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Sentimental/Romanesque
marclefrancois : Les cornes de gazelles
 Publié le 13/05/09  -  6 commentaires  -  10026 caractères  -  44 lectures    Autres textes du même auteur

Un homme nage devant son fils qui se régale de friandises orientales...


Les cornes de gazelles


Il était dix heures. Un homme accompagné d'un jeune enfant, poussa la porte de la piscine du centre de remise en forme. L'homme, en maillot de bain, était d'une certaine corpulence et faisait un contraste étrange avec l'enfant frêle, agile mais revêtu d'un survêt de sport et piochant dans un sac en papier ce qui paraissait être son petit déjeuner. Il n'avait manifestement aucune intention d'aller nager. L'eau ne le tentait pas et il préférait rester bien sagement sur le bord à regarder son père faire des aller-retour sur la longueur du bassin pendant qu'il grignoterait des cornes de gazelles, friandise marocaine dont il raffolait. Il tolérait d'autant mieux de rester à ne rien faire qu'il savait que tant que son père serait à nager, il pourrait se croire tranquille car celui-ci ne viendrait pas lui dérober ses pâtisseries favorites. En effet, le père également était friand de ces cornes de gazelles et ses lèvres encore luisantes de graisses témoignaient assez bien qu'il n'avait pas manqué de s'en repaître avant sa natation matinale.


D'une salle mitoyenne leur parvenaient les échos rythmés d'un cours de fitness. L'homme haussa les épaules pensant qu'il était bien plus intelligent et bien plus agréable de nager tranquillement dans le bassin plutôt que de se livrer à ces exercices violents, pour lui un véritable supplice, une torture souriante qu'on appelait avec un euphémisme cynique « gym pleine forme ». Par ailleurs, il se voyait mal, lui et ses cent sept kilos dans un petit ensemble moulant et fluorescent, scintillant de mille feux et rendant ainsi bien plus visibles son ridicule et sa honte. Et de surcroît quel autre moyen pour lui que de lever les jambes en rythme, de bouger du bassin au milieu de toutes ces croupes ondulantes, de toutes ces cuisses frémissantes ? Une impudicité qu'il jugeait inconcevable pour ces mères de famille maquillées et apprêtées comme si elles allaient à quelque cocktail mondain...


Mais il n'avait pas le sentiment d'être pour autant un vieux con, il n'était pas de ces hommes qui parvenus à un âge où la séduction n'est plus qu'une illusion deviennent des contempteurs aigris et acharnés des apprêts féminins. Tout cela lui paraissait tout bonnement un peu vain ; il venait juste d'avoir quarante-cinq ans et si sa conception de l'exercice physique ne s'accordait pas avec l'exhibition d'un corps devenu disgracieux et donc le sentiment du ridicule, elle excluait également la soumission au grégarisme masochiste. Souffrir par la répétition infinie de mouvements impossibles, et souffrir en groupe n'était tout simplement pas son fait. Combien il préférait plonger une tête dans le bassin encore désert à cette heure suffisamment matinale pour décourager les sportifs bruyants et envahissants !


Ce matin-là, il n'y avait que lui et son fils ainsi qu'une femme maître-nageuse occupée à enlever le cache de la piscine. Un bon moment en perspective. Son fils en train de grignoter ses friandises, la maître-nageuse allait très certainement se plonger dans la lecture d'un magazine féminin et les autres clients présents étaient en cours là-haut, assez occupés pour ne pas venir le troubler.


Enfin tranquille !


Il jeta un dernier coup d'œil vers son fils, un peu inquiet cependant. Il aimait bien l'avoir avec lui, le mercredi, mais il le savait un peu sarcastique car il ne manquait jamais de le moquer sur son embonpoint. Une fois même, il l'avait comparé à ces gros dinosaures du crétacé que leur poids obligeait à se déplacer constamment dans l'eau. Alors souvent, pour redorer le blason de la dignité paternelle, il s'obligeait à multiplier les longueurs de bassin et le mercredi transformait ce qui n'était les autres jours qu'une trempette heureuse et paresseuse en marathon de l'effort.


Ça y était ! Le bassin était enfin dégagé de sa housse. Il allait pouvoir s'adonner librement à son sport favori. Le seul qu'il pratiquât d'ailleurs. Mais avant, une dernière précaution : il alla, avec une agilité surprenante pour un homme de sa corpulence, piquer une dernière poignée de cornes de gazelle pour se donner du courage à l'effort. L'enfant laissa échapper un cri d'énervement rapidement étouffé par un soupir de dépit. Il savait qu'il était vain de s'opposer à l'estomac paternel, mais il se promit de se venger en raillant son père sur sa technique du crawl.


Insouciant de la menace qui pesait sur lui, celui-ci finit par se glisser dans l'eau. Son être massif fut peu à peu englouti par l'élément liquide. Il se fit plus léger, se crut plus gracieux. Il fit quelques brasses, heureux de cette liberté de mouvement. Il s'apprêtait à se mettre sur le dos pour profiter du léger courant artificiel et se laisser ainsi dériver dans une insouciance paresseuse lorsqu'il entendit le pouffement ironique de son fils. Il n'y avait pas d'alternative, il allait falloir s'efforcer d'en remontrer au jeune insolent.


Il se mit aussitôt à accélérer ses mouvements, à forcer sur ces bras, à pousser sur ces jambes. Le résultat ne se fit pas attendre, il avait l'impression de fendre l'eau, non plus comme un pachyderme préhistorique mais plutôt, à son idée, comme Johnny Weissmuller dans Tarzan. Il commençait à se voir en dieu aquatique, s'imaginait entouré d'un essaim de naïades, ou plutôt d'un banc de naïades, lorsqu'un douloureux pincement au cœur vint tout d'un coup interrompre le cours de sa rêverie. Un violent frisson qui disparut aussitôt, mais c'en était fait de ses illusions. Sa pitoyable enveloppe physique le rappelait durement au sentiment des réalités. Il était loin d'être un super héros, même aux yeux de son fils. Il fallait se faire une raison, parvenu à un âge où le sport est devenu un loisir au même titre que les échecs ou le bridge, lui qui n'avait jamais eu qu'une vie sédentaire d'où était bannie toute activité pénible et inutile, n'avait plus guère l'espoir de faire illusion.


Et pourtant quelque chose le détermina pour une fois à ignorer ce discret avertissement. Il continua dans sa foulée en se disant que c'était sa digestion qui commençait. Il parvint à l'extrémité du bassin et repartit de plus belle. L'incident était déjà oublié. Il avait chassé loin de lui cette idée importune et un peu inquiétante. Il importait peut-être plus d'insuffler à son rythme une plus grande régularité, de mieux coordonner bras et jambes, d'inspirer plus d'air...


Avec un entêtement malheureux, il s'obstinait à avancer, à nager encore, lançant un bras devant l'autre, battant une jambe après l'autre, avec cette indifférence au danger que donne l'inconscience doublée par le désir de ne pas flancher devant l'enfant.


Il n'est pas de chose plus cruelle que de voir un homme se précipiter ouvertement vers sa perte dans l'espoir de garder sa dignité et d'acquérir l'estime de l'enfant qui, en le poursuivant de ses quolibets, ne savait pas qu'il tuait son père. Ainsi se commettait le plus innocent des parricides.


Pour le père, l'orgueil fut plus fort que l'instinct.


Il croyait s'efforcer de gagner l'autre extrémité du bassin, il ne faisait que tenter de survivre. Son esprit était encore tourné vers l'idée de ne pas décevoir son fils, son corps était occupé d'assurer sa survie.


Soudainement, avec une intensité incroyable, un nouveau frisson comprima son cœur d'où partit un élancement foudroyant de douleur qui arriva immédiatement à sa conscience.

Instantanément, bras et jambes, respiration, tout fut paralysé. En une fraction de seconde son corps venait de se transformer en objet inerte. Inversement, son esprit connut pendant un court instant une activité prodigieuse.


Ce fut comme le feu d'artifice de sa conscience : le regret de centaines d'actions non accomplies, de projets non réalisés, de paroles non dites, s'éveillèrent en lui et le dominèrent tout entier. Une vague de sensations, de couleurs, d'odeurs, d'images submergea sa conscience. Il revit simultanément des souvenirs marquants de sa jeunesse, les instants forts de sa vie adulte, les grandes émotions mais aussi plus curieusement une foule de détails insignifiants, de choses qu'il avait crues oubliées parce que sans importance. Il pensa qu'il devait demander la recette de ces délicieuses cornes de gazelles... et puis plus rien.


Pendant ce temps, la maître-nageuse était effectivement occupée à lire un magazine. Elle sentit confusément que quelque chose n'allait pas. D'abord, elle abaissa sa revue et se pencha en avant pour voir se qui se passait. Elle poussa un cri et se leva d'un bond. Plonger dans l'eau, ramener l'homme et lui sortir la tête de l'eau, tout cela fut si rapide qu'on eut pu avoir l'impression que ce n'était là qu'un mouvement. En même temps elle appela à l'aide car elle ne parvenait pas à hisser cette masse hors de l'eau. Il avait besoin de soins urgents. Elle cria à nouveau. L'enfant leva le nez de son sachet, des gens accoururent, certains plongèrent, d'autres restèrent sur le bord afin de hisser ce qui n'était déjà plus qu'un corps sans vie. Un cadavre. Le reste n'avait rien que de très prévisible. On essaya longtemps de le ranimer, même les médecins arrivés sur les lieux dix minutes après voulurent s'assurer de l'inexorabilité de la chose. Rien n'était plus à faire et l'on était en train de recouvrir le corps d'une couverture lorsque la femme poussa un cri : elle venait de se souvenir du petit garçon qui toutes les semaines accompagnait son père. Un regard affolé suffit à le découvrir à la même place d'où il n'avait pas bougé, prostré dans une attitude qui paraissait indifférente.


L'enfant restait immobile à regarder vaguement devant lui en mâchonnant sa dernière corne de gazelle. Il était triste car après cela il n'aurait plus rien à se mettre sous la dent. Il tourna la tête vers son père toujours allongé sur le sol sans comprendre ce qu'il faisait encore par terre, un peu plus loin lui parvenaient les échos souriants d'une musique joyeuse. Il se demanda quand son père lui achètera à nouveau des cornes de gazelles, mit le sac vide dans sa poche et attendit.


 
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   Selenim   
13/5/2009
 a aimé ce texte 
Pas ↑
Une intrigue simple desservit par une écriture sans intensité.

C'est le genre de récit qui s'étouffe dans l'imparfait, le présent étant mieux indiquer pour cet exercice.

Les phrases manquent de reliefs, les adverbes se succèdent dans un rythme soutenu ; sur la distance, l'imparfait plombe la lecture.
Trop de répétitions de "il"

Manifestement, sagement, égalementx2, tranquillement, bonnement, simplement etc...

Je vais peut-être chipoter, mais je ne connais pas de piscine où l'on est autorisé à manger en bordure de bassin, même si le MNS à la vue Voguée.

La réaction du père me semble pour le moins étrange : depuis quand un pincement au coeur est un signe de digestion ?

Selenim

   Anonyme   
13/5/2009
 a aimé ce texte 
Bien ↓
Bonjour marclefrançois.

J'ai un peu de mal avec cette phrase :
"Et de surcroît quel autre moyen pour lui que de lever les jambes en rythme, de bouger du bassin au milieu de toutes ces croupes ondulantes, de toutes ces cuisses frémissantes ?"
Je ne comprends pas le "quel autre moyen".

J'ai eu aussi un peu de mal à entrer dans la nouvelle, je trouve le premier paragraphe un peu lourd. Comme si dans un minimum d'espace tu avais voulu dire un maximum de choses, peut-être un peu trop, bref, le style gagnerait peut-être à être allégé.
Dès le troisième paragraphe cela va beaucoup mieux.

L'histoire en elle-même est du genre de celles qui me plaisent beaucoup de plus passés les premiers paragraphes, l'écriture se fait plus limpide.

"Et pourtant quelque chose le détermina pour une fois à ignorer ce discret avertissement." pourquoi "pour une fois" ? Ca laisse entendre qu'il y a eu d'autres fois ce même signe, or s'il y a déjà eu ce précédent, comment peut-il se méprendre sur son origine ? Ou alors ça laisse supposer qu'il est légèrement hypocondriaque et que, "pour une fois" il ne se préoccupera pas de ce pincement... ? D'un autre côté, il y a ce pincement et il continue de nager, de pousser sur les bras... est-ce qu'après le pincement il n'y a pas cette douleur dans l'épaule qui interdit tout mouvement tant elle est douloureuse ?
Ce qui me plait le plus dans l'histoire c'est le portrait de l'enfant et son attitude.
Bien sûr ceci n'est que mon avis, et il vaut ce qu'il vaut.
Au plaisir de te lire.

   gizebre   
13/5/2009
 a aimé ce texte 
Un peu
l'idée est bonne mais le texte est finalement décevant. Le style est un peu lourd parfois, certaines tournures de phrase assez maladroites (par exemple, "tant que son père serait à nager" : pas bien élégant, comme expression !).
Le gamin n'apparaît pas très sympathique, et bête s'il n'a pas compris ce qui arrivait à son père !
Pardon de critiquer ainsi, mais je trouve vraiment dommage que le style ne soit pas plus précis et plus incisif, car on devrait pouvoir tirer de cette histoire un texte bien plus prenant.

   minouchat   
14/5/2009
 a aimé ce texte 
Un peu
L'idée est très bonne. la grande faiblesse de ton histoire : pas assez d'informations sur le conflit père/fils.... que se cache t-il derrière l'indifférence du petit garçon ? que se cache t-il derrière le besoin mortel du père à vouloir épater l'enfant ? Le titre "Alimentaire", l'Homme gros, l'enfant maigre.... J'ai l'impression que la vraie histoire celle que tu veux raconter n'a pas été racontée... Je reste sur ma FAIM; à bientôt de te lire...

   Menvussa   
16/5/2009
 a aimé ce texte 
Un peu
Ce qui m'a plu : le sujet, que je trouve assez original de la façon dont il est traité, ce parallèle entre un gamin insouciant, égoïste, qui m'apparaît assez désagréable et le drame, d'un père qui veut faire bonne figure.

J'ai par contre trouvé que l'écriture manquait de relief, le rythme est monotone.

Je l'aurais bien vu écrit au présent ce texte, c'est déjà plus vivant, même pour parler de la mort.

   costic   
21/5/2009
 a aimé ce texte 
Un peu
Je trouve l'idée vraiment intéressante mais je suis assez d'accord avec l'ensemble des commentaires: l'écriture gagnerait à être allégée, en particulier dans la première partie. ( beaucoup de que, qui, car, tant que...) J'aime beaucoup l'image de l'orgueil qui mène à la perte, bon petit rappel pour les sportifs trop imbus de leurs performances, et les pères miroirs qui ne vivent que pour leur propre reflet.


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