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Policier/Noir/Thriller
Mills : Un cadeau de Little River
 Publié le 23/05/16  -  5 commentaires  -  24657 caractères  -  62 lectures    Autres textes du même auteur

Heureusement que l’coup était facile, pensa désespérément McWilhson en hochant la tête.


Un cadeau de Little River


1


Aucune brise, rien. Même les quelques arbres situés derrière lui contrastaient sauvagement avec l’étendue désertique qui lui faisait face, en bas de la falaise. Il n’était plus question de vie là-bas. Que de la broussaille, au mieux des cactus. Il ouvrit sa montre gousset afin d’en juger l’heure mais une croûte sèche l’avait recouverte. Cette foutue poussière, partout, à perte de vue, sur les vêtements, dans les poumons. Un glaviot noir atterrit sur le cadran, mélange de salive sèche et de tabac à chiquer, qu’il essuya grossièrement. 16 h 14. Joe McWilhson, abrité sous un chapeau beige crasseux, guetta au loin : fumée noire en vue. Il fit pivoter son cheval d’un coup de botte pour faire face à sa bande… qui semblait au fond d’une sieste interminable, et sortit son Colt. BANG ! Le coup de feu les fit sursauter. Tous se levèrent maladroitement, l’un rattrapant son froc qui gagnait ses chevilles, l’autre son fusil. Seul le gamin éclata de rire.

Heureusement que l’coup était facile, pensa désespérément McWilhson en hochant la tête.


– Tout l’monde en selle ! L’train arrive.


L’équipe s’activa : trois gueules cassées et un gosse d’une douzaine d’années qui tenait une Winchester aussi grande que lui. Le plus gros d’entre eux le jeta sur un cheval avant de regagner le sien, puis ils rejoignirent le patron pour apprécier les lieux : vingt mètres plus bas, derrière un chemin taillé dans la roche permettant de gagner le plateau, des rails ferroviaires dessinaient un grand virage le long de la falaise.


– Qu’ces cons-là y z’auraient voulu faire un coin pour braquer un train qu’y z’auraient pas fait mieux qu’ici ! Hein p’pa ? gémit le kid qui semblait bien empêtré de son fusil.


Joe ne prit même pas le temps de la réflexion :


– Allez ! Et tous en position et à mon signal.


McWilhson était lassé de cette vie de marginal, lassé de ces conditions déplorables pour voler deux sous. Et ce gosse… aussi fou que les trois autres réunis. Eux, ils étaient stupides mais diaboliquement efficaces dans l’action, ne posant jamais de question. De toute façon ils en étaient bien incapables mais son fils, lui, les posait… se donnait l’impression d’être plus intelligent que les autres, et ça c’était terriblement agaçant. Non… un dernier coup et je disparais. Ce train devait contenir de quoi lui permettre d’acquérir un ranch dans le sud, loin de toute cette merde !

Les hommes gagnèrent les hautes herbes situées à proximité du sentier. Faut toujours qu’il la ramène c’gamin… bien qu’il ait raison cette fois, l’endroit était effectivement rêvé. McWilhson visualisait déjà la scène : le chemin en descente permettait une accélération rapide vers le train qui, se devant de ralentir dans la courbe, serait gagné en quelques centaines de mètres. Un effet de surprise total ! Mais pour sûr que cette planque aurait été surveillée pour un convoi de haute importance, ce qui n’était a priori pas le cas de celui-là car les Bontrager avaient tout fait pour : cette riche famille de Little River, de plus en plus proche de la tradition amish, avait décidé de faire rapatrier sa fortune dans le prolongement de leurs isolements du monde. Également riches d’idées, ils avaient souhaité que ceci soit fait sans attirer l’attention et donc sans garde particulière. Dans le secret le plus complet. Un plan bien pensé, mais terriblement négligé : les Bontrager ne connaissaient visiblement pas les faiblesses d’un banquier frustré… surtout lorsque ce dernier a un revolver coincé dans la narine. Un véritable cadeau en perspective, tout droit venu de Little River.

Les rails commençaient à vibrer, il leva le bras pour amorcer le signal. Encore quelques secondes… Les chevaux, sentant la tension de leur cavalier, commencèrent à trépigner. La hargne au ventre, des flammes plein les yeux. Impatients de foncer dans le tas. Joe aimait se nourrir de leur bestialité avant l’attaque, les toisant un par un de Small Dick qui en bavait, à Billy son fils, qui lui reluquait sa crosse indifféremment. Il joue putain… Sa jeune vie de truand n’était qu’un jeu. Ce qui le rendait imprévisible, intenable, complètement taré… estimait McWilhson. Une juvénilité qui ressortait davantage au milieu de ces crasseux mal rasés, bien qu’il en ait bientôt plombé autant d’hommes qu’eux. De manière susceptible pour certains, arbitrairement pour les autres. Ça pouvait venir que de sa mère, pensait souvent Joe, une traînée de bar qu’il avait dû dessouder après qu’elle s'était ramenée trois ans après pour réclamer des dollars, mais son grand cœur avait eu raison du petit. Quelle connerie j’ai faite… Comme lisant dans ses pensées Small Dick commença à rire nerveusement, mâchoire serrée, ce qui ramena McWilhson à la réalité : la puissante locomotive amorçait son freinage. L’assaut était imminent.

Il fut donné alors que le train arrivait à leur hauteur plus bas. Les trois cavaliers étaient partis au triple galop dans la descente, laissant Jr. se dépêtrer de ses rênes dans un nuage de poussière. Son cheval tituba à gauche, puis à droite, avant de partir tranquillement sur le sentier sous les coups incessants d’éperons. McWilhson souffla de désespoir, contemplant la scène en ajustant ses gants. Il emboîta calmement le pas de son fils en regardant Big Bill qui gagnait déjà la locomotive. Le train ne mit pas longtemps à s’arrêter, sciant le calme du désert à coups de cris stridents et métalliques. Le chauffeur avait dû être coopératif car il ne l’avait pas vu voler du train. Propre, pour une fois…


2


– Ça y est ma chérie, cette fois-ci nous quittons définitivement la verdure.


La mère expira péniblement vers la fenêtre, ne se réjouissant visiblement pas de voir le train foncer droit vers le néant. Venant de laisser derrière lui la gare de Kansas City, à la frontière du Missouri, il s’apprêtait maintenant à traverser le Kansas.

Anita contemplait froidement les bourgeoises assises sur le banc de droite. La mère et sa fille, toutes deux habillées de tissu et de soie de très bonne qualité, discutaient de banalités affligeantes depuis le départ d’ce tas d’ferraille, comme le qualifiait Anita. Encore une riche famille qui désertait New York, où le climat politique ne tournait plus à leur avantage. Elle les méprisait, ces fortunes qui s’en allaient coloniser les terres de l’Ouest maintenant que le sale boulot était fait. Combien, comme son père, étaient morts de fatigue pour poser ces rails, combien d’autres en chassant les Pow Wow ? Venant comme une réponse la miss pouffa dans son gant de dentelle, faisant monter une nouvelle vague de dégoût chez Anita. La mère chercha son regard :


– Excusez-la ma sœur, cette jeune fille va retrouver son père pour parfaire son éducation. Et ce soleil incessant doit lui taper sur la tête, Dieu merci cette falaise va nous permettre d’avoir un peu d’ombre.


Anita continua de la fixer sans aucune émotion. Gênée, la grosse – c’est comme ça que l’identifiait Anita – préféra détourner le regard vers l’extérieur. Ma sœur, ma sœur… c’est pas la main de Dieu qui va venir te caresser la gueule ! pensa-t-elle. Jane, de dix ans son aînée, lui serra le bras.

Assise à sa gauche, elle avait dû sentir son agacement. Depuis le départ elle lui demandait de rester calme, lucide, « ce coup est un véritable cadeau… » qu’elle lui avait dit. Mais tout l’agaçait ici : cette chaleur, surtout dans c’te putain de robe, ce train qui la remuait dans tous les sens… « Regarde ma chérie, ce cow-boy en haut de la falaise nous salue »… et cette emplumée qui…

Elle fut stoppée dans ses railleries par Jane. Elle avait resserré sa prise et venait de se pencher sur elle pour regarder, inquiète, dans la direction qu’indiquait leur voisine. Sa grande sœur, en plus d’être bien plus intelligente qu’elle, avait cette faculté à rester toujours sur le qui-vive, Anita fit de même spontanément. Elles se retournèrent afin de chercher « l’homme » mais elles en virent plutôt trois passer devant les carreaux au galop. L’un gagnait l’avant du train. Un autre ralentit, et le troisième se maintint à leur niveau, leur souriant d’une bouche partiellement édentée. Le frêle cavalier semblait danser sur sa monture, son chapeau volant en tous sens à l’autre bout de la jugulaire. Un malaise gagna bien vite le wagon, avant de tourner bien vite à la panique lorsqu’il brandit son arme. Anita se retourna affolée vers Jane : son visage tout entier criait « merde ».


3


McWilhson passa doucement devant les fenêtres du wagon, passant en revue ce qu’il apercevait derrière les carreaux. Small Dick se tenait au fond du wagon et il tenait en joue une trentaine de passagers. Pas de fauteur de trouble donc… bien ! Car je suis pas d’humeur. Il prit le temps de descendre tranquillement de sa jument, l’attacha, puis monta dans le wagon dans un silence de cathédrale, laissant triomphalement résonner ses bottes sur le plancher en bois. Il regarda chaque personne en finissant par le premier rang, à sa droite se tenaient deux bonnes sœurs au visage fermé et à sa gauche une mère et sa fille endimanchées. Il se pencha malicieusement – perfidement en réalité – vers la gamine :


– Excusez-moi mad’moiselle, c’train va bien à Little River ?


La gamine acquiesça timidement.


– Que nous voulez-vous, monstre ? répondit la mère.


McWilhson n’effaça pas son sourire tordu et reprit à l’intention de la fille :


– T’inquiète pas ma grande, tout va bien s’passer.


Il toisa obscurément la mère et prit gaiement la parole pour l’assemblée :


– M’ssieurs dames… Désolé d’interrompre vot’beau voyage dans nos régions, je suis Joe McWilhson et je n’vous veux aucun mal. Aucun. Ni à vous, ni à vos bijoux – il se repencha encore sur la fillette – ni à ta poupée !


La mère resserra son étreinte. Lui reprit, toujours dans un langage faussement soutenu :


– C’qui nous intéresse s’situe au bout de c’wagon et…


Billy McWilhson Jr. sauta alors dans le train en brandissant son fusil et hurla :


– Haut les mains bande d’encu…


McWilhson l’arrêta d’un sévère revers de main, le faisant voler contre la paroi du wagon.


Les gémissements qui avaient accompagné la scène se turent mais Joe Jr. se releva aussitôt, sa joue rougissant à vue d’œil. Il ne laissa même pas le temps à son père de reprendre la parole et se dirigea brusquement vers la plus jeune des bonnes sœurs qui affichait un sourire narquois.


– Toi l’Amish on va t’niquer ton pognon, alors arrête de rire ou j’te…


McWilhson le saisit cette fois-ci par le col et l’expédia brutalement derrière lui, soulevant à nouveau l’indignation chez les passagers.


– C’est une p’tain de bonne sœur ! C’est pas une Amish, bordel !


Il le releva violemment en lui intimant de rester là, sans bouger. Après plusieurs secondes à se masser les tempes il reprit calmement en occultant l’entrée magistrale du kid :


– Bref… normalement, une personne d’ent’vous est au courant de c’qui nous amène et elle détient la clé d’notre p’tit coffre. On va donc gentiment lui d’mander d’s’manifester…


Il avait dicté gentiment de manière aussi audible qu’il lui était permis de le faire, soulignant ainsi la menace qui couvait. Mais pas un mot ni un mouvement n'émanèrent du wagon. Il reprit donc sa phrase inachevée « … vite ! Sinon on va d’voir l’faire d’manière moins gentille… » La voiture arrêtée en plein cagnard montait en température, et chaque visage qui constituait son auditoire perlait à présent de sueur. McWilhson sortit tranquillement sa montre et se mit à déambuler vers le fond du wagon, gardant les yeux rivés sur le cadran. Derrière les regards apeurés qui l’accompagnaient, Joe sentait la présence du lâche qu’il cherchait, pourquoi diable ne se manifestait-il pas ? Joe n’était pas de l’école de ceux qui abattaient froidement pour convaincre, mais là en l’occurrence, il n’avait pas le luxe du temps. Une fois l’aller-retour effectué, il rangea sa tocante et conclut d’un modeste « très bien… » avant de quémander la petite bourgeoise :


– Tu m’prêt’rais ta p’luche ma grande ?


La fille la lui tendit à regret et McWilhson lui saisit violemment le poignet et écrasa sa main entre son Colt et l’accoudoir. Un grondement d’horreur explosa dans la voiture. La gamine hurla et Joe monta la voix dans un nuage de postillons :


– Maint’nant si l’fils de p’tain qu’a la clé s’manifeste pas j’lui éclate la main, compris ?

– Il va lui buter la main ! renchérit Junior, tout jouasse.


Pourquoi fallait-il toujours en venir là ! McWilhson scruta tous les visages jusqu’à s’arrêter sur un passager ventripotent qui semblait particulièrement mal à l’aise et qui tentait de libérer son cou d’un col qui devenait de plus en plus petit. Gardant ses yeux dans les siens, Joe enfonça encore son canon sur la peau frêle de la jeune fille, qui brailla de nouveau. L’homme tremblotant était passé du blanc au transparent mais ne bougeait toujours pas. Il arma le chien dans un déclic mécanique toujours en le fixant froidement. Cette ordure va m’obliger à l’faire… songea-t-il, voyant déjà le sang tacher le blanc de la fine dentelle qu’elle portait, elle qui allait sans doute perdre l’usage de sa main à un si jeune âge. Ils n’étaient pas comme ça avant… Il positionna son index sur la gâchette. On ne peut plus rien faire sans mutiler, tuer… se résigna Joe avant que l’homme se décide enfin à tendre fébrilement le doigt.


– Il… Il… faut que… que je vous expli…


L’homme agitait ses deux paumes devant lui, sans pouvoir finir de balbutier ses mots avant que Small Dick ne l’attrape par la chemise et ne le mène vers le fond. Joe chargea Billy d’aller faire chercher le chariot pendant que lui relâchait son jeune otage. Bientôt les seuls êtres vivants à qui il pourrait nuire auraient quatre pattes et une queue en tire-bouchon.


– Patron, l’gars dit qu’il a pas la clé…


L’idée de partir maintenant lui traversa l’esprit.


4


Jane tentait de rester tranquille mais Anita, elle, bouillonnait. La chaleur était devenue insoutenable sous ces maudits costumes de bonne sœur qui les habillaient de bas en haut, Jane s’était même étonnée d’être parvenue à le faire mettre à sa colérique de sœur. Anita était facile à décrire, elle était tout son contraire : belle, avec de longs cheveux blonds qui – lorsqu’ils n’étaient pas couverts d’une cornette – lui couraient le long d’un visage rond et délicatement dessiné. Il ne fallait cependant pas s’y fier, sa tête angélique et ses taches de rousseur abritaient un véritable bélier… et des plus bagarreurs. Anita orienta ses yeux vers elle, rouge d’une colère qu’elle tentait d’expirer tel un buffle par sa narine libre. Jane pouvait décompter l’implosion sur son visage… 5… 4… 3… mais le kid, qui plantait sa Winchester dans le nez d’Anita, prit une raclée par son père. In extremis.

Elle n’était croyante que par sa robe d’aujourd’hui, mais Jane aurait volontiers remercié Dieu si on lui avait appris à le faire. Consciente que ce miracle venait d’éviter de sérieuses complications, la mort en tête de liste. Elle pouvait maintenant se concentrer sur le prochain problème : la clé. Celle que ce McWilhson cherchait dans les poches de cet aristo. Celle qui se situait en fait dans la sienne, et depuis la gare de Kansas City.

Ils commençaient à secouer le bonhomme, réfléchit vite Jane… Premièrement leur chef était assez fou pour faire sauter la main d’une gamine de dix ans, deuxièmement elle connaissait parfaitement le timing : la prochaine gare de Chings, dernier arrêt avant Little River, était à quinze minutes. Ville du marshall du comté, ami des Bontrager. Nul doute qu’il guettait l’arrivée de ce train, donc : dix minutes avant qu’il ne trouve ça louche, et encore dix avant qu’il ne rapplique. Leur intervention s’éternisait, et le chef en avait conscience car il scrutait sa montre tous les deux mouvements. Le passager du fond était presque tout nu désormais et Jane sentait le regard insistant d’Anita, allez bon sang ! Réfléchis…


– Elle est là votre clé !


Jane s’était levée en brandissant l’objet des convoitises. Un rapide coup d’œil à sa sœur avant que le gosse se mette à hurler en la braquant dans le dos :


– J’vais la buter !


McWilhson marcha prestement vers elle.


– Baisse ton jouet Junior. Ma bonne sœur…


Il lui attrapa la mâchoire et colla son visage haineux au sien « par quel miracle divin p’vez m’expliquer l’fait qu’cette clé soit dans vot’e main ? ». Jane jubilait intérieurement car maintenant qu’il avait la clé à disposition, le poids du temps changeait d’épaule. Il ne restait plus qu’à dérouler le plan qu’elle venait de tracer… et subir les relents nauséabonds qui émanaient de son ravisseur. Désormais chaque seconde passée était à son compte et elle prit son temps pour répondre.


– Votre fils semble avoir compris avant vous, nous sommes de la sainte famille Bontrager. À la décharge de cet… incompétent, que notre père a visiblement chargé de convoyer cette clé, nous la lui avons dérobée à Kansas City. Chings étant une ville où notre père est connu, on craignait les gens… en votre genre… des… des égarés de la lumière de Dieu… tout-puissant.

– Moralisateur, hautain. En voilà un bon discours de bonne sœur comme on voudrait en baffer…


McWilhson l’examina d’un air méprisant avant de lui arracher la clé des mains, puis l’expédia au malfrat du fond. Revenant à elle, il la menaça avec son doigt en se retenant de parler puis se ravisa à l’arrivée du chariot. Eh oui t’as plus le temps Ducon ! se dit Jane avant de rejoindre innocemment le coin opposé à la porte, mains dans le dos. Pendant que les gars détruisaient une fausse cloison qui abritait le coffre, elle, fouillait son sac de ses doigts avant de sentir le froid d’un canon.

Pour ne pas perdre de temps au transfert, ils emportaient le coffre et la clé directement. Parfait, ils allaient devoir se charger les bras… Jane remonta habilement l’arme et la coinça dans la cordelette qui lui faisait le tour de taille. Les hommes convoyaient péniblement leur butin au travers des marches, sous les yeux attentifs d’Anita qui foudroyait le kid des yeux. C’était le seul à tenir le monde en joue à l’intérieur, et elle l’avait visiblement compris. Il y en avait deux à l’extérieur : le gros qui avait ramené le véhicule, et un cinquième qu’on avait peu vu. Jane pouvait poursuivre :


– Que Dieu te pardonne mon enfant ! Tu n’as visiblement jamais connu la grâce de Dieu.


McWilhson Jr. s’approcha.


– Toi la pute si tu bouges j’te bute !


Ultime insulte. Jane l’avait provoqué volontairement dans le but de voir Anita exploser, et la réaction ne mit pas longtemps à venir. Anticipant sa sœur elle s’écarta soudainement de la ligne de mire du fusil et admira l’impulsion toute en puissance d’Anita qui porta un violent coup de coude dans la mâchoire du kid, qui ne put presser la détente. Profitant de son étourdissement, Anita lui arracha la Winchester et gagna la fenêtre, dégageant sans ménagement les bourgeoises de leur banc. Jane, elle, avait rattrapé le gamin par le col et le présentait à présent dans l’encadrement de la porte avec son Smith & Wesson sur la tempe.


– McWilhson ! Dis donc à tes coyotes de jeter tranquillement leurs armes, ou ton fils sera le premier d’une longue série de cadavres.


Elle put voir en eux naître l’idée de dégainer, mais chargé d’un colis cela était plus compliqué et le gros, assis à la place du conducteur, faisait dos à la scène. Seul le cinquième homme entreprit par réflexe de dégager sa veste du holster et de saisir la crosse de son pétard.


– Lève l’épaule cow-boy et j’te jure qu’il va pleuvoir une telle pluie d’plomb sur ta sale gueule que ta mère te r’connaîtrait même pas !


Joe McWilhson fit le rapide constat qu’il n’était pas dans le meilleur camp : un seul de ses hommes était capable d’ouvrir le feu face à elles – qui avaient en plus l’avantage d’être à couvert – et la détermination de sa petite sœur, qui tenait Numéro-cinq en joue, ne laissait guère de doute quant à l’application de sa menace. Il souffla de lassitude avant de reprendre péniblement :


– ’coute ma bonne dame j’veux bie…


BANG ! La tête de Cinq éclata dans un amas d’os et de cervelle.


5


Le corps atterrit lourdement dans le sable devant un public pétrifié. De Jane à McWilhson en passant par le kid, qui pour une fois semblait bouche bée. Tous s’orientèrent vers la fenêtre du wagon pour découvrir le visage froid d’Anita qui réapparaissait progressivement derrière la fumée blanche s’échappant de sa Winch’. Elle bascula le levier de sous-garde et changea doucement de cible, les passant un par un en revue.


– Il a pas bougé l’épaule ! hurla Joe, médusé.

– Non, mais pour sûr que sa mère le r’connaîtra pas !


McWilhson n’était pourtant pas un salopard tombé de la dernière pluie mais il n’avait jamais croisé une femme de cette trempe. Encore moins d’à peine quoi… seize ans. « Magnez-vous d’faire c’que ma sœur a dit ou le gros s’ra le prochain… » Cette petite est magnifique… pensa-t-il. À côté d’elle son abruti de gamin faisait pâle figure. C’était ce genre d’enfant qu’il aurait dû avoir. Merde !


– Ok Bill, fais ce que dit la dame.


Le gros expédia son revolver dans leur direction. Comment ne les avait-il pas vues venir ? À les voir debout, leurs robes de bonne sœur leur allaient aussi bien qu’un costume queue de pie sur un Indien. La plus grande missionna Billy à coup de pied dans le cul de venir chercher les armes que Small Dick et lui avaient à la ceinture, puis leur ordonna de déposer le coffre dans le chariot. Pro, méthodique, aucune d’entre elles ne cligne d’un œil ! admirait Joe. Sous commandement, Bill fit fuir les chevaux.


– Reculez ! Et n’oubliez pas votre copain.


Elles se libérèrent de leurs costumes dans un large soulagement, et Joe resta submergé par la beauté de ce qui se cachait dessous. La petite blonde balança un coup de pied dans le tas de fringues avant de sauter aux commandes du char. La grande le toisa en récupérant les rênes de sa monture, qu’il avait attachées à la rampe du wagon, et expédia sa sœur en direction du nord. Toujours sans le lâcher des yeux, elle se hissa sur la selle de sa têtue de jument comme on monte un poney et se rapprocha avec arrogance.


– S’il te venait l’idée de nous suivre cow-boy, sache que je vise encore mieux que ma sœur. Et ce n’est pas ta tête que je viserais en premier. Elle a toujours été impatiente, moi j’aime quand c’est lent, j’aime quand ça agonise. J’aime quand le crevard, en face, il supplie d’arrêter… J’aime absolument tout ce que t’as pas envie de subir, hein McWilhson ?


Joe la trouvait encore plus belle énervée, menaçante, et la cible qu’elle avait implicitement évoquée devenait de plus en plus… atteignable. Elle le jaugea une dernière fois, le sourire aux lèvres, et s’éloigna rapidement sans se retourner.

Des raclures il pensait en avoir vu de toutes les couleurs, de toutes les races, mais que j’sois pendu encore jamais des comme ça… Il se tourna vers son fils qu’il ne regarda pas comme d’habitude. Dans la tempête qui battait sous son crâne il voulait le prendre avec lui, lui montrer un véritable face à face comme lui en avait connu. Ces duels d’orgueil qui forgent un homme, un vrai. Peut-être avait-il raté son éducation jusque-là, mais il n’était pas trop tard. Elles étaient deux, ils seraient deux. Il allait devoir retrouver son talent et former un fils digne de ce nom. Bon sang fallait reconnaître que cette beauté de femme venait de raviver en lui un feu éteint depuis trop longtemps. Oh oui il avait envie de la suivre, d’ailleurs le sourire narquois qu’il lui avait affiché devait amplement lui avoir servi de réponse tant sa menace avait résonné comme une provocation. Les deux mercenaires se hâtèrent de déguerpir sans demander leur reste, abandonnant au passage la dépouille de leur frère, pendant que les deux sœurs disparaissaient derrière la colline. Au nord hein… songea Joe, là où dans quelques semaines la neige découragerait les derniers poursuivants. Avec une étoile ou non sur la poitrine.


– Va te planquer dans le fumier du bétail Billy !


Joe était maintenant seul, et son cerveau turbinait afin de le sortir de ce pétrin. Le shérif ne lui faisait guère peur, de toute façon ils n’avaient rien volé. Non, lui ne pensait qu’à cette femme qui s’éloignait avec son butin et son honneur. Nerveux, il grimpa dans le train en se retournant une dernière fois en haut des marches. Tu peux bien aller te planquer où tu veux, mais sache que j’sillonnerai tous les états d’Amérique, par toutes saisons, et à en crever s’il le faut pour te retrouver ma grande, sois-en sûre… siffla-t-il entre ses dents avant de pénétrer dans le wagon.


 
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   hersen   
26/4/2016
 a aimé ce texte 
Pas
Un western basique avec revirement de situation attendu.

L'écriture m'a largement freinée dans ma lecture, ce qui est dommage quand il n'y a que de l'action.

Une écriture plus soignée aurait évité qu'elle ne prenne le pas sur l'ambiance ou sur l'histoire.

le but de l'auteur était sans doute une nouvelle-cinéma; mais il aurait fallu pour cela que les images soient plus claires, moins fouillis; En lecture, on va moins vite qu'en image, on a donc plus le temps de se perdre.

   Anonyme   
7/5/2016
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Ca faisait une éternité que je n'avais pas lu une histoire de despérados. Celle-ci est vraiment bien réussie, alternant humour et surprise. On dirait dans vos choix de personnages que vous vous êtes inspiré de Billy the Kid (le gosse à tête brûlée) et Calamity Jane (l'intrépide).
Le style est sans défaut et sert à merveille ce braquage de train. On retrouve l'ambiance des films poisseux de John Ford.
Il n'y a que la fin que je trouve un tantinet décevante, peu originale comparée au reste de l'histoire.

   Perle-Hingaud   
24/5/2016
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↓
Bonjour Mills,
J'ai lu cette histoire en espace lecture et je salue tout d'abord le travail de correction, chapeau !
Ces compliments faits à l'équipe, à votre tour: j'ai beaucoup aimé votre western, enfin une lecture d'aventure amusante et qui respecte les codes du genre. Du rythme, des méchants un peu stupides, des gentils pas si gentils, il y a tout ce qu'il faut pour passer un bon moment. Les descriptions sont visuelles, on y est, dans ce wagon.
Merci pour cette lecture !

PS: Connaissez-vous "Faillir être flingué" de Céline Minard ? Un autre bon vieux western qui vaut le détour.

   jaimme   
24/5/2016
 a aimé ce texte 
Bien
Un western plutôt dans la veine moderne: violence et personnages intéressants. La trouvaille, pour moi, c'est le gamin. Un teigneux complètement abruti. Le père finit quand même par se rendre compte qu'il a loupé son éducation... c'est peu de le dire.
Quelques défauts à corriger à mon goût: l'expression n'est pas toujours très claire, il manque des relectures je pense; il manque aussi quelque chose de visuel, en particulier dans les descriptions des personnages.
Enfin je ne pense pas que le narrateur principal puisse reprendre tranquillement le train, il serait arrêté pour attaque à main armé, même s'il n'a rien volé.
Un moment bien sympa, merci!

   Shepard   
26/5/2016
 a aimé ce texte 
Bien
Bonjour,

En commençant par l'écriture il y a encore beaucoup d'accroches... (non exhaustif) :

"Il fut donné alors que le train arrivait à leur hauteur plus bas" -> Très tarabiscoté... A leur hauteur plus bas ?

"Quelle connerie j’ai faite…"-> Un 'je' bizarre puisque tout le reste du récit n'est pas à la première personne. Il faudrait faire ressortir le fait que c'est une pensée ?

"Elle fut stoppée dans ses railleries par Jane."-> Stoppée 'dans' sonne étrangement à mon avis.

"Un malaise gagna bien vite le wagon, avant de tourner bien vite à la panique" -> Répétition de 'bien vite'.

Et d'autres... Dans l'ensemble j'ai trouvé que beaucoup de formulations pourraient êtres simplifiées, ce qui réduirait la longueur totale du récit en le rendant plus facile à lire.

Au niveau du fond... Bin le braquage de train. Un peu plus de cadavres ne m'aurait pas déplu, au final il y a beaucoup de préparation et pas tant d'action. Les filles gagnent (comme dans la majorité des westerns !). L'idée du père truand qui veut refaire l'éducation de son fils est à mon avis le point fort de l'histoire, ça dénote un peu le personnage de la simple brute (contrairement aux autres beaucoup plus anonymes).

Donc des + et des -, une histoire sympa qui mériterait un peu plus de simplicité dans l'écriture pour moi. Bonne continuation !


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