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Réalisme/Historique
Paul777 : Un autre matin
 Publié le 07/02/17  -  14 commentaires  -  27965 caractères  -  105 lectures    Autres textes du même auteur

Un type lambda se lève un matin et tout y passe, il veut se réinventer, fait un point sur sa vie de type lambda et sur ce qu'il faut faire pour que cela change.


Un autre matin


Ce matin-là, il se dit que c’était la dernière fois. Qu’il allait tout foutre en l’air. À commencer par ce foutu réveil et sa sonnerie stridente qui dès le saut du lit le mettait dans un état de stress terrible. Il débutait généralement ses journées de semaine d’une humeur massacrante, puis reprenait peu à peu ses esprits, se faisait une, deux, puis mille raisons, et finissait par sortir de chez lui déprimé, maussade, parfaitement résigné.


Mais ce matin-là, on ne l’y reprendrait plus. Il rêvait de tant de choses depuis si longtemps qu’il en avait oublié de vivre, répétant inlassablement les mêmes gestes, les mêmes mots adressés aux mêmes gens, inconnus familiers qui peuplaient son semblant de vie, cette habitude d’être et d’emplir le vide de sa personne et de ses fausses certitudes.


Il interrompit sa pensée, car la boîte de café était vide. C’était mardi. Il fallait ouvrir un nouveau paquet. Il s’était levé et avait machinalement enfilé sa robe de chambre, avait mis ses chaussons, préparé comme chaque jour ses vêtements soigneusement posés sur la chaise attenante à la petite salle de bain de son deux-pièces parisien. Il ouvrit le paquet, remplit la boîte et la cafetière.


La vie passe, je me contente de rêves et chaque jour je suis plus vieux, chaque année j’attends mes vacances, je dépense le peu de fric que j’ai pu mettre de côté en deux ou trois semaines, puis viennent les impôts, les noëls et les jours de l’an, avant qu’une nouvelle année ne commence, ne recommence plutôt, avec ses mêmes rituels, individuels, collectifs, ses mêmes gestes, ses mêmes fêtes à la con censées égayer ce quotidien fait de fatigue et de travail, dans un automne qui dure de septembre à mai… et chaque année, je suis plus vieux.


Le café était prêt. Il s’en servit une grande tasse en soupirant, et s’assit sur un tabouret de son étroite cuisine. Il avait déjà ouvert la fenêtre et sortit une cigarette, qu’il alluma machinalement, absorbé par ses réflexions.


Tous les matins, sauf le week-end, dont il ne profitait que trop peu, il partait travailler à huit heures pétantes. Il sortait de chez lui, descendait trois escaliers, partait sur la gauche, jusqu’au métro. Là, il prenait le train de 8 h 08, ou parfois celui de 8 h 10, et patientait, coincé entre des dizaines d’autres, pendant quinze interminables stations avant de descendre pour son changement de ligne. La seconde partie de son voyage était moins longue mais tout aussi désagréable. La ligne qu’il empruntait était saturée en permanence, bruyante, et les trains y étaient brinquebalants. Il subissait encore cette promiscuité forcée avec les autres, les yeux cernés, les bâillements dans la gueule, les visages, les figures, pendant six stations et était enfin arrivé à destination. Son agence se trouvait à la sortie de la bouche de métro.


La cigarette lui brûla les doigts, il ne l’avait presque pas fumée. Il décida d’en rallumer une, se disant ironiquement qu’au moins un cancer le sauverait de cette routine désespérante. De toute manière, il avait la sensation que tout le monde, fumeur ou non, attendait tranquillement son tour à la grande loterie du cancer. Dans sa famille, dans son entourage, combien de personnes avaient été victimes de cette maladie devenue banale, comme une mode, reflet d’une époque désabusée, asphyxiée, comme sevrée d’espoir.


Il se resservit du café et se jura que ce matin… c’était la dernière fois qu’il serait acteur volontaire de cette mort lente, de cette non-vie faite d’obligations, de résignations, de frustrations… Il était comme une majeure partie des travailleurs, employé à un poste peu intéressant, rémunéré par un salaire médiocre, qui suffisait à peine à la location d’un vingt-quatre mètres carrés à Paris et, bien entendu, au paiement des impôts en fin d’année. Il faisait partie de la classe très moyenne, celle qui sert de tampon à un pays empreint de justice sociale, qui a assez pour ne pas se plaindre, mais pas suffisamment pour avoir le droit de rêver à autre chose qu’au salariat et ses quarante-sept semaines de travail par an, tiré du pieu à l’aube et recraché dans des trains bondés à la nuit tombée pour un salaire « qui fait pas de bruit »… Et quant à espérer une augmentation… peut-être une soixantaine d’euros de plus par mois l’an prochain. Vous comprenez, la crise… Si je fais ça avec tout le monde, je perds ma chemise, vous comprenez… Vous comprenez, non ?


Bien sûr, perdre sa vie à ne même pas la gagner, à devoir choisir entre mettre un peu d’argent de côté pour mes petites vacances ou pour le grand Avenir, devenir propriétaire, fonder une famille. Mon cul, je comprends !


Il était librement exploité, c’est-à-dire qu’il allait louer sa force de travail de son plein gré. Quand on regarde la misère du monde, on se dit qu’on a de la chance. Ailleurs, l’esclavage existe encore. Ne pas se plaindre, ça pourrait être pire. Il faudrait même songer à remercier ceux qui nous permettent de bosser, et librement en plus ! On a appris à niveler nos espoirs par le bas. On a un toit sur la tête, on mange à sa faim, c’est bien suffisant.


On paie surtout des loyers démentiels et on va s’acheter du poison hors de prix dans les supermarchés, songea-t-il. Son budget « bouffe » avait quasiment doublé en dix ans. La qualité de la nourriture était pourtant tout aussi médiocre, mauvaise pour la santé en général, et bonne pour le cancer et toute forme de maladie en particulier. Vraiment, on nous prend pour des cons…


Comme tout un chacun, il ne savait pas exactement qui se cachait derrière ce « on », mais il y mettait en vrac, comme tout bon citoyen maintenu hors des secrets du pouvoir, les politiciens, les grands patrons, les actionnaires, tous assis au même banquet, simulant une lutte des classes et des intérêts pour mieux maintenir les gens les uns contre les autres, et en tirer les évidents bénéfices et privilèges : l’argent, le pouvoir, le plaisir, l’avenir. Cela faisait déjà plus d’une année qu’il avait décidé de ne plus voter aux élections car son dernier bulletin avait servi à faire élire un pantin, un fantoche tout juste bon à faire semblant de gouverner, se couchant devant les puissants et livrant des pans entiers de la société à l’appétit de multinationales qui bientôt remplaceraient les états. Ces politiciens, selon lui, n’étaient plus là que pour assurer la transition entre démocratie et révolution numérique, Uberisation de la société, post-biologie, ils préparaient peu à peu l’homme moderne à devenir post-moderne, homo-numericus, offrant petit à petit l’éducation des enfants à des machines froides, simplifiant tout savoir en une suite de petites idées préconçues et exprimées en 140 signes, bâtissant ainsi un monde sans réflexion, sans critique, sans âme ni mémoire, où l’homme serait affilié à ou remplacé par la machine, et son génie enseveli sous des normes définies par des algorithmes.


Il arrêta là sa pensée, car elle dépassait ses compétences. Il avait la sensation que l’Histoire et l’avenir de l’humanité tout entière état menacée. Cela le glaçait d’effroi. Il voulait fuir quelque part, n’importe où, pour échapper à cet avenir cauchemardesque. Il écrasa sa seconde cigarette qu’il avait aspirée à grandes bouffées nerveuses, recracha la fumée et sentit qu’il était temps de ne plus être qu’esprit.


Il faut que j’aille chier, songea-t-il, les clopes du matin ne laissent aucune autre alternative, décidément.


Le fil de ses idées le suivit pourtant jusque sur le trône. Il se levait donc chaque matin pour aller travailler, pour pouvoir se nourrir, partir en vacances trois semaines sur les cinq qui lui étaient octroyées, et payer ses impôts. Il ne faisait qu’engraisser ce système qui le dégoûtait. Il ne faisait que ça, du matin au soir. Il passait son temps à attendre le week-end, les vacances, et sentait qu’on le flouait du reste de son temps pour permettre à d’autres de vivre à sa place. Et il lui aurait fallu s’en contenter, être heureux comme l’exigeait l’époque, les sommations des publicités et des messages envoyés par tous les organes de communication, publics ou privés. Être heureux, Ne pas boire, Ne pas fumer, Sourire, Manger sain (belle hypocrisie !), Faire du sport, Voter, on s’occupe de tout, on va lisser vos esprits, vos révoltes, on va lisser le monde ! Et s’il n’avait pas envie d’être heureux ? Et si de toute façon il en était incapable ? Il fallait être sacrément con pour se croire épanoui dans le monde qu’on nous imposait, ou alors avoir un surplus de sérotonine, comme du LSD diffusé en permanence dans la tronche ! Sa diarrhée, consécutive à son abus de tabac et de café, empirait son humeur. Il décida de se détendre un peu, saisit un journal qui traînait là et entama sa lecture.


Putain ! gueula-t-il. C’était Libé, dont la couverture montrait une ville en ruine, détruite par une guerre de plus quelque part dans le monde. Pfffff, j’ai juste besoin d’un truc léger, un peu de pensée positive, le temps de finir de chier tranquille… Il balança le journal et en chercha un autre. Ne trouvant rien, il repartit malgré lui dans ses songes. Il se remémora une ancienne lecture d’un « Psychologie Magazine », trouvé chez une de ses conquêtes passagères, où il avait lu qu’à défaut d’avoir un flux suffisant de sérotonine, il pourrait suivre une TCC, acronyme de thérapie cognitive comportementale. Remplacer les mauvaises idées par des bonnes. Les mauvais comportements par des bons. Tout simplement. Le petit joint du soir par une camomille peut-être, ou encore les accès de rage ou d’angoisse dus à cette vie médiocre, où tous ses rêves s’étaient enterrés d’eux-mêmes sous le poids du réel, par des exercices de méditation, de respiration, de pensée positive, conclus eux aussi par une bonne tasse de camomille. Mouais.


Bref, cela ne l’avait pas convaincu et il s’en souvenait avec une certaine ironie. À quel point notre société trouve des parades pour nier le malheur qu’elle engendre. On avait déjà droit aux psychologues, aux psychanalystes, aux psychiatres, et à tout ce bordel hors de prix de thérapies en tout genre. Il fallait que la profession innove. D’où les TCC. Il appelait cela le business du malheur… Tous ces psys grassement rémunérés à touiller vos angoisses, votre désespoir, à vous faire croire qu’on peut voir la merde en rose, que ce n’est qu’une question de point de vue. Il se demanda combien de gens pouvaient s’engraisser sur le malheur d’autrui. Puis oublia sa question en tirant la chasse d’eau.


Il sortit des toilettes et se dirigea vers la douche. Sur le chemin, il se demanda comment il était possible que les gens ne se révoltent pas. Ils devaient être nombreux à être dans son cas, ou bien pire, à détester leur vie telle qu’elle était, et à ne plus réussir à relativiser. Les pauvres s’appauvrissent, les classes disparaissent. Seules les élites continuent de s’enrichir. À quand une révolution ? À cette idée, il eut un petit rictus. Il n’était pas de ceux qui croyaient au grand soir, à la Grande Union des Hommes contre l’oppresseur.


Ce matin, ce n’était pas une rage adolescente dont il avait besoin, une de ces rages passagères et impuissantes, avec pourtant de réels tenants, mais sans aboutissants, qui ne déboucherait sur absolument rien sinon une « Nuit Debout » intérieure, un refus passager de l’ordre des choses qui finirait étouffé par sa propre inconsistance. Il avait besoin d’une véritable révolution intérieure, qui puisse s’assumer et porter ses fruits, l’amenant ainsi à changer radicalement son propre système, sa propre vie.


Il se remémora une lecture qui l’avait passionné, à l’aube de la vingtaine, sur le concept de révolution intérieure. Se changer soi pour changer le monde. Il était temps pour lui de se « changer lui », on verrait plus tard pour les autres, et par là même, le monde. Il se sentait prêt, il savait que quelque chose avait mûri en lui durant ces années à vivre en contradiction avec lui-même, et que ce quelque chose allait éclore. Il fallait juste se lancer, trouver le courage d’agir, ne plus faire que rêver.


Pour la dernière fois de sa vie, il allait prendre une douche aux environs de 7 h 35. Ce matin, c’était décidé, il n’irait pas travailler. Il changerait de vie. En sortant de la douche, il aurait changé de vie, trouvé la solution pour fuir sa réalité. À huit heures pétantes, au lieu de partir travailler, il se resservirait un café, et commencerait à organiser sa nouvelle vie, quelle qu’elle soit. En allumant l’eau, il commença à énumérer ses possibilités.


Il puisa en premier lieu dans ses rêves les plus abordables, ceux qu’il faisait éveillé, conscient de la réalité et de ses possibilités. Il pourrait quitter la région parisienne, partir à la campagne, retaper une vieille grange et vivre de son potager. Et un peu du RSA aussi. Il avait quelques notions d’agriculture, ayant passé la plupart de ses vacances chez ses grands-parents, qui cultivaient leurs propres tomates, salades, pommes de terre et oignons. C’est déjà pas mal, se dit-il, ensuite je n’aurai plus qu’à acheter de la viande chez un éleveur du coin, de temps en temps. Fini le supermarché, la malbouffe…


Il planterait aussi des plants de cannabis et deviendrait auto-suffisant en la matière, plutôt que d’aller acheter du mauvais shit coupé à la mort-aux-rats comme il le faisait ici.


Il s’imaginait se levant le matin, pas trop tôt, ouvrant la grande porte de sa grange, buvant son café au soleil. Ah oui, très important, il faudrait que cette campagne soit au sud, pas question d’aller patauger dans la gadoue, ni de vivre enfermé neuf mois sur douze. Au vu des prix du marché actuel, ce serait sans doute le sud-ouest. L’Ariège, par exemple, lui semblait propice à ce genre de vie, et accessible à bien des égards. Il y avait passé des vacances et avait rencontré des gens qui avaient tout quitté pour vivre dans des yourtes, dans les collines, les montagnes, les vallées. Une yourte… pourquoi pas ? En racheter une vieille et la rafistoler, squatter un terrain, le louer ou l’acheter trois francs six sous à un paysan du coin. Il trouverait bien dans un recoin de l’Ariège un endroit où s’installer, avec sa liberté nouvelle, ses rêves et sa guitare…


Cela devait faire six mois qu’il ne l’avait pas sortie de son étui. La dernière fois c’était avec Bertrand, son ami d’enfance. Celui-ci avait pu se libérer de ses obligations familiales et ils s’étaient bourré la gueule comme au bon vieux temps, avaient joué de la guitare et chanté à tue-tête les tubes de leur adolescence. Cranberries, Metallica, Nirvana, Oasis… Tout le pop-rock de l’époque y était passé. Une soirée mémorable, qui lui avait donné l’illusion d’une seconde jeunesse. Il n’était pourtant pas bien vieux, mais commençait à sacrément s’emmerder depuis quelques années que ses amis, trentaine oblige, étaient entrés dans l’âge adulte. L’âge des premiers enfants, des premiers crédits et des vrais renoncements.


Il savait qu’il n’était pas fait pour cette vie et assumait tant bien que mal sa solitude. Pourquoi n’en profitait-il pas davantage pour laisser libre cours à sa créativité. Pourquoi, au lieu de regarder de mauvais programmes à la télé tous les soirs il ne reprendrait pas ses vieux morceaux pour en faire quelque chose. Ou ses vieux textes, ses débuts de manuscrits, pour enfin écrire son roman. Même quelque chose de simple, sans prétention ni grande ambition, juste pour le plaisir. Il avait négligé sa créativité, son plaisir de jouer et d’écrire depuis trop longtemps. Et sa guitare, qui depuis cette soirée prenait la poussière dans un coin. Sa bonne vieille gratte, témoin privilégié de sa folle vingtaine. Il l’avait depuis ses dix-neuf ans. Elle lui avait été offerte par Léa, son ex-petite amie.


Léa… Ils étaient restés ensemble pendant dix longues années, s’étaient follement aimés, déchirés, désunis, réunis… Puis séparés pour de bon. Elle voulait des enfants, pas lui. C’était aussi simple que ça. Depuis, il n’avait eu que des aventures insignifiantes. Il repensait souvent à elle, son unique amour. Elle l’avait quitté brutalement, après une énième dispute au sujet de la parentalité. Il avait une fois de plus été très ferme sur le sujet, pas question de pondre un gosse dans ce monde de fous, et puis on est déjà assez nombreux comme ça, en deux mille cinquante on sera neuf milliards, tu te rends compte, et avec la crise climatique et bla bla bla.


Il lui était souvent arrivé de regretter, a posteriori, sa rigidité de l’époque. Finalement, avec le temps et avec elle, il aurait certainement fini par changer d’avis.


Il n’avait aucune nouvelle, comme si rester en contact aurait été trop difficile pour les deux, comme si cet amour devait finir brutalement et disparaître sans laisser de trace, elle avait quitté la région, rompu avec leurs amis communs, avec toute sa vie d’alors.


Il l’aimait toujours, et depuis son départ, se sentait terriblement seul. Il n’y avait qu’elle. Et elle n’était plus là. Il s’imagina la chercher, finir par la trouver quelque part en banlieue dans une maison proprette avec un mari gentil mais très chiant, et l’embarquer avec lui dans son délire de grange, de yourte, de retour à la terre et de vie simple qu’ils avaient souvent imaginés ensemble dans leurs jeunes années.


L’eau coulait depuis quelques minutes lorsqu’il se saisit de son gel douche. Il constata qu’il était presque vide, et que ce serait le dernier gel douche de sa première vie, qu’il n’aurait pas à en acheter un nouveau à la superette du coin. Le dernier gel douche de ta première vie répéta-t-il, ça aurait fait un bon titre de film.


Léa devait probablement déjà être mère, et ne le suivrait certainement pas dans son projet totalement immature. Qu’importe, cela ne coûtait rien de rêver un peu. Une fois ce songe achevé, il se remit sérieusement à chercher une solution. L’Ariège ne pouvait constituer son seul plan de fuite. Car une fois là-bas, il savait qu’il finirait par se faire chier comme un rat mort. Une guitare et quelques livres, ça ne préserve pas de l’ennui, encore moins de la folie. Et avec un RSA et quelques tomates, il risquait d’y être coincé pour de bon, sans même pouvoir se payer un billet de train pour revenir voir la famille et les amis de temps en temps. Et s’il avait envie de se faire un ciné ou une expo ? Il lui faudrait rejoindre la gare la plus proche et se taper au minimum quatre-vingts kilomètres jusqu’à Toulouse. Non.

Il changea son fusil d’épaule et se projeta directement dans une autre réalité.


Partir, quitter la France sac sur le dos, voyager au hasard de ses envies et des opportunités, comme il l’avait toujours rêvé. Trouver sur place des petits boulots, vivre au jour le jour, rencontrer de nouvelles têtes, se nourrir du monde et de ses cultures… Il parlait un excellent anglais et un bon espagnol, ce qui lui ouvrait un large éventail de destinations. Il avait quelques vagues contacts, ici et là, glanés pendant des vacances, ou dans les bars de Paris, où il avait rencontré des étudiants, des étudiantes, des touristes qui lui avaient promis de l’accueillir si un beau jour il venait visiter leur pays. Il lui fallait réactiver son réseau, retrouver l’énergie, l’envie de bouger, de créer des liens, de se mettre en danger, de… vivre.


Il se frottait frénétiquement l’aisselle gauche, excité, motivé comme jamais à cette idée. Il est temps de passer à la droite, parvint-il à raisonner entre deux idées. Ses contacts se trouvaient surtout en Amérique du Sud, entre le Chili, l’Argentine et le Brésil. Il connaissait plusieurs personnes au Brésil, et avait noué avec elles de réelles amitiés, qui s’étaient poursuivies quelque temps par correspondance et avaient fini par se distendre avec le temps. Avec le temps, il avait arrêté de sortir, de rencontrer du monde, de voyager. Il passait ses vacances dans des endroits qu’il connaissait, toujours avec les mêmes personnes, ou seul… Il s’était refermé sur lui-même, avait négligé les autres, et son désenchantement de tout l’avait peu à peu cloîtré dans cette vie qu’il essayait à présent de fuir.


Cette petite vie l’avait logiquement rendu petit, plus le temps passait et plus il avait peur, peur de vieillir mal, de vieillir seul, peur de lui, des autres, de tout. Prostré dans ses petites habitudes rassurantes, avec ses petits souvenirs, il s’était figé dans le temps. De nouveaux horizons, de nouveaux amis, des amours, des inspirations, voilà ce dont il avait besoin, sous peine de pourrir sur pied et d’arriver aigri à la quarantaine et complètement con à la cinquantaine.


Le Brésil… Il pourrait d’abord passer deux trois coups de fil ou de Visio, pour renouer le contact et tâter le terrain. Cela ferait un bon point de départ, le Brésil. Il y travaillerait quelque temps, le visiterait, puis s’en irait faire de même en Argentine, puis au Chili, puis, pourquoi pas sur tout le continent. Il disparaîtrait des rues de Paris pendant un bail, et elles ne lui manqueraient pas, et les amis et la famille se diraient enfin, enfin il a bougé son cul, il a arrêté de geindre et a pris son destin par les cornes.


Son aisselle droite était rouge vif tant il s’acharnait dessus. Il revint à la réalité et se demanda ce qu’il lui restait à laver. Les deux aisselles, d’accord, c’était fait. Mais le reste ? Il était tellement obnubilé par ses rêveries qu’il avait perdu le fil de ses ablutions. Au cas où je vais tout refaire, sauf les aisselles, bien sûr. Malheureusement le gel douche était vide et ne lui laissa dans la main qu’une vague écume mousseuse aux effluves de vanille. Il avait déjà mis de l’eau dedans pour le rallonger et était arrivé à la fin des fins. Il devait faire un choix. Devant, derrière, les pieds ? Et si pieds, le gauche ou le droit ? Il choisit derrière et en revint à ses moutons.


Dès qu’il sortirait de la douche, il irait rechercher dans son bordel ses contacts sud-américains. Il attendrait ensuite une heure décente pour les joindre. Pendant ce temps, il se renseignerait sur Internet sur tout un tas de détails concernant son projet. Il piaffait d’impatience, et, une fois son postérieur rincé, éteignit l’eau et saisit sa serviette.


Il aurait dû y penser plus tôt, le faire plus tôt… Pourquoi avait-il attendu toutes ces années, pourquoi avait-il gâché une partie de sa vingtaine et une autre de sa trentaine à ne faire que vivoter, comme un fantôme, seul dans vingt-quatre mètres carrés ? Pourquoi même avant ça, avec Léa, n’avaient-ils pas tout quitté, tenté une autre vie ? Peut-être cela aurait changé le cours de leur histoire !


Il s’imagina pouvoir retourner dans le passé, en DeLorean, ou à travers un vortex, peu importe, et aller se botter le cul à lui-même, à ce lui si apathique, à la fois identique et étranger à celui qu’il est devenu. Ce con qui n’a pris que des mauvaises décisions…


Il reviendrait à l’époque de Léa, lorsqu’ils avaient vingt-cinq ans et qu’elle venait d’achever ses études de droit. Il lui dirait qu’il est d’accord pour les enfants, mais qu’ils les feront ailleurs, pas à Paris, pas à la campagne ni dans une roulotte, mais en Amérique du Sud ! Elle aussi, elle en rêvait. Elle était jeune, rêveuse à cette époque, elle n’avait peur de rien et aurait fini par accepter de tenter l’aventure.


Il était parfaitement sec et, après s’être brossé les dents, entama son habillage.


Tant qu’à faire, s’il avait une machine à remonter le temps, il pourrait revenir à son enfance, pas trop jeune bien sûr, pas à l’âge où tous les marmots veulent devenir pompier, véto ou astronaute, mais vers huit ou dix ans. Il se questionnerait alors sur ses rêves, éliminant d’emblée « footballeur professionnel » de sa liste. À cet âge, il était rêveur, plein de bonnes intentions, et avait passé ce que l’on nomme l’âge de raison.


Il essaya d’imaginer un dialogue, des questions, des réponses.


(…)

Non, tout bien réfléchi, il ne tirerait rien de l’enfant qu’il était. À dix ans, la vingtaine lui paraissait tellement loin qu’il se voyait déjà marié, avec des enfants, une maison, une voiture. À quel âge n’ai-je pas été con, se demanda-t-il ironiquement, qu’y a-t-il à sauver de moi ? Le passé n’étant que déception, le futur lui apporterait sans doute une réponse. Il sauta de nouveau dans sa DeLorean et enregistra frénétiquement l’année 2025 comme destination. C’est à ce moment-là que son téléphone vibra. C’était un message de Kader, son collègue, qui lui disait de ne pas oublier d’amener le petit déj’ au bureau, que c’était son tour ce matin. Va te faire mettre, y a plus de bureau pour bibi, tu peux les attendre tes croissants, face de pet ! dit-il tout bas sans répondre au texto. Plus moyen de rêver, bordel !


Il abandonna de fait la machine à explorer le temps dans un coin de sa tête, et enfila sa deuxième chaussette en râlant. Il finissait toujours par les chaussettes.


Au moment de mettre ses chaussures, il était déjà reparti. Il fantasmait totalement à son exil, à son grand voyage à travers l’Amérique latine. Il se voyait sur les routes, dans des hôtels miteux, dans des bars de province lointaine, la peau tannée par le soleil, barbe hirsute et chapeau sur la tête, à écrire son roman, une sorte de road trip, sous la forme d’un carnet de voyage poétique et réaliste à la fois, le testament d’un homme qui avait décidé de tout lâcher pour poursuivre ses chimères à l’autre bout du monde. La vie n’ayant aucun sens précis, il avait décidé de suivre ses inspirations, ses voies intérieures, et errait dans le monde, l’observant, le traduisant, le magnifiant dans des textes ciselés, abrupts et lyriques à la fois.


Un éditeur un jour finirait par voir en lui un poète valable ou un génie, et éditerait ses bouquins, que les Parisiens restés en rade sous la grisaille s’arracheraient. Cela lui permettrait de vivre de son écriture, de ses voyages, de ses rêves. Et cette simple pensée l’emplissait d’un bonheur irradiant. Il ne voyait plus personne, tout entier dévoué à son imaginaire incandescent, autiste volontaire, accédant à une seconde vue qui lui faisait dépasser le commun des mortels brinquebalés dans un train matinal.


Il commença à imaginer le début de son roman : « J’ai passé ma vie à ne pas vivre, à l’étroit dans mes rêves, ombre sur les murs de la ville que j’ai fuie… »

Et tant de lyrisme lui mit la larmichette à l’œil.


Il y raconterait ce qui l’a poussé à prendre la route, sa quête d’un ailleurs et d’un autre perpétuels, sa fuite éternelle pour oublier son amour disparu… Il sentait en lui le souffle de tous les poètes et romanciers qu’il avait lus. Il se voyait à l’intersection entre Homère, Jules Verne, Pessoa, Jack London, Kerouac et bien d’autres. Ça fait un sacré bordel quand même, jugea-t-il. Mythes, voyages imaginés, périples intérieurs, errances réelles…, va falloir trouver mon style au milieu de tout ça… Il divagua quelque temps sur le sujet puis tenta ensuite d’imaginer la fin de son roman : « Je ne suis jamais rentré chez moi, car je n’en avais plus… Chez moi, c’était partout ailleurs, partout où je n’étais pas, et si… » Non, tout simplement « chez moi, c’est partout où je ne suis pas… » Ou non tiens : « Chez moi… »


La sonnerie du métro interrompit son envolée. Il constata amèrement qu’il était à trois stations de son travail. Il avait machinalement fini de s’habiller, avait claqué la porte, et s’était rendu au métro. Poussé par l’habitude et happé par ses rêveries, il avait, tel un zombie, pris sa correspondance et il en était là, à trois, puis deux petites stations de son travail…


Dépité, surpris par la puissance de l’habitude devenue chez lui plus qu’une seconde nature, il regarda machinalement le plan du métro qu’il connaissait par cœur, comme pour trouver une échappatoire. Le terminus de la ligne était l’aéroport international. Il lui restait à peine deux minutes pour se décider. Son téléphone vibra. Il venait de recevoir un texto. C’était Kader, son collègue, qui lui disait…


 
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   Anonyme   
12/1/2017
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↓
Quand j'ai lu ça :
Ah oui, très important, il faudrait que cette campagne soit au sud, pas question d’aller patauger dans la gadoue
je me suis dit que le "il" du récit n'était sans doute, définitivement, qu'un velléitaire banal qui se rendrait ce jour-là, comme tous les autres, bien gentiment à son bureau.
Alors, je n'ai eu qu'à moitié raison, puisque vous laissez une fin ouverte. Il reste possible que "il" pousse jusqu'à l'aéroport, s'embarque (s'il a son passeport avec lui, tiens je verrais bien ça comme fin : il va pour prendre l'avion pour Rio, comme ça pouf, et il n'a pas de passeport, alors il rentre comme un péteux et se rend à la boulangerie à côté du bureau pour se faire pardonner son retard...), mais j'y crois pas trop.

Veuillez me pardonner mon immixtion dans le récit et ses prolongements, c'est bien le signe qu'il m'a touchée ! Ce que j'y trouve très réussi, c'est sa construction : les pensées de "il" s'y enchaînent de manière très cohérente mais aussi souple ; je trouve fort convaincante la manière dont vous faites balader la cervelle de votre personnage d'un sujet à l'autre, de propos généraux de café du commerce à son histoire personnelle. Du beau boulot ; le début du texte, jusqu'à la douche en gros, peine un peu pour moi, peut-être parce que "il" s'adonne à une "vision" trop banale à mon goût. Je préfère quand il en vient à ses aspirations propres.

   vendularge   
22/1/2017
 a aimé ce texte 
Bien ↓
Bonjour,

Ce texte est intéressant par sa construction, c'est une bonne idée de montrer comment nous pensons avoir le choix et comment nous finissons par y renoncer sans même en prendre conscience.

Ceci-dit, je pense qu'il y a des répétitions, il me semble qu'il faudrait faire quelques coupes de petits passages qui répètent ce qui est dit un peu plus haut, cela permettrait d'alléger l'ensemble pour le rendre plus percutant.

Sur le fond (éternel) de nos vies qui s'échouent sur un quotidien décevant (passée la première joie d'avoir trouvé un travail), je crois que la solution du "partir n'importe où pourvu que je ne sois plus là parmi la multitude" vaut la peine d'être tentée puisque c'est ce déplacement qui en fait l'intérêt, je veux dire le chemin. La réussite ou l'échec de la démarche n'a pas d'importance. Je crois aussi beaucoup à l'enrichissement du quotidien, l'optimisation de cette vie entre deux stations. Ici le narrateur souffre plus de ses soirées devant de mauvais programmes, de l'abandon de la musique et de l'écriture que de ce travail ...bref, le sujet est vaste et je n'en possède pas toutes les cles

vendularge

   silvieta   
22/1/2017
 a aimé ce texte 
Pas
On ne peut pas dire que cette tranche de vie routinière pousse beaucoup à l'évasion. A propos de "pousse" rien ne nous est épargné de ce quotidien puisque le type va, entre autres, aux toilettes. (Si encore on profitait de la description de ces toilettes...il en est des fantaisistes, des d'une propreté nickel, des gerbatoires), mais non...rien ne viendra nous sortir de cet engrenage désespérant.

Au début le style est poussif :"foutre"(deux fois dans les premières lignes) "il se faisait mille raisons" (pauvre). Ensuite ce n'est pas si mal écrit.

La fin ne sauve pas l'ensemble puisqu'on ne sait pas ce qui se passe. Rien de spécial ?

Et surtout, pour une nouvelle de routine sans surprise c'est beaucoup, beaucoup, beaucoup trop long.

   Robot   
24/1/2017
 a aimé ce texte 
Beaucoup
On peut avoir envie d'autres choses, d'autre part. Encore s'agit-il de savoir ce qu'on veut et où on veut aller.
Reste aussi de savoir avec qui.

Car s'il y a ce que l'on cherche, immanquablement il y a ce que l'on perd.

Voilà ce que j'ai ressenti à la lecture de ce texte qui aurait peut-être mérité quelques coupes mais que j'ai eu envie de lire jusqu'au bout pour savoir. En fait vous laissez au lecteur le soin de conclure... et ce n'est pas plus mal. Ira-t-il au bout de ses intentions ou n'est-ce que velléités.

   plumette   
7/2/2017
 a aimé ce texte 
Un peu ↑
j'ai délaissé ce texte en El car l'impression qui m'en était resté après lecture était l'ennui.

A la relecture, je pense que c'est normal que le lecteur s'ennuie dans une vie ennuyeuse racontée par le menu, et que c'est peut-être une réussite de faire éprouver au lecteur ce qu'éprouve le narrateur.Mais c'est risqué!

Ce qui m'a le plus dérangée dans cette nouvelle, c'est pourquoi ce matin là et pas un autre? Il n'y a aucun élément déclencheur pour ce "raz le bol" qui finalement ne débouche sur aucune action.

La construction narrative m'a aussi déroutée car on passe du il au monologue intérieur avec la voix directe du narrateur "La vie passe, je me contente de rêves et chaque jour je suis plus vieux, chaque année j’attends mes vacances, je dépense le peu de fric..." puis au discours indirect, et même à l'intérioristaion de paroles du patron par exemple "Vous comprenez, la crise… Si je fais ça avec tout le monde, je perds ma chemise, vous comprenez… Vous comprenez, non ?" Je trouve qu'un graphie différente ou des guillemets aurais pu faciliter la lecture et surtout le passage d'un état à un autre.

C'est un peu fastidieux cette description du parcours matinal jusqu'au départ pour le travail, rien ne nous est épargné ( le passage aux chiottes) J'ai ressenti une sensation de délayage aussi bien dans ces gestes répétitifs du quotidien que dans les pensées du narrateurs. Ce texte gagnerait sûrement à être resserré.

"Il arrêta là sa pensée, car elle dépassait ses compétences." Je relève cette phrase que je trouve très étrange! Il s'agit je pense d'un commentaire de l'auteur sur son narrateur. "Sa pensée s'arrêta là " suffisait sans doute et le lecteur pouvait deviner tout seul pourquoi! et même émettre différentes hypothèses.

Je tiens tout de même à saluer le travail et l'écriture qui est adaptée et soignée tout en étant simple, ce qui convient au propos.

Bonne continuation

Plumette

   hersen   
7/2/2017
 a aimé ce texte 
Bien ↓
Cette nouvelle est longue comme la réflexion du narrateur.

Si on peut penser que "partira, partira pas ?" est la question, on est douché (hé hé) rapidement.

pas un instant il n'y a de remise en cause. Les éventuels projets ne sont que des poncifs du genre de tous ceux qui s'emmerdent et veulent changer de vie. Ce qui leur paraît plus simple que se changer, eux.

On peut bien être dans une yourte en Ariège, en Amérique du Sud à squatter un pays après l'autre, ou écrire pour pondre un best seller, tant que ce n'est que continuer à traîner sa peau de misère intérieure, on rêvera longtemps d'un ailleurs soit inaccessible, soit sans intérêt, soit les deux à la fois, ce qui est le pompon !

Cette nouvelle est d'un grand réalisme, ne me fait pas plaisir à lire par le clou qu'elle enfonce, et c'est ce que je lui reproche, que l'auteur pas un instant ne nous emmène vers une autre dimension, juste peut-être un interstice par lequel un jour, pourquoi pas, le narrateur pourra se faufiler. Histoire de mettre fin à son lent suicide.

l'écriture, par contre, ne laisse rien au hasard et s'oublie, ce qui est bon signe sur ce genre de texte.

merci de cette lecture,

hersen

   LenineBosquet   
8/2/2017
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Bonjour,
Votre texte fait tellement écho à ma propre vie de mec lambda que je ne peux pas ne pas vous laisser un petit mot.
Un jour, sous la douche, avant de prendre le métro à Lyon pour aller faire mon taf de merde à 7000 francs/mois pour presque 40h/semaine, j'ai décidé ne peux y aller et de changer de vie, de vivre mon rêve d'ado de musicien. Alors RMI, squat, vie de bohème en ville, groupes de musique avec plus ou moins de succès, puis fuite à la campagne, en Lozère (j'ai hésité avec l'Ariège...). Maintenant, 15 ans après,je ne regrette rien de ce choix, au contraire, une vie chiche mais libre.
Votre écriture est précise, réaliste, sans concession (aucun détail ne nous est épargné, les chiottes, les aisselles sous la douche...), reflétant bien les habitudes pus fortes que nous.
Je trouve la chute réussie, fera-t-il le grand saut?
Merci.

   PierrickBatello   
8/2/2017
 a aimé ce texte 
Bien ↑
C'est long, il y a des redites et pourtant j'ai accroché. Un texte qui résonne sans doute beaucoup dans nos sociétés occidentales contemporaines. On a envie d'y croire pour le narrateur, tout en sentant dès le départ qu'il aura du mal à changer. J'aime la langueur qui s'installe, j'aime moins les réflexions sociétales du genre "on a appris à niveler nos espoirs par le bas". Je trouve tout ce paragraphe "Son aisselle droite était rouge vif tant il s’acharnait dessus..." inutile et j'ai failli décrocher là. J'ai apprécié particulièrement cette avant-dernière phrase" Dépité, surpris par la puissance de l’habitude devenue chez lui plus qu’une seconde nature, il regarda machinalement le plan du métro qu’il connaissait par cœur, comme pour trouver une échappatoire." qui résume magnifiquement le récit et le recadre pour le lecteur. Mon intuition me dicte que l'histoire avec Léa est de trop dans cette nouvelle qui pourrait gagner alors en clarté de ligne. A essayer je dirais, mais je n'en suis pas certain.
A vous relire avec plaisir.

   Leverbal   
8/2/2017
 a aimé ce texte 
Un peu
Le texte m'a fait pensé à la nouvelle Reset de Corentin, publiée il y a presque dix ans dans la catégorie SF d'Oniris. Je retrouve ici la même description cynique et acide de la société, la référence à Fight Club en moins... Je pense qu'il y a dix ans j'aurai été interpelé par ce thème. Aujourd'hui je le trouve très convenu. Évolution personnelle ou sociétale, sans doute les deux mon capitaine! Aussi je pense que si j'ecrivais quelque chose de la sorte aujourd'hui, j'y mettrais beaucoup plus de second degré et de style pour contre-balancer la banalité du propos. Plus facile à dire qu'à faire, bien sûr!

   klint   
9/2/2017
 a aimé ce texte 
Un peu
e texte est à mon goût un peu trop long trop explicatif pour avoir vraiment du "mordant"
Dès le début on se doute qu'il ne s'agira que de velléité de fuite. Je conseille quand même un radio réveil, avec de la musique classique, ça lui permettra de voir la vie sous un autre angle. Rien de très novateur ni dans le fond ni dans la forme. Mais l'intention y est.

   Alcirion   
10/2/2017
 a aimé ce texte 
Bien
J'ai passé un bon moment avec votre texte, l'écriture alerte et ironique fait bien passer les quelques longueurs.

Il est bien structuré : intro métaphysique (un peu longue) qui transmet des idées qui fonde le texte et enchaînement sur un délire irréaliste. Le personnage est urbain, presque hipster, et se perd dans des contradictions banales qu'ont eu des millions de gens avant lui.

Le style est frais, moderne, sans fioritures, ça passe bien.

(Petit bémol : des quatre groupes "pop-rock" cités, seul le troisième présente un quelconque intérêt artistique vingt ans après, lol !)

A vous relire.

   Tadiou   
12/2/2017
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Texte très intéressant et évidemment très contemporain avec une désespérance assez généralisée et un dégoût de ces "élites" qui nous gouvernent ("tous pourris"). Pas de pathos chez le narrateur, qui se débat, à la fois pour imaginer une nouvelle vie et s'en sortir avec son gel douche et ses aisselles.

De la lucidité avec des essais d'analyse d'une nouvelle vie hypothétique, toujours entre deux savonnages ou deux chaussettes. Lucidité quand il perçoit la nécessité d'une "véritable révolution intérieure", d'un changement de sa propre vie. Avec la nécessité de la mise en pratique de valeurs écologiques.

Le cheminement de la pensée est agréable à suivre, ponctué par la progression du lavage et de l'habillage.

Il y a malgré tout, à mon sens, des lourdeurs et des répétitions.
Le texte gagnerait en efficacité à être allégé, resserré.

Je suis allergique aux mots grossiers qui abondent : "mon cul", "putain", "bourré la gueule" etc..etc...

Il y a quelques parties de phrases incorrectes :"l'homme serait affilié à ou remplacé par la machine" "il avait la sensation que l'Histoire et l'avenir de l'humanité état menacée" (coquilles?)etc...

J'ai trouvé intéressant, dans le 4ème paragraphe, le passage du "il" au "je" avec le passage du passé au présent. J'attendais d'autres va-et-vient analogues. Dommage... Cela aurait donné une autre dimension au récit...

Evidemment, j'attendais une autre chute, m'étant pris à rêver de guitare et d'Amérique du Sud. Ça retombe dans le métro. Tant pis... Au moins Kader et les autres auront leurs croissants.

Merci pour ce bon moment de réflexion et de rêves (sachant que les rêves n'ont pas d'âge).

A vous relire avec grand intérêt.

Tadiou

   widjet   
14/2/2017
Raconter l'ennui sans ennuyer est un exercice passionnant, mais très compliqué. Pour ça, il faut avoir un putain de style. Hélas, l'auteur à mon sens n'y parvient pas (à intéresser en tout cas moi) à cause d'une écriture qui est aussi un peu trop plan-plan à mon goût.

Je ne vais pas évaluer car j'ai picoré ce texte, lu par bribes, des passages de manière un peu désordonnée.

Je me suis parfois reconnu un peu (dans mes premiers écrits) dans cette façon d'écrire avec cette abondance et enfilade d'adjectifs (qui témoignent à mon sens de la part de l'auteur d'un manque de confiance encore dans son "art").

Il aurait fallu essayer d'enjoliver l'environnement, trouver quelques images, des trouvailles pour "sublimer" ce morne quotidien avec des descriptions histoire de nous faire sentir cet ennui autrement que par les pensées du héros (pas trop incisives ses réflexions, ça manque aussi de mordant là-dedans).

Il manque un rythme, un tempo (même indolent) : par exemple la description d'une pendule, d'une montre avec ses aiguilles qui tournent au ralenti, ou même décrire cette boite de café (justement le gars s'emmerde tellement qu'il connait sur le bout des doigts les objets de la maison même les plus insignifiants...Ecrire l'ennui c'est passionnant quand on s'y prend bien !)

Bon courage

Bref voilà

W

   matcauth   
20/2/2017
 a aimé ce texte 
Bien
Bonjour,

Vous racontez l'ennui en utilisant de long paragraphes, en étirant au maximum cette journée et son quotidien, faits de riens eux aussi très ennuyant. Mais vous n'aviez pas le choix, car il est impossible d'expliquer que les velléités d'une nouvelle vie sont noyées dans le quotidien si on ne décrit pas ce même quotidien. Vous le faites très bien et le cheminement qui fait que le héros se pose des questions, hésite, et fait ça depuis longtemps est très bien décrit.

L'ennui, enfin si je peux me permettre ce mot, c'est que, pour le lecteur, c'est un peu pesant et on se lasse assez vite, d'autant qu'on va vite comprendre ou l'auteur veut en venir. Instaurer une atmosphère pesante tout en réduisant la longueur du texte serait pour moi bien mieux et bien plus agréable à lire.

Ici, le piège, c'est que vous ne pouvez pas vraiment mettre de rebondissements, car cela mettrait à mal ce cheminement.

Pour le reste, c'est bien écrit et bien structuré.

Au plaisir de vous relire.


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