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Horreur/Épouvante
NolweenEawy : Brume
 Publié le 10/05/08  -  8 commentaires  -  9170 caractères  -  55 lectures    Autres textes du même auteur

... « Bonne nuit, mes petites chéries. Faites de beaux rêves et à demain matin. »
Maman nous avait fait un de ses bisous magiques qui évaporent les peines et les peurs puis a prononcé cette phrase comme chaque soir. Elle reproduisait invariablement les mêmes gestes. Elle savait que ce rituel était de la plus haute importance pour nous. Chacun de ses mots, chacun de ses gestes nous apaisait et maintenait les démons éloignés...


Brume


La vie est tout de même une chose bien curieuse... pour qui sait observer entre minuit et trois heures du matin.

Jacques Prévert



- Bonne nuit, mes petites chéries. Faites de beaux rêves et à demain matin.


Maman nous avait fait un de ses bisous magiques qui évaporent les peines et les peurs puis a prononcé cette phrase comme chaque soir. Elle reproduisait invariablement les mêmes gestes. Elle savait que ce rituel était de la plus haute importance pour nous. Chacun de ses mots, chacun de ses gestes nous apaisait et maintenait les démons éloignés.


Naema et moi avions droit chaque soir à une jolie histoire de princesse ou de chevalier. Elle nous en lisait trois pages, de sa voix douce et posée. Puis, elle nous bordait et nous embrassait doucement le front. Elle n’oubliait jamais de regarder dans les placards et sous nos lits pour vérifier qu’aucun monstre des enfers n’y avait élu domicile. Elle vérifiait ensuite que nos fenêtres étaient bien fermées puis s’en allait doucement, en laissant la porte entrebâillée afin que la lumière du couloir et les bruits du salon nous parviennent, jusqu'à ce que nous nous endormions.

Ce rituel durait depuis six ans déjà et demeurait inchangé depuis que nous étions en âge d’écouter ses histoires. Grâce à elle, nos nuits étaient douces et peuplées de rêves enchanteurs.


Nous étions convaincues que si maman oubliait un détail du rituel, il arriverait malheur à l’une d’entre nous. Bien entendu, maman riait de ces croyances enfantines, mais par amour pour ses filles, elle respectait scrupuleusement chaque soir tout le cérémonial… sauf cette nuit.


Un simple coup de téléphone avait tout bouleversé.


Papa était parti pour un voyage d’affaires et il avait promis d’appeler à son arrivée. Pour rien au monde, maman n’aurait raté son appel. Elle se faisait tant de soucis pour lui, dès qu’il était loin de la maison. Pourquoi avait-il fallu que cet appel se produise justement pendant le rituel ?


Naema et moi étions persuadées que c’était un stratagème des « démons du temps ». Malgré nos sept ans, nous savions que papa ne devait pas appeler avant vingt et une heures, il nous l’avait dit avant de partir. Ne voilà-t-il pas que le téléphone s’était mis à sonner à vingt heures. En écoutant la voix de maman, il s’agissait bien de papa au bout du fil.


Les démons du temps jonglaient avec les heures et les jours, avec aisance. Les êtres humains étaient incapables de s’en rendre compte, sauf les enfants qui connaissaient leurs existences.


Nous n’étions pas dupes de leurs manigances. Ils ne sont pas dangereux quand ils agissent seuls, car ils ne savent que ralentir les heures ou les accélérer pour faire des farces. Mais, ce soir, nous savions qu’il s’agissait d’un complot, un piège pour libérer des démons bien plus dangereux.


Le rituel était presque terminé lorsque le téléphone avait retenti. Maman nous avait promis de revenir très vite. Ce cérémonial interrompu nous tourmentait toutes les deux, surtout Naema. Elle ne cessait de regarder le rayon de lumière qui filtrait sous la porte dans l’espoir de la voir se rouvrir. Les minutes passaient, mais toujours pas de maman. Nous entendions ses rires provenant du salon et quelques bribes de sa conversation téléphonique.


- Elle n’a pas vérifié les fenêtres. Nelly, j’ai peur ! me dit-elle entre deux sanglots.


J’étais son aînée de cinq minutes exactement et je tenais mon rôle de grande sœur très à cœur. Je lui avais fait la promesse de la protéger quoiqu’il advienne.

Tenir cet engagement à sept ans à peine pouvait se révéler particulièrement difficile, surtout que j’étais aussi terrifiée qu’elle.


- Maman va revenir, elle nous l’a promis et tout ira bien.


Je n’en croyais pas un mot. Les démons étaient à l’œuvre. Quelques minutes qui s’écoulaient pour maman devenaient des heures pour nous. Elle ne reviendrait pas j’en étais sûre. Mais je devais mentir à Naema, car je la sentais tendue, presque hystérique. Pour ma part, j’avais très envie de pleurer, et me retenais à grand-peine.


Naema bondit dans mon lit. Nous nous blottîmes l’une contre l’autre, attendant sagement le retour de maman.


- Ils vont venir me chercher Nelly.

- Je les en empêcherai. Personne ne t’emmènera, ne pleure pas.


Je savais que tôt ou tard ces larmes provoqueraient les miennes et qu’alors je ne serais plus capable de la protéger. Je lui caressais les cheveux pour la rassurer et tendis le bras pour allumer la veilleuse. J’avais fait ce geste machinalement, car cela faisait bien longtemps que nous ne l’utilisions plus.

J’avais un mauvais pressentiment. Il fallait que l’on puisse voir dans le noir. Il le fallait !


La porte s’est fermée quelques secondes après que la veilleuse se soit mise à diffuser des ombres d’oursons sur les murs. Maman ne fermait jamais cette porte, elle savait que c’était important pour nous qu’elle reste ouverte. Quelque chose n’allait pas. Je m’obligeais à conserver une respiration calme pour ne pas alarmer Naema. Elle commençait à s’assoupir et c’était mieux ainsi.


Surveiller les recoins sombres, le moindre bruit suspect, jusqu’au retour de maman. Il n’y avait que cela à faire. Le sommeil commençait à me gagner peu à peu.


Je crois que j’avais dû m’assoupir, car je sursautai quand la pluie commença à s’écraser sur les fenêtres. Cette pluie ne semblait pas naturelle, c’était l’œuvre des « démons Brume », je le savais. Ces démons qui, tapis dans un brouillard poisseux et épais, s’infiltrent par toutes les ouvertures de la maison et viennent capturer les enfants.


Je tentai de retrouver mon calme et m'aperçus subitement que Naema n’était plus blottie dans mes bras. Elle ne se serait jamais levée du lit sans m’avertir. Même pour aller aux toilettes, elle avait pris l’habitude de me demander de l’accompagner. Les ténèbres la terrifiaient bien trop, pour qu’elle y aventure seule. Je l’appelai doucement, peut-être s’était elle cachée dans un recoin à cause du bruit que faisait la pluie sur les carreaux. Face au silence, je finis par l’appeler plus fort, jusqu'à hurler son nom.

Maman aurait dû être alertée par mes cris, pourquoi ne venait-elle pas ? Je me sentis soudain très seule. Mes larmes, si longtemps refoulées, se mirent à jaillir et mes sanglots s’étranglèrent dans ma gorge.


Je crois avoir appelé maman très longtemps, sans succès.


Mes pires craintes se matérialisèrent quand la brume commença à s’infiltrer par la fenêtre. Elle finirait par m’attraper si je ne parvenais pas à m’échapper.

Je sautai de mon lit et me précipitai vers la porte. J’avais beau tourner la poignée dans tous les sens, tambouriner et hurler, la porte restait désespérément close. La brume glacée commença à glisser sur mes pieds, me faisant frissonner de terreur.


La seule solution était de s’enfuir par la fenêtre. Elle était restée entrebâillée, facilitant la progression de la sinistre brume. Naema avait raison, si maman avait vérifié les fenêtres, rien de tout cela ne se serait produit.

Avant que j’aie le temps de m’y faufiler, elle se referma violemment, manquant de peu de m’écraser les doigts.

Les démons ne voulaient pas que je m’échappe, j’étais prisonnière de ma propre chambre. Je sentis la panique me gagner quand j’entrevis Naema à travers le carreau et la brume. Elle se tenait debout dans les bois et me fixait. Elle semblait me hurler quelque chose. Je ne parvenais pas à l’entendre mais j’aperçus dans ses yeux une terreur indescriptible. Elle me suppliait de l’aider. Prenant mon courage à deux mains, je tentai d’ouvrir les fenêtres une à une. Mais rien ne semblait pouvoir les bouger. Je finis par m’écrouler en sanglots, impuissante.


Je la vis se retourner, comme si quelque chose avait attiré son attention. Une chose dans la brume venait de l’agripper par la cheville. Elle se mit à hurler mais aucun son ne semblait vouloir sortir de sa bouche. Je la vis tenter de se tenir désespérément aux branches en de vains efforts pour échapper à son sort. Elle disparut brusquement dans la brume…


Je ne sais pas combien de temps j’ai pu hurler.

Maman finit par réapparaître dans l’embrasure de la porte, intriguée par mes hurlements.


Elle me vit assise par terre, hystérique. Elle ne cessait de me secouer pour me ramener à la réalité et hurlait pour que je lui dise où était passée Naema.


- Tu n’as pas vérifié les fenêtres… tu es partie trop longtemps… ils l’ont emmenée.


Les jours, les mois ont passé et Naema n’est jamais revenue. Maman n’a jamais compris comment elle avait pu disparaître en si peu de temps. Elle ne saura jamais que ces quelques secondes ont duré pour nous des heures. Depuis ce jour, elle mit un point d’honneur à ne plus jamais oublier le moindre détail du rituel. J’étais la seule enfant qui lui restait et qu’importe si elle croyait ou non à ma version de l’histoire, garder mes fenêtres closes était devenue pour elle une obsession.



S’il vous plaît, ne riez jamais des rituels « farfelus » de vos enfants… peut-être sont-ils simplement conscients d’une réalité qui nous dépasse.


 
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   Mimi-Crazy   
10/5/2008
 a aimé ce texte 
Bien
Brrrr... Ca fait froid dans le dos !
J'ai accroché, l'histoire est prenante.
Par contre je regrette un peu la dernière phrase, "garder mes fenêtres closes était devenu pour elle une obsession" aurait suffi je pense. Ce n'est qu'un avis !

   strega   
10/5/2008
 a aimé ce texte 
Un peu
Ah lala... Je suis mitigée... Pour le corps de l'histoire, j'ai trouvé cela assez bien, pas mal du tout même. Les impressions étant bien rendues, les sensations crédibles, bref, l'ambiance générale réussie à mon goût.

Le style est somme toute assez simple mais suffisamment personnel pour être agréable à lire.

Mais la fin... Je l'ai trouvé trop expédié, presque baclé. C'est dommage car en soit, ça aurait pu faire une bonne fin fantastique. Mais là, j'ai eu l'impression que l'auteur se débarrassait un peu vite de la chute. Je suis déçue car du coup, je reste sur cette impression... Dommage.

   xuanvincent   
12/5/2008
 a aimé ce texte 
Bien ↓
De nouveau, le narrateur est un jeune enfant. Et cette fois, contrairement au texte précédent, " La page blanche", je sens bien qu'il s'agit d'un enfant qui s'exprime et non un adulte (j'apprécie ce point, qui donne une plus grande cohérence au récit, et permet d'y adhérer plus facilement).

On retrouve le thème des terreurs enfantines. Ouh la la, nous aurions donc échappé à de terribles démons.... nos parents ont-ils donc bien respecté le rituel du conte du soir ?

Le texte me paraît bien écrit dans l'ensemble, avec une certaine simplicité enfantine qui colle avec l'âge des enfants du récit.

Quant au final, pour rebondir sur le commentaire de Mimi-Crazy, je suis partagée. Conclure sur la fin qu'elle propose me paraît pertinent. Toutefois, la fin de l'auteur me va aussi. Elle me paraît donner une autre dimension au récit, prendre du recul avec le texte et donner au lecteur une mise en garde sous forme de clin d'oeil.

   widjet   
13/5/2008
 a aimé ce texte 
Bien ↓
Après "la page blanche" , l'auteur confirme son goût pour les histoires aux peurs universelles et enfantines. L'auteur use à bon escient des artifices qui sont mis à sa disposition (obscurité, brume, claustrophobie) pour créer l'effet escompté et distille avec pertinence et subtilité une écriture fine et efficace. Le dénouement reste mystérieux pour moi : s'agit-il d'un réel kidnapping ? Ou le personnage de Naema est-il imaginaire ?

La dernière phrase n'est pas indispensable en effet.

Widjet

   Anonyme   
14/5/2008
Bravo, NolweenEawy, pour la façon dont tu parviens à donner vie (ici et dans la "page blanche")à ces terreurs enfantines dont nous sourions peut-être aujourd'hui, mais qui furent pour un temps si réelles et tangibles pour nous.

Il y a tellement de choses appartenant au monde de l'enfance - belles ou moins belles - auxquelles nous n'avons plus accès, à tel point que nous finissons par nier ou ridiculiser leur réalité, alors qu'il ne s'agit que d'une manière pour nous de masquer notre handicap d'adulte.

Quant à la forme de ton récit, même si elle est perfectible, comme tout ce que nous écrivons, je la trouve plaisante à lire, simple, sans lourdeurs.

Je lirai avec plaisir tes prochaines histoires :-)

   Anonyme   
15/5/2008
Merci, maintenant j'ai peur d'éteindre la lumière!
:-)

Bien écrit, prenant, angoissant... les descriptions (et l'absence de descriptions en ce qui concerne ils...) et le rythme sont accrocheurs.

Par contre je n'ai pas adhéré au conseil de la fin qui fait un peu (excuse moi) morale redondante. Ne me comprends pas mal, je trouve juste que ça n'apporte rien de plus au récit.

Récit ma foi bien écrit.
Surtout dans ta facilité à te mettre dans la peau de ces petites filles pour un instantané tragique, bref et surnaturel.

Merci.

   Une_ame_malade   
1/8/2008
Oui très sympathique, mais la fin fait beaucoup trop "morale à deux balles" pour moi, ça gâche tout. Surtout qu'en ce qui me concerne, aussi loin que remontent mes souvenirs, je n'ai pas été victime de peurs de démons et je serais incapable de me souvenir d'une quelconque lecture d'histoire à mon chevet. Le côté universel de ladite "morale" en prend donc un coup.

Mais mis à part ce "détail", c'est très agréable et l'ambiance est très très bien retranscrite.

Je ne note pas parce que finalement ce n'est pas mon genre (je préfère l'horreur moins légère), mais je suis persuadé que tu peux faire de très bons textes...parce qu'autant le fond m'a un peu déçu, autant la forme est parfaite pour ce texte. :)

   Marchombre   
2/8/2008
 a aimé ce texte 
Bien ↑
La nouvelle fait partie de la moitié de nouvelles publiée où je ne suis pas obligé de me forcer pour la finir… un bon point.
Très bien, sauf peut-être la fin…


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