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Réalisme/Historique
plumedeplomb : Le hachis Parmentier
 Publié le 15/07/20  -  16 commentaires  -  2863 caractères  -  114 lectures    Autres textes du même auteur

Un plat tout simple.


Le hachis Parmentier


La chair blanche et ferme du bulbe crispait sous l’impact de la lame. Les effluves sulfurés lui firent verser quelques larmes qu’elle balaya d’un geste brusque. Elle n’aimait pas se montrer sensible et vulnérable. Même face à des légumes.

La poêle chaude attendait patiemment : quand elle y versa les tranches d’oignons, l’huile bouillante se mit à crépiter frénétiquement.

Elle avait déjà pelé les pommes de terre : les fils de peaux brunes s’étalaient sur le plan de travail tandis que les tubercules jaune crémeux reposaient dans l’eau salée d’une casserole ébouillantée. Des petites bulles explosaient par intermittence à la surface. La symphonie culinaire prenait place.

Gertrude en chef d’orchestre râpa en cadence deux carottes qui vinrent tenir compagnie à l’émincé d’oignons. Elle jeta dans la poêle une belle pincée de cumin. Un camaïeu orangé colora la friture puis un capiteux parfum d’épices envahit la cuisine. Elle attendit quelques instants : un crépitement délicat lui indiqua qu’il était temps d’ajouter la viande hachée. Les copeaux de chair s’embrunirent au contact de la poêlée. De petits agglomérats carnés se formèrent et elle versa doucement le concentré de tomate : le mélange se liquéfia et se teinta d’une belle couleur carmin.

Elle sortit les patates de leur paisible retraite puis les aspergea d’un tonifiant jet d’eau froide. Sans attendre, elle empoigna le presse-purée, et écrasa avec ferveur et dévotion les tubercules fondants. Elle y incorpora un luisant jaune d’œuf et un trait de lait. Le liquide blanc fusionna progressivement avec la masse collante et une purée onctueuse se décolla des parois du récipient. Un morceau de beurre dégoulina dans la préparation, qu’elle fouetta avec frénésie.

La préparation était enfin prête. Elle devait s’atteler à l’assemblage : elle frotta vigoureusement une gousse d’ail sur le fond et les bords d’un plat en grès. Des traces opaques striaient le moule. La farce odorante fut déposée au centre du réceptacle et s’étala de manière concentrique, puis on la recouvrit d’une épaisse couche de purée. L’ensemble fut déposé sur la grille du four, où les flammes bleutées léchaient la plaque métallique de la cuisinière.

Trente minutes plus tard, une pellicule craquante et amidonnée enveloppa le précieux mets.

Gertrude s’inclina, la révérence du maître devant son œuvre, pour retirer le plat de la fournaise. Un sourire de fierté s’ébaucha sur son visage.


– Gertrude ! j’ai faim ! s’égosilla Marcel. Magne-toi, j’ai du boulot moi ! Deux heures pour faire cuire trois patates et un bout de viande.


Gertrude lui servit deux belles louchées. Marcel les avala en vitesse, puis se leva, empoigna sa veste.


– Merci à ce soir !


Il claqua la porte. L’assiette gisait sur la table, vide. Des restes de viande étaient collés. Un bout de purée pendait sur la fourchette.


 
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   Alfin   
16/7/2020
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Excellent, J'adore !
C'est court, écris par un.e passioné.e de cuisine de toute évidence. l'approche est poétique et bien documentée, car en plus, la recette est intéressante :-)

J'aime toujours la confrontation de ce qui est raffiné et de la bêtise crasse, cela me fait rire. Les détails sont savoureux et là, je ne parle pas de papilles.

Presque pas un mot de trop, c'est incisif et tout en finesse.

Edit: j'ai supprimé une remarque qui n'a de sens qu'avant la parution

Alfin en EL

   plumette   
19/6/2020
 a aimé ce texte 
Bien
Gertrude a non seulement du savoir faire mais de l'amour qui imprègne son plat "tout simple" préparé avec soin.

un belle description qui met l'eau à la bouche.

Marcel ne connait pas sa chance! J'aurai bien pris sa place pour la dégustation!

ce texte est bien écrit, il est un peu court à mon goût: un simple arrêt sur image qui pourrait être développé en nous donnant un peu plus à voir de ce couple d'un autre temps(,) vu le choix des prénoms.

   Anonyme   
25/6/2020
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↓
J'ai vraiment aimé tout ce qui est description de l'élaboration du plat, à mes yeux se dégage de la précision factuelle toute une sensualité poétique du quotidien. Je suis un peu réservée sur la précision "ferveur et dévotion" qui pour moi appuie trop le propos : je pense qu'un seul de ces termes à peu près synonymes eût suffi.

De même, le mépris de Marcel pour la valeur du travail accompli me semble surjoué... Si le dernier court paragraphe clôt bien le texte selon moi, je crois que la remarque expéditive du mâle beaufesque de la maisonnée pourrait être moins hargneuse. Question de dosage, bien sûr c'est à vous l'auteur de décider.

   in-flight   
25/6/2020
 a aimé ce texte 
Pas
Du concentré de tomate ? Ah vraiment?

Bien, c'est à peu près tout ce que j'ai à dire à la fin de ce texte. Je ne le lis certes pas au bon moment: il est 23h. Sans doute que le récit produirait plus d'effets à 11h30...

Bref, je me suis cru sur Marmiton l'espace d'un instant et je pense que l'intention de l'auteur était de voir s'il est possible de rendre une recette moins prosaïque et plus poétique.

   Anonyme   
15/7/2020
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Bonjour,

C'est exactement le type d'écriture que j'affectionne et que je déteste tout à la fois.
Le côté affectif c'est que je retrouve dans ce texte la manière dont j'écris aussi (pour mon tiroir) et le côté détestable est que je n'aime précisément pas ma façon d'écrire et donc celle-ci.

Bref, ce texte ne m'apporte rien de neuf mais en revanche il m'aide à mieux ressentir ce que ce genre d'écriture peut apporter : un sentiment d' inachevé et de trop-peu.

   Yannblev   
15/7/2020
Bonjour Plumedeplomb,

A la base le hachis parmentier est une cuisine ordinaire du registre de « l’art d’accommoder les restes ». On ne peut pas dire qu’ici ils soient mal accommodés au contraire.

C’est une bonne idée que cette recette poétisée d’un plat de purée de patates mélangée à la viande de la veille. C’est une meilleure idée encore que d’avoir relevé et sublimé par une description, à la limite du « trop », le travail quotidien d’une ménagère, travail que personne ne remarque jamais vraiment.

La muflerie du Marcel ramène le hachis parmentier à sa dimension populaire et alimentaire. Cette chute est essentielle pour que le texte ne soit plus seulement la recette de cuisine qu’on peut croire.

Un texte court, donc difficile, qui traduit bien je pense ce qu’il voulait dire une fois dépassés les odeurs et les couleurs, les avant-goûts, si bien rapportés dans la préparation du plat prétexte.

   IsaD   
15/7/2020
 a aimé ce texte 
Bien
Merci pour ce rappel de cette recette que j'aime beaucoup. Par contre, je ne me souviens pas que le cumin apporte une note orangée, mais le curcuma si. Ne s'agirait-il pas plutôt de cette épice ? Je dis ça parce que je mets du curcuma un peu partout dans mes recettes, cela apporte un bel effet ambré et en plus c'est très bon pour la santé.

Bon, sinon, je remarque tout de même que Marcel, dans son indélicatesse à remarquer la qualité de la cuisine de Gertrude, faite de matière et d'amour, a quand même dit merci. C'est toujours ça.

Merci quant à moi pour ce joli partage (qui m'a donné faim) mais il faut dire aussi que c'est l'heure

   Anonyme   
15/7/2020
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Bonjour Plumedeplomb.

J'avais lu ce texte en "espace lecture".
Il m'a fait sourire mais pas seulement.
Déjà, le soin apporté au vocabulaire, aux conjugaisons ouvre "l'appétit".
Les troisième et quatrième phrases, une fois la lecture terminée, prennent toute leur ampleur.
Ne dit-on pas parfois que la cuisine est un art ? Elle le devient ici, dans la manière poétique de décrire l'acte de cuisiner.
Puis vient Marcel, très peu sensible à son épouse, je suppose, ni à ce qu'il peut avoir dans l'assiette. Ceci entraine cela ou réciproquement.
La "nature morte" finale devient elle-même tableau.
Et nous avons appris à connaître un peu (ou un pan de la vie de) Gertrude et Marcel.

Merci du partage,
Éclaircie

   hersen   
16/7/2020
 a aimé ce texte 
Bien ↓
L'idée est bonne. La cuisine est un des secteurs réservés majoritairement à la femme, l'épouse et la mère tout à la fois, et à part quelques exceptions, on n'est sans doute pas près de le remettre en cause ! La cuisine est un art. Sauf que préparer des repas pour une tablée tous les jours de la semaine, l'art en prend un sacré coup !
Et nous avons là une Gertrude qui ne désarme pas, qui fait un plat simple en y mettant tout son art, depuis l'oignon jusqu'au mélange délicat final.

Elle fait tout ça pour son mal dégrossi de Marcel, qui s'empiffre en deux minutes, qui ne comprend pas pourquoi elle y passe tant de temps. (il a dit merci...)

Et moi non plus, je ne comprends pas ce point. car si Marcel fait vie commune avec Gertrude, pourquoi se casse-t-elle à lui faire des plats qui prennent du temps ?
De plus, Marcel doit être manchot des deux bras, puisqu'elle ... le sert elle-même. (elle lui met "deux belles louchées". je n'ose pas imaginer les joues rosies de plaisir, ça ferait trop). Donc, mon penchant indépendant me dit que Gertrude a sans doute autant de chemin à faire que Marcel...

Donc, tout ça pour dire que ton message est un peu brouillé. Qu'elle aime faire la cuisine et s'éclate à faire son hachis Parmentier, pas de problème. Mais la fin semble suggérer qu'elle l'a fait pour Marcel.
Pourquoi diantre ?

Je finirais donc mon com concernant le fond sur ce point d'interrogation.

par contre, la forme : je pense que c'est bien vu de mettre de la poésie dans certains passages de la réalisation de la recette. la purée, la vraie, faite avec de bons ingrédients qui fut la base de notre alimentation étant gamin, ou peu s'en faut, se fait bien rare aujourd'hui. Et moi-même étant partisane du slow food, je ne peux qu'apprécier, n'ayant cependant pas tant de patience ni d'habileté pour faire une oeuvre d'art avec trois patates et un bout de viande. Surtout si c'est pour un Marcel !

Merci pour cette lecture !

   emju   
15/7/2020
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Bonjour je me suis régalée en vous lisant. L'écriture est parlante ; j'imagine très bien Gertrude à ses fourneaux. Elle est comparée à un chef d'orchestre devant son piano jouant de ses baguettes pour mitonner son hachis parmentier et cela est vrai. Pour ma part, confectionnant et bichonnant aussi le hachis parmentier, je me retrouve dans cet exercice culinaire qui est un art en soi.
La chute est rude. Mais quelle satisfaction pour elle !
Dommage pour toi Marcel.

   Anonyme   
16/7/2020
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Bonjour Plumedeplomb,

J'aime bien cette recette de hachis parmentier sous la forme d'une courte nouvelle, c'est original et plutôt bien écrit.
La chute est bien ficelée avec Marcel qui ne prend pas la peine de déguster ce qu'elle a cuisiné avec amour.
Qu'importe le temps qu'elle y a passé, il mange en 4è vitesse, dit merci (quand même) et part.
Tout ça pour ça !
Ouvrir une boite de raviolis aurait probablement eu le même effet sur ce pauvre Marcel...

   placebo   
16/7/2020
 a aimé ce texte 
Bien
Bonjour,
Pour moi aussi, le cumin est plus brun qu'orangé, mais avec les oignons et les carottes, on pourrait arriver à ce camaïeu.
L'écriture est riche, j'ai perdu le fil de la visualisation et de la concentration plusieurs fois au milieu.
La fin nous ramène dans une histoire, avec beaucoup de non-dits. Peut-être une autre époque en effet. On serait le midi ? Il pourrait rentrer manger chez lui ? Ils n'ont pas d'enfant ? Plus j'y réfléchis, plus je suis perturbé :)

Bonne continuation,
placebo

   Pouet   
16/7/2020
Slt,

j'ai trouvé l'indifférence, le désintérêt, l'étiolement, l'abrasion des années, délitement de la vie de couple ou que sais-je encore... bien traîtés ici, assez subtilement, sans "ingrédients" superflus.

Il m'a semblé en revanche que la "recette", la préparation du hachis parmentier (j'adore les plats à contrepéterie), était un brin fastidieuse et contenait beaucoup d'adjectifs et d'adverbes appuyant un peu trop, quelque chose de plus "léger" m'aurait mieux contenté.
Je crois qu'on pourrait comprendre qu'elle y met de la peine, de la rage et du coeur avec un peu moins de "vigoureusement", frénétiquement", plus loin on fouette encore avec "frénésie" etc etc...
Peut-être aussi y avait-il quelque chose de plus "métaphorique" ou de "métaphysique" à faire avec cette recette.

Mais, encore une fois, la façon d'entrer dans le sujet, d'exposer un ressenti, un point de vue, cette manière de "détourner l'attention" et de ne pas trop insister rend d'autant plus fort et "audible" le propos sous-tendu.

   Sylvaine   
17/7/2020
 a aimé ce texte 
Un peu ↑
Le texte ne manque pas de mérites : il est bien écrit et la description minutieuse de la préparation culinaire met l'eau à la bouche (quoique... à quel moment les pommes de terre ont-elles été cuites pour devenir purée?) Mais je trouve que, c'est le cas de le dire, l'ensemble laisse le lecteur sur sa faim. L'indifférence du mari, incapable de reconnaître le talent culinaire de son épouse, forme certes un contraste plaisant avec ce qui précède, mais il me semble que ce n'est pas un enjeu suffisant pour justifier une nouvelle.

   Robertus   
18/8/2020
 a aimé ce texte 
Beaucoup
J'aime beaucoup cette nouvelle. Toute en subtilité avec une chute qui bouscule à la fin.

Mon passage favori : " Les copeaux de chair s’embrunirent au contact de la poêlée. De petits agglomérats carnés se formèrent... "

Et puis le tableau final " Des restes de viande étaient collés. Un bout de purée pendait sur la fourchette. "

J'ai noté qu'au début, vous mettez " Les effluves sulfurés ". Je me suis étonné de ne pas voir écrit " sulfurées ". J'ai vérifié et il existe bien " une effluve " et " un effluve ". Mais " un effluve " est rapport au corps humain et à ses émanations. Après je me suis dis que c'était peut-être un clin d’œil aux pieds qui sentent parfois les oignons ! Mais j'ai vu que la suite n'allait pas dans le sens de cet humour. ^^

   SaulBerenson   
18/10/2020
 a aimé ce texte 
Passionnément
Ce texte me fait saliver.
Je n 'en veux pas du tout à l'auteur car justement il est midi un quart et je fais ainsi l'économie d'un apéritif rendu inutile à trouver l'appétit.
Regret quand même de ne point être dans la cuisine de Gertrude afin d' honorer ce hachis parmentier et lui faire oublier tous les Marcel du monde.
Les vrais artistes sont souvent seuls.
Bon, à feu doux quand même les oignons, ou alors après les patates !


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