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Réalisme/Historique
Marceau : Hallelujah, en somme
 Publié le 07/05/25  -  4 commentaires  -  4049 caractères  -  44 lectures    Autres textes du même auteur

Au bon vieux temps des cannibales, vous étiez seuls sous leurs dents, pardon.


Hallelujah, en somme


Avril quinze cent vingt et un.


Un banquet se prépare. La lune à venir annonce, à coup sûr, l’évènement grandiose qui ponctue, d’âge en âge, une hystérie collective : la perspective, si souvent espérée, mais régulièrement déçue, d’un « temps meilleur ».


(Oh ! ces temps meilleurs, comme ils sont redoutables ! Le mieux est parfaitement l'ennemi du bien. Cette fable historique, pas tant fable que ça, pas si historique non plus, mais un peu tout de même, évoque des temps barbares, des temps si criminels, où l'homme était vraiment un loup pour l'homme, poursuivons à présent.)


Le bétail sacrificiel est nourri amoureusement. Depuis plusieurs semaines, déjà. Engraissé avec soin, cages lavées régulièrement, ornées de colliers de fleurs et de perles, pour un holocauste assurément grandiose. Tout est respecté, « dans les règles de lard », perçues alors comme immuables et sacrées.


Hallelujah, en somme.


On brûle des parfums, on invoque quelque dieu. De redoutables chants, soutenus par tambours et longues trompes, résonnent dans la ville farouche. Et les rues sont propres et balayées de frais.


Hallelujah, vraiment.


Les enfants, au comble de l’excitation, épuisent des parents qui, cernes sous des yeux mouillés d’émotion, haussements d’épaules convenus, sourires signifiant une impuissance complice, expriment entre eux des signes de reconnaissance mutuelle : comment tenir toute cette bruyante marmaille si « attachiante » ? Après tout, nous étions bien leurs pareils, voire même pires, peut-être, à leur âge.


« J’aime l’enfant de lait comme d’autres l’agneau », salivent tout bas quelques ogres.


Avril quinze cent vingt et un, quoi.


Hallelujah, vraiment. Hallelujah, en somme.


La lune est presque pleine, désormais. Le bétail, digne sur son chemin sacrificiel, assume gravement une interminable procession liturgique programmée sur trois jours pleins, dans des ruelles surchauffées par une improbable Passion, totalement désorganisée.


Hallelujah, mes frères, hallelujah, peut-être.


Et quand le jour J arrive, ho ! stupide jour J. Tout le monde est là. Très las, aussi. Les prélats, au diapason, hallelujah, sûrement.


Les bêtes sont délicatement entravées, tenues amoureusement, mais fermement et avec une appétence gourmande, par une improbable longe ornée de falbalas sublimes d’un bleu et d’un rouge stupides, dans le même temps, si dérisoires et tellement onéreux, tellement onéreux.


Hallelujah, peut-être. Hallelujah quand même, on sait jamais, frangin.


Un taureau blanc, en tête de cortège, est particulièrement fêté, orné de colliers précieux et de grelots d’un kitsch étourdissant. Il est bouffi d’orgueil, le con. Animal stupide, tout honoré qu’il est de couleurs hors de prix et maculé de signes improbables, improbables, absolument.


Hallelujah, crétin de mâle ruminant d’un âge révolu, hallelujah, vieille carne.


Nul n’ose, mais chacun sait : post ceremonia, la blanche bête sera graciée par quelque prêtre, approximatif. Il deviendra, dès lors, « l’être tabou », frangin, vénéré de tous jusqu’à « la nuit des temps », ou à peu près, dit-on. C’est pleinement con.


Hallelujah, fiston, hallelujah mes filles.


Sépulture, extravagante, absolument convenue. Cérémonies de ouf pour un bœuf, fiston. De ouf, pour un bœuf, mes filles. Hallelujah, décidément.


Les maîtres de la bête, stupides et vaniteux, deviendront notables et respectés de tous. Ou peu s’en faut. Y a des jaloux, partout. Y a des jaloux, toujours. Hallelujah sa mère, hallelujah, putain.


Mais où est-on dans ce bordel d’égorgement sacrificiel ? Du sang cascade sur des marches abruptes, si verticales. Si verticales !


Quinze cent vingt et un, frangin, qui s'en souvient ? Et pourtant je le vois, et pourtant je le vis, et souvent le redoute, ce retour anthropophage qui me souffle, qui me souffre. J'ai faim.


Un Aztèque mastique une Espagnole crue. Dans une rue. Un autre partage aimablement un « nourrisson de lait », savamment préparé, fiston. Hallelujah mes filles ? Hallelujah, peut-être.


 
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   Salima   
13/4/2025
trouve l'écriture
très aboutie
et
n'aime pas
Je trouve l'écriture remarquable de puissance et de maîtrise.
Plusieurs alexandrins blancs : « J’aime l’enfant de lait comme d’autres l’agneau », Un aztèque mastique une espagnole crue. Et les rues sont propres et balayées de frais.
Hémistiche : « dans les règles de lard »

La tonalité est d'un cynisme accompli, parfait. Des oxymores à foison dénoncent l'absurdité du sacrifice, un acte incompréhensible et qui défie tous les repères et toutes les normes : programmée/désorganisée, sacrificiel/amoureusement, délicatement entravées, etc.

Des interpellations sur les Hallelujah, où le registre devient familier et parlé qui s'accompagne de répétitions partielles.

Un crescendo dans la dénonciation de l'absurde et de l'impensable, les interpellations se font plus pressantes, le vocabulaire plus cru, le danger plus palpable, la menace plus atroce.

Un jonglage avec les sonorités.

Les effets ne manquent pas et l'ensemble est saisissant.

Par contre, j'ai des réserves, enfin, façon de parler, je désapprouve carrément cette façon de présenter l'histoire. Alors si le but du texte était d'inciter à la réflexion et engager un dialogue, alors ma position c'est : mais qu'est-ce qu'ils foutaient là-bas, les Espagnols ??? Je souhaite à personne de se faire bouffer, mais faut pas non plus traverser l'océan pour aller missionner par le feu et l'épée, pour piller et réduire en esclavage.

Enfin, j'adorerais lire autre chose de cet•te auteur•e.

En EL

Salima

   JohanSchneider   
16/4/2025
trouve l'écriture
aboutie
et
aime un peu
Bizarre autant qu'étrange. A la première lecture, je me suis demandé s'il s'agissait d'une variation sur le thème du film de Mel Gibson Apocalypto. On me dira : "Ah oui mais Gibson c'étaient les Mayas, ici on est chez les Aztèques." Soit.
Dès lors que nous proposez-vous ?
Un saut temporel de cinq siècles, un grand écart sémantique pour décrire avec un langage très "début vingt-et-unième" une réalité historique du XVIème siècle abondamment documentée : on sent que vous avez fait des recherches.
Malheureusement ce décalage, dont on suppose qu'il est voulu, ne fonctionne pas très bien. Les jeux de mots sont un peu lourdingues, je me serais presque attendu à un "wesh poto" au détour d'une phrase.
Le parallèle entre un rite sacrificiel païen et la liturgie chrétienne (hallelujah en tant que cri de louange et d'allégresse adressé à un dieu unique par opposition au polythéisme païen) tourne à la confusion.
Bon sauvage contre conquistador cruel et avide, qui s'en venge en le bouffant avant d'être exterminé par la vérole, cadeau dudit conquistador ?
Constat d'une éternelle bestialité humaine, transcendant les lieux et les époques ?
En tout état de cause, et malgré d'indéniables qualité d'expression, voici encore un texte qui me donne l'impression de manier une tapette à mouches pour assommer un varan de Komodo.

   papipoete   
7/5/2025
trouve l'écriture
perfectible
et
aime un peu
bonjour Marceau
La fête se prépare ; on a engraissé de quoi se régaler ; de l'enfant de lait pour bouches délicates, jusqu'à ce taureau qui sur l'autel du sacrifice rôtira bien à point.
Et on fera des rots, entre une fille crue et ce cuissot de mouton ; ça sera super, hein fiston ? hein frangin ?
hallelujah !
NB malgré quelques bons mots ( la cuisine dans les règles de lard/marmaille attachiante/colliers d'un kitch étourdissant ) je ne parviens pas à sourire, bien que je ne pense pas être un " vieux con indéridable "
je ne noterai pas le sens ni le thème, car craignant d'avoir mal compris ( encore ! ) la pensée de l'auteur.
par contre la tournure des phrases... allez un p'tit sourire !

   Gouelan   
12/5/2025
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime beaucoup
Bonjour Marceau,

J'aime beaucoup le ton de ce texte.

Les refrains d'Hallelujah, avec leurs différentes nuances, comme un escalier qu'on dévalerait.

L'anachronisme du langage comme pour relier les époques. De 1521 à nos jours, les hommes sont toujours les mêmes crapules sous le vernis de la modernité.

L’épée des jeux de mots sème l’humour noir à souhait.

"(Oh ! ces temps meilleurs, comme ils sont redoutables ! Le mieux est parfaitement l'ennemi du bien. Cette fable historique, pas tant fable que ça, pas si historique non plus, mais un peu tout de même, évoque des temps barbares, des temps si criminels, où l'homme était vraiment un loup pour l'homme, poursuivons à présent.)"

"Le mieux", ça dépend pour qui, ça dépend quand. L'homme est toujours et à jamais pire que le loup. Le loup est un mouton à côté de lui.

Les conquistadors et autres dictateurs aux dents longues, sans foi ni loi, font encore partie de notre paysage terrestre.

Un texte équilibré et mené de façon originale.


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