Page d'accueil   Lire les nouvelles   Lire les poésies   Lire les romans   La charte   Centre d'Aide   Forums 
  Inscription
     Connexion  
Connexion
Pseudo : 

Mot de passe : 

Conserver la connexion

Menu principal
Les Nouvelles
Les Poésies
Les Listes
Recherche


Sentimental/Romanesque
NICOLE : Maxime
 Publié le 15/07/09  -  18 commentaires  -  5497 caractères  -  127 lectures    Autres textes du même auteur

Un de ces moments fugaces où tout est possible : les premiers instants d'une rencontre, ou juste une parenthèse dans une vie... C'est selon ce qu'ils décideront d'en faire.


Maxime


Elle se dirige vers l'accueil d'un pas rapide, précise qu'elle vient pour un balayage. Elle a donc rendez-vous avec moi, je suis le seul coloriste du salon. Je ne l'ai encore jamais vue ici, c'est le mois d'août, son salon habituel doit être fermé.

C'est une cliente du samedi, pressée et impatiente, comme toutes celles qui viennent s'échouer dans mon fauteuil, à l'issue d'une semaine de travail, un samedi calme, comme on en voit qu'en été.

Je m'occupe d'elle sans tarder.


Elle m'indique brièvement le but de sa visite : elle a quelques cheveux blancs que je suis chargé de faire disparaître. Elle sait ce qu'elle veut : un résultat aussi indécelable que possible, elle aime sa couleur naturelle et ne veut rien y changer.

Je m'incline. Je reformule l'essentiel de ses demandes. Je la rassure, ça fait partie de mon travail.


Je l'observe de loin, en mélangeant les pigments et les solvants. Une belle femme brune, qui peut avoir trente-cinq ou quarante ans. Elle n'est pas très à l'aise ici. Elle dissimule mal son impatience. Elle refuse poliment le café que Sonia lui propose, pour replonger son nez dans le magazine qu'elle feuillette distraitement.


Ses cheveux sont mi-longs, épais et brillants. J'y promène ma brosse un peu plus longtemps que nécessaire, réprimant une envie enfantine de sentir sur mes doigts l'odeur qu'ils ont dû y laisser.

Ça me surprend de penser à un truc pareil.


Elle met un terme à ma rêverie en réitérant sa demande, m'indiquant de l'index les rares fils argentés qui ornent ses tempes. Je rapproche mon matériel et je commence.

D'aussi près, elle paraît légèrement plus âgée qu'elle ne semblait l'être à son arrivée.

Pas encore de vraies rides, ou alors juste quelques-unes, discrètes encore, au coin des yeux et des lèvres ; et ce voile de fatigue qu'une bonne nuit de sommeil ne viendra plus réparer.


Elle est belle, encore, mais pour combien de temps ?

Les autres n'y prennent pas garde, mais elle, elle sait. Bientôt, tout ce qui lui a été si généreusement donné lui sera repris, doucement, sans drame, comme pour réparer une injustice.

Elle va se faner gentiment, devenir transparente, comme la plupart des autres femmes, à cela près qu'elle se souviendra de ne l'avoir pas toujours été.

Une tragédie ordinaire.

Dans la beauté des femmes entre deux âges, il y a ce voile de tristesse qui les rend plus humaines, presque touchantes. Avant d'avoir attrapé la quarantaine, je ne voyais rien de tout ça, moi non plus.


Je continue à la regarder en lavant mes bols. Elle semble finalement résignée à cette perte de temps imposée par sa coquetterie. Elle a étendu sous la coiffeuse des jambes fines et bronzées, et elle observe avec une moue amusée la ridicule coiffure hérissée de papiers d'aluminium qui orne à présent sa tête.

Quand elle sourit, quelque chose s'allume dans ses yeux, qui ricoche dans les miens.


Lorsque la minuterie sonne, je la dirige vers le bac.


Il y a les cheveux noirs, répandus sur l'émail blanc du lavabo, ensuite vient le front, lisse encore, et diaphane aux tempes, puis l'arête vive du nez, aux ailes mobiles et palpitantes.

Un peu plus loin encore, le décolleté, deux boutons ouverts grâce à la chaleur de ce mois d'août. Je peux apercevoir la naissance des seins, et deviner la moiteur de la peau, juste entre les deux vallons de chair lisse.


Je ne sais pas si les femmes qui s'installent dans ce fauteuil imaginent le point de vue qu'elles m'offrent sur leur décolleté. Il m'arrive quelquefois de penser qu'elles le savent, et qu'elles en jouent.


Je me laisse habiter par la douceur du moment. Je manipule la masse souple des cheveux humides. Je l'enroule autour de mes doigts. Je fais couler l'eau tiède.

Un ange passe, je fais des efforts désespérés pour le retenir.


Je déploie mes mains ouvertes sur sa tête, juste sous la masse compacte des cheveux, et j'exerce de légères pressions aux endroits névralgiques, officiellement pour stimuler la microcirculation, mais surtout pour la garder là, sous la coupe de mes mains attentives.


Comme elle ferme les yeux de temps en temps, je glisse délicatement mes doigts sous sa nuque.

J'y imprime un massage, doux comme une caresse, sans autre nécessité que celle de prolonger le contact le plus longtemps possible.


Elle a oublié qu'elle était pressée, elle est en confiance.

Sa tête se renverse davantage, sa nuque repose dans ma main, abandonnée.

Est-ce qu'il sait, l'homme qui a passé cet anneau d'or à son doigt, qu'elle dépose les armes pour peu qu'on caresse sa nuque ? Probablement pas.

Je l'imagine pressé, comme elle, préférant les autoroutes aux chemins de traverse.


- Madame Moreau vient d'arriver, je l'ai installée, elle t'attend.


Elle a entendu, comme moi. Elle se redresse dans le fauteuil, soudain gênée, sans trop savoir pourquoi.

J'enroule ses cheveux dans une serviette, et je la confie promptement à la coiffeuse qui l'attend.


Pendant que j'étale distraitement la teinture sur le crâne dégarni de madame Moreau, je croise son regard dans le miroir, elle détourne les yeux en esquissant un timide sourire.



&&&&



Elle a quitté le salon d'un pas plus léger qu'à son arrivée, en ralentissant devant la vitrine du fleuriste, puis elle a disparu au coin de la rue.


Tout à l'heure elle m'a demandé combien de temps ça pouvait durer, un balayage. J'ai dit « environ deux mois ».


Elle va revenir dans deux mois, l'idée de l'attendre me plaît.


 
Inscrivez-vous pour commenter cette nouvelle sur Oniris !
Toute copie de ce texte est strictement interdite sans autorisation de l'auteur.
   Anonyme   
15/7/2009
 a aimé ce texte 
Bien ↓
Pas mal.
Le style est sympa, l'histoire est sans rebondissement mais on sent un peu de sensualité, et ça se lit bien.
Dommage pour femme, cheveux, salon, yeux, qui reviennent trop souvent...

Sinon je dois avouer que j'ai passé un bon moment. Merci. Et ce malgré mes gouts qui me portent loin de ce genre de tranches, habituellement.

   solidane   
15/7/2009
 a aimé ce texte 
Bien
Joile exploration du fantasme. Que de choses données et "frustrantes". C'est bien écrit, doux, juste. Il y a ce que j'aime : un moment saisi dans la tête d'un autre, peut-etre aussi inversement la frustration de ce que soi-même on y aurait installé.
Pas de délire pour ma part dans la qualité du texte. C'est bien.

   Anonyme   
15/7/2009
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Tiens un homme! C'est le premier personnage masculin de Nicole me semble t'il, mais la femme n'est jamais loin cependant....
Comme à chaque fois, un moment de vie très détaillé, très précis.
J'y trouve comme une tendresse pour les personnages.

Malgré l'histoire très ténue, j'y retrouve ce qui fait le charme des histoires de nicole: des humains, des moments, des espoirs...

Toujours aussi fluide et léger, peut être un peu moins drôle que d'autres tranches, mais toujours aussi plaisant à lire.

J'ai aimé.

   Flupke   
15/7/2009
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Sublime. On dirait presque du Tchekhov.
Finement observé et agréablement sensuel. Du condensé de vrai quotidien, très réaliste.
Je me suis régalé.
Encore !!!! (stp)

   florilange   
15/7/2009
 a aimé ce texte 
Bien
J'adore ce genre de parenthèse, volée à la vie stressante de tous les jours. La cliente qui arrive pressée, chagrine mais qui repart + légère. Ce qui passe, fugacement, entre elle & son coiffeur. C'est vrai que les coiffeurs(euses) voient les femmes comme personne d'autre & que, dans cette nouvelle, c'est bien décrit.

Seulement pour mémoire : "comme on en voit qu'en été". J'aurais plutôt écrit "comme on n'en voit qu'en été".

J'ai aimé, 1 bon moment de lecture. Merci,
Florilange.

   Anonyme   
15/7/2009
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Un joli texte qui m'a parlé ! Les non-dits, les supputations sont de mise, l'imagination se chargeant du reste...

   Anonyme   
15/7/2009
 a aimé ce texte 
Bien
Bjr,
j'ai beaucoup aimé l'image de cette femme dont la beauté commence doucement à s'effacer, peut-être parce que la quarantaine me parle et que j'entends de plus en plus souvent que j'ai l'air fatigué alors que je suis simplement plus vieux !
je savoure à sa juste valeur l'audace d'avoir mis en scène un shampouineur (pas sur de l'orthographe) qui ne soit pas gay...mais plaisanterie mise à part, j'aime le style dépouillé, sans fioritures mais empreint d'une humanité pour les petites choses de l'ordinaire qui m'a séduit.

   widjet   
15/7/2009
 a aimé ce texte 
Bien
Certains salons de coiffure (je parle pas des chaines !) dégagent un charme et une intimité incroyables, un mélange de convivialité et de volupté érotique.
Pour celui ou celle qui sait se laisser aller, c’est un véritable lieu de détente et de bonheur.
Pour ma part, ce texte me rappelle combien ce genre d’endroit où tous les sens (odorat, toucher surtout) sont en éveil me séduit.
Après son "Emilie" un peu décevante, Nicole se rattrape avec "Maxime".

Ca me donnerait presque envie de revoir pour la énième fois LE MARI DE LA COIFFEUSE de Patrice Leconte.

L’écriture est correcte, plutôt délicate, mais je retiens surtout cet instantanée de vie, et le souvenir agréable qu’il suscite.

Merci, donc

W

   Anonyme   
15/7/2009
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Merci pour ce texte limpide et si juste ...

C'ets très bien écrit et bien vu.

Quelques phrases qui m'ont touchée /
Dans la beauté des femmes entre deux âges, il y a ce voile de tristesse qui les rend plus humaines, presque touchantes. Avant d'avoir attrapé la quarantaine, je ne voyais rien de tout ça, moi non plus.
Je l'imagine pressé, comme elle, préférant les autoroutes aux chemins de traverse.


C'ets un texte à la fois très poétique avec un petit voile de tristesse un parfum de regret.

Merci

Xrys

   Garance   
15/7/2009
 a aimé ce texte 
Beaucoup
La vie avec sa fragilité, sa poésie, ses rencontres, ses moments magiques où le contact vrai s'établit, où on regarde l'étranger avec amour.
J'aime...même si avec les blouses qu'on enfile au salon de coiffure il faut beaucoup d'imagination pour voir les décolletés.

   Anonyme   
15/7/2009
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Il y a ici ce que j'aime en général, les choses simples de la vie magnifiées par un regard différent. Une façon de raconter qui accroche mon intérêt et rien de trop, surtout. Rien qui ne fasse croire à de l'irréel. Merci Nicole pour ce texte.

   Anonyme   
16/7/2009
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Bonjour NICOLE. J'ai bien aimé ces instants de vie partagés chez ce coiffeur. Récit réaliste et juste. C'est tout à fait ça, à part le décolleté (la blouse, "je ne sais pas le nom exact" ferme jusqu'en haut. J'ai eu l'impression de m'y voir même... A quelque chose près ... Instants rassurants pour "cette dame entre deux âges". Merci pour cette douce lecture et cette transparence.

   calouet   
17/7/2009
 a aimé ce texte 
Bien ↑
C'est vraiment pas mal. Beaucoup d'acuité sensorielle, pour décrire si bien tout ça. Je n'ai pas senti de la frustration, j'ai plutôt lu ça comme un de ces fantasmes flous que l'on peut avoir, en sachant très bien que rien ne se passera, mais qu'on aime à faire durer, pour le plaisir de rêver...

Très finement vu, bien écrit. Juste un détail m'a chiffonné, un détail "technique" :

"Ses cheveux sont mi-longs, épais et brillants. J'y promène ma brosse un peu plus longtemps que nécessaire, réprimant une envie enfantine de sentir sur mes doigts l'odeur qu'ils ont dû y laisser."

La deuxième phrase, bien que correcte, n'est pas hyper claire. J'ai un peu cherché pour me demander quel intérêt il y avait à sentir l'odeur de la brosse sur les doigts! Bon, j'ai compris quand même, mais ça me semble mal tourné. Surtout avec ces deux "y", dont un me semble superflu.

   Anonyme   
18/7/2009
ça se lit facilement. Le seul problème c'est que tout le monde sait que les coiffeurs sont de la jaquette.(blague of course)
Mais bon, à part ce détail, pas de problème majeur pour moi : un peu lisse et sans couleurs quand même. Le ténu tombe aisément dans le fade : c'est le cas ici. On s'embête un peu, comme dans un salon.
Je retiens une écriture correcte néanmoins. Du travail, certainement

   jaimme   
19/7/2009
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Mon premier commentaire (p'ti nouveau oblige) mais pas ma première lecture, loin s'en faut.
Parce que j'ai vraiment aimé cette érotisme sincère. Parce que je connais les rides qu'on espère voir disparaître après une bonne nuit de sommeil. De plus, rares sont les moments gênants et trop agréables où un(e) professionnel(e) et donc un(e) inconnu(e) vous masse la tête sous un jet d'eau tiède. Le point de vue du coiffeur est d'autant plus intéressant. Professionnel et homme.
Le style nous emporte à la bonne vitesse.
Merci pour ce moment passé, là, à côté du fauteuil.

   Selenim   
29/7/2009
 a aimé ce texte 
Bien
Un bien joli portrait, simple et racé.
J'ai ressentit de l'affection pour ces personnages car l'auteur a su parfaitement dévoiler par des détails infimes les aspects les plus saisissants de leur être.
J'aime cette écriture qui touche sans détour et va droit à l'essentiel : beau et efficace.

Selenim

   marionb   
31/7/2009
Le style est fluide, dejà déçue d'être arrivée à la fin de cette nouvelle ! Bien joué !

   Anonyme   
17/4/2012
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↓
Le texte est fluide et court, mais décrit bien les femmes d'entre les deux âges, leurs craintes, leur charme mature et leurs plaisirs. J'aime bien la concision, bravo Nicole.


Oniris Copyright © 2007-2023