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Fantastique/Merveilleux
Otus : Succube (troisième partie)
 Publié le 29/10/07  -  5 commentaires  -  14221 caractères  -  39 lectures    Autres textes du même auteur

Où celui qui parvient à ses fins n'est pas celui que l'on croit.


Succube (troisième partie)


Une communication terriblement séductrice s'engage entre nos deux corps. Les distances, les effleurements, les soupirs, tout est propice à me faire bouillir de l'intérieur. Elle pose des questions, je lui réponds, mécaniquement. J'ai donné tellement de cours d'anglais que je peux le faire avec un seul centième de mon esprit, pendant que le reste sera dévolu à tout autre chose.


Son coude effleure le mien, mon genou frôle le sien, elle tourne parfois la tête vers moi et prend un malin plaisir à laisser son souffle chaud venir caresser ma peau. Elle semble chercher à m'envoyer des signaux contradictoires, elle avance puis recule, et peu à peu mon corps gagne du terrain dans sa direction. Je vois à loisir sa poitrine monter et descendre en rythme, comme si elle était au bord de l'essoufflement. J'approche ma tête de la sienne quand je dois lui montrer un cas particulier. Elle n'écarte pas la sienne. Il m'est étrange de pratiquer un rite de séduction que je pensais avoir définitivement laissé derrière moi avec la jeunesse.


Je suis presque couché sur elle. Elle ne recule pas, ne plie pas. Elle me renvoie mes contacts, me presse en sens inverse. Je bous. Littéralement. Alors que ma tête touche presque la sienne, et que l'arôme fin et délicat de ses cheveux me plonge dans une transe fébrile, elle tourne la tête vers moi. Ses lèvres ne sont qu'à quelques centimètres des miennes. Elle ne se détourne pas. J'avance. Je l'embrasse. Elle me rend mon baiser. Comme elle est chaude ! Je veux dire, ses lèvres sont brûlantes, et j'aime cette chaleur, je m'en délecte, je la bois comme le propre Nectar de la Vie ! Ses lèvres sont douces comme la soie, pulpeuses et tendres, et je voudrais les mordre pour mieux en sentir la texture divine. Cette petite Ève de satin me fait trembler comme une feuille. Je passe ma main dans sa nuque, avec douceur. Elle pose la main sur ma poitrine, et doucement, me repousse. Mes lèvres se détachent des siennes, et c'est une telle déchirure que je crus en pleurer un instant. Je suis fou. Fou d'elle, fou de ses baisers qui noient mon âme. Fou de sa bouche où je voudrais me perdre, pour n'en jamais retrouver la sortie. Fou de son corps qui irradie d'une volupté, d'une tiédeur enivrantes. Mon âme hurle.


- Pas... pas si vite, me susurre-t-elle.


Mais elle sourit.


Rapidement, elle ferme livre et cahier, se penche pour prendre son sac. Puis elle se lève, enfile d'un geste ses petites chaussures. Je suis encore attablé, incrédule et ravi, humide et fébrile. Brûlant.
Elle s'approche de moi, passe la main dans mes cheveux, avec un regard attendri et conquérant, presque maternel et terriblement séducteur. Ses yeux me tuent.
Elle se baisse et m'embrasse.


- À bientôt, chuchote-t-elle encore.


Avant que je ne puisse dire quoi que ce soit, avant que je n'atterrisse de l'angélique volupté dans laquelle elle m'a plongé, elle a disparu derrière la porte.


Je vais à la fenêtre, exténué, le cœur battant à tout rompre. Le salon donne sur la rue. J'attends de la voir passer. Mais quelques minutes, je crois, passent ainsi, et je ne la vois pas paraître. Je vais à la porte, et écoute. Personne derrière, visiblement. J'ouvre pour trouver le couloir vide. Je vais jusqu'aux escaliers. Personne. Seul son parfum me permet de croire encore que tout cela est bien arrivé. Il flotte encore dans le couloir, fleuri, aérien, divin.


Mon sexe est dur comme de la pierre, et je décide de prendre une douche. Froide.


Je sors pantelant de la douche, nullement calmé. Mes ardeurs intactes crient encore et j'ai mal dans le bas-ventre.


Rose, Rose, Rose, je suis follement obsédé par cette gamine. Je ne sais ni son âge, mais je ne veux pas le savoir, ni son nom de famille. Je ne sais d'elle que son parfum enivrant, ses manières douces et sensuelles, son corps parfait, ses yeux terrifiants de beauté.


Je m'assieds sur le canapé. Et pleure comme un enfant, pendant plus d'une heure.


Le soir arrive et Julia rentre du travail. Elle est plus distante encore qu'à l'accoutumée. Nous échangeons sans conviction quelques formules protocolaires. Elle sort une des valises de sous le lit. J'avais presque oublié : elle part demain matin pour son séminaire.
La joie tambourine en moi, si fort que j'en ai le cœur au bord des lèvres.
Cette nuit encore, je dors sur le canapé, devant l'un de mes films préférés ; Phantom of the Paradise, de Brian de Palma.


Quand je me réveille, Julia est partie et je suis en retard pour mon premier cours.
La journée passe avec une lenteur effroyable. Je pense à Rose, je rêve de Rose. Je frémis quand son parfum m'atteint. Mais elle n'est jamais là. Je suis misérable.


Quelques élèves présentent des exposés, et je les trouve tous minables. Certains collègues me pressent, l'air inquiet ; est-ce que tout va bien, Bob ? Oui tout va bien, merci.
J'erre dans les havres brumeux du désespoir jusqu'à ce que mon dernier cours s'achève.


Va-t-elle me rappeler ? Pourquoi n'ai-je pas de nouvelles d'elle ? Elle me manque tant.


Une fois rentré chez moi, je décide de l'appeler.
Je tombe directement sur le répondeur ; il n'y a pas d'annonce, et l'espoir déçu d'entendre sa voix m'enfonce encore plus dans le chagrin.


- Rose ? C'est moi... C'est Bob. J'espérais pouvoir te parler. J'ai envie... J'ai besoin de te voir. Rappelle-moi.


De dépit, je jette le téléphone sur la table.
Je tourne encore en rond dans mon appartement. Je voudrais ranger un peu, ne serait-ce que pour m'occuper l'esprit, mais rien n'y fait. Je n'ai envie de rien, sinon de Rose.
Je me poste à la fenêtre et observe les gens qui courent après leur vie, tout en bas. La rue est comme un aquarium géant, et je m'ennuie à mourir en regardant ces petits poissons nager dans un sens et dans l'autre. Elle me manque tant. Mon ventre fourmille quand je repense à ces instants magiques où nous nous sommes embrassés. Ces images et ces sensations qui repassent sans cesse devant mes yeux, comme un film vu mille fois. Je meurs d'ennui, je meurs d'inquiétude. Et si elle ne me rappelait jamais ? Et si elle me laissait comme cela, avec mon coeur entre les mains, et disparaissait pour toujours de ma vie ? Je n'ose penser à cela trop sérieusement.


Huit heures arrivent, et je regarde d'un œil absent les informations. C'est ennuyeux à mourir, toutes ces guerres, toutes ces grèves, et Rose qui ne me rappelle toujours pas. Je sens poindre en moi le désespoir, et alors que je m'approche de mon téléphone pour voir s'il n'aurait pas sonné sans que je l'entende - strictement impossible pourtant -, le nom de Rose s'affiche, le téléphone vibre et sonne. Je tressaille, fais un pas en arrière. Puis je respire profondément et décroche.


- Allô ?

- Salut Bob.

- Rose.

- Oui.

- Viens me voir.

- J'arrive.


Je repose le téléphone, cette fois avec déférence. Mes poings se serrent de bonheur, et ma mâchoire manque de se décrocher quand je pousse un long hurlement silencieux, frénétique, triomphant. Mes yeux sont ruisselants de félicité. Comme un môme, je range rapidement tout ce qui pourrait traîner. Heureux.
Comblé.
Ravi et fier.
Je chantonne, je swingue, j'improviserais une petite mazurka si j'en étais seulement capable.
Je me douche rapidement, me brosse les dents frénétiquement, et me parfume généreusement. Je garde cette légère barbe du jour qui me donne des airs de baroudeur.
Avant que je ne puisse parfaire plus avant mon ménage, on sonne à la porte.


C'est Rose, bien entendu.
Fébrile, ému, j'ouvre. Elle est tellement belle ! C'est un ange que j'invite à entrer.
Ses yeux me pétrifient. Il y a de la tendresse dans son regard, et une indescriptible expression mutine qui ne peut que me liquéfier.
Je ne sais pas si je dois l'embrasser tout de suite, ou attendre que les préliminaires de la séduction ne recommencent. J'opte pour la deuxième solution, parce que je suis un vieil homme, parce qu'elle est une jeune fille.
Elle entre, et dépose son sac dans le couloir.


- Tu as dîné ?

- Non, pas encore.

- Je te prépare quelque chose ?

- Oui, si tu veux.


Je fouille rapidement les placards et y trouve du lait de coco et du curry. Il y a des filets de poulet dans le congélateur.


- Un poulet au curry, ça ira ?

- Très bien.


Il y a quelque chose d'indiciblement délicieux dans la façon dont nous ne nous sommes pas jetés dans les bras l'un de l'autre. Une sorte de jeu du chat et de la souris, de respect entraîné dans un torride engrenage de séduction. Nous mangerons avant de faire l'amour. Enfin je l'espère.
Elle se tient près de moi, adossée à la porte de la cuisine, et m'observe en silence.
Je fonds, je meurs.
Elle vient poser son menton délicieux sur mon épaule, comme pour m'espionner.
Alors, je plaisante:


- Hé, tu ne voles pas ma recette, hein ?


Elle sourit. Je me retourne et l'embrasse. Elle passe les bras autour de mon cou, et je sens sa poitrine divine s'appuyer contre moi. Je me consume intérieurement. Nos baisers deviennent fougueux. Il se dégage d'elle une chaleur intense et délectable. Une seconde durant, j'ai l'impression d'embrasser un volcan. Puis je me dégage doucement d'elle et reviens à mes fourneaux, avant que tout ne brûle.


- Je peux visiter ?

- Bien sûr, fais comme chez toi.


Je reste à mon poulet qui commence à dorer, mais une question m'assaille : sait-elle que je suis marié ? Si non, elle va le découvrir dans les instants qui viennent.
Comme je ne l'entends pas revenir, une fois que la préparation est achevée et qu'il ne reste qu'à laisser mijoter, je m'aventure dans le salon. Elle tient dans les mains une photo de Julia et moi. Je reste, silencieux, à la regarder.


- C'est ta femme ?

- Oui.


Elle repose le cadre. Je ne me sens pas obligé d'en dire plus. Et elle ne m'en demande pas davantage.


- Tu savais que j'étais marié ?

- Oui. Tu portes une alliance.

- Ça ne veut pas dire grand-chose.

- Non. En effet.


Pas le soupçon d'un reproche dans sa voix. Cette fille ne cesse de m'étonner. Les femmes que j'ai connues jusqu'ici étaient tellement possessives.


Elle s'approche de moi. Il y a une terrifiante détermination dans ses gestes. Elle se blottit contre moi, pose ses mains sur ma ceinture.


- Aime-moi. Maintenant.


Elle semble presque me supplier.


- Oui.


Elle me tire vers la chambre. Une formidable appréhension me vrille les tripes.
Elle m'embrasse tout en déboutonnant ma chemise. Je lui enlève son pull avec tant de vigueur que je crains une seconde de lui avoir fait mal. Mais l'ardent appétit dans ses yeux si sensuels me dit le contraire. Elle porte encore des sous-vêtements rouges en dentelle et j'ôte son soutien-gorge avec hâte. Elle soupire dans mon cou et j'en tremble. Sa peau est brûlante. Je suis essoufflé et mon cœur bat la chamade, mais je tente de me contenir.
Mon pantalon tombe sur mes chevilles et je m'en débarrasse gauchement. Je descends sa culotte et elle s'allonge, nue, sur le lit.
Sa beauté est sans égal. Son corps est absolument parfait, délicat et généreux, sa peau blanche et douce.


- Vénus, tu es... Vénus.


Les mots s'échappent de ma bouche.

Elle me poignarde d'un sourire :


- Pas exactement...


Je ne cherche pas à comprendre ce qu'elle a voulu dire et m'allonge sur elle.


- Aime-moi, me répète-t-elle si doucement que je l'entends à peine.


Je trouve encore la force d'affronter son regard :


- Mais je t'aime, Rose.


J'entre en elle. Je n'avais jamais fait l'amour avant. Elle est brûlante comme un volcan, incandescente, et je suffoque de plaisir.


Elle soupire et gémit, s'agrippe à ma nuque, je suis pris en tenaille entre ses bras et ses jambes. J'embrasse ses seins, passionnément, l'embrasse, encore et encore. Je vis pour la première fois. Je n'avais vécu que pour me préparer à cet instant. Elle gémit et je râle. Le plaisir monte en moi.
Et brutalement, j'ai mal. Dans le bas-ventre. Dans les testicules. La douleur se fait intense, la chaleur devient brûlure. Je crie. De douleur. J'essaie de m'écarter d'elle. Elle me tient. Je ne peux pas bouger. Je regarde son visage, et l'expression qui vient d'y naître est purement terrifiante !
Son visage !
Son visage !
Elle grogne à présent, et j'éjacule, transi de souffrance. Elle me brûle ! Je hurle, en proie à la plus atroce des douleurs, et alors que ma semence se répand dans son corps monstrueux, elle m'arrache bien plus encore. Elle m'aspire, elle me vide, elle me tue ! Je crie encore, et cela ne semble pas devoir connaître de fin. J'ai mal comme si elle m'arrachait les entrailles.
Elle rit, affreuse, démoniaque, cruelle, et me jette de côté. Je tombe par terre, à côté du lit, misérable, en tenant mon sexe. J'ai si mal !
Elle se lève, repue.
Je gémis dans sa direction :


- Pourquoi tu as fait ça ?


Elle me dédaigne avec un rictus monstrueux.
Je pleure, encore et encore, comme un bébé. Je suis vide, j'ai froid, je tremble. J'ai mal, si mal, mal partout. La douleur est insupportable. J'entends la porte claquer. Elle est partie.
Je pleure encore de petits spasmes aigus. Désolation. Je suis un corps sans âme. J'ai froid, si terriblement froid.

J'ai à peine la force de tirer à moi la couette. Je sens l'odeur du poulet qui brûle dans la cuisine. J'essaie de me lever, mais mes jambes refusent de me porter. Alors je rampe, misérable, jusqu'aux fourneaux. Je coupe le gaz. Et reste prostré, des heures, contre les placards, recroquevillé sur moi-même, sur mon sexe si douloureux que j'aimerais qu'il eût été arraché. Je saigne du nez.


La nuit tombe et je n'ai pas encore la force de me lever.
Alors que je suis perdu quelque part, que mon esprit vide résonne encore de mes hurlements pitoyables et de son rire de harpie, le téléphone sonne.
Je parviens à me hisser sur mes pieds. Je titube jusqu'au salon. C'est Julia qui m'appelle.
Je décroche. Elle est en sanglots.


- Robert ?

- Oui.

- C'est Julia.

- Reviens, mon amour, je t'en prie !

- Je... Je te quitte.

- Non ! Non ! ... Pitié !


Elle a déjà raccroché.


Le téléphone glisse de mes mains. Je rampe sous la table, transi de froid et de douleur.



 
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   Bidis   
30/10/2007
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Attendu... Prenant... Haletant... Suspense intolérable...
Et légère frustration.
Rose est un monstre d'accord. Mais moi j'adore quand il y a des langues qui s'allongent démesurément, des têtes qui sortent de ventres sanglants, des petites choses mignonnes comme ça.
Alors, ici, je ne suis pas tout à fait contente.
Le soufflé monte, monte, monte, mais sort de la lecture un peu dégonflé.
Dommage.
Car c'est très, très bien écrit.

   minette   
1/11/2007
tout simplement merveilleux, j'en ai encore des frissons et autres sensations.
Merci.

   Togna   
4/11/2007
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↓
J’ai attendu le mot fin pour commenter « Succube ».

Dans la première partie le drame est annoncé par la corde de Nylon. Suit une belle description d’une journée d’avril, la surprise de l’amour qui survient quand on ne l’attend plus, la montée du bonheur, puis la souffrance et enfin la rencontre qui laisse supposer, aidée par le titre, la prédatrice.
Cette partie m’a conquis par la bonne mise en place de l’intrigue, mais je trouve que le style manque de dynamisme. Plus de formes interrogatives et exclamatives ne m’auraient pas déplu.

Pour la deuxième partie, je me suis demandé s’il était indispensable à l’intrigue que la scène du couple soit aussi longue. Puis cette impression a été effacée par la première leçon particulière. Cette scène annonce une fin tellement inéluctable, qu’elle fait pressentir une surprise.

Quant à la troisième partie, elle est délicieuse de vivacité et sa conclusion fait comprendre la corde de nylon jaune du début.

Le rythme et le dynamisme vont crescendo et maintiennent le suspense.

Bravo Otus et merci.

   nico84   
4/11/2007
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Moi aussi, j'aimé l'histoire, le suspense et la fin qui nous plonge soudainement dans ton univers tragique ...

On ressent toutes les émotions trés bien retranscrites, bravo !

   Anonyme   
13/7/2011
 a aimé ce texte 
Beaucoup
La succube pourrait le pire des prédateur de l'être masculin. Beauté fatale, apportant démence et souffrance, créatrice de problème et j'en passe.

Otus, tu es un écrivain généralissime. Franchement, après cette écrit, j'ai même plus envie d'être à la place de notre cher Robert, tellement la souffrance qu'il a reçut ne donne pas envie.

Un texte très bien travaillé, facile à lire dans les trois parties, ni trop rapide, ni trop lent. Un écrit très bien, comme la note que je met... Bonne continuation !


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