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Humour/Détente
Philo : Le chacal Yahia et les trois figuiers
 Publié le 09/11/19  -  10 commentaires  -  7083 caractères  -  86 lectures    Autres textes du même auteur

Trois figuiers parlent de leur propriétaire. Leur conversation ne sera pas perdue, et le chacal Yahia va vouloir tirer parti de leur mécontentement.


Le chacal Yahia et les trois figuiers


Trois figuiers énormes, dans le coin d’un champ isolé, discutaient vivement.


– C’est quand même une honte, disait le premier, regardez comme je suis chargé de fruits magnifiques. Ils vont être bons à cueillir, il y en a des paniers et des paniers ! Et qui va en profiter ? Des oiseaux, des insectes, et le pire de tous les prédateurs : notre propriétaire. Il va venir se servir, et je ne garderai rien, alors que j’ai travaillé toute la saison, que je les porte sur mes branches qui tombent vers le sol. Je ne tirerai rien de tout mon travail de l’année !

– Tu as bien raison, reprenait le deuxième. Mes fruits sont un peu plus verts que les tiens, mais je subirai le même sort : je vais être spolié ! Je veux bien reconnaître que le propriétaire a un peu de mérite, il nous donne de la chaux, retaille un peu nos branches, mais cela ne mérite pas de tout s’accaparer !

– Vous parlez trop, s’agaçait le troisième. Vous souvenez-vous quand le grand-père de notre propriétaire nous a plantés, alors que nous étions tout petits ? Il a veillé à ce que nous ne manquions pas d’eau, son fils a même creusé une tranchée pour cela ; tu as eu raison de parler des traitements : de la chaux sur nos troncs, il mastique nos plaies, enlève notre bois mort. Il prend soin de nous. Et puis, que feriez-vous donc de toutes vos figues !

– Oh ! Oh ! s’exclamaient les deux premiers, tu ne réfléchis pas ! Restons-en là, nous allons nous fâcher !


Le chacal Yahia, rusé compère, n’avait rien perdu de cette conversation. Il choisit de revenir dans l’après-midi. S’approchant des arbres, il s’adressa au premier :


– Bonsoir, arbre splendide ! Je ne peux m’empêcher de m’arrêter pour te complimenter. Ta charge de fruits est magnifique ! Tu peux en être fier ! Quel bonheur ce doit être pour toi !

– Tu parles bien, Yahia ! Ces fruits que tu admires me mettent en colère ! On va peut-être me les prendre demain, et il ne me restera rien. Si tu veux, goûte, ce sera autant de moins que me volera mon propriétaire !


Yahia se rapproche, goûte une ou deux figues.


– Elles sont encore meilleures que je ne pensais. Mais pourquoi n’en profiterais-tu pas ? Si tu veux, je les ramasse et je les mets à l’abri. Qu’en penses-tu ?


L’arbre hésite, ses branches se plissent en point d’interrogation, puis il répond :


– Tu as raison, sers-toi et cache-les, j’en connais un qui sera vexé demain !


Yahia ne se le laissa pas dire deux fois. Il avait apporté des paniers, et ne tarda pas à les remplir, ses enfants sortirent des bosquets pour l’aider. Le figuier baissait même ses plus belles branches pour l’aider. Au soir, l’arbre était nu. Yahia partit en le remerciant mille fois.


Le lendemain matin, le rusé chacal se rendit au souk et vendit toute sa récolte un bon prix. Avec ce bénéfice inespéré, il s’acheta une belle ceinture de cuir, avec des poches pour y placer son argent.


Dans le même temps, le propriétaire suivi de ses ânes portant larges paniers découvrait le désastre. Adieu récolte ! Le premier arbre était vide ! Il insulta le figuier, le frappa à coups de bâton, et dans l’aveuglement de sa colère promit de le couper à la première occasion. Il repartit en pestant et en maudissant les djinns et tous les mauvais esprits.


Yahia revint l’après-midi. Le premier arbre lui demanda des nouvelles.


– Ah, un malheur inexplicable, une malchance incompréhensible ! C’était la volonté d’Allah ! J’avais déposé toutes les figues sur des étagères, dans un lieu sûr : les étagères ont cédé et tout est tombé par terre. Les fourmis se sont jetées dessus, ainsi que les souris et les rats ! C’est un grand malheur, mais tout est perdu !


Laissant pleurer le figuier sur son sort, il s’approcha du deuxième.


– Que ta récolte est belle ! J’adorerais y goûter !

– Toi, tu me demandes l’autorisation ! Tu n’es pas comme notre propriétaire, qui prend tout ce qu’il veut et ne nous laisse rien !

– Comment, il ne te laisse pas une part ?


Le visage allongé et les yeux grands ouverts, on l'aurait vraiment cru surpris.


– Rien du tout ! Pourtant, je me contenterais de la moitié de ma charge de fruits, car je reconnais que ce fermier prend un peu soin de nous.

– Veux-tu que je t’aide. J’ai ma journée à mettre à ton service. Je peux ramasser les fruits et mettre ta part à l’abri.

– Eh bien, fais-le ! Ce balourd de propriétaire saura qu’on ne me vole pas indéfiniment !


Les enfants de Yahia sortirent à nouveau du bois, portant moult paniers, et suivant les ordres de leur père, se saisirent de la moitié de la récolte.


Le lendemain, au lever du soleil, Yahia était au marché. Il vendit tout, en tira un prix intéressant, et s’acheta un beau tarbouche rouge.


Au même instant, le propriétaire du verger découvrait avec stupéfaction qu’on l’avait à nouveau précédé. Il maugréa, maudit tous les djinns et tous les démons de l’enfer, et récolta ce qui restait. Il frappa le figuier à coups de bâton, et dans sa rage promit de l’arracher, pour ne plus faire la fortune des voleurs.


L’après-midi était avancée, quand le chacal et ses enfants revinrent sur les lieux.

Le deuxième arbre lui demanda ce qu’il avait fait des fruits.


– Ah, la malchance ! J’avais tout caché au frais dans une petite grotte, près de l’oued. Quand tout à coup il a plu et l’oued s’est mis à déborder. La grotte a été noyée et tout a été perdu ainsi ! C’était la volonté d’Allah, le Saint et le Miséricordieux, et nous n’y pouvons rien !


L’arbre se mit à pleurer, Yahia préféra ne pas rester plus longtemps avec lui. Il s’adressa au troisième :


– Tous les figuiers sont des arbres vénérables ! Et tu tiens bien ta place parmi eux ! J’admire ta récolte ! Est-ce ton propriétaire qui va tout prendre, ou y en aura-t-il pour les oiseaux et les insectes ?

– Il y en aura pour les oiseaux et les insectes, ainsi que pour tous les types de parasites !

– Si tu veux, je peux t’aider à mettre à l’abri la totalité, ou seulement une partie si tu préfères. Qu’en dis-tu ?

– Je dis que celles qui sont tout en haut, plus près du soleil, sont les meilleures et les plus juteuses. Veux-tu y aller ?


Yahia fit signe que oui, le figuier abaissa ses branches pour l’aider à monter à son sommet. Le rusé chacal commença à se gaver. Une fois le ventre plein, il voulut redescendre, mais il ne le pouvait. Les branches ne s’abaissaient plus. Yahia était prisonnier en haut de l’arbre. Il crut à une plaisanterie, mais l’arbre ne bougeait plus, il essaya de l’amadouer par des promesses, puis de l’impressionner par des menaces. Rien n'y fit. Yahia était bien placé pour voir arriver le paysan avec ses paniers et ses ânes.


En apercevant Yahia, il s’exclama comme jamais. Il avait enfin trouvé son voleur, et levait frénétiquement son bâton. Yahia se jeta dans le vide, arrivant à freiner un peu sa chute, mais il prit quelques coups de gourdin. Il perdit son tarbouche neuf et sa ceinture pleine de monnaie d’argent.


Le propriétaire promit à ses arbres de les soigner comme avant, sa colère était tombée. Il partit vendre au souk la récolte du troisième figuier.


 
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   maria   
21/10/2019
 a aimé ce texte 
Bien
Bonjour,

Une nouvelle très agréable à lire. Je me suis amusée en écoutant "les personnages".
Sa légèreté apparente donne matière à de profondes réflexions.
Une belle histoire à raconter aux petits comme aux grands.

Merci pour le partage et à bientôt.

   ANIMAL   
21/10/2019
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Un conte paysan tout ce qu'il y a de classique, très agréable à lire.

Le rusé renard abuse de la naïveté et de la bêtise des deux premiers compères figuiers mais, devenu trop sûr de lui, tombe sur un os. Sa troisième victime renverse la situation et l'expose à la rude bastonnade du propriétaire floué. Notre renard perd tout ce qu'il avait obtenu par tricherie. La morale est sauve.

L'écriture est simple et claire, l'histoire facile à comprendre même pour un public jeune.

Voilà un moment de lecture plein de fraîcheur qui me rappelle les contes d'antan et je lirai volontiers une autre mésaventure de maître renard.

en EL

   poldutor   
22/10/2019
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Bonjour,

Encore une belle petite nouvelle à la manière des contes de mille et une nuits.Les rusé chacal à trouvé plus rusé que lui...
Cette courte nouvelle très bien écrite se lit avec plaisir, même si on s'attend à une chute au détriment de Yahia, même si on essaie de l'imaginer, on est agréablement surpris par la trouvaille finale.
Bravo à l'auteur(e).
Cordialement.
poldutor en E.L

   cherbiacuespe   
22/10/2019
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Eh, Eh! La sagesse paie toujours et le travail passionné aussi.

Conte berbère? En tout cas, c'est excellent. On pourrait être chagriné, quand même, de voir les figuiers communiquer au début et ne plus le faire quand l'ami Yahia vient chaparder leurs fruits avec des boniments. Que le premier se soit fait rouler dans la farine, soit, mais la suite... Mais tel est le charme des contes, on peut y bousculer la logique en toute quiétude, pourvu qu'on arrive à bon port.

C'est bien construit, bien raconté, bien écrit. C'est bref et on y croit. Aller, un petit regret quand même : il manque un je ne sais quoi pour rire un bon coup. Pas de morale, à chacun d'en tirer ce qu'il veut, on peut apprécier cette liberté.

Au final, c'est une bien jolie petite histoire.

   Corto   
23/10/2019
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Voici une belle histoire sans complication.

On la verrait bien racontée un soir à la veillée, devant les yeux grands ouverts des enfants en vacances, autorisés à rester un peu avec les adultes.

Pas de mots difficiles, des situations simples, je crois même que c'est une histoire dont on peut facilement se souvenir car la structure en est simple.

Le thème est un peu piquant, avec un peu de tension, gentiment.

Merci pour ce moment.

   Tiramisu   
26/10/2019
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Bonjour,

Tel est pris qui croyait prendre !

Jolie écriture adaptée à ce conte.

Les deux premiers figuiers peuvent parfaitement représenter certains humains, jamais contents ou à moitié contents. Ils se laissent avoir par celui qui va dans leur sens, qui les plaint et les flatte, et leur apporte une solution bien étonnante, leur garder les fruits, et leur rapporter et qu'en feront-ils ? La haine vis à vis de leur propriétaire les aveugle et les rend bien sots.

Le troisième est sage et avisé. Et à l'arrivée, il permet au propriétaire de récupérer son argent, en retour, le propriétaire les traitera encore mieux qu'avant.

Morale interessante par les temps qui courent je trouve ... reprocher aux autres, voir le verre à moitié vide, au point de n'avoir aucun discernement ou au contraire voir clair, et agir juste.

Merci pour cette lecture.

   ours   
9/11/2019
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Bonjour Philo

Ce que j'aime dans vos propositions sur Oniris, c'est l'absence de manichéisme, et dans le cadre d'écriture de fables, cela doit être un jeu d'équilibriste. Vos personnages sont marqués sans être caricaturaux, le style est clair, l'écriture plus qu'agréable. La morale est bien présente, mais peut être pas celle qu'on attend : un simple rappel au discernement et à notre condition humaine, pour ne pas dire la comédie humaine. Très habile.

Au plaisir de vous lire.

   David   
16/11/2019
 a aimé ce texte 
Bien
Bonjour Philo,

La naïveté de ce conte est bien dosée, elle pourrait convenir à de tous jeunes enfants sans doute. j'ai pensé à celui des "trois petits cochons" pour le même crescendo des personnages : le premier arbre donne toute sa récolte, comme le premier cochon avait une maison très fragile ; le second arbre ne livre que la moitié de ses fruits, comme le cochon à la maison un peu plus solide mais pas suffisamment ; le dernier donne enfin le modèle convenable permettant de surmonter l'adversité mise en scène par le conte. La "morale" est plutôt une transmission sur la façon de se mettre en œuvre, très largement, pour un travail, un devoir scolaire, une corvée domestique ou autres, et le personnage important est peut-être le second figuier, comme le second cochon, celui qui cherche à lésiner sur les efforts à fournir, ou ici dans ce conte, la prudence à adopter. Il y a en plus dans ce texte un contexte charmeur différent de Walt Disney.

Il y a une redite malheureuse au début : " le propriétaire a un peu de mérite, il nous donne de la chaux, retaille un peu nos branches, mais cela ne mérite pas de tout s’accaparer !"

Il se lit que "Il a un mérite mais ne mérite pas... " ce qui n'est pas au niveau du reste du texte.

Le verbe "spolier" dans la même réplique est peut-être une nuance trop complexe de "dérober", dans le contexte d'une lecture pour enfant.

Il y a aussi que n'étant malheureusement plus un enfant, cette histoire ne me sera pas inoubliable, mais ce n'était pas inintéressant.

PS : le verbe "spolier" a quand même du sens dans le contexte de ces figuiers qui se plaignent de leur "patron", et il n'y aurait pas vraiment un problème de registre de langue, d'autant plus que c'est mon point de vue d'imaginer que le récit pourrait être destiné aux enfants. Je peux imaginer plus simplement que c'est juste une histoire "sans plan marketing", sans visée particulière sur un public de lecture. Dans ce cas, je n'ai pas eu une suffisante "rupture d'incrédulité", ce sentiment qui fait accepter une lecture irrationnelle, même si ce n'est pas de faire parler les figuiers ou le chacal qui posent problème, c'est plus global que cela.

   Anonyme   
19/11/2019
 a aimé ce texte 
Beaucoup
J'ai pris plaisir à la lecture
Le style me convient tout à fait; pas trop de retournement, de vocabulaire présidentiel; bref pil poil pour moi

J'aurais vu le renard introduit dès le début de l'histoire: "Le renard observait trois figuiers..." m'évitant la surprise de son arrivée.

J'aime beaucoup

   Donaldo75   
4/12/2019
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Bonjour Philo,

J'ai lu ce conte d'une traite. Il n'y a rien à dire, tu as l'âme et le style d'un conteur et - beaucoup l'oublient trop sur ce site et d'autres sites d'ailleurs - écrire c'est souvent raconter une histoire au lecteur afin qu'il reste intéressé par l'effort demandé à ses neurones au lieu d'aller se prélasser à des activités plus relaxantes. Une fois cet intérêt suscité et travaillé, l'auteur peut faire passer des messages ou peaufiner l'esthétique car il a le lecteur dans sa main. C'est ce que tu réussis à merveille dans cette nouvelle racontée comme une fable orientale.

Bravo !

Donaldo


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