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Horreur/Épouvante
marogne : Frida
 Publié le 25/05/08  -  9 commentaires  -  10767 caractères  -  56 lectures    Autres textes du même auteur

Une maison, au pied d'une falaise - Une statue de la Vierge la protège. De quoi ? Quelle est son histoire ?


Frida


Il fait nuit. Du plus loin qu’elle se souvienne il fait nuit. Elle a le sentiment qu’il fait nuit, elle ne sait pas vraiment ce que ce serait si c’était autrement. Ce mot s’impose à elle, mais elle ne le connaît pas, ne le comprend pas. En tout cas, elle ne voit rien. Elle sait confusément ne pas être aveugle, mais rien ne fait briller sa pupille, rien ne lui permet de rapprocher le verbe d’une réalité quelconque.


Seule. Au plus profond d’elle, elle connaît ce sentiment. Elle sait que ce pourrait être autrement, elle ne sait pas comment. Désespérément seule, elle ne sait pas depuis combien de temps, et puis même ce que c’est que le temps. Ces notions l’assaillent comme si on les lui avait inculquées il y a très longtemps, par elle ne sait plus qui, et qu’elle les avait oubliées parce que pas utilisées. Un précepteur sans doute, elle ne se rappelle pas. Perdue dans sa solitude, dans les ténèbres, elle ne sait plus rien. Elle est seule, abandonnée !


Froid. Le lieu dans lequel elle est, est froid. C’est une sensation récente, elle sait qu’elle est dans un espace, elle a conscience d’un lieu, d’une salle, d’une pièce. Et elle a conscience qu’il fait froid. Elle n’en voit pas les limites, mais elle sait qu’il y en a. Elle voudrait qu’il ne fasse plus froid, mais elle n’en connaît pas la raison. Le froid s’impose à elle, comme la solitude, comme la nuit.


Seule ? Mais alors que signifient ces présences qu’elle ressent parfois, comme des mouvements autour d’elle. Elle a essayé de toucher, de s’approcher, mais rien, seulement un sentiment de présence. Elle ne perçoit pas d’hostilité, mais le contact est refusé. Des murmures, des murmures parfois s’élèvent de la nuit qui cache les limites de son cachot ; elle a froid, elle est seule, on la veut seule.


Une douleur atroce ! Non pas une douleur à proprement parler, mais une peur qui la vrille dans tout son être, telle qu’elle devient torture. Peur et haine. Pourquoi cette haine ? Il n’y a personne, il n’y a pas de danger là où elle est, elle le sait. Mais cette douleur, cette peur, la submergent, la jettent à terre, en pleurs, impuissante. Elles viennent comme la marée, inéluctables, elles détruisent ses pensées, le moi qu’elle se reconstituait. Et puis cette haine qu’elle ne sait pas contre qui diriger. Elle a mal, elle a mal à l’âme et au corps. Elle est maintenant perdue dans la conscience de cette douleur, et de cette haine. Douleur, peur et haine, ses seuls compagnons.



* * *



La maison d’hôtes est illuminée ce soir, des bribes de musiques s’échappent des croisées entrouvertes sur les parfums de cette nuit de printemps. Les calèches se sont arrêtées le long du chemin, il n’y a pas beaucoup de place dans la cour, le manoir occupant tout l’espace entre la falaise et le chemin menant à la montagne.


Toute une foule se presse, des robes blanches, de grandes tenues, des rires et des éclats de voix, le maître de maison accueille tous ses amis pour célébrer cette fête qui restera longtemps dans les mémoires. Frida est à ses côtés.



* * *



Elle est arrivée à surmonter sa peur, sa douleur, et à explorer son domaine. Elle n’en a pas trouvé vraiment les limites, pas une seule lueur qui lui permettrait de distinguer éventuellement les murs qui l’enferment. Elle sent toujours ces présences autour d’elle, elle les refuse, elle les nie, mais elles sont là. Elles ne lui font plus peur, la peur et la douleur qui l’habitent constamment la rendent insensible à autre chose, si ce n’est à la haine.


Elle a enfin touché ce qu’elle sait être un mur. À son contact, elle a crié, intensément, un cri venant du plus profond d’elle-même, un cri qui lui est revenu en écho de très loin, de très loin. Un cri qu’elle sait dément, irréel, surnaturel. Et en même temps ce mélange de haine et de douleur ; la peur a disparu, la douleur reste, la douleur physique, mais aussi, elle le sait maintenant, la douleur morale. Ce mur, cette barrière infranchissable, elle doit le vaincre, elle sait que derrière lui il y aura la réponse à ses questions.


Elle est revenue plusieurs fois devant la paroi, sa douleur à son contact s’atténue, elle se maîtrise de plus en plus, ses cris se sont mués en gémissements. Au fur et à mesure que sa détermination à passer outre se renforce, elle sent l’hostilité monter autour d’elle, dans la nuit noire, comme si l’espace lui-même qui l’entoure était vivant, et voulait l’empêcher d’avancer. Le froid, elle a l’impression que le froid et la nuit se sont accentués. Mais elle continuera, il le faut ! Au-delà de la douleur, de sa peur, la haine, c’est la haine qui la pousse à avancer. Et puis un autre sentiment, qu’elle ne sait pas nommer, qu’elle ne sait plus nommer.



* * *



Le bal a commencé ; Frida et Armand l’ont ouvert, les yeux dans les yeux, sous les sourires bienveillants des invités, le verre de champagne à la main, qui rythment la valse majestueuse. Dans sa robe blanche immaculée, Frida est resplendissante, heureuse.


Là-bas, au coin de la cheminée, Arnaud regarde le couple. Il a du mal à cacher son trouble, et de temps en temps, les larmes qui brouillent ses yeux capturent un rayon de lumière et les font briller un instant. Il se déplace alors vers la fenêtre, honteux de n’être pas assez fort, et dans la vision du village fortifié, de l’autre côté de la route, il essaye de puiser l’énergie qu’il lui faut encore pour résister jusqu’à la fin.



* * *



Le mur résiste, mais elle sait qu’elle le vaincra, sa haine est trop forte. Il lui a fallu des dizaines de tentatives pour être capable de s’attaquer réellement aux joints qui tiennent les briques tellement la douleur est atroce. Le mortier est tendre, cela devrait la surprendre, mais ça permet d’avancer vite, elle se refuse à réfléchir. Elle ne quitte plus le mur, dès qu’elle a un sursaut d’énergie, de courage, elle s’y attaque avec ses ongles. Elle ne peut s’empêcher de gémir, même de crier de temps en temps, mais elle doit continuer.


Lors des moments de répit qu’elle s’accorde, il lui semble que de nouvelles images se forment dans son esprit. Des images blanches, colorées, qui lui font comprendre enfin ce que c’est que la nuit. Et parfois un bruit mélodieux, une musique sans doute, mais comme éloignée, étouffée. Et puis la haine ; pas seulement sa haine, mais une haine qu’elle perçoit, qu’elle ressent avoir perçue, mais qu’elle ne sait attribuer à une personne.


Son effort vient peu à peu à bout de la muraille, une des briques va bientôt pouvoir être enlevée. Après ça ira beaucoup plus vite !



* * *



La maison d’hôtes est illuminée ce soir, des bribes de musiques s’échappent des croisées entrouvertes sur les parfums de cette nuit de printemps. Des calèches se sont arrêtées le long du chemin, il n’y a pas beaucoup de place dans la cour, le manoir occupant tout l’espace entre la falaise et le chemin menant à la montagne.


Une foule se presse, des robes blanches, de grandes tenues et des éclats de voix, le maître de maison accueille ses amis pour célébrer cette fête qui restera longtemps dans les mémoires. Vera est à ses côtés.



* * *



Elle s’est frayé un passage au travers de la paroi. La nuit règne aussi de l’autre côté, mais elle est d’une autre nature. Elle a été si longtemps dans le noir complet, que cette obscurité-ci lui paraît éblouissante. Il lui faut un moment, attendre, attendre que le flot d’émotions qui l’a submergée se calme, et qu’elle puisse en faire le tri.


Elle sait où elle se trouve. Elle connaît cet endroit. Elle doit se diriger vers la droite, il doit y avoir un escalier, puis une deuxième pièce analogue, puis un autre escalier, et elle devrait être chez elle.


Elle entend, étouffée, la musique qu’elle avait ressentie de l’autre côté du mur. Et parfois des éclats de voix alors qu’elle monte lentement les degrés.


Dans la deuxième pièce elle s’arrête encore. La peur, la haine, la douleur l’assaillent, la font tomber à terre. Elle crie, elle crie comme elle n’a jamais crié. La musique s’arrête, un instant, un instant qui est une éternité, puis elle repart, et les rires, forcés, se font de plus en plus sonores.


Une chaleur nouvelle a remplacé le froid. Au-dessus de sa haine, au-dessus de la haine qu’elle se rappelle dirigée contre elle, un autre sentiment qu’elle ne sait pas encore nommer, qu’elle ne comprend pas encore très bien.


Elle a passé le dernier obstacle, la porte s’est effacée sans effort. Elle est dans un couloir, elle connaît cette maison. Elle se dirige vers le hall principal pour gagner la salle de réception. Elle passe devant la volée d’escalier qui conduit aux chambres. Elle se souvient, elle se rappelle, elle, dans une robe blanche transportée au sommet des escaliers, dans la joie et dans les rires. Puis elle se rappelle la nuit dans la chambre de noce, la découverte, la honte, la fureur, la folie. Elle se rappelle sa peur quand elle a descendu, au petit matin, ces escaliers.


La réception bat son plein dans la salle. Elle voudrait vérifier sa toilette, sa mise, mais elle sait qu’il n’y a pas de miroir ici, seulement de l’autre côté, dans la grande salle.


Elle pousse la porte, et la musique et la lumière et le monde l’assaillent. Elle entre, quelques personnes se retournent, et tout se fige. Ces visages mondains qui arboraient contentement et plaisir, se raidissent, pâlissent. La musique s’est arrêtée.


Et puis c’est la débandade, des cris, des bousculades, des femmes qui s’évanouissent et sont emportées par leurs cavaliers, tous l’évitent. Restent deux hommes au fond, elle les connaît. Armand et Arnaud. Elle s’approche, et s’amuse de leurs regards, de leurs expressions.


En passant devant la cheminée, elle se retourne pour corriger sa tenue devant le grand miroir. Et soudain elle comprend, elle comprend la douleur, la nuit, la haine, le froid, l’amour, la honte, elle comprend, elle se souvient, et la forme décomposée qui apparaît dans le miroir - des os avec des lambeaux de chairs dégoulinant de pourriture, les ongles noirs recourbés, le crâne envahi d’araignées, les bras tordus, des fragments de vêtements qui tombent à terre à travers le squelette, et sur lesquels on voit encore des taches de sang - se recroqueville, se tasse, tombe à terre, et dans un grand cri, que l’on entend dans toute la vallée, jusqu’à la plus haute tour de Kayzerberg, tombe, définitivement.


Il n’y a plus rien, dans la grande salle illuminée, qu’une charogne.


Et les cloches se mirent à sonner, le glas résonnait d’un versant à l’autre, pénétrant les demeures, s’imprégnant dans les âmes, ultime action de grâces.


Montesson, le 16 mai 2008


 
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   Ariumette   
25/5/2008
 a aimé ce texte 
Un peu ↑
Le début est hermetique puis le brouillard se dissipe. J'ai bien aimé les interludes décrivant la fête. Ce qui me gène dans cette nouvelle ce sont les répétitions, sans doute un choix de ta part, qui me font me dire: "Oui, mais encore, va plus loin..." Les mots "peur", "haine" etc peuvent se dire autrement... La fin m'a fait sourire et ceci est un compliment car pour moi toute bonne histoire d'horreur doit faire rire (il paraît que le rire est un remède aux angoisses mortelles). J'ai bien aimé l'ensemble malgré les longueurs surtout dues aux répétitions.

   strega   
25/5/2008
 a aimé ce texte 
Bien
Et bien, je ne peux être que sensible au style hein, ça me serait difficile autrement...

Les répétitions ne m'ont pas trop gênée, c'est un moyen efficace pour accentuer les sensations. Et même s'il existe d'autres mots, je trouve personnellement plus fort, de toujours utiliser les mêmes.

J'ai apprécié aussi les paragraphes courts, ça c'est très bien pour mes petits yeux. (et donc absolument subjectif)

La fin m'a laissée perplexe, je ne suis pas sûre du tout en fait. Mais bon, je vais relire. Et à la limite, cette fin, un peu en suspend, c'est plutôt pas mal non plus.

Bref, moi j'ai bien aimé ce texte.

   widjet   
25/5/2008
 a aimé ce texte 
Un peu ↓
Un texte impalpable, cotonneux, claustrophobique mais hélas parfois soporifique (le début est très nébuleux, brumeux...) et très répétitif (étonnant pour cet auteur qui m'a habitué à un style plus fluide)pour maintenir un intêret et une attention constants. Cet effet est sans doute voulu, donnant cette sensation de spirale, de manège infernal. Désolé Marogne mais, une fois n'est pas coutume, j'ai pas accroché.

Widjet

   Liry   
25/5/2008
 a aimé ce texte 
Bien
J'ai aimé ce texte et l'histoire qui m'a tout de suite accrochée.

Les phrases courtes et les répétitions ne m'ont pas gênée. Elles ont plutôt renforcé les sensations, le malaise, la haine, l'enfermement et la souffrance à mesure que l'histoire avançait.

J'ai passé un bon moment de lecture.

Merci.

   Anonyme   
27/5/2008
 a aimé ce texte 
Un peu
Je commencerai par dire que j'apprécie la chute, le style, l'ambiance, bref de prime abord, cette histoire à tout pour me plaire...

Sauf que... les répétitions auraient été agréables dans la succession de douleur et haine... et qu'en fait tout se répète, jusque dans les expressions, les verbes, ... cri par exemple, revient bien trop souvent à mon gout sur un paragraphe aussi court. Bref, aurait été mieux si il y avait eu plus de maitrise dans la redondance...
Moi, et je m'en excuse, ça m'a complètement gaché le plaisir de la lecture.

Dommage.

Je vais lire autre chose de toi... pour m'enlever ce petit gout de trop peu qu'il me reste...

   Pattie   
28/5/2008
 a aimé ce texte 
Bien
J'ai bien aimé les deux scènes en parallèle avec la scène "fil rouge". Je m'attendais à une fin terrible, une accusation, un drame, et en fait, rien. Mais du coup, c'est rigolo plus que décevant, puisque c'est inattendu.

   xuanvincent   
21/9/2008
 a aimé ce texte 
Bien ↓
Cette nouvelle m'a plu dans l'ensemple, pour son sujet, ainsi que pour le suspense et l'atmosphère inquiétante, maintenus jusqu'à la fin.

Le rythme de la première partie toutefois m'a paru un peu lent.

Le parallèle entre l'histoire de cette femme que l'on devine morte et le déroulement du bal m'a intéressée.

Plusieurs personnes dans ce bal sont présentées comme si, pour certaines d'entre elles, le lecteur les connaissait déjà. Alors que ces personnages ne m'ont paru qu'esquissés.

Quelques éléments sont donnés sur cette espèce de fantôme. J'ai pensé à un drame conjugal, à la veille de noces. Sans pouvoir toutefois me prononcer sur l'identité de ce revenant : était-elle de son vivant Vera, Frida, ou encore une autre femme ?

L'apparition du fantôme dans la fête m'a intriguée. Il m'a semblé, vu son physique de macchabée bien décomposé, qu'elle aurait dû faire fuir toutes les personnes qui l'avaient vue...
PS : En fait, les invités du bal se sont bien tous enfuis.

PS : Peut-être ne faut-il pas chercher à tout comprendre, et rester dans le flou qui est celui de la jeune femme morte au début du récit ?

La fin, dans le domaine du fantastique, m'a plu.

   Menvussa   
17/10/2008
 a aimé ce texte 
Bien ↑
le début est un peu long à mon sens, trop de répétitions. Puis avec le parallèle le récit se structure et l'intrigue apparaît, et le lecteur est captivé. (moi en tous cas, j'y suis) Le dénouement me laisse pantois car si je comprends bien ce qui est arrivé dans les grandes lignes, certains détails m'échappent, quel est l'exacte nature de ce qui l'a effrayée, révoltée, la nuit de ces noces ?
Et puis la fin est révoltante car qu'en est-il du mari, et d'Arnaud.

Bref il faut une suite absolument. mais peut-être existe-t-elle déjà...

   Flupke   
14/1/2009
Ou la la ! Je suis resté à côté de l’histoire. Je n’ai pas pu rentrer dedans. Désolé. Pourtant j’aime bien le style EA Poe.


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