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Réalisme/Historique
Pepito : Babylon by bus
 Publié le 30/11/14  -  18 commentaires  -  10785 caractères  -  247 lectures    Autres textes du même auteur

Pour qu’un voyage reste inoubliable, il ne faut pas avoir changé de décor mais de mode de pensée.


Babylon by bus


Installés au premier rang du bus de ligne, quasiment collés au pare-brise, nous avons une vue imprenable sur le paysage.


Depuis le matin défile sur notre droite une plage de carte postale, ciel bleu, mer turquoise, sable blanc, cocotiers… et, aussi invraisemblable que cela puisse paraître, je commence à m’en lasser.


À bord, tandis qu’un encaisseur de tourner en rond s’occupe de la billetterie, deux chauffeurs se relayent pour éviter les coups de fatigue. Le changement de pilotes est un grand moment. Plutôt que de l’effectuer bêtement pendant une pause pipi, ici il est d’usage de ne pas arrêter le véhicule pendant le transfert.


Nous en sommes justement à la phase délicate, nos deux bonshommes sont en train de se contorsionner entre siège et tableau de bord. L’un, le volant au bout des doigts, enjambe les genoux de l’autre qui, le pied sur l’accélérateur, prend appui sur les accoudoirs pour se soulever du fauteuil. C’est le moment que choisit une carriole tirée par un cheval famélique pour déboucher juste devant nous.


Comme plus personne ne peut atteindre la pédale de frein, le chauffeur au volant déboîte violemment pour l’éviter, au moment où arrive en face un autre autobus de la même compagnie. À trois de front, sur cette route étroite, je sens que ça ne va pas le faire…

Loin de se paniquer, le chauffeur de l’autre bus se déporte sur le bas-côté et, histoire d’en rajouter un peu, nous envoie un joyeux coup de klaxon trois tons. Alerté, l’encaisseur rapplique vers l’avant en tintinnabulant et s’insère au milieu de ses deux compagnons. Les voilà tous trois debout de côté, collés serrés entre le volant et le siège conducteur, en train de faire de grands saluts de la main à leur collègue. De vrais Frères Jacques hilares en moins pâles.


Il s’en faut d’un cheveu, mais tout passe, rien ne casse, j’ai pas mouillé ma place.


Je réalise alors qu’une note suraiguë s’est fait entendre pendant toute la durée de l’action. Gagné par le machisme ambiant, je me tourne vers l’amour de ma vie et, d’un bisou, éteins l’alarme. J’évite de lui dire que mon cœur aussi a sauté quelques battements, que c’est toujours ça d’économisé pour nos vieux jours.


Un papi, sur la banquette de l’autre côté du couloir, nous explique que nous ne risquons rien. Il a vérifié avant de monter. Sur le pare-chocs arrière du bus est écrit au pinceau et en lettres capitales « Nous voyageons dans la grâce de Dieu ». Bien, me voilà rassuré. Je vais pour lui répondre que je préférerais voyager grâce à deux chauffeurs moins débiles, mais je me contente de le remercier d’un sourire.


Après concertation avec ma dulcinée, nous décidons quand même de changer de siège pour une place plus en arrière. Quitte à mourir jeunes, autant ne pas voir le moment arriver.


***


Nous finissons par arriver, entiers, dans une ville (co)côtière. En front de mer, de vraies façades, avec encorbellement de pierre, fenêtres tarabiscotées et tout ce qui peut faire couleur locale. Mais, comme dans les décors de western spaghetti, dès que l’on prend une perpendiculaire, on plonge immédiatement dans un envers moins ragoûtant. Un monde de misère crue, de façades délabrées dont la décoration principale se résume à quelques plaques de peinture écaillées et à des tas d’ordures épars.


Nous nous posons sur la margelle d’une fontaine dont le robinet ne se rappelle plus la couleur de l’eau. Au bout de quelques secondes, arrivent vers nous deux gamins maigrelets, pieds nus, en short et tee-shirt. Sous ces latitudes, un tel accoutrement ne présume en rien de la condition sociale de celui qui le porte. Le plus grand doit avoir dix ans et fait tourner autour de sa tête un étrange objet d’où s’échappe un peu de fumée. Curieux, je regarde arriver ce Thierry-la-Fronde des tropiques.


Il arrête la rotation de son laïc encensoir, le tend dans ma direction, accompagnant son geste d’une interrogation un peu gauche.


– Fromage chaud ?


J’observe l’ustensile, une boîte de conserve suspendue par un fil de fer. La boîte est percée de petits trous dans sa partie basse, un morceau de charbon y rougeoie, au-dessus sur une grille improvisée, grésille un morceau de fromage, genre mozzarella. Le mouvement de rotation sert à entretenir la combustion du charbon.


Tout en souriant de l’ingéniosité du dispositif, j’essaie d’expliquer que, par quarante degrés à l’ombre, vendre du fromage chaud ne me paraît pas un bon moyen de faire fortune. S’engage alors un sympathique dialogue de sourds, mélange de considérations diététiques et de négociations commerciales.


Tout en discutant avec le grand, j’observe le plus petit des gamins. Il a le regard perdu dans le vague et serre contre son ventre un sac en plastique transparent contenant une dizaine de morceaux de fromage. En attendant d’être cuits, les cubes de mozzarella baignent dans un fond de petit-lait peu engageant. Inutile de demander, je suis sûr que la chaîne du froid est garantie sans rupture.

Le gosse a une bouille adorable avec ses cheveux bouclés, ses yeux rêveurs. Une irrésistible envie de le prendre sur mes genoux et de lui essuyer la frimousse avec un mouchoir humide. Histoire de le débarrasser des bulles de morve éclatées séchées sur son petit nez. Curieux réflexe de père que je ne suis pas encore.

L’aîné a repris son offensive commerciale. Voyant que ses arguments ne portent pas, tandis que passe dans ses yeux un étrange reflet, mélange de gêne et d’espoir, il me fait une dernière proposition.


– Tu veux bien l’acheter pour nous alors ?


Les yeux du plus petit se sont soudain animés et me fixent.


Il me faut quelques secondes pour bien comprendre les implications de sa requête. Entre temps mon sourire s’est coincé et le soleil a pris une teinte grisée.


***


Après avoir investi à faim perdue dans un stock de « fromage chaud », nous retournons à la gare routière. Bref conciliabule autour du Guide du routard, et nous voilà partis pour un hameau typique de l’intérieur des terres.


À travers les vitres du bus, petit à petit, le paysage change. Nous traversons une verte succession de collines douces, réveillée de temps à autre par le feu d’artifice d’un bouquet de bambous. En fin d’après-midi, l’autobus nous dépose dans ce petit village du bout du monde. Au vrai sens du terme, le chauffeur manœuvre déjà sur la place pour faire demi-tour.


Autour de nous, simples et proprettes, une quinzaine de maisons basses. Les aplats multicolores des encadrements tranchent sur le blanc chaulé des murs et donnent à la rue un petit air d’arc-en-ciel. Les bâtisses sont délicatement posées sur une pelouse d’herbe grasse, perpétuellement tondue par de placides vaches à bosses. En arrière, un cirque de montagnes basses entoure le village, frise vert-de-gris soulignant un ciel d’un bleu très, très… bleu.


À voir les bovidés se balader au gré des courants d’herbe tendre, je prends conscience d’une chose importante.


– J’ai faim !


Face à moi, une antique plaque Coca-Cola en métal bosselé dépareille un mur. Difficile d’être à la fois si loin et aussi collé au monde moderne. La plaque est blanche, chaulée de frais comme toute la façade, de quoi donner des idées au service publicité de la marque. Elle n’en est pas moins l’enseigne d’un de ces délicieux établissements, mélange de bar, d’épicerie et de centre social.


J’entre.


Le comptoir en bois brut, patiné par l’usage et l’encaustique, brille doucement sous la lumière filtrant d’une fenêtre latérale. Le maître des lieux lève un bref regard vers moi. Des cheveux blancs coupés court, un visage en lame de couteau, la lèvre creusée en gouttière par l’abus de cigarette. Sa chemise, aux plis aussi impeccables que le rangement de son magasin, me fait penser à un militaire à la retraite. Son salut, d’un haussement sec de la tête, me le confirme.


Après m’avoir classé dans la catégorie touriste, il retourne servir une mamie dont la tête arrive tout juste au niveau du comptoir. Elle n’a pas fait attention à mon entrée et continue d’empiler des provisions dans son sac en osier. Des légumes notamment avec, trônant au sommet, une main de bananes-pommes.


Ce truc est un vrai délice, je sais déjà ce que je veux manger.


Pour patienter, j’écoute d’une oreille distraite le militaire épicier faire un rapide calcul et donner son compte à la grand-mère. Elle se retourne, m’avise et me fait un grand sourire édenté accompagné d’un chaleureux signe de tête. Surpris je me trouve un peu gauche, tentant de lui renvoyer le salut le plus jovial possible. J’ai un faible pour les mamies en général, elles me rappellent la mienne. Celle-là, j’ai carrément envie de la prendre dans mes bras pour lui faire un gros câlin. Décidément, je vais adopter la moitié de la population de ce pays. Elle paye, récupère ses affaires et passe devant moi, avec toujours un grand sourire sur les lèvres.


C’est mon tour, je me penche par-dessus le comptoir et, à la manière locale, désigne les bananes-pommes de l’index, suivi d’un pouce vers le haut. J’en veux une main. L’épicier me sert, je lui fais signe que je ne veux rien d’autre et il m’annonce mon compte… Exactement la même somme que la mamie a payée pour son panier de provisions.


En tant que touriste, je trouve normal d’être considéré comme un revenu d’appoint. Je demande juste que la personne qui me ponctionne le fasse avec un minimum de finesse, sinon, je le prends mal :


– Vous croyez que je ne sais pas compter ? La vieille est partie avec un sac plein de provisions pour le même prix !


La réaction de l’épicier est curieuse, au lieu du larron pris la main dans le sac, il a la tête du gars qui ne comprend pas de quoi je veux parler. Je vais pour lui expliquer plus précisément ma façon de penser, quand sa mâchoire se décroche enfin pour me répondre :


– Mais… tu peux payer, toi, non ?


Dans mon esprit de touriste furibard, une lumière clignote. Je m’immobilise une seconde, laissant à sa phrase le temps de pénétrer mon cerveau…


Et je réalise soudain, que de l’autre côté du comptoir se tient le sosie de Karl Marx. Pas un théoricien bavard et barbu, non, plutôt le genre socialiste de base, un vrai, un pratiquant et qu’il vient de me faire, grandeur nature, une démonstration de redistribution sociale. Démonstration qui n’a coûté, au riche voyageur que je suis, qu’une ou deux poussières d’euros, autant dire rien en comparaison de la leçon reçue.


Le plus discrètement possible, je range ma colère de touriste outragé et, tout penaud, je m’acquitte de la somme demandée. Ce n’est pas la première fois de ma vie que j’ai honte de ma grande gueule, ni sûrement la dernière. Pourtant, à chaque fois que je repense à cette histoire, j’ai les yeux qui piquent.


***


 
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   Asrya   
13/11/2014
 a aimé ce texte 
Beaucoup
J'ai pris une claque sur la fin. Cette leçon de morale inattendue, dont les prémices sont pourtant distillées au début du récit, sonnent comme une décharge vivifiante, électrisante de sincérité.

Je reprends à partir du début...
"ici il est d’usage de ne pas arrêter le véhicule pendant le transfert."
Très rassurant.
Le décor que vous annoncez dès les premières lignes nous entraîne dans une région "défavorisée" où les règles diffèrent étrangement du commun du narrateur (lecteurs potentiels). A partir de là, une certaine distance se crée et génère une empathie modérée de la situation.
Empathie qui progressivement s'intensifie avec les deux jeunes vendeurs de fromage (véridique ?). Jusqu'à atteindre son paroxysme à la fin ; je n'en dirai pas plus.

Quelques... broutilles que j'ai relevées au passage, à juste titre ou non, je me questionne simplement.
Après avoir acheté à "faim perdue" le stock de fromage, est-ce cohérent d'avoir faim deux paragraphes après ? La durée entre les deux actions n'est pas précisé, certes, mais des actions "semblables" rapprochées en si peu de lignes, peut-être n'est-ce pas le plus judicieux.

" En arrière, un cirque de montagnes basses entoure le village, frise vert-de-gris soulignant un ciel d’un bleu très, très… bleu."
Alors... je ne prétends pas être un expert en cirque de montagne, d'où mon interrogation, des cirques de montagne (sous-entendu glaciaires) à Babylon, est-ce observable ?

Des détails je le concède... il faut bien chercher la petite bête de temps à autre.
L'écriture est propre, sans fioriture, sans dérapage ; elle est ajustée comme il faut pour traiter un tel sujet.
L'exercice est difficile et je trouve qu'il est plutôt brillamment réussi.

Merci pour cette lecture,
Je retiendrai la fin, explosive, incisive,
Ce fut un plaisir.

   Anonyme   
30/11/2014
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Babylone, pour les rastas, symbolise le monde occidental.
On accroche à la fin du second chapitre, celui sur le fromage. Mais on finit par comprendre qu'il a été acheté et laissé aux enfants, dont le digestif est blindé, alors que la tuyauterie babylonienne, elle, est bien fragile.

Rien, donc, sur le fond. J'espère que la tentation paternaliste de l'auteur ne lui vaudra pas une avalanche de reproches. Elle est avouée et traitée par l'autodérision. (C'est sans doute ce qui a manqué à mon texte Le Cadeau, peu travaillé je l'avoue)

La forme : L'humour sans arête, sans calembour. Savoureux.
Les descriptions des lieux et des actions sont d'une extrême précision. Le récit est vécu par le lecteur sans difficulté. Le changement de pilote(s?) du début est une action prenante, bien menée, et permet d'entrer dans le film immédiatement.

Le mystère : je m'interroge sur l'âge de l'auteur. "Thierry-la-Fronde" et les "Frères Jacques" sont des références qui datent vraiment ! L'humour, lui, sort à peine de l'adolescence.

J'ai pris un réel plaisir à cette lecture. Si un bouquin sur les souvenirs de voyages de Pepito est publié, je prends une option :)

J'ai toujours autant de mal à cliquer sur "passionnément". Le webmestre ne pourrait-il remplacer ça par "vraiment beaucoup" ?

   Anonyme   
30/11/2014
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Bonjour Pépite - désolée, j'avais envie, n'y voyez rien de... rien du tout, juste mon envie qui colle à mon ressenti après avoir lu votre histoire.

Je ne sais pas où je suis, et c'est une très bonne idée. J'en ai juste une vague idée et c'est très bien ainsi.

La note suraiguë - après le passage de la carriole - j'ai eu du mal à la caler, j'ai dû relire trois fois pour bien visualiser, et savoir à qui vraiment était fait le bisou.
Le texte est loufoque, le narrateur aussi, alors on ne sait jamais.

Pas crédible le changement de conducteurs, mais si mais si je me suis dit après réflexion. J'ai quand même pensé que le troisième qui se pose au milieu des deux autres, c'était too much et du rajouté pour faire rire, pour me faire croire que le texte était destiné à ne me faire que rire.

L'encaisseur de tourner en rond, l'idée est bonne mais aurait pu être amenée beaucoup mieux, je sais pas comment, c'est à vous de bosser, moi je lis. Et je critique, c'est mon taf.

Dans une (co)cotière, vous auriez dû vous laissez aller et écrire : une ville cocotière, je trouve ça très marrant et surtout, très juste. Tant pis pour le néologisme, je les aime, moi, les néologismes.

- Tu veux bien l'acheter pour nous, alors ?
Je dois avouer que là, j'ai commencé à sourire comme les chinois.
Quoi ? Acheter qui... ou quoi ? J'ai relu et j'ai soupiré... Ca, andouille, pas...

La fin est bien, elle dit ce qu'elle a à dire et chacun dans ces moments là réagi comme il veut et dit ce qu'il a envie de dire. Moi je l'aurais bouclée - surtout après l'épisode du fromage - et j'aurais payé sans moufter. Mais bon, le narrateur a une grande gueule. Tant mieux ou tant pis pour lui.

J'aime beaucoup. Vous en faites parfois un chouia un peu trop mais à chaque fois, vous me faites entendre clairement ce que vous voulez me dire.
J'aime cette façon de faire, vous n'y touchez pas mais ça balance quand même.

Au très grand plaisir de vous suivre.

   Robot   
30/11/2014
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
De l'humour qui mêle allégrement la leçon morale et politique. J'ai adoré ce texte alerte sur lequel on ne s'ennuie pas.
Le voyage dans le bus, il me semble l'avoir vécu aussi, je ne sais pas s'il s'agissait du même pays.
Les situations sont bien décrites en quelques mots. Aucune lourdeur tout au long du récit.
La répétition de la situation (Achat du fromage et achat des fruits) appuie où ça fait mal. Quand la leçon "marxiste" n'est pas comprise une première fois, il faut une bonne révision. La ville coco - tière - (marx coco) c'est subliminal.
Un texte que j'ai relu immédiatement pour en gouter toute la saveur.

   Anonyme   
30/11/2014
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Bonjour

Beaucoup d'humour superficiel dans cette nouvelle qui sent
la réalité du vécu.
L'épisode des changements de chauffeur est tordant.
Celui des gamins est trop véridique pour être traiter avec le même humour, c'est pour cela que j'ai mis superficiel plus haut.
La fin rappelle très bien le piège à monnaie que représente
la manne touristique pour ces petits villages.

Belle écriture de l'ensemble qui par beaucoup de coté
me remémore quelques vacances.

   Myndie   
30/11/2014
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Bonjour Pepito,

Même si les fines mouches que nous sommes subodorent bien vite le genre de message qu'elles vont se prendre en pleine figure, la claque n'en est pas moins magistrale.
J'ai grande admiration pour ce talent que tu as, l'air de ne pas y toucher, pour dénoncer ce qui dérange dans des domaines souvent différents, d'éveiller les conscience, les mauvaises consciences devrais-je dire. Et aussi pour ta manière habile de faire lire entre les lignes (connotation Babylone symbole du "mal" par exemple)

C'est ça qui est bien : ton style n'est pas du genre « donneur de leçons », bien au contraire, il nous entraine dans le déjanté, dans la bouffonnerie la plus savoureuse, et c'est terriblement efficace !
Et puis, comme toujours avec toi, l'écriture est cinématographique. Je veux dire par là que tu « projettes » les péripéties de ton histoire comme autant de scènes filmées. On « est » spectateur embarqué dans ce bus de dingues, le nez collé à la vitre, à regarder défiler le paysage, et ainsi de suite...
La cerise sur le gâteau pour moi, c'est cette merveilleuse phrase jubilatoire  :
"Il s’en faut d’un cheveu, mais tout passe, rien ne casse, j’ai pas mouillé ma place."

Bravo vraiment, j'ai adoré.

   Anonyme   
30/11/2014
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Salut Pepito,

Habituellement je n’aime pas les voyages en troupeaux de touristes trop souvent voyeurs sans âme, pourtant je ressors de ma lecture comme d’un bain de tendresse. Grâce, indubitablement, à ta sensibilité extrême de narrateur fin observateur. Une sensibilité qui teinte de son pinceau toutes les facettes de cette nouvelle.

J’ai jubilé en lisant le titre : il roule en bouche et prépare aux tribulations à venir. J’ai jubilé aussi aux descriptions faites au cordeau, touche après touche, toutes avec la même méticuleuse précision : le bleu très, très bleu… la lassitude devant la beauté carte postale…

Beau travail d’une écriture simple et robuste : chaque travelling dépeint avec justesse et amène ma réflexion à se poser sur ces mondes qui respirent au même tempo sur la même planète, avec des préoccupations pourtant si différentes. C’est ce qui me plaît dans la lecture.

Quant aux boulettes du nanti – que le narrateur ne cherche jamais à justifier, et c’est tant mieux ! - elles sonnent juste. Du coup, cela gomme le pathos lourd qui aurait pu s’inviter sans élégance. Comme le narrateur, je me suis retrouvée bête comme chou devant la scène du fromage chaud et celle du coup de gueule dans la boutique.

A l’instar de ces clowns que j’affectionne tant, rien ne sert mieux le tragique que le brin d’humour dont il faut savoir accommoder la quantité toute en finesse. Tu as réussi l’exercice haut la main, le distillant à la bonne heure, bonne mesure.

Merci pour cet excellent moment de lecture, où j’ai découvert avec un franc plaisir un super Pepito dans un nouveau registre.

Cat

   in-flight   
30/11/2014
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Bonjour,

J'ai pensé à la Crête pour les murs blanchis à la chaux, puis à la Guadeloupe pour les bananes-pommes. Mais la toile de fond semble d'une très grande pauvreté et je pense plutôt à d'autres contrées. Au final cela importe peu vu « la morale » de l'histoire.

Justement, concernant la morale, elle est fort sympathique mais un peu « gros sabots » au final. On a plaisir à la lire une fois mais pas deux. Je l'aurais volontiers imaginée moins « tranchée », par exemple :

L'épicier militaire ne moufte pas face à la remarque du narrateur et un long jeu de regard s'en suit qui finit par déstabiliser le narrateur. Il replongerait alors dans tout ce qu'il a vu de misérable dans ce pays et finirait par se rendre compte lui-même de son égoïsme. En gros, il a une « révélation socialiste » qui modifiera sa façon de penser.

Mais j'ai bien peur que ce genre de gestes ne soit que ponctuel. Il m'est arrivé de faire preuve d'équité dans certains pays pauvres et ça n'a pas révolutionné mon mode de pensée malgré tout. J'en ai gardé le sentiment du devoir accompli, une conscience plus légère mais de retour à la maison, que restait-il de tout cela ?

Je ne vais pas boudé mon plaisir pour autant et vous remercie pour ce moment qui met en scène le folklore touristique contemporain.

« Loin de se paniquer » → J'ai tiqué sur l'utilisation du verbe pronominal : je me panique ? Tu te paniques ?

« Inutile de demander, je suis sûr que la chaîne du froid est garantie sans rupture. » → Cette incursion ironique brise un peu l'élan tragique de la scène. Je ne la trouve pas nécessaire.

   caillouq   
30/11/2014
 a aimé ce texte 
Un peu ↑
Tiens, un pépito gentil. Ca se laisse très (très) bien lire, mais les saillies du genre "Ca passe, j'ai pas mouillé ma place " (aime beaucoup) y sont plus rares que dans d'autres textes. Dommage, ça réacidifierait bien l'ensemble. Peut-être que ce qui me manque (en plus du vinaigre), c'est une localisation précise du texte, pour enlever le côté généralisation d'une sitation particulière, avec toutes les risques de dérive que ça comporte (pas forcément méchantes, les dérives. Je suis peut-être juste excessivement sensible du côté de la bien-pensance). Mais ça se laisse très (très) bien lire.


PS : il reste une 'tite fote : "éteint l'alarme" ---> "éteins l'alarme" (et je n'ai pas compris le coup du machisme juste après).

   Alice   
1/12/2014
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Très heureuse de retrouver officiellement ce texte que j'avais déjà eu l'honneur de lire en partie. Je trouve intéressante la façon dont vous l'avez réorienté. J'y trouve également votre style plus doux, humoristique sans pourtant sombrer dans le cynisme; la fin aide d'ailleurs beaucoup à éviter cet écueil.
Je n'ai pas envie de revenir sur les détails stylistiques, contrairement à ce qui se produit quand je lis la majorité des textes. Je pourrais certainement citer à nouveau l'alarme éteinte d'un bisou ou la lèvre creusée en gouttière, mais ce qui ressortait de ma lecture n'était pas tant, selon vos propres expressions, une impression de forme qu'une impression de fond.

J'ai été bercée tout en assimilant la leçon. C'est selon moi le point fort ultime de ce texte: faire réfléchir sans condescendance, de par la position humble et presque tendre par moments du personnage principal. Au-delà de la leçon qu'il a la sagesse de savoir avoir reçue, le personnage vit le moment au magasin comme une humiliation. Parfois, même quand on est conscient d'avoir appris quelque chose, on espère toujours l'avoir appris d'une autre façon. Le lecteur, à la fin de ce texte, incarne un peu le parent magnanime qui voit son enfant grandir, conscient d'à quel point ses regrets sont nécessaires.

Merci pour un instant de tendresse bien étoffé. Je suis contente que vous n'ayez pas abandonné ce projet,

Alice

   Francis   
1/12/2014
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
J'ai lu ce texte comme on lit une bande dessinée. Chaque phrase, chaque situation correspondait à une image qui apparaissait avec les mots. Dans ce voyage, il y a de l'émotion (les deux gamins avec leur encensoir à fromages) , de l'humour ( les chauffeurs du bus ) et une belle réflexion sur le "commerce équitable". J'ai souri en vous accompagnant et je n'ai pas vu le temps passer.
Merci !

   chVlu   
3/12/2014
hum hum ! Pepito !!!

Je ne sais plus exactement où, mais je sais que c'est lors d'un atelier mêlant de délicats buveurs de vins raffinés et de féroces brutes de la poésie, que j'ai eu l'occasion d'approcher ce texte, alors adolescent.

Des histoires parallèles m'avaient fait passer dans une 4éme dimension confuse, ici je trouve que le texte a gagné en force, que le fond est mieux servi...

Dans la forme j'ai aimé les petites pirouettes, caca où êtes vous ?!

vraiment dans la construction la nouvelle me semble plus percutante et en plus les trous me laissent augurer le plaisir d'au moins une autre nouvelle sur une histoire toute aussi colorée.

bon le "chicailleur", et tu ne peux nier être une référence en la matière ;), que je suis aussi, a trouvé quelques colliers de mots ou les perles ne s'enfilent pas tout à fait :

Les voilà tous trois debout de côté, collés serrés entre

j’ai pas mouillé ma place

que de l’autre côté du comptoir se tient le sosie de Karl Marx

D'autres m'ont amusé et touché à la foi(s) ;)

Curieux réflexe de père que je ne suis pas encore.

Le plus discrètement possible, je range ma colère de touriste outragé

une scène qui me semble bien rendu, dans laquelle en tout cas je me suis retrouvé plongé :

l’ainé a repris son offensive commerciale. Voyant que ses arguments ne portent pas, tandis que passe dans ses yeux un étrange reflet, mélange de gêne et d’espoir, il me fait une dernière proposition.

- Tu veux bien l’acheter pour nous alors ?

Les yeux du plus petit se sont soudain animés et me fixent.

Globalement je me suis régalé à lire cette version alors que je savais où allait l'intrigue. Si ça c'est pas un indice de bon ????

   Edgard   
3/12/2014
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Bonsoir Pepito,
Au début de votre récit, je me suis fait un peu de souci…parce que comme c’était parti, ça faisait un peu récit de beauf …manquait plus que les « diapo , retour de là-bas, vachement exotique ». C’est ça qui peut énerver, au début, l’exotisme, et pour ça, vous avez fort bien réussi.
Mais pour une fois j’avais lu l’incipit et j’étais relativement tranquille, j’avançais sans trop d’inquiétude. Je savais que ça se terminerait mieux que ça avait commencé. (Je parle « ça se terminerait pour le narrateur », bien sûr…dans sa tête…)
Le narrateur passe donc relativement bien à travers les divers pièges qui se suivent. Ouf ! Il a évité le « t’as vu comment y vivent » pour au moins avoir quelques bribes de conscience, et quitter peu à peu cette condescendance, à la fin de l’épisode , même s’il conserve cet humour un peu détaché, qui pourrait hérisser certains…il convient d’avoir pris une leçon, mais on n’arrive pas à en être certain…et à quel niveau ?
C’est un vrai personnage, cependant, avec sa part d’humanité, vivant, bien-pensant mais pas tout à fait con… comme tout le monde quoi ! L’humour parfois un peu forcé ne masque pas le second degré du discours, et ça, ce n’est pas facile. Vous vous en tirez très bien, compte tenu du parti pris. Ça manque peut-être un peu d’empathie… ce qui aurait mis plus de force dans les réactions du narrateur voyageur. Il a envie de prendre tout le monde dans ses bras…finalement il reste lui-même, il n’approfondit pas grand-chose.
Je ne me sens aucun point commun avec votre personnage, mais j’ai bien aimé votre travail. Agréable à lire, vif, simple…marrant aussi…
Votre titre est très bien vu !

   Coline-Dé   
3/12/2014
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Bonjour Pepito
Bien sûr, je me joins au concert , a cappella et à l'unisson : j'ai énormément aimé ce texte. Et tout particulièrement son côté "impur" : le mélange d'ironie, de tendresse, de rigolade, de léger malaise, les différents niveaux de langue que tu utilises avec une belle liberté ; ça donne quelque chose de très vivant, c'est léger et grave, bref, tout ce que j'aime ! Ton personnage n'a rien de figé, il n'est pas une image, mais un vrai humain, qui se prend en flagrant délit et le dit, avec un peu de honte, un peu seulement car, ben, il est humain !
Il n'est pas si courant de voir un personnage campé de cette façon, et quand j'en trouve un... ça me réjouit !
Merci aussi pour le jeu de mots (ok, ça descend le niveau, mais m'a fait marrer, moi aussi je suis humaine !) : la ville (co)côtière !
Je me souvenais ( vaguement, hélas!) d'une première mouture, et celle-ci me parait bien meilleure.

   Acratopege   
14/12/2014
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Du Pepito craché, ce fragment d'un blog de voyage en Exotisme. Il ne manque que les photos: cartes postales léchées ou reportage sordide, à choix. Bref, le contraste entre le ton sérieux du propos et la cocasserie du récit, entre le Nord et le Sud, entre les pauvres et les riches, tout cela nous fait un beau panier de victuailles pour pas cher. Merci Pepito.

   Annick   
12/9/2016
 a aimé ce texte 
Beaucoup
La panique : sentiment de peur qui affecte le plus souvent un groupe , une foule. Je dirais plutôt : "loin de s'affoler, le chauffeur...."

J'ai aimé les descriptions utiles qui donnent à voir, à s'imaginer, à ressentir, souvent délicates, par petites touches réalistes ou impressionnistes.

Le narrateur a un ton badin. (Serait-ce la personnalité de l'auteur qui déteint sur lui ? :-)) Ce ton n'a d'utilité que parce qu'à la fin, il forme contraste avec la cascade de sentiments contradictoires qui se déclinent en peu de temps : ("sinon je le prends mal", "furibard", "je range ma colère", "tout penaud", "j'ai honte", "j'ai les yeux qui me piquent") On a, dans ce texte, une palette de sentiments assez impressionnante. Sans parler de l'incident de bus qui a failli tourner mal et même si le personnage dit : "j’ai pas mouillé ma place." Le héros à la fois goguenard ou furibard prend de la distance vis à vis de la situation et devient tendre, à la fin du récit. Un personnage intéressant, riche de cette humanité qui explose en un bouquet final et qui ne manque pas de toucher sa cible : le cœur du lecteur.

J'apprécie moins des termes comme "carrément", un peu usés, car trop utilisés par les gens de notre époque. A mon avis, un mot familier ne doit être employé que s'il apporte une teinte particulière au texte. Comme par exemple : quasiment "collés" au pare-brise, l'encaisseur "rapplique".

Merci Pépito pour ce beau texte tout en sensibilité malgré l'apparente carapace du narrateur.
Un ensemble écrit avec finesse où le lecteur est agréablement dépaysé.

   Pimpette   
12/9/2016
 a aimé ce texte 
Passionnément ↑
Comme c'est bien vu bien senti, bien écrit...
Je vois tout, le pays, les gens, la chaleur, la pauvreté incroyable...et cependant tu n'insistes pas...fameux...

le passage des deux enfants et du fromage en bouillie chaude et collante, m'a remuée...et quand ça remue, moi, quelque soit le sujet, la poésie n'est pas loin....

Les autres ont dit bcp de choses.
Normal. cette nouvelle est excellente

   Anonyme   
30/3/2022
 a aimé ce texte 
Un peu
Salut Pepito,

Bizarre cette façon de changer de chauffeur de bus en pleine course, c'est toi qui invente là, non ? Et le petit vendeur de fromage grillé qui fait tournoyer sa petite cuisinière faite dans une grosse boîte de conserve pour attiser les braises avec son copain qui garde les morceaux de fromage dans un sac en plastique, baignés dans un petit lait douteux, c'est étrange... Par contre que le touriste étranger paie le prix fort pour quelques bananes, c'est normal. Tu aurais du continuer, sans pour autant parler de ta "grande gueule". J'ai mis le temps à lire ton texte, ça m'a plu, sans plus. Tu devrais écrire davantage et développer ce que tu as aimé dans cet endroit en nous dévoilant de quel pays tropicale il s'agit. Le guide du routard, se lasser du littoral, des cocotiers, découvrir un village isolé avec une plaque de Coca Cola, c'est un peu léger, tu ne crois pas? Certains profs après la lecture de ta rédaction auraient pu écrire en rouge dans la marge: peut faire mieux, trop vague.

ericboxfrog


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