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Réflexions/Dissertations
Marceau : Six poignées de main
 Publié le 25/11/25  -  5 commentaires  -  4253 caractères  -  16 lectures    Autres textes du même auteur

« Et l’Éternel les dispersa loin de là sur la face de toute la terre et leur donna tous un langage différent ; et ils cessèrent de bâtir la ville. » (Genèse, 11, 1-9)


Six poignées de main


Que le monde est petit ! Regardez donc une image de la Terre vue depuis l’orbite de Saturne : une tête d’épingle, vaguement bleue. Et nous sommes plus de huit milliards d’êtres humains perchés sur ce petit point, sublime et dérisoire à la fois.


Selon le « théorème des réseaux », chaque personne sur terre est reliée à n’importe quelle autre par une chaîne comprenant au maximum six individus. Je connais untel qui connaît unetelle qui connaît… et, quatre personnes plus loin… toi ! Oui, toi qui me lis, où que tu sois et que je tutoie amicalement car, vois-tu, nous sommes reliés.


C’est ainsi que les hommes vivent…


Théorie des « six poignées de main » ou des « six degrés de séparation », quelle qu’en soit l’appellation, nombre de chercheurs ont observé et étudié le phénomène pour arriver sensiblement au même résultat.


Et c’est ainsi qu’à huit milliards, on se faisait parfois, jadis, un apéro dînatoire, chacun apportait un trois fois rien, fleuve de fruits, lac de vin, montagne de pain, qu’on se partageait en amitié profonde. Petite larme à l’œil : nous nous aimions.


Nous parlions un peu de tout, beaucoup de tous, de grands projets pour les enfants, de l’air du temps, du p’tit dernier, du père Kassim qu’a eu cent ans, de madame Si-Tchang qu’est si douée en tout, intelligente et belle, et gentille encore.


Nous utilisions alors la même langue, nous nous comprenions parfaitement. À force de nous aimer nous nous ressemblions.


Est-ce qu’on se rassemble pour se ressembler, d’ailleurs ?


Et puis ça a vrillé. La Tour de Babel s’est effondrée et les gens sont partis par petits groupes, chacun sa langue ou son sabir. Même entre homme et femme ça s’est compliqué. Et le monde de s’attrister : quel désamour nous a piqués ?


On ne se comprend plus, mes amours, faut mettre nos dictionnaires bien à jour, chacun sa vérité, son babil, voici le grand retour, de Babel.


Certains diront ce sont les réseaux sociaux, ou bien l’IA. L’IA qui ne lia rien du tout du reste, malgré les promesses : de six degrés de séparation nous allons passer à quatre virgule soixante-quatorze, disait-on. C’était précis. Et c’était vrai.


Mais l’amour s’en est allé.


On ne se supporte plus, on ne s’aime plus, on ne sème plus rien à part des guerres de-ci, de-là, et de la haine, par tombereaux, un peu partout.


On ne se comprend plus.


Preuve en est : si on tape juste T sur un moteur de recherche il propose illico « traduction ». Bizarre, non ? On traduit à tour de bras, mais on ne se comprend plus.


Scandales sous les chasubles : aimer n’est pas violer. « Science » veut dire supercherie, « vaccin » c’est poison, « migrant » égale bandit, « chômeur » signifie tricheur et si tu dis « la guerre », c’est quinze ans de prison.


On ne se comprend plus, mes amours, faut mettre nos dictionnaires bien à jour, chacun sa vérité, son babil, voici le grand retour, de Babel.


Même dans nos couples, que d’incompris ! Quand je divague, tu vois la mer. Et quand je dis je t’aime, tu me glisses Me Too, m’affligeant bien de l’étiquette du petit mâle et ses travers. Tu me balances comme un gros porc, ça me rend flou. Pour pas un rond.


On ne se capte plus, mon amour, faut mettre nos dictionnaires bien à jour, chacun sa vérité, son babil, voici le grand retour, de Babel.



Ne fais pas trop le malin, toi qui écris ces lignes…


… et que je comprends de moins en moins.


Ne donne pas la leçon, prince de l’abscons.


Ne rêves-tu pas, cher poète, d’une grande cour d’exégètes courbés tels des jardiniers sur tes Grandes Écritures, épuisés à traduire en vulgaire tes pensées cabalistiques venues de la stratosphère de ta boîte crânienne ?


Tels des écoliers appliqués, les voilà commentant des passages ardus ; « ici, Dieu a voulu dire que… », tente le cancre de fond de classe, s’agaçant les ongles, s’épongeant le front ainsi que les aisselles.


Ton écrit, vampire sec, se gonfle telle une tique de la pluralité de sens octroyée par un lectorat exercé depuis l’école au jeu interprétatif du « qu’a voulu dire l’auteur ? ».


Oui, qu’ai-je voulu dire, en fait ?


 
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   jaimme   
16/11/2025
trouve l'écriture
aboutie
et
aime un peu
Jolie réflexion, pleine de réalité, malheureusement. Les distances se creusent, c'est vrai.
Mais j'ai toujours du mal avec le "c'était mieux avant", même s'il est vrai que le complotisme, le populisme et les réseaux aggravent les choses. Avant c'était bien pire. L'ennemi était /est le voisin, le village voisin, la région voisine. On étend le nombre des autres. Mais on en trouve aussi des amis sur Internet, des amours, des amants. La laïcité progresse. Les discours Me too, malgré leurs défauts, changent les choses pour les femmes, les homos, bientôt les enfants. Deux pas en avant, un et demi en arrière; mais on avance. Les réactionnaires utilisent tous les moyens possibles pour nous retenir, mais on avance quand même.
Merci pour votre écriture avec de belles fulgurances. L'ensemble est une belle arête d'une daurade royale; l’œil est vif, mais j'aurais aimé plus de chair. Plus de sauce?
On sent que le sujet vous tient à cœur.
Et que d'un cœur vous en êtes pourvu.

   Cyrill   
25/11/2025
trouve l'écriture
aboutie
et
aime beaucoup
Salut Marceau.
J'ai trouvé ce texte très habile, et pas dénué de poésie. L'art de faire court sans que soit galvaudée la réflexion, mais avec tout de même des pirouettes rhétoriques. J'apprécie surtout la rythmique imprimée à la rédaction ainsi que les espiègleries langagières : « on ne s’aime plus, on ne sème plus..»
Il y a un côté donneur de leçon qui apparaît dans la 2e partie du texte. Donné à soi-même ça passe crème : «Ne fais pas trop le malin, toi qui écris ces lignes… », mais je suis moins convaincu par ce glissement de la pensée vers une autocritique un rien arrogante.
Quoi qu’il en soit, le ton me plaît, le fond aussi. Désabusé un peu, sans certitudes définitives.

   papipoete   
25/11/2025
trouve l'écriture
aboutie
et
aime beaucoup
bonjour Marceau
" six poignées de main " une théorie que je ne connais pas, alors vite je la retiens et la range dans mon carquois à répliques ! mais aurais-je l'occasion de m'en servir ?
- tout fout l'camp ma pov' dame, et chaque jour nous en montre une nouvelle preuve !
Je tiens la porte à une dame
- je peux le faire moi-même ; vous avez une idée derrière la tête ?
je complimente ma collègue, sur sa coiffure, son parfum...
- mais ça va pas non ? garde ça pour ta femme !
Et malgré tout, nous aurions tous un ou une Double au Monde ! et si l'on est bon gars, ce double l'est aussi, mais l'inverse également !
Mère Theresa par exemple ; mais aussi hélas, le grand Blond Peroxydé !
Et peut-être à deux pas de chez moi !
Nous somme huit milliards d'être humains sur Terre, mais beaucoup même sous un toit, se font la guerre...
NB sur ces huit milliards, il se pourrait donc que quatre soient l'égal d'un autre ? Je ne suis pas sûr d'avoir tout assimilé de cette réflexion, mais j'en aime la trame et sa présentation
" on ne se comprend plus mes amours, faut mettre nos dictionnaires à jour ! "
- aimer n'est pas violer ; vaccin c'est poison ; migrant égale bandit ;
Les 3 dernières lignes " tels des écoliers appliqués..." est mon passage préféré...
- mais que veux-je dire, en fait ?

   plumette   
25/11/2025
trouve l'écriture
aboutie
et
aime bien
Bonjour Marceau,

La forme de ce texte est habile car elle cueille le lecteur pour lui proposer finalement une réflexion sur l'ambivalence de notre monde hyper connecté qui se déshumanise peu à peu.
Il semble que ce qui manque désormais c'est l'amour, est-ce à dire que l'amour est l'ingrédient miraculeux que nous avons perdu et qui permettrai de tout résoudre?
Pas si simple !
l'auteur suggère aussi que le sens des mots s'est modifié pour se corrompre et que notre capacité à se comprendre en est gravement affectée ( infectée si je veux être dans le ton utilisé )
C'est plaisant à lire et cela participe de l'acceptation d'un fond que l'on peut évidemment discuter.

   Robot   
25/11/2025
trouve l'écriture
aboutie
et
aime bien
les mots sont menteurs (acteurs)
Une réflexion (réaction) qui demande à être réfléchie (infléchie) pour être bien comprise (désapprise) et digérée (rédigée)
Je trouve l'écriture (emboutie) et j'aime (lien)


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