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Sentimental/Romanesque
Tiramisu : Lignée
 Publié le 06/11/19  -  12 commentaires  -  18099 caractères  -  73 lectures    Autres textes du même auteur

Lien intergénérationnel.


Lignée


Victoire appuie sur l’accélérateur et double rapidement la C4 blanche qui vient de lui faire une queue de poisson. En passant, elle fait un doigt d’honneur au conducteur.


– Connard !


La colère la tient depuis hier soir. Pourquoi s’est-elle fait piéger ainsi, aussi ? Elle la connaît sa mère, oh oui, elle la connaît. Elle revoit la femme plus blanche que ses draps d’hôpital, le visage amaigri, les yeux cernés, la suppliant. Comment refuser ? Le médecin a annoncé que le traitement de chimiothérapie a échoué sur ce cancer du sein très invasif. Un nouveau protocole, lancé depuis la veille, a paraît-il donné de bons résultats dans des cas similaires. Victoire se remémore l’échange avec sa mère pour déterminer comment elle aurait pu éviter de répondre favorablement à sa demande.


+++


Sa mère égrène des mots économes, ils se perdent dans son souffle.


– Le père Simon sort d’ici, nous avons longuement parlé, il m’a convaincue…


Victoire a cessé de s’agacer de la ferveur catholique de sa mère et surtout de sa dépendance au père Simon dont les paroles sont plus puissantes que les évangiles.


– Il t’a convaincue de quoi, exactement ?

– Je dois pardonner à ma mère pour partir en paix.


Victoire retient un soupir. Toute son enfance a été jalonnée par les aigreurs récurrentes de sa mère envers sa propre mère. Celle-ci a abandonné son mari et sa fille de trois ans du jour au lendemain, sans aucune explication. Heureusement, son père s’est remarié très vite avec une femme tendre et rieuse qui a considéré cette enfant comme sa propre fille, sans faire de différence avec ses propres enfants. Et pour Victoire, sa grand-mère c’est cette mamie gâteau, ravie de faire plaisir à ses petits enfants en les couvrant de cadeaux et leur servant de bons repas. Et non pas cette grand-mère biologique dont la trace ne se perçoit que dans la souffrance et l’amertume de sa mère.


– Partir en paix ? Partir ? Tu n’en es pas encore là ! Le médecin a vraiment confiance dans ce nouveau protocole. C’est vrai que cette haine te ronge, pardonner devrait te faire gagner en sérénité. Le père Simon a raison…


Victoire ravale le « pour une fois ».


– J’ai une demande à te faire.

– Laquelle ?


De nombreux signaux d’alarme résonnent dans la tête de Victoire. Les demandes de sa mère sont contraignantes et souvent intrusives. La dernière en date, elle voudrait que Victoire se marie au plus vite et lui fasse des petits-enfants, urgence qui s’est intensifiée avec l’annonce de sa maladie. Et elle lui serine sur tous les tons que l’horloge biologique sonne, sonne, sonne ! Être fille unique d’une femme étouffante est épuisant. Enfant, sa mère l’a toujours surprotégée, et ensuite, elle ne l’a pas vue franchir la porte du monde des adultes, et a continué à vouloir diriger sa vie. Sa mère regrette tellement de n’avoir eu qu’un enfant. Victoire en a gagné son prénom mais peu de respiration. Fonder une famille ? Pour cela, il faudrait rencontrer l’homme idoine car elle ne se voit pas élever un enfant, seule. Elle ne se voit pas élever un enfant, tout court, d’ailleurs. Victoire fréquente beaucoup, couche pas mal, aime assez peu. À trente-cinq ans, le célibat lui va bien et si un jour le désir d’enfant la titille, elle reconsidérera tout ça, les progrès dans ce domaine pourront l’assister si besoin. Victoire a réussi à louvoyer face à la demande maternelle, mais là, sa mère ne veut-elle pas profiter de son état pour l’acculer, lui demander de lui faire des petits-enfants avant de mourir. Si elle lui répond non, Victoire ressentira cette culpabilité parasite, ressenti familier avec sa mère. Tendue, elle lui demande de s’expliquer.


– Je dois renouer avec ma mère pour lui pardonner.


Victoire respire mieux, le danger s’éloigne.


– Oui, enfin, elle est morte depuis quelques années, je te rappelle…


Victoire se souvient de la lettre du notaire annonçant le décès de sa grand-mère. Sa mère apprenait qu’elle était l’unique héritière d’une petite somme d’argent et d’une maison en Provence. Elle a tout géré par téléphone et par écrit comme un simple problème administratif, il était hors de question qu’elle se déplace.

Ses directives étaient aussi expéditives que simples : l’argent devait aller à une œuvre caritative pour enfants maltraités et pour la maison, il s’agissait de trouver une personne de confiance qui pourrait s’en occuper contre une petite pension mensuelle. Elle verrait plus tard pour la mettre en vente, là, il s’agissait de digérer la nouvelle, une fois de plus, sa mère partait sans un adieu. Sans doute, gardait-elle le secret espoir que sa mère reviendrait un jour la prendre dans ses bras, lui demander pardon. De son côté, elle disait pourtant avoir tiré un trait sur cette marâtre, jamais, elle n’avait fait de recherche. Fierté, orgueil, amertume, tristesse, haine, toutes ces émotions se mélangeaient.


– Il reste des traces d’elle, sa maison, dont Odile Delmas s’occupe, est restée en l’état depuis sa mort. Je voudrais que tu y ailles au plus vite et me rapportes des objets, des photos, bref tout ce qui pourrait l’évoquer.

– Mais maman, je travaille, je ne peux pas… Et pourquoi tu ne demandes pas à papa, il a du temps lui, pourquoi moi ?


Le piège est là. Victoire se défend mollement car au fond cette demande ne l’implique pas personnellement si ce n’est lui prendre un jour ou deux.


– Ton père ne voudra pas me laisser ne serait-ce que quelques heures. Et puis, je suis sûre que tu seras plus dégourdie que lui pour trouver les souvenirs évocateurs.


+++


Victoire soupire. « Et me voilà partie, j’ai accepté la mission. » Son boss, compréhensif, lui a laissé poser quelques jours pour problème familial. Le seul intérêt de tout ça, elle part, elle est sur la route. Elle apprécie la liberté que lui confère la conduite automobile. Elle aime bouger, avoir des missions à l’étranger, prendre l’avion, aller d’hôtel en hôtel, être en partance, toujours. Et puis, la Provence, il y a pire comme endroit en plein mois de juin, si proche de la Méditerranée, elle se voit déjà savourer une eau à température idéale. Son intention est d’agir au plus vite, en deux heures maximum, elle récupèrerait les quelques objets évoquant sa grand-mère, et salut la compagnie ! Elle déteste les maisons de vieux enracinées dans le temps, avec leurs meubles sombres, leur odeur de rance, tout y est triste et racorni.


La jeune femme arrive à destination, la route est bordée de platanes serrés. Derrière la frondaison des arbres, elle repère la vieille ville en hauteur, couronnée par son château. Odile Delmas lui a dit d’aller se garer sur la place de la mairie, de l’appeler, elle viendrait la chercher. Quelques minutes plus tard, Victoire pianote sur son téléphone portable.


– Allô, bonjour, je suis Victoire, la petite fille de Suzanne, me voilà arrivée.

– Bonjour Victoire ! À tout de suite.


La voix chantante sent bon le soleil du midi et la stridulation des cigales. Adossée à sa voiture, Victoire fixe la ruelle en pente et aperçoit une dame corpulente aux cheveux gris qui vient vers elle d’un pas alerte, un large sourire aux lèvres.


– Je suis contente de faire votre connaissance. Venez, je vais déjà vous offrir une boisson rafraîchissante, il a fait chaud aujourd’hui, hé !


Victoire pressent une femme bavarde, et se prépare à limiter ses propos à l’essentiel. Elle n’a pas l’intention de s’éterniser.


– Je vous remercie mais ce n’est pas la peine, j’ai encore un hôtel à trouver, je souhaiterais voir la maison, et m’organiser pour répondre au mieux au souhait de ma mère.


Odile semble déçue mais acquiesce lentement.


– Comme vous voulez. En tout cas, le lit est prêt dans la maison de votre grand-mère, si vous changez d’avis... On peut y aller, j’ai pris la clef.


La montée est raide, elles échangent des banalités sur les difficultés de circulation pour descendre dans le sud tout en marchant sur les pierres inégales. Les ruelles s’enroulent en spirale jusqu’au pied du château et sont bordées de maisons anciennes et étroites, après une voûte, elles s’arrêtent enfin devant une porte en bois. Odile choisit une grande clef dans son trousseau et ouvre le battant. Elles rentrent dans une entrée minuscule. À gauche, il y a un escalier, et en face une pièce qui se termine sur une fenêtre et une porte-fenêtre qui donnent sur une terrasse, celle-ci surplombe toute la vallée. La vue est grandiose et inattendue après ces ruelles encaissées. Victoire regarde autour d’elle, un coin cuisine, un poêle Gaudin, une table et quatre chaises, et un petit salon. L’ensemble est minimaliste, pas de meubles superflus, aucun de ces petits objets bon marché qui jalonnent parfois la vie des personnes âgées. Un beau bouquet de fleurs sauvages sur la table, en son centre, une magnifique rose bicolore, rouge à l’intérieur, jaune sous les pétales, Victoire se penche pour la sentir. Le parfum est délicat et puissant.


– Je l’ai coupée du rosier préféré de votre grand-mère.

– Il y a un jardin, ici ?

– Oui oui, en dessous, venez.


Odile ouvre une porte qui donne sur un escalier en pierres. Elles descendent et arrivent dans une grande pièce, haute de plafond avec de grosses poutres en bois, et complètement vitrée sur le côté jardin. Cela ressemble à une pièce atelier, un chevalet est placé près des vitres. Elles sortent dans un jardinet qui débute par une terrasse avec des tomettes rouges, en son centre une table ronde en fer forgé et des chaises assorties. Un évier en pierre est sur le côté, un tuyau d’arrosage arrimé au robinet.


L’extérieur est aussi sobre que l’intérieur. Des senteurs envahissent le nez de Victoire. Une grosse lavande, un chèvrefeuille grimpant le long du mur mitoyen, des lys aux pétales offerts et un magnifique rosier semblent responsables de tous ces effluves agréables. Peu de végétaux mais tous mêlent leur parfum qui par le vent de la vallée vient accueillir les visiteurs. La vue au-delà du mur en contrebas est aussi belle que de la terrasse, au loin, on peut admirer un village sur son éperon rocheux.

Victoire se sent observée par Odile, elle réagit brusquement.


– Il y a d’autres pièces dans la maison ?

– Oui au premier étage, venez…


Quelques minutes plus tard, elles arrivent sur un petit palier qui dessert une chambre avec un grand lit. Les couleurs des rideaux et du dessus de lit se marient dans les teintes violines. Un bouquet de lavande trône sur la cheminée. Une petite salle de bain attenante au carrelage clair conclut la visite.


En redescendant, Victoire est pensive. Elle ne s’attendait pas à cette maison. Le côté minimaliste, la clarté des murs peints à la chaux, les odeurs, les couleurs, tout la séduit, et surtout, surtout les ouvertures qui permettent à l’œil de s’échapper très loin.


– Comme je vous l’ai expliqué au téléphone, je voudrais faire des photos de la maison pour ma mère, et aussi récupérer des objets de ma grand-mère. Un album de photos, par exemple ?


Odile baisse la tête, elle semble ennuyée.


– Votre grand-mère, quelque temps avant sa mort, a fait un grand nettoyage. Elle a brûlé de nombreux papiers, donné ses derniers tableaux autour d’elle, elle m’en a offert un, je pourrais vous le montrer, si vous venez à la maison.

– Ses tableaux ?


Victoire se souvient du chevalet dans la salle du bas.


– Oui, elle peignait.


Odile ne semble pas disposée à en dire plus que ce qu’on lui demande.

Victoire va de surprise en surprise, elle est partagée entre son désir d’en finir au plus vite, et l’intérêt qu’elle porte à la maison. Faire ce grand ménage avant de mourir. Ne laisser aucune trace derrière elle. Pourquoi ?

Odile lui demande doucement.


– Voulez-vous que je vous dise le peu de choses que je sais d’elle ?

– Oui je veux bien.

– Acceptez-vous ma boisson rafraîchissante ? Je pourrais aussi vous montrer le tableau qu’elle m’a offert.


Quelques minutes plus tard, Victoire est assise dans la cuisine d’Odile devant un verre de limonade et des petits gâteaux.


– Comment vous êtes-vous connues ?

– C’est simple nous avions le même patron.


Victoire fronce les sourcils en forme d’interrogation. Odile sourit largement.


– Oui, le ministre de l’Éducation nationale ! J’étais institutrice, elle, prof de dessin ! J’ai fait sa connaissance, un jour à la mairie où elle exposait ses peintures. J’aimais beaucoup ce qu’elle faisait, un style Cézanne. Venez dans le salon que je vous montre la toile qu’elle m’a offerte.


Victoire est saisie immédiatement par les couleurs intenses du tableau qui tranchent sur le mur blanc.


– Me permettez-vous d’en prendre une photo ?

– Bien sûr. Je peux même vous le prêter afin que vous le montriez à votre maman.

– Vous feriez ça ?

– Oui avec plaisir.


De retour dans la cuisine, Victoire est songeuse.


– Il est dix-neuf heures, je vous propose de partager mon repas, tapenade, risotto aux crevettes, et fromage blanc coulis de framboise maison. Si vous souhaitez aller à l’hôtel, il y en a un sur la place, simple et propre, il vaudrait mieux réserver…

– Je vais dormir dans la maison, cela me permettra de la revisiter, et de faire des photos dès demain matin. Je vous remercie pour le repas, j’accepte avec plaisir.


Victoire s’étonne de sa réponse qui a été plus rapide que sa réflexion. Au cours du dîner, Odile raconte ce qu’elle connaît de Suzanne.


– Votre grand-mère était une taiseuse. Mais un jour, je l’ai eue avec ma liqueur de mûres ! C’est une de mes spécialités, cela se boit facilement, les effets délient les langues à coup sûr.


Suzanne peignait, vendait ou offrait ses tableaux, et vivait surtout de son métier de professeur de dessin. Dans sa petite maison, elle a habité avec un poète qui avait du mal à vivre de sa plume. Auparavant, elle a beaucoup voyagé en demandant des affectations dans les DOM-TOM. C’est seulement après avoir bu de la liqueur de mûres qu’elle parla de sa fille et de son mari. Son mariage avait été arrangé contre son gré par ses parents, elle n’avait que vingt et un ans. Elle n’aimait pas son mari, et sa fille était arrivée très vite. Aucun de ces rôles, épouse ou mère ne lui allait. Un jour, Suzanne a annoncé à son mari qu’elle souhaitait divorcer et il a accepté à condition qu’elle disparaisse de leur vie à tous deux. Elle a dit oui et lui a fait promettre de trouver une épouse qui soit une bonne mère pour sa fille.


– Ah bon ? Je croyais qu’elle était partie du jour au lendemain sans un mot.

– Votre grand-père s’est bien remarié rapidement après son départ ?

– Oui.

– Pour accélérer le divorce, il fallait l’accord des deux parties, autrement, à l’époque, cela aurait pu être très long dans le cas d’une disparition.


Ce sont des informations très différentes de celles que détenait sa mère. Cela allait peut-être alléger sa rancœur, mais en aviver une nouvelle vis-à-vis de son père.


– Bonjour l’instinct maternel, en tout cas ! On nous rebat beaucoup les oreilles avec ça ! À se demander s’il existe vraiment.

– Oui j’ai eu du mal à la comprendre moi-même, murmure Odile, j’ai eu trois enfants, imaginer les abandonner est impensable.

– Si on ne veut pas d’enfant, on évite d’en faire, aussi…

– Vous parlez comme une femme de votre temps, Victoire, à l’époque, pas de contraception, hein !

– Quitte à s’enfuir elle aurait dû le faire avant le mariage, non ?

– Ne pas mésestimer le poids de la culture de l’époque, surtout dans la petite bourgeoisie de province, les filles n’étaient pas promises à un beau métier mais à un bon mari, enfin, un mari solide financièrement. À l’école, on leur apprenait la cuisine, la couture, tenir un ménage… À vingt et un ans, elle n’avait pas le sens critique suffisant pour lutter contre tout ça…


Victoire fait une moue dubitative.


– Il n’y a donc plus aucune photo d’elle ?

– Vous pouvez fouiller tous les placards de la maison, il n’y a aucun papier.

– Mais putain ! C’est quand même une manie chez elle, elle abandonne sa fille, et ensuite, avant de mourir, elle fait la politique de la terre brûlée. Elle avait un problème psy ou quoi ?


Victoire imagine la tête de sa mère quand elle lui apprendra la nouvelle, un abandon de plus. Odile fait une moue embarrassée.


– Elle a essayé de peser très peu sur la vie de votre mère. Pensant sans doute à tort qu’en s’effaçant de sa vie, elle lui permettrait d’être libre.

– Pas très intelligent. C’est tout le contraire de ce qui s’est produit.


Victoire se surprit à dire cela. Si elle s’interroge honnêtement, qu’aurait-elle fait dans la même situation : accepter son sort ou bien aurait-elle fait comme sa grand-mère ? Elle craint de connaître la réponse.


– Allez dormir. Je vais rechercher dans mes photos, cela serait bien le diable de ne pas en avoir de Suzanne, nous étions devenues de bonnes amies.


Avant de se coucher, Victoire s’assoit sur la terrasse, observe le ciel étoilé et les rares lumières de maisons isolées. Elle se sent bien à cette place et a l’impression qu’elle pourrait y rester des heures. Au fond, cette maison lui parle de sa grand-mère bien plus que n’importe quel album de photos.


Le lendemain, après une nuit de sommeil très paisible dont elle n’est pas coutumière, elle rejoint Odile. Après un savoureux et copieux petit déjeuner, la femme l’entraîne au salon.

Sur la table basse deux photos sont posées. Victoire en prend d’abord une, elle reconnaît Odile debout derrière une table à l’extérieur, à côté d’elle se tient une femme longue et mince aux cheveux blancs mi-longs, elle a un grand chapeau de paille.


– Là, on faisait ensemble un vide grenier…

– On ne voit pas bien son visage…

– Prenez celle-ci, on la voit nettement… Je me souviens. J’ai réussi à la prendre en photo, alors qu’elle évitait ça. Cela devenait un jeu entre nous.


Suzanne, le visage fin et doux, fait un clin d’œil à la photographe. Victoire a l’impression que c’est à elle qu’elle fait ce signe de connivence. Surprise, elle constate que sa grand-mère est assise sur la même chaise qu'elle a occupée longuement la veille au soir. Elle sourit.


 
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   ANIMAL   
15/10/2019
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Très belle histoire de retour à ses racines. Victoire imaginait ce voyage comme une corvée pour rendre ce service arraché par sa mère malade et elle se retrouve envoûtée par le lieu de vie de sa grand-mère méconnue. Et, par l'intermédiaire de la voisine, elle découvre une tout autre réalité que celle qu'on lui a racontée.

Le cheminement de ce texte est vraiment surprenant car il part de la tristesse et de l'amertume pour arriver à l'ouverture sur cet autre, cette Suzanne que l'on critiquait sans savoir ce qu'avait été sa vie.

J'y vois une métaphore sur la nécessité de ne pas hurler avec les loups avant de s'être fait une opinion par soi-même.

Mon passage préféré est l'arrivée au village et la description de la maison avec les yeux de Victoire, le charme de ces pièces sobres, le foisonnement du jardin et la vue magnifique.

Ma seule réserve sera sur le début. J'ai eu un moment de confusion entre la fille, la mère, la vraie mère de sa mère et la mère adoptive. Les nommer faciliterait peut-être le tri entre les grand-mères, notamment.

J'ai passé un beau moment de lecture avec ce texte intimiste profondément humain.

en EL

   maria   
18/10/2019
 a aimé ce texte 
Un peu
Bonjour,

Je me suis ennuyée pendant cette lecture et suis désolée de le dire.
Sur un ton neutre, l'auteur(e) nous présente des personnages froids et d'une écriture monotone , une partie de leur histoire.

Seule la description de la maison de la grand-mère donne un peu de relief et de couleur à cette nouvelle. Et, c'est grâce au clin d'oeil de la fin que j'ai achevé la lecture sur une note positive.

Merci pour le partage et à bientôt.

   Corto   
20/10/2019
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Voici une très fine nouvelle sur la relation entre générations, les souvenirs, le refus de se laisser envahir, les compromis, la difficulté de s'extraire du vécu familial, et surtout la surprise de s'y replonger pour y faire de belles découvertes.

Le personnage principal Victoire est d'une belle complexité, pleine d'ambivalence et ouverte sur un monde/époque qu'elle ignorait pour l'essentiel.

Le cheminement offert au lecteur est très bien construit, presque familier au point que chacun peut y retrouver des éléments de son propre vécu avec sa famille.

On vit ici dans le monde moderne, aucune facilité (par exemple en modifiant l'époque) n'est utilisée.

Visiblement l'auteur maîtrise très bien la construction d'un récit, mais aussi le style littéraire utilisé.

J'apprécie que la chute finale n'ait rien de réduit ou de brutal. On la devine en douceur, on y prend le temps nécessaire comme une étape aussi intéressante que le corps du récit.

Cette nouvelle sur le thème classique du roman familial réussit à nous entraîner dans une belle aventure singulière.

Bravo l'auteur.

   FANTIN   
21/10/2019
 a aimé ce texte 
Bien
Un récit intéressant et actuel qui inverse habilement les données de départ et l'horizon d'attente du lecteur, servi en outre par un style fluide et des personnages crédibles, qu'ils soient au centre ou à la marge, présents ou absents.
Les problèmes liés à la famille sont traités de façon convaincante et l'héroïne, qui porte bien son prénom, réussit contre toute attente à renouer, par-delà le temps, la disparition et les faux-semblants, un lien qui s'annonçait pourtant impossible.

   plumette   
24/10/2019
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↓
Avec cette histoire, je suis dans un sujet qui m'intéresse.

Les liens Mère/fille, le poids, la tonalité de ce qui nous est transmis par les générations précédentes, nous sommes tous fait de cela et d'autres choses aussi que l'on intègre, avec lesquelles on décide ed se construire sa propre identité.

Mais quelques fois, on reste, à notre insu, prisonnier et souffrant de ces transmissions inconscientes.

Victoire est en difficulté avec sa mère, laquelle était en grande difficulté avec sa propre mère, à cause d'un abandon, d'une absence que le père a raconté à sa façon.

Dans ce texte, toute les parties dialoguées mettent beaucoup de vie dans l' histoire. Je trouve que cela sonne juste.

C'est Victoire qui est au centre. je la perçois comme une jeune femme moderne, assez saine, consciente des "valises" qu'elle trimballe, désireuse de s'affranchir de la culpabilité que sa mère cherche à lui refiler.

Victoire ne s'attend pas du tout à ce qui va se passer dans la maison de sa grand-mère et à ce retournement de sa vision.

Tout me parait crédible, le récit de l'éloignement de Suzanne qui a cru bien faire! la découverte de la maison qui en dit long sur cette discrète Suzanne et le plaisir de Victoire qui se sent une connivence avec cette femme dont elle est aussi l'héritière.

un seul bémol pour moi: le paragraphe sur les demandes de la mère ( Que Victoire se marie, qu'elle ait des enfants) C'est un peu trop digressif par rapport au coeur du sujet ( tout en étant cohérent dans l'histoire) Je ne suis pas sûre que cela apporte qq chose au récit.

Au final, un texte dont je me souviendrai.

Plumette

   ours   
6/11/2019
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Bonjour Tiramisu,

J'ai beaucoup aimé la lecture de votre nouvelle, les liens transgénérationnels sont un sujet fort intéressant et vous l'abordez de façon actuelle. J'ai trouvé la chute très poétique même si je m'attendais à une révélation tant une forme de suspense nous tient lors de la visite de la maison de la défunte. Mais au final je ne suis pas déçu, j'aime beaucoup votre fin.

Concernant le récit, je l'ai trouvé bien construit, par contre je dois vous avouer avoir préféré les passages narrés aux dialogues dont certains me semblent peu utiles, notamment la rencontre entre Victoire et Odile qui aurait pu être rapportée plutôt qu'exprimée. J'ai été surpris par le "Mais Putain" auquel je me m'attendais pas, effectivement on sent que Victoire pourrait avoir un caractère impulsif avec le "Connard!" de l'introduction, mais bon...

En conclusion, j'ai aimé le thème, l'approche, la narration qui nous emmène à la découverte de cette maison, les descriptions, moins les dialogues qui m'ont moins convaincu.

Au plaisir de vous lire

   hersen   
7/11/2019
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Je ne peux pas dire que je n'ai pas aimé cette nouvelle, mais je regrette qu'elle reste plutôt en deça de ce que le sujet suggère. Suggère, justement.

Une femme, un mariage contraint, un mari non aimé, un enfant.

Beaucoup de mères seraient restées. Préférant des décennies de vie conjugale infernales plutôt que d'abandonner leur enfant.
Suzanne, elle, le refuse. En cela, elle fait preuve d'une grande lucidité. D'une grande modernité, si ce mot fait sens ici. Le rôle du mari, avec le chantage au divorce, est bien d'une certaine époque. (Edit : sans qu'il y ait de recours légaux )
Victoire est soudain confrontée à cette époque où le mari régissait la vie de sa femme, tout autant que son départ comme on nous le montre ici. Une sorte de répudiation, poser des conditions si draconiennes, dans ce contexte social de l'époque, n'offre guère de choix.
Suzanne a-t-elle choisi la solution de facilité ? Rien n'est moins sûr.
L'attitude de Victoire, ses réactions, sont à l'aune de ce qu'elle connait de sa vie de femme dans le présent. Il lui faut imaginer dans quel contexte Suzanne a abandonné sa fille, car il s'agit bien, malgré tout, d'un abandon. Abandonner sa fille à un homme qu'elle n'aime pas, bien qu'il soit le père de la petite.

Nous ne sommes pas sûrs, à la lecture, que Victoire ait tout à fait conscience des différences d'époque. Après tout, la responsabilité paternelle s'est muée en responsabilité parentale il n'y a pas si longtemps.

Il y a ici un noeud social intéressant. Le récit peut-être est un peu trop lénifiant pour le sujet. je ne suis pas convaincue par les dialogues, on sent trop leur rôle explicatif sur les pans de l'histoire que l'on ne connaît pas. Peut-être que la mère de Victoire n'offre pas de réelle profondeur dans le texte, et que la voisine Odile en dit trop, trop facilement, alors que Victoire, malgré tout, aurait pu découvrir, ressentir davantage par elle-même.

Après tout, elle traite un mec de connard en lui faisant un doigt d'honneur, elle dit "putain". Je dois, je crois, m'en contenter dans ce qui montre que les temps ont changé ? Mais c'est peut-être un peu court...

Merci de cette lecture !

   Donaldo75   
8/11/2019
 a aimé ce texte 
Un peu
Bonjour Tiramisu,

Je me souviens avoir bien aimé ta précédente nouvelle. Je vais donc m’adonner à un commentaire au fur et à mesure de ma lecture.

Le début est rock’n roll ; je me dis que ça va bastonner.

La suite, le dialogue avec sa mère, ne fonctionne pas à mon goût. L’alternance entre dialogue et narration du point de vue de Victoire sonne convenue, scolaire, comme si l’auteure voulait à tout prix appuyer sur l’état d’esprit de Victoire alors que le dialogue devrait être déjà porteur. En plus, j’ai l’impression de lire des explications de texte données par l’auteur sur pourquoi Victoire dit ça, et patati et patata. C’est téléguidé, je trouve, pas vraiment littéraire.

Je ne suis pas fan du style ; je le trouve trop grammatical, un peu comme si mon professeur de français de quand j’étais en troisième avait écrit cette nouvelle en suivant à la lettre ce qu’il nous prodiguait à l’époque, sans comprendre que depuis j’ai passé le cap du lycée et suis passé à autre chose en tant que lecteur. J’ai une autre analogie, celle de l’auto-école ; j’ai l’impression de conduire avec mon moniteur d’auto-école qui me fait bien tenir mon volant avec les deux mains, dans le respect d’un angle précis, le dos bien droit, l’œil à l’affut sur les trois rétroviseurs. Je trouve ça « square » de formatter autant ma lecture.

Odile arrive. Elle n’accélère pas le rythme de la nouvelle. Je ne peux pas lui reprocher de prendre son temps, à cette narration. On n’est pas pressé à ce que je lis. Le ressort dramatique est bien détendu à souhait, on ne risque pas de se blesser les synapses.

La fin arrive à la même vitesse que le milieu. Je me suis ennuyé pas mal pendant cette lecture mais je n’ai eu ni thé ni petits gâteaux. L’histoire n’est pas inintéressante mais elle n’est pas réellement incarnée et c’est ce qui empêche le lecteur de rentrer dans le récit. Il assiste à une scène racontée presque froidement, dans un style propre sur lui, trop propre à mon goût, qui ne laisse pas de place au relief. Pourtant, la vie c’est du relief, même dans les souvenirs.

Une autre fois, je suppose, vu que j’avais bien aimé la première nouvelle de ta plume.

   Lulu   
9/11/2019
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Bonjour Tiramisu,

J'ai bien aimé cette nouvelle. Pourtant, j'ai ressenti quelques réticences au début car la seconde phrase "En passant, elle fait un doigt d’honneur au conducteur." m'a laissé croire qu'elle donnait (ou donnerait) le ton à l'ensemble du texte. Le mot "Connard" n'a rien arrangé. Mais le narrateur et la narratrice prend de la distance avec le personnage de Victoire, tout en la présentant, finalement. J'ai même trouvé quelques tournures un peu soutenues par rapport aux mots de Victoire, mais si ces aspects m'ont marquée au début, c'est aussi parce que j'ai senti que l'histoire se déroulait lentement dans une première partie. Peut-être le temps pour moi, en tant que lectrice, de comprendre l'enjeu et de situer les rapports entre les personnages qui m'ont semblé comme trop explicatifs, au début, même s'il fallait bien préciser.

En fait, j'ai trouvé cette nouvelle vraiment intéressante à partir du moment où Victoire rencontre Odile et la maison de sa grand-mère. Cela m'a semblé plus réel - à tout le moins l'effet recherché, car on se représente mieux l'histoire avec les mots et aussi notre propre imaginaire que dans la première partie. Le fait que les sentiments soient plus nuancés. Ils ne sont plus systématiquement décrits indirectement comme ici : "La colère la tient depuis hier", mais présentés à partir de ce que Victoire ressent via une description de ce qui l'entoure. La découverte de la maison… les fleurs, etc...
"La vue est grandiose et inattendue après ces ruelles encaissées. Victoire regarde autour d’elle, un coin cuisine, un poêle Gaudin, une table et quatre chaises, et un petit salon. L’ensemble est minimaliste, pas de meubles superflus, aucun de ces petits objets bon marché qui jalonnent parfois la vie des personnes âgées. Un beau bouquet de fleurs sauvages sur la table, en son centre, une magnifique rose bicolore, rouge à l’intérieur, jaune sous les pétales, Victoire se penche pour la sentir. Le parfum est délicat et puissant. "... Très beau passage…

Le "Mais putain !" échappe à Victoire…, mais en définitive, j'ai apprécié de ne pas en savoir spécialement plus sur son personnage en dehors de ce qui est donné ici dans cette nouvelle, via le récit… On peut imaginer tant de choses sur sa vie, et l'essentiel semble être dans cette rencontre avec un souvenir qui est à la fois le sien sans l'être et qui fait sens par rapport à ce qui se joue dans sa famille.

Mes encouragements.

   Tiramisu   
13/11/2019

   Anonyme   
7/2/2020
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Bonjour Tiramisu,

Je me souviens de ma première lecture de ce texte : j'avais été déçu, je m'étais dit qu'Odile était en réalité cette grand mère recherchée plutôt qu'une amie de celle ci, ça aurait fourni un bon twist... mais cela aurait été trop convenu, peut être ?

Aujourd'hui, je relis et avec le recul, je me dis (et je le redis encore) que c'est votre meilleur texte jusqu'ici. On est loin des statistiques sur les violences faites aux femmes, sujet d'actualité certes, mais trop formaté, trop 'reproduction d'une recette qui marche' sur Oniris.

Et puis, je sens une part d'authenticité dans cette nouvelle, un sujet plus personnel... ou je me trompe.

Résumé : bien, vraiment bien !

Dugenou.

   matcauth   
13/4/2020
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Bonjour,

j'ai lu avec beaucoup d'intérêt cette histoire, mais peut-être est-ce dû au fait que j'ai lu les autres.

Ici transparaît ce qui fait opposition au manichéisme, à savoir le point de vue des deux antagonismes. Du point de vue de la fille (la mère, en fait), la grand-mère est un monstre. Du point de vue de la mère (donc, la grand-mère), il semble y avoir surtout de la gentillesse et l'envie de bien faire.

Et c'est ce que je retire le plus de ce texte, le fait que l'on voit le monde d'après ses propres yeux.

De fait, les querelles de familles sont peut-être les plus nombreuses qui soient, et prendre de la perspective permet de changer les points de vue et d'accepter certaines choses.

Vous rendez bien cet aspect des choses, en mettant en place un contexte simple à assimiler, familier, afin que l'on puisse se concentrer sur l'essentiel de l'histoire, le regard que l'on porte sur les choses, l'interprétation que l'on s'en fait.

Evidemment, cela manque d'aspérités, de rebondissements à même de nous sortir d'un douce torpeur qui nous envahit. Tout dépend avec quels yeux on aborde le texte, puisqu'on va le lire avec ses propres à priori, avec la façon dont on voit le monde.

Peut-être faudrait-il davantage décrire ce qui va suivre dans l'incipit.

Mais cela reste un bon moment de lecture.


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