisanterie. Les yeux bouffis du jeune homme lui laissèrent penser que l’information était du domaine du possible aussi continua-t-il sa route sans insister davantage.


À l’hôpital, il demanda des nouvelles de l’accidenté de la route de la veille.


- Vous parlez du suicidé de l’avenue Partec ?

- Oui, c’est lui ! répondit Simon avec espoir.

- Ben, il est mort. Que voulez-vous savoir de plus ? Vous êtes journaliste ?


Simon fut tenté de répondre oui mais il décida de jouer franc jeu.


- Je suis le conducteur, dit-il la voix cassée par l’émotion. C’est moi qui l’ai renversé.

- Oh mon pauvre monsieur ! Je vous plains, ça doit faire un choc ! Faut pas vous en faire, hein ! C’est lui qui a choisi de mourir, vous n’y êtes pour rien. Je vais vous dire quelque chose parce que c’est vous. Vous me jurez de ne pas le répéter ?

- Oui, bien sûr, consentit Simon.

- Il a donné son cœur à une petite qui est ici.

- Il aimait quelqu’un d’ici ?

- Non ! C’est une petite qu’il venait voir tous les jours, c’était son oncle. Elle avait besoin d’une transplantation cardiaque. Il s’est suicidé pour qu’elle puisse profiter de son cœur. Il parait qu’il avait protégé son cœur pour qu’il soit épargné par le choc. Il portait des tas de vêtements et un anorak ! Avec le temps qu’il fait en ce moment !

- Ce n’est pas possible…

- Alors vous voyez, c’est tombé sur vous mais ça aurait pu tomber sur n’importe qui. Il ne faut surtout pas culpabiliser.


Simon vit entrer le couple qu’il avait aperçu la veille dans la salle d’attente.


- Et eux, vous les connaissez ?

- Les parents de la petite.

- Oh mon Dieu, dit Simon. Il faut que je les voie. Merci beaucoup Madame.

- De rien mon grand. Et surtout, tâche d’oublier ce malheur !


Elle s’était mise à le tutoyer parce qu’elle avait un fils du même âge et qu’elle était vraiment désolée de ce qui lui arrivait.


- Oui Madame, merci encore !


Simon se précipita sur le couple les larmes aux yeux.


- Madame, Monsieur, c’est moi qui… Brusquement, il se sentit incapable de leur avouer qu’il avait renversé l’oncle de leur fille et il éclata en sanglot.


Jean et Hélène se regardèrent puis Hélène demanda :


- C’est vous qui avez renversé Hector, mon frère ?

- Oui, c’est ça ! dit Simon entre deux sanglots. Pardonnez-moi !

- Il a voulu mourir, dit Hélène en pleurant à son tour. C’est tombé sur vous. Nous n’avons rien à vous pardonner.

- Merci de me dire ça, Madame. Je suis soulagé mais il faut que je vous dise quand même que je roulais beaucoup trop vite, beaucoup trop vite, insista-t-il.

- Non, vous n’êtes pas responsable. Il ne faut pas vous culpabiliser, ça ne sert à rien. C’est à nous de nous excuser pour ce qu’Hector vous a fait. Mais il l’a fait par amour, termina-t-elle dans un sanglot.


Jean tira Hélène par le bras pour l’entraîner vers l’escalier.


- Au revoir Monsieur, ajouta la femme.


Simon sortit de l’hôpital rasséréné par ce qu’il venait d’apprendre. Il était maintenant persuadé que le jeune homme avait choisi de terminer sa vie sous ses roues. Le poids qu’il portait sur les épaules avant sa rencontre avec les parents de l’inconnu devenait plus supportable.


Sur le chemin du retour, il réfléchissait à ce que l’hôtesse d’accueil lui avait dit. Cet homme était mort pour offrir son cœur à sa nièce. Quelle preuve d’amour ! Il n’arrivait pas à lui en vouloir d’avoir choisi la voiture qu’il conduisait. Il s’était trouvé là au mauvais moment, c’est tout.


Les images qui défilaient dans sa tête étaient enfin moins horribles. Il décida de ce qu’il allait faire sur le champ. À la banque où il se rendit, il demanda à clôturer son compte épargne. Il gagnait bien sa vie et depuis cinq ans épargnait pour remplacer sa sacro sainte voiture pour en acheter une plus puissante encore lorsqu’elle déciderait de le lâcher.


Il avait à peu près la valeur d’une Kangoo d’occasion. Alors il se rendit chez un concessionnaire Renault et trouva un modèle équivalent à celui qu’il avait bousillé. Le commercial lui promit la livraison pour lundi.


Il rentra chez lui presque apaisé. En téléphonant à ses amis, il tomba sur Céline. Il la mit au courant de ce qu’il avait appris et l’informa de l’achat qu’il venait de faire.


- Mais tu es fou, complètement fou ! Je n’en veux pas de ta voiture, commença-t-elle, sans conviction.

- Écoute, j’ai besoin de réparer. Il faut que tu ailles assurer cette voiture et que tu te débrouilles pour venir la chercher avec Manu lundi. Je viendrais avec vous. Tu veux bien ?


Céline ne répondit pas, le laissant argumenter encore et encore. Il conclut par un autre « tu veux bien ? » larmoyant.


- Évidemment je veux bien, finit-elle par avouer, parce que tu sais j’ai besoin d’une voiture pour faire les livraisons.


Simon la remercia chaleureusement avant de raccrocher.


Deux mois plus tard, Simon fut content de se glisser derrière le volant de la Twingo qu’il venait d’acquérir. Les gendarmes n’avaient mis que cinq jours pour retrouver l’Austin qui lui avait été volée. Simon l’avait vendue pour acheter une nouvelle voiture moins puissante et plus adaptée à la ville.


Même si l’accident n’était pas de sa faute, il en restait marqué. Le plaisir qu’il éprouvait à conduire vite s’était émoussé. Il réservait la conduite sportive aux circuits prévus pour ça.


Par hasard, au bureau, il avait appris le nom de la jeune fille qui avait reçu le cœur de l’accidenté de la route. Son père était un ami du mari d’une de ses collègues.
Simon avait cherché dans l’annuaire l’adresse de la famille Dormon et l’avait trouvée. Il hésitait à aller sonner chez eux pour demander des nouvelles et pourtant il aurait tellement aimé savoir si la greffe avait réussi.


Un dimanche, il se décida.



 
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   Bidis   
6/11/2007
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Cette nouvelle m'a fait éprouver les mêmes émotions un peu mitigées, un peu ternes, qu'"Hector Trouduc" et c'est normal puisque ce texte en est la suite

   studyvox   
7/11/2007
C'est écrit simplement, comme la première partie.
Autant ce style peut donner une certaine émotion, à la fin du texte, autant il donne l'impression que le début de ce texte est un peu laborieux.
J'ai apprécié l'idée de donner une suite inattendue à la première partie.
Je dois être un lecteur naïf, car je n'ai pas tout de suite deviné le dénouement!

   Anonyme   
10/11/2007
 a aimé ce texte 
Bien ↓
L'histoire set belle etse termine au mieux pour le héros. Le texte gagnerait en qualité s'il était plus concis. Les choses sont souvent répétées ce qui alourdit le texte et le rend moins attrayant


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