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Fantastique/Merveilleux
solidane : Parallélépipède rectangle
 Publié le 13/09/10  -  17 commentaires  -  6427 caractères  -  109 lectures    Autres textes du même auteur

Tel est le prix de la naïveté...


Parallélépipède rectangle


Frédéric est professeur agrégé en mathématique. Au singulier bien entendu, la controverse perdure quoi qu’on en pense : la mathématique est-elle singulière et universelle ou les mathématiques sont-elles multiples et particulières ? Mais là n’est pas le problème. Il est agrégé, ce qui signifie qu’à l’inverse de ses collègues certifiés, Frédéric en a une maîtrise plus complète, et qu’à ce titre, et afin qu’il en goûte plus encore la splendeur, il est chargé de moins d’heures de cours.

La discipline l’a conquis très tôt, un éclair transparent, il n’avait alors guère plus de huit ans. Tout a suivi jusqu’à l’université. Frédéric aime les maths, comme on affectionne tout autre art. Le transmettre est bien souvent une gageure ; cela ne l’effraie pas.

Ce matin, c’est géométrie en classe de quatrième, découverte du parallélépipède rectangle. Un volume superbe, si équilibré. Il l’a tracé sur le tableau noir. Des lignes fines, à la rectitude presque idéale. Il est hors de question de rendre compte de la perfection du concept. Qui le sait mieux que lui ? Mais au moins s’en rapprocher ! L’effet de perspective est bien rendu, le point de fuite, celui de l’œil, tout est maîtrisé. Dans sa tête, il y a ajouté le mouvement, l’objet tourne sur lui-même, transparent, désincarné et pourtant si vivant. Mais ça, le tableau ne saurait le restituer. Frédéric a pris le temps de tracer un éclaté qui viendra à l’appui de la démonstration à venir. La terminologie est immédiatement disponible, les arêtes, les faces, les sommets ; quelques formules de base sont également en place, calcul de l’aire, des surfaces, médianes, fil d’Ariane, diagonales, merci Pythagore. Et que dire du volume, des mécanismes de translation, de symétrie ?

Cédric est en classe de quatrième, élève moyen au regard des résultats, aux fortes capacités, mais jugé parfois un peu distrait. Il regarde son professeur de mathématique, personnage élégant d’une trentaine d’années. Grand, décontracté, passionné et qui parle à ses élèves d’un curieux monde, fait de transparence, d’idéal, qui ne connaît guère l’incertitude, et même celle-ci y est mesurée et devient vérité. C’est cela, un surprenant univers de certitude et d’évidence : la mathématique. L’idée ne le rebute pas, mais il se voit mal y accéder. Cédric, élève consciencieux, a reproduit sur une feuille le parallélépipède rectangle. Moins précise sa réalisation, et puis, il y a ajouté quelques couleurs, une par face. L’objet y a gagné en matérialité, même si certains côtés ont ainsi disparu, ceux situés à l’arrière notamment. Le pavé du professeur gagne en magie. Lui, il montre tout, c’est certain, mais il semble si surnaturel, impossible.

Frédéric s’est tu, un nombre impressionnant de calculs et formules couvrent à présent la surface noire, tout autour des premières figures qu’il avait tracées. Il s’est tourné vers les élèves, les observe, jouit des résultats de sa prestation. Il sait n’avoir commis aucune erreur, aucun oubli. C’est l’avantage en math, tout est imparable. Il reste à vérifier l’exacte compréhension des apprenants. Drôle de vocable qui ne lui convient pas. Avant de comprendre ou même d'apprendre, il s’agit d’être inspiré, mais ça, rares sont ceux qui en auront la capacité. C’est le propre de la matière. Ses yeux arrêtent leur balayage de la classe, ils se sont fixés sur Cédric. Frédéric l’invite à le rejoindre face au tableau, afin de compléter quelques formules : calculer l’aire de chaque face. Rien de compliqué pour commencer. Ensuite, un autre élève s’occupera du volume.

Cédric s’est levé, a abandonné sa réalisation en cours. Il s’achemine sans crainte vers le tableau, capte la consigne et prend plusieurs craies de couleur. Comme il le fit à sa table, il colorie consciencieusement chaque côté de la boîte. Le professeur pense que la démarche lui est nécessaire pour bien enregistrer la commande et résoudre le problème. Il le laisse faire. Cédric pose enfin les bâtons de craie, et ajoute au dernier moment sur une face latérale la mention « env. 250 ».

Frédéric est surpris par cette formule mathématique dont il n’a jamais entendu parler et qu’il ne comprend pas. À quelle référence s’applique donc ce coefficient multiplicateur de 250 ?


- Est-ce ta réponse à ma question, et pourquoi l’écrire sur le schéma ?


Cédric se tourne vers lui, visage calme, détendu et souriant. Pourtant, il ne dit mot. Frédéric laisse passer le temps, son esprit bouillonne et nul ne le sait. Le « 250 » peut s’appliquer sans mal à la somme des mesures des arêtes, mais en quoi celle-ci est-elle utile ? Et toujours, cette notation « env. », où l’élève a-t-il pu la prendre ? Il relit ses notes, aucune indication d’une telle composante.

C’est un moment d’éternité et d’incompréhension qui ne concerne qu’eux deux et les relie intimement. Dans les faits, l’épisode n’aura guère duré plus de trois minutes. L’élève se tourne à nouveau vers le tableau, Frédéric s’approche ; enfin peut-il espérer obtenir l’explication de la formule inédite. L’élève pose sa main sur la plus petite des faces coloriées, celle qui le regarde immédiatement. Puis le bras recule, tirant dans le même temps la surface et ouvrant une boîte que rien jusqu’alors ne laissait deviner. À l’intérieur, on distingue difficilement une multitude de petits bâtons de bois parfaitement rangés. Cédric saisit une de ces allumettes, l’extrait du parallélépipède, et gratte son bout coloré sur une autre face du pavé. Le feu jaillit, il projette un festin de couleurs qui puise dans le nuancier recouvrant la boîte. L’enfant descend alors la tige enflammée juste sous le tableau. Les flammes ont vite fait de lécher l’ensemble du plan noir, et de l’embraser dans un feu d’artifice qui laisse le professeur pantois.

Frédéric avait découvert un univers parfait, la beauté abstraite et totale, cette infinité de possibles au travers de quelques signes et quelques lettres. Mais ce qu’il voit le transporte totalement, autrement. Jamais, il n’avait imaginé qu’il puisse exister d’autres féeries, des abstractions qui ne pourront jamais être mises en équation. Sidéré, il l'est définitivement.

Cédric s’est désintéressé du parallélépipède rectangle, tout autant que de son professeur. Tourné vers ses camarades, il leur lance un clin d’œil espiègle et malicieux.

Derrière lui, jamais le tableau ne fut aussi noir ; jamais autant de lumières ne scintillèrent dans le regard du professeur.



 
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   florilange   
26/8/2010
 a aimé ce texte 
Bien ↓
Là, on est effectivement dans le fantastique le plus total : comment un simple schéma peut-il se transformer en boîte(s) d'allumettes puis en feu d'artifice, sans que rien alentour n'en soit modifié? Comment coller son prof de maths, en perturbant ses certitudes si parfaites?
Cette nouvelle courte et amusantes souffre de quelques petites imperfections : des virgules mal placées notamment : "Cédric se tourne vers lui, visage, calme, détendu et souriant."
Et puis des imprécisions : "C’est un moment d’éternité et d’incompréhension qui ne concernent qu’eux deux et les relie intimement." Qu'est-ce qui les concerne et les relie? Le moment, ou plutôt l'éternité et l'incompréhension? Faudrait décider afin que les accords soient en conséquence.

   Perle-Hingaud   
7/9/2010
 a aimé ce texte 
Bien ↑
J’aime toujours beaucoup ces textes qui basculent dans l’imaginaire. Ce prof de math (on va faire simple, sans la terminaison…) ne peut que rappeler, du moins pour ceux d’entre nous qui ont eu de la chance, notre propre vécu. Une virgule bizarrement placée arrête la lecture, mais c’est un détail : « La discipline, l’a conquis très tôt ». J’ai eu un peu de mal à différencier d’entrée les deux personnages, leurs prénoms étant trop proches à mon goût. Une formulation étrange : « bien enregistrer la commande » : la consigne, la question ?
Pour le programme de quatrième et les propriétés du parallélépipède rectangle, je ne suis pas apte (ce n’est pas plus tôt ?), et d’ailleurs je n’y accorde pas vraiment d’importance, là n’est pas le fond de l’histoire, mais bien plutôt le choc de deux imaginaires, dans deux plans parallèles qui se rejoignent hors de toute rationalité…
Merci à l’auteur.

   jaimme   
28/8/2010
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Une nouvelle, une vraie, telle qu'on les écrivait dans les recueils d'Astounding ou d'Amazing Stories. Là j'aime, vraiment. Court, percutant.
Je n'ai été arrêté que deux fois: que veux dire le fait que l'élève doit être "inspiré", je me pose la question. La deuxième fut dans la description du geste le plus important: " Puis le bras recule, tirant dans le même temps la surface". J'imagine bien le geste, mais j'aurais plutôt vu: amenant à lui la surface, la détachant du tableau, donnant vie à cette surface... Enfin, je ne sais pas, mais je trouve cette description, importante, trop peu imagée.
J'aime beaucoup la dernière phrase qui est l'inverse de la situation attendue.
Merci pour cette lecture, vraiment.

   Anonyme   
6/9/2010
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↓
J'aime beaucoup. C'est léger, parfois drôle, bien écrit et d'une naïveté qui m'émerveille !
C'est avec une réelle curiosité que j'ai lu, attendant avec impatience de voir surgir la magie, même si j'ignorais quelle forme elle prendrait.

La simplicité du ton crée l'ambiance parfaite à cette petite histoire.

Merci !

   wancyrs   
7/9/2010
 a aimé ce texte 
Bien
Assez amusant ce petit texte où le prof agrégé est bluffé par son élève de classe de 4ième(assez surréaliste. un prof agrégé pour des élèves de 4ième, quel gâchis !). Le mystère est bien rendu avec le fameux "env 250" qui laissa pantois le prof. Mais de quoi parle-t-il ? sûrement du nombre de bûchettes d'allumettes dans le parallélépipède.

L'élève malin qui, profitant de l'émerveillement de l'agrégé devant l'incompréhensible, le manipule, crée un artifice, et tandis que le prof réfléchis sur les possibilités d'un tel résultat, il profite pour perpétrer un acte de vandalisme, signifiant : ta géométrie dont tu es si fière, on en a rien à foutre.

Si le fond est bien rendu, la forme reste encore à travailler. des expressions telles : il n’avait alors guère plus de huit ans, l’épisode n’aura guère duré plus de trois minutes, Cédric capte la consigne(comme s'il s'agissait d'un appareil), même chose pour "enregistrer la commande".

Bref, une écriture prometteuse.

   Flupke   
9/9/2010
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Bonjour,

Assurément original et bien narré. Mystérieux et poétique aussi.

"Cédric est en classe de quatrième, élève moyen au regard des résultats, aux fortes capacités, mais jugé parfois un peu distrait".
Je suggère de reformuler cette phrase. J'en comprends le sens, mais "aux fortes" semble s'appliquer aux résultats alors que c'est l'élève qui a de fortes capacités.

Assez captivant, car j'ai lu le texte d'une traite et le premier paragraphe a bien accroché mon attention.

   MarionTouvel   
13/9/2010
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Bonjour,

Une très bonne nouvelle fantastique que voilà.

Elle s'approche du canon. Courte, efficace, mystérieuse ; s'ouvre par une accroche in medias res et lâche le lecteur sans lui claquer de porte au nez (sans pré-mâcher un sens, sans dévier du sujet). C'est bien.

Une seule phrase m'a un peu gêné :

"Moins précise sa réalisation, et puis, il y a ajouté quelques couleurs, une par face."

La première partie de la phrase ressemble à une hyperbate, sauf que Yoda aurait oublié son verbe. Une structure mieux construite, ou moins complexe, serait plus cohérente avec le reste du texte selon moi.

Merci pour cette lecture !

   alifanfaron   
13/9/2010
 a aimé ce texte 
Un peu ↑
Quelques petites formulations maladroites qui ont déjà été soulignées dans les précédents commentaires. Mis à par ça, c'est une nouvelle qui rentre très bien dans sa catégorie. Elle me fait penser, au moins dans les buts qu'elle s'est donnée, à des courtes nouvelles de Maupassant. J'aurais toutefois aimé que le caractère fantasque de Cédric soit plus appuyé. Ou du moins que ce personnage ait été un poil plus exploré. Car la fin, si elle surprend, me laisse un peu sur ma faim...

   doianM   
13/9/2010
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Mathématiques, poésie, fantaisie.
Et l'humour, indispensable.
Très intéressant et prenant.

   Anonyme   
14/9/2010
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Je n'ai jamais été très douée pour ce cours mais j'ai fort apprécié cette nouvelle! Je comprends Cédric et je souris à la vue de la tête de son professeur quant à la solution qu'il a proposée.
J'ai toujours appelé mes professeurs par Monsieur ou Madame, j'ai donc eu un peu de mal à hiérarchiser ce Frédéric.

   Anonyme   
14/9/2010
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Il s'agirait en fait juste de repenser la narration, trouver un juste milieu entre la narration littéraire - phrases composées comme il se doit - et la narration orale - phrases inspirées du langage oral - pour que cet écrit soit universel.
On devine une hésitation dans le style, entre ces deux axes, qui peut perturber.
Mais on se laisse vite rattraper par la nouvelle, puisque c'en est une, et assez bien réussie.
Dans un style qui semble familier à l'auteur, une catégorie et un récit plus "grand public" que ses précédents à ma gourmandise de lecteur offerts.
Mais toujours cette touche hors du monde, du réel, une envie de magnifier le quotidien.
J'm moins que Rasta, par exemple, mais j'm vraiment cet univers, le thème, la manière de le poser.
Avec pudeur et profondeur à la fois.

   alpy   
16/9/2010
 a aimé ce texte 
Bien
Bonjour Solidane,
Une nouvelle courte et sympa qui commence dans une simple leçon de math et qui bascule en deux lignes est sans préavis dans le fantastique le plus total.
A différence de Rasta, celle-ci n'a pas d'ambigüités. Elle est claire, nette et précise même quand elle laisse des questions sans réponse.
J'ai bien aimé.
Bonne continuation,
Alpy

   solidane   
17/9/2010
Commentaire modéré

   CreziHobit   
17/9/2010
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Courte nouvelle d’une grande fraicheur, douce rêverie en classe, qui se lit comme on déguste une citronnade sous le parasol !
« Jamais de lumières... » La transmutation de l’adulte par le regard de l’adolescent est encore plus le fantastique, le plus merveilleux et le plus improbable de cette histoire !

   CSN   
20/9/2010
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Un thème surprenant et bien développé, une chute inattendue. Je dirais que niveau histoire je n'ai rien à redire. Juste petit détail, j'aurais choisis deux prénoms plus distincts qui ne peuvent pas se confondre dans une tête fatiguée.

Pour la forme ! Les phrases sont saccadées avec pas mal de virgules, c'est peut-être volontaire mais dans un scenario où le flottement du tableau est la chute, je pense que des phrases plus légères à la lecture seraient plus adaptées. Mais ceci à part, il y a une bonne maîtrise de la plume et rien ne m'a fait tiquer.

Je dirais gros bonus pour l'originalité et l'imagination.

   Anonyme   
25/9/2010
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Après la magie des mathématiques, la magie du verbe. Merci à Cédric d'avoir ouvert la boîte. Craquante cette nouvelle.

   Lemli   
27/9/2010
 a aimé ce texte 
Un peu ↑
J'ai bien aimé le petit "combat" entre réel et 'abstrait', les maths contre le fantastique.
Cependant, il n'y a pas assez d'explications concernant ce qui fait la puissance de ce récit, c'est-à-dire la métamorphose de la matière. Selon moi, le fantastique a lui aussi une certaine logique. Par exemple, si c'est une sorte de magie, dire de quelle source elle puise sa réalisation et comment il l'invoque.
Cela aurait apporté un plus grand environnement au texte, je trouve. Après, ce n'est que ma vision du fantastique, pas un fait exhaustif.

   nico84   
4/10/2010
 a aimé ce texte 
Bien ↑
La nouvelle vire dans l'imaginaire au moment où on ne s'y attend pas. Ce revirement peut surprendre et diviser les lecteurs. Pour une fois, l'absence d'explications, la forme trés courte de la nouvelle me satisfont. J'apprécie l'idée d'une nouvelle vision d'une science pure. Merci à l'auteur que je n'avais pas lu depuis bien longtemps.

Et bravo pour sa sensibilité et la magie qu'il sait mettre dans les mots.


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