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Réalisme/Historique
steph081976 : La fin du monde
 Publié le 25/08/12  -  10 commentaires  -  28809 caractères  -  98 lectures    Autres textes du même auteur

Ve siècle. L’Empire romain touche à sa fin. Lucius l'ignore encore... pour quelque temps...


La fin du monde


Le Rhône est éternel.

Il est le témoin privilégié de l’humanité frayant sur ses berges. Parfois, il est des temps de paix, de prospérité, de bonheur, où les hommes vivent au rythme de la respiration du fleuve. Ils naissent, grandissent, enfantent, vieillissent puis meurent, comblés d’une existence parfois dure, mais toujours paisible et sécurisante. Ils façonnent ainsi les briques de leur monde.

Mais il existe aussi des temps de guerre, de mort et de destruction. La folie, l’avidité, l’ivresse grisante du pouvoir et de la force révèlent une humanité latente très dissemblable. Une humanité pillant, massacrant et violant.

Eux, détruisent le monde. Plus exactement, ils le dévorent. Ils se repaissent des civilisations, imposant leur Être sur le Néant des ruines pavant leur chemin, n’épargnant que le spectre éthéré de ce qui fut. Souvent, l’anéantissement est long. La curée s’étire inexorablement sur des années, des décennies… Un siècle, parfois.

Ainsi périt l’Empire romain.


Lucius s’éveilla dès que les rais solaires strièrent d’or les murs de sa chambre. Dans ses bras, Serena sommeillait encore. Ses cheveux noirs s’effrangeaient sur son délicieux visage que les années avaient semblé épargner, comme sensibles à sa beauté. L’homme glissa doucement hors de sa literie, et passa sa tunique de lin. À l’extérieur, on entendait déjà les esclaves se rendre aux vignes. Les moissons de blé avaient été achevées une vingtaine de jours auparavant, et aujourd’hui seuls les ceps couvrant la colline demandaient une attention particulière. Les vendanges ne tarderaient plus, maintenant. Il longea le péristyle ceinturant l’atrium où une superbe Vesta de bronze se dressait fièrement. La religion chrétienne avait depuis plus d’un siècle balayé ces cultes ancestraux, mais il ne se lassait pas des courbes de la déesse dont cette représentation était transmise de père en fils depuis Caius, son bisaïeul.

Les servantes avaient déjà chauffé l’eau des thermes. Lucius s’immergea entièrement dans le bain chaud et vivifiant. Il leva les yeux. Le monde semblait opaque, déformé, vu sous le prisme tremblant de l’eau claire.

Soudain, une ombre se dessina à la surface. Lucius se redressa vivement. Serena, nue, entrait délicatement dans le bassin fumant. Il sourit. Sous ses yeux, les antiques hérésies ressuscitaient, Vénus s’extirpait de l’oubli des hommes pour s’incarner dans cette femme. Sa femme. Les quinze années de leur union n’avaient pas fléchi l’amour et le désir qui les unissaient. Elle s’approcha de lui, l’enlaça, et déposa un tendre baiser sur ses lèvres humides.


– Tu es forcé de partir aujourd’hui ? Je n’aime pas quand tu t’en vas.

– Je vais juste à Vienna et à Lugdunum, négocier nos récoltes. Je serai de retour dans une semaine, tout au plus.

– Je sais… J’essayerai d’être patiente. Comme d’habitude. J’ai peur à cause de cette guerre civile. Et ces barbares, qui pillent le nord de la Gaule, paraît-il…

– Constantin l’usurpateur et Honorius font leur guerre, cela ne nous concerne pas… L’année dernière, les deux armées se sont affrontées à Valentia, je te parie que les prochains combats auront lieu ailleurs, plus loin.

– Et les barbares ?

– N’oublie pas que nous sommes romains ! Constantin comme Honorius peuvent mater des pillards.


Lucius saisit un strigile et commença à se racler consciencieusement le derme. Sa confiance affichée était à demi feinte, Serena s’inquiétait déjà bien assez.

Il n’aimait pas être sous l’égide d’un usurpateur, et attendait impatiemment que Honorius et son bras droit Stilicon reprennent le pouvoir en Gaule, mais il restait vrai que ces luttes de pouvoir changeaient peu son quotidien de maître de domaine.

Quant aux barbares… Les Vandales avaient passé le Rhin deux ans auparavant. Stilicon était lui-même à demi Vandale, il saurait bien les arrêter, dès que Constantin aurait déposé les armes.

Sa réflexion l’amena plus loin. Autrefois, Rome pliait à sa loi les peuples qu’elle soumettait, et rien ne résistait à sa marche écrasante. Les Gaulois s’étaient romanisés, adoptant le mode de vie du vainqueur, s’inclinant devant la splendeur de cette civilisation conquérante. Et aujourd’hui… aujourd’hui, des armées romaines entières étaient composées de Wisigoths, Francs et autre barbares germains, auxquels Rome n’osait imposer sa culture sur le sol même de son Empire. Ces renoncements étaient dictés par la peur, l’incapacité, la paresse morale… L’aigle s’était mué en étourneau. Rome méritait mieux. Lucius attendait impatiemment l’homme providentiel qui rétablirait le lustre et l’influence de la ville éternelle, et ferait de nouveau rayonner sa culture dans le monde entier. Rome ne mourrait pas, il en était persuadé. Le soleil peut-il s’éteindre ?

Son fils, Caius Brutus, était assis dans l’atrium. Inlassablement, son magister lui faisait griffer la cire de sa tablette, gravant des lettres de la pointe de son style avant de les effacer d’un coup de spatule appliqué. Huit étés, déjà, qu’il illuminait le domaine. Huit années depuis cet accouchement difficile qui faillit lui enlever Serena, et qui voua son ventre à une désespérante aridité.

Il embrasserait son fils plus tard, il devait préparer son départ.


Les deux cavaliers suaient sous l’astre atteignant son zénith. Lucius, ne transportant que peu de richesses, s’était simplement entouré d’Alaric, son fidèle esclave wisigoth. Ce dernier, encore solide malgré ses soixante années dont plus de trente-cinq de servitude, affichait encore une chevelure blonde contrastant avec le noir de jais de son maître.

Le chemin était dégagé, mais restait peu fréquenté. La majorité des voyageurs empruntait la grande voie pavée, sur la rive droite du fleuve. Ici, la forêt descendant des collines poussait sa lisière à quelques pas du grand Rhône, s’en écartant parfois afin de laisser exister un champ, une villa de pierres et de tuiles, ou encore un hameau de baraques de rondins recouvertes de chaume.

Loin devant, longeant la berge, une lourde silhouette se détachait sur le bleu du fleuve. Il ne leur fallut que quelques instants pour la rejoindre, poussant le trot de leurs montures.

Des nautes remontaient le courant. L’embarcation était lourdement chargée d’amphores, de tonneaux, de sacs de blé, qui semblaient occuper l’intégralité du bord. À l’arrière, le capitaine maintenait son navire loin de la rive grâce à une longue rame qui longeait le flanc droit de la bête de bois et contraignait le puissant flux à conserver le bateau en son sein. Un court mât se dressait au centre du navire, mais ne comportait aucune voilure. Non, nul souffle éolien ne propulsait l’ensemble… Une quinzaine de cordages naissaient de ce mât, et rejoignaient les dos voûtés d’une multitude d’esclaves arc-boutés, progressant au rythme des jurons des contremaîtres. Combien étaient-ils ? Cent vingt ? Cent cinquante ? Des ahanement fatigués sourdaient de ce cortège asservi.

Un des gardiens indiqua à Lucius qu’ils avaient quitté Arelate cinquante-cinq jours plus tôt, et espéraient rejoindre Lugdunum rapidement. Les nouvelles du sud étaient mauvaises. Stilicon semblait être tombé en disgrâce auprès d’Honorius, et Constantin était plus que jamais maître de la Gaule.

Ils dépassèrent rapidement le halage et continuèrent leur route. Bientôt, le joyau de la vallée rhodanienne s’offrit à leurs yeux.

Sur les deux rives du fleuve se dressait la splendide Vienna. Sept collines ceinturaient la cité, ce qui lui avait valu le surnom de « petite Rome » des lèvres du grand Caius Julius Caesar en personne. Du léger surplomb où ils se trouvaient, ils pouvaient admirer ses quartiers animés, peuplés d’artisans, d’ouvriers, de chariots dont les roues épousaient des ornières multicentenaires creusées dans le pavage par tant d’autres attelages, durant tant d’années. Sur l’autre berge, le temple aujourd’hui rendu caduc par le christianisme s’élevait encore, rebelle à la marche inexorable de l’Histoire. Le théâtre hémisphérique adossé à la roche, le champ de courses, ce pont de pierre alignant ses arches dans le flot rageur, témoignaient de la puissance de la culture romaine, même à des centaines de milles de la ville-mère de l’Empire. Un sentiment de fierté parcourait Lucius à chaque fois qu’il admirait cette cité. Certes, un peu de sang gaulois coulait dans ses veines, mais il était citoyen romain à part entière. Il appartenait à ce peuple qui avait été capable de conquérir le monde, d’ériger ces ponts, aqueducs, routes, cités et fortifications ; ce peuple créateur de ces magnifiques mosaïques ornant les demeures, de ces statues callipyges ou viriles, de ces colonnades, de ces thermes brûlants ou glacés. Cela lui redonna confiance. Les troubles actuels se dilueraient dans la grandeur de Rome.


Lucius demeura deux journées à Vienna. Deux jours d’intenses négociations avec les marchands, arpentant le forum, discutant prix et volumes dans l’étuve ou le frigidarium. Son blé était désormais entièrement vendu. Restait la vendange à venir, dont une partie serait transportée par les nautes et abreuverait Massalia, Rome, peut-être. Pour vendre le reste, il lui fallait remonter jusqu'à Lugdunum.

Lucius et Alaric chevauchaient depuis moins d’une heure sur la large voie pavée de la rive orientale quand ils se heurtèrent à une colonne d’hommes, de femmes et d’enfants portant sacs, traînant hâtivement derrière eux quelques mules surchargées. Ils étaient plusieurs centaines, certains en haillons, d’autre vêtus de braies ou de tuniques d’artisans. Tous marchaient vers le sud.


– Eh, l’homme ! Où partez-vous ainsi ?

– Les barbares fondent sur Lugdunum ! Il faut fuir !

– La légion les arrêtera, il ne faut pas paniquer ainsi.

– La légion ne peut arrêter les Vandales ! C’est comme un essaim d’abeilles !


L’homme rattrapa sa famille en quelques enjambées. Lucius resta perplexe. Depuis presque cent cinquante ans et le raid des Alamans, aucun barbare n’avait pillé la vallée du Rhône. Il hésita quelques instants, puis s’adressa à Alaric.


– Retourne au domaine, et explique à Serena la situation. Dis-lui de se réfugier dans les collines avec notre fils, de demander à Sextius de les abriter dans sa villa montagnarde. Je ne pense pas que les Vandales passent Lugdunum, mais ne prenons aucun risque.

– Bien, maître.

– Dis-leur que je vais voir par moi-même l’étendue de la menace et les rejoindrai rapidement.


Le vieil esclave tira sur sa bride et disparut dans un galop claquant sur les dalles grises, bientôt noyé parmi la populace.


Lucius remonta lentement les hordes de fuyards. Bientôt, les premières fumées noircirent le bleu du ciel. Après un raidillon, son regard put enfin embrasser la vallée. Il se frotta les yeux, incrédule. Le feu dévorait les villas, les maisons, les entrepôts. Près de la route, une dizaine de stades plus loin, on devinait les débris d’une légion tentant de résister à une charge de cavalerie sauvage. Quelques centaines de soldats romains pris dans une tempête de feu et de fer, un souffle de plusieurs milliers de cavaliers aux boucliers ronds, vêtus de peaux de bêtes, de cottes de mailles ou d’une simple tunique. Le combat était manifestement perdu.

Lucius s’apprêtait à faire demi-tour quand une flèche perça le poitrail de sa monture, le précipitant à terre. Immédiatement, une douzaine de cavaliers l’entourèrent, parlant et riant dans un dialecte guttural. Lucius tira son glaive. Il n’était pas un soldat, et le combat n’avait jamais fait partie de sa vie. Les hommes continuèrent de rire. L’un d’entre eux banda son arc et un trait emplumé traversa sa cuisse. Il chuta dans un râle. Une douleur cuisante lui dévorait la jambe. Il perdit connaissance tandis qu’un de ses assaillants le ligotait.

Il s’éveilla sous une tente de peaux, toujours entravé. Une vieille femme en haillons lavait ses blessures.


– Ne bougez pas ! La blessure ne sera pas grave, si le mal ne se met pas à l’intérieur.

– Qui êtes-vous ? Où suis-je ?

– Je m’appelle Aurélia. Je suis esclave des Vandales et vous êtes dans leur camp.

– Vous êtes romaine ?

– Je vivais dans le nord de la Gaule, dans ma jeunesse… Puis je suis devenue esclave il y a bien des années.


Lucius but avidement au goulot de l’outre que la femme lui tendait. L’eau tiède avait un goût de cuir, mais désaltéra tout de même sa gorge asséchée.


– Pourquoi suis-je en vie ? Que me veulent-ils ?

– Ils ont vu votre vêtement de prix… Ils pensent que vous connaissez l’emplacement de trésors cachés.


Lucius eut un rire nerveux. Des trésors ! Rien de moins ! Même s’il possédait de l’or, sa plus grande richesse actuelle attendait dans les entrepôts de grains et sur les pieds de vignes cernant son domaine.

Soudain, un homme franchit le seuil de la tente. Aurélia s’écarta dans l’ombre, le regard baissé. Lucius fut extirpé rudement de la hutte et attaché à un billot. Sa cuisse le faisait souffrir, mais cette douleur fut totalement oubliée quand le fouet commença. Chaque claquement lui arrachait des lambeaux de chair, striant son dos nu d’atroces langues rouges. Après quelques coups, l’homme s’interrompit et émit un borborygme incompréhensible qu’Aurélia s’empressa de traduire.


– Il dit que si tu indiques où trouver de l’or, tu vivras.

– Je n’en sais rien ! Je le jure !


Les femmes vandales tournaient autour du chevalet de torture, riant, insultant manifestement le supplicié. Même des enfants assistaient à la scène, la mine réjouie.

La correction dura encore quelques instants, puis Lucius fut de nouveau ligoté et jeté sur le sol terreux de la tente. La vieille esclave revint soigner ses plaies. Elle reprit.


– Le roi Gundéric pillera toute la région, de toute façon. Ils sont trop nombreux !

– Qui est Gundéric ?

– C’est le nouveau roi, fils de Godégisel… Il a vengé la mort de son père en écrasant les Francs sur le Rhin.


Les barbares Francs étaient actuellement alliés des Romains, et tenaient le nord de la Gaule au nom de l’Empire.


– Que font-ils là ?

– Ils ont été chassés de chez eux par un autre peuple, donc ils vivent de pillages avant de trouver une terre où s’installer.


Lucius s’étonna.


– Chassés ? Qui peut être assez fort pour chasser ces barbares ?

– Un peuple de cavaliers, comme eux, venus de l’est il y a des décennies.

– Comment se nomment-ils ?

– Les Huns.


Il se tut, pensif. Combien de nations attendaient leur tour aux frontières de l’Empire, plus puissantes les unes que les autres ? Et surtout combien de concessions Rome consentirait-elle, dédaignant de juguler ces barbares, minée par des luttes intestines ?

La faiblesse de Rome quitta enfin son esprit. Sa situation personnelle n’était pas reluisante. Son dos était une plaie, sa cuisse blessée le faisait atrocement souffrir. Il ne voulait pas mourir. Serena, le petit Caius… leurs regards s’imposaient, s’incrustaient sur le cuir jauni de la tente.

« Pourvu qu’ils soient en sécurité. »


Plusieurs jours s’écoulèrent. Ses plaies se recouvrirent d’une croûte noire, toujours lavées par la vieille esclave. Les vandales avaient cessé de le tourmenter, sans doute occupés à détruire la vallée. Toujours entravé, il pouvait se traîner devant l’abri de peaux, et ainsi voir de ses yeux qui étaient réellement ces envahisseurs.

Il ne s’agissait pas d’une simple expédition de pillage. C’était un exode. Les femmes, les enfants s’animaient dans une métropole de tentes et de huttes. Plusieurs guerriers restaient là, la tête libre de leur casque de cuir ou de fer, l’épée pendant à la ceinture. L’odeur omniprésente des chaudrons, des innombrables chevaux, des excréments, empuantissait l’atmosphère.

Combien étaient-ils ? Dix mille ? Vingt mille ? Davantage, encore ?

Le Rhône qui coulait à quelques pas semblait étrangement familier dans ce monde totalement et atrocement étranger.

Le jour, Lucius restait tranquille, observant la plèbe bruyante qui évoluait dans cette partie du camp. La nuit, en revanche, il s’écorchait les poignets à frotter ses liens contre une arête de la poutre de bois soutenant le frêle édifice. Et un soir, enfin, la corde céda sous ses efforts. Ses bras ankylosés purent enfin se mouvoir. Le fourmillement dura un moment, douloureux, puis reflua enfin. Il ne mit que quelques instants à se défaire des entraves liant ses pieds, puis rampa silencieusement vers l’ouverture. Il y avait deux gardes, à quelque distance l’un de l’autre, marchant entre les feux mourants. Lucius s’approcha de celui qui errait près du fleuve. Même à la faveur de l’obscurité, jamais il ne parviendrait à se glisser dans le flux sans l’alerter. Il se faufila furtivement derrière lui, prépara une longueur de corde, et jaillit de l’ombre d’un bond, tel un démon. Dans un geste vif, il passa le lien sur la gorge de l’homme, et tira de toutes les forces qu’il pouvait extraire de son corps meurtri. Pour la première fois de sa vie, il tuait un homme. La certitude grisante de sa propre mort en cas d’échec gonflait ses bras d’une puissance exceptionnelle. Le garde cessa bientôt de se débattre, la trachée broyée par la corde. Lucius continua quelques instants son garrotage, tétanisé par la peur et l’adrénaline. Enfin, tremblant, il déposa le corps sans vie et se coula dans l’eau froide du fleuve. Là était sa seule chance de quitter la cité de tentes sans se faire repérer.

Il nagea vers le large, et se laissa entraîner par la force herculéenne du flux. Les feux défilaient sous ses yeux, interminable, puis, enfin, l’obscurité reprit possession de la berge. Ses blessures le faisaient souffrir, gênant sa nage. Il reprit enfin pied sur la terre ferme. Le campement vandale devait se trouver plusieurs milles au nord. Ils le chercheraient certainement, il lui fallait s’enfuir le plus rapidement possible.

La route lui était interdite, seule la sombre forêt le masquerait à ses poursuivants.

Lucius marcha. Ce fut la plus dure randonnée de sa vie, boitant, déchirant la peau recouvrant ses tibias sur de féroces ronciers. Une progression terrible, aveuglé par l’ombre de la nuit et des frondaisons qui dévoraient toute lumière. Et la peur, omniprésente, à chaque craquement, à chaque hululement, aux passages bruyants ou discrets d’animaux nyctalopes se muant en créatures mythologiques, pour peu que leurs regards luisant ne se tournent vers cet intrus si vulnérablement humain.

L’aube le trouva épuisé, saignant de l’intégralité de ses plaies. Il s’allongea au couvert d’une roche perdue sous les ramures protectrices de la forêt. Le sommeil lui scella immédiatement les paupières.


Lentement, la douleur reprit possession de son corps. L’éveil se montrait cruel. Il se redressa, et écouta. Seuls les bruissements sylvestres occupaient l’air, nulle manifestation humaine ne trahissait le murmure de la nature. Malgré l’épaisseur du feuillage, Lucius estima que la moitié de l’après-midi s’était déjà écoulée.

Il lui fallait rejoindre le fleuve, trouver une façon de le franchir, et rejoindre sa famille chez Sextius, son vieil ami. Il n’osait les imaginer ailleurs que dans la villa reculée de l’ancien marchand. Il traversa difficilement plusieurs stades d’épais sous-bois, avant d’atteindre une lisière touffue longeant la route. Au-delà, le Rhône grondait de toute sa puissance. Seule sa condition d’excellent nageur lui avait sauvé la vie quelques heures plus tôt. Pourrait-elle lui permettre de traverser ? En fait, il n’avait pas vraiment le choix. Le nouvel occupant avait certainement volé ou détruit toutes les embarcations disponibles, car les deux rives semblaient souffrir de leurs saccages.

Une chose apparaissait certaine. La nuit devenait son amie. Tenter de traverser en plein jour serait exagérément risqué, tant il serait visible sur le flot. Aussi, il s’installa le plus confortablement possible à l’abri de la vorgine, tentant d’oublier la faim qui venait tordre son estomac vide. L’antique Sol Invictus prolongea sa course dans l’azur.

Une cavalcade l’extirpa de son assoupissement. Instinctivement, son corps se recroquevilla. Une cinquantaine de cavaliers lancés au grand galop frôlèrent les feuillages, à moins de cinq pas. Des Vandales, bien sûr. Quelque part, des hommes allaient mourir. Quelque part, des femmes seraient violées et éventrées, des enfants seraient piétinés. La Mort était en marche, chevauchant une monture nommée Terreur. Puis le calme revint, presque anachronique dans cette contrée devenue folle.

Enfin, les ténèbres suintèrent des anfractuosités, des plis et replis du paysage, et inondèrent bientôt le monde.

Lucius longea un instant le fleuve. À quelque distance, il avait repéré une souche arrachée par une précédente colère du grand Rhône, et précairement calée à la berge. Il ôta l’intégralité de ses vêtements séchés par l’air tiède du jour, et en fit un ballot qu’il posa sur le tronc à demi immergé. Entièrement nu, il poussa l’esquif improvisé dans le courant, et, les mains tenant fermement les reliques de branches parsemant sa surface vierge d’écorce, il anima lentement ses jambes.

La traversée lui parut interminable. Le flux le charriait vers le sud à une vitesse incroyable, mais la rive occidentale, qu’il scrutait à chaque respiration, lui semblait toujours désespérément lointaine. Par deux fois, le tronc lui sauva la vie, l’empêchant de sombrer dans le tourbillon d’une meuille traîtresse. Enfin, le sable râpa ses genoux. Où était-il ? Visiblement, il se trouvait encore au nord de Vienna, car la traversée de la cité ne pouvait lui avoir échappé. Mais Vienna existait-elle encore ? Durant la journée, une multitude de panaches noirs avaient parsemé la vallée, en amont comme en aval.

Il passa sa tunique et s’engagea dans la colline. Quel que soit le lieu où il s’était échoué, les rives du fleuve étaient désormais terres de danger et de désolation. Le salut était en altitude.

Caius et Serena également.


La pâleur argentée de la Lune peinait à franchir le lourd treillage de la voûte végétale. Lucius progressait lentement, tant la moindre entorse s’avèrerait fatale. La nuit était encore profonde quand il atteignit l’orée de ce qui fut un village.

Les maisons calcinées alignaient leurs moignons noircis, leurs braises encore fumantes. Près de l’une d’entre elles, on avait déposé plusieurs cadavres dans une ordonnance sinistre. Au milieu de ces ruines, un feu éclairait la scène. Une quinzaine d’hommes et de femmes étaient assis autour des flammes. Quelques enfants dormaient. L’arrivée de Lucius ne provoqua que quelques regards vides. Ces gens avaient dépassé le stade de la peur. Il s’approcha.


– Bonjour…


Un épais silence accueillit son salut.


– Les Vandales sont manifestement remontés jusqu’ici…


Une femme ayant la moitié du visage bleuie par la violence subie, daigna lui répondre.


– Oui. Ils sont arrivés ce matin. Ils… ils ont tué les gens, pris le bétail. Ils ont tué mon mari !


Sa voix tremblante montait de plus en plus dans des aigus douloureux. Puis soudain, elle explosa, hurlant, démente.


– Mais que fait la légion ! Nous sommes de simples paysans, mais nous appartenons à l’Empire ! Cela ne peut pas arriver ! Rome doit nous protéger…


Elle s’effondra en lourds sanglots. Un homme invita Lucius à s’asseoir, et lui donna un morceau de pain. Ils avaient tout perdu aujourd’hui, mais nourrissaient tout de même un étranger dans le besoin.

Lucius les remercia, puis reprit sa course nocturne. Le sang frappait ses tempes, semblant marteler un nom dans son esprit gagné par la fièvre.

Serena.

Il lui fallait temporairement chasser ces émotions paralysantes, ravivées par la douleur de ceux qui venaient de croiser sa route. Aussi il força sa raison sur autre chose. Sur Rome.

Rome aurait dû protéger ces gens. Rome aurait dû les protéger tous. Mais qu’était devenue Rome ? La certitude de sa supériorité, de la vocation universelle de son mode de vie, avait subrepticement érodé sa vigilance. Les luttes politiques et militaires entre factions de culture romaine avaient celé l’énorme menace constituée par ces peuples barbares piaffant à ses frontières. Pire, Rome avait acheté la paix en intégrant en l’état nombre de ces peuples dans ses armées, les laissant vivre sur son propre sol, sans exiger l’abandon de leurs identités allochtones. Combien de reculades viendraient encore ? Ces Vandales seraient-ils un jour membre de l’Empire, eux aussi, malgré le chemin de morts et d’incendies qu’ils laissaient derrière eux ? La Reine des villes pensait-elle que le rayonnement de sa culture illuminerait ces peuplades par l’effet d’une magie inconnue ?

Rome était peut-être mortelle, après tout. Ce qui désolait Lucius, c’était que son assassin serait davantage la dilution de son identité que les invasions qui l’étrillaient et l’étrilleraient encore, telles des nuées de rapaces se repaissant de ses faiblesses.

Seul un nouveau César ou un nouvel Auguste la sauverait… Mais César et Auguste étaient devenus poussières et ossements, noms illustres gravés dans le marbre, souvenirs inégalés d’un monde qui n’était plus.

Et Rome mourait.


Deux jours. Deux jours de famine, de marche, à se nourrir de baies, à s’abreuver à même les ruisseaux presque à sec de cet été maudit. Deux jours d’effroi et d’inquiétude à la seule pensée des siens.

Deux jours qui lui furent nécessaires afin de rejoindre le domaine de Sextius. Ce dernier était un ancien marchand de la vallée ayant fait fortune, qui s’était retiré de l’agitation rhodanienne ici, sur le plateau. Lucius et lui étaient amis de longue date. En l’apercevant, le gras personnage l’étreignit rudement, un sourire ouvrant ses lèvres.


– Mon ami ! Tu vas bien ! J’étais inquiet pour toi, les nouvelles de la vallée ne sont pas fameuses.


Le menton de Lucius trembla un peu.


– Serena ? Caius ? Dis-moi qu’ils sont ici !


La physionomie joviale de l’homme se figea en un instant.


– Non… non, ils ne sont pas là. J’espérais les voir à ta suite…


Lucius s’effondra à terre, s’écroulant sur le visage neptunien de la mosaïque qui pavait la pièce, vaincu par la fatigue, la douleur et le désespoir.

Il dormit une partie de l’après-midi. À son réveil, il but, mangea, banda ses blessures, puis enfourcha un cheval.

Il demeurait un espoir. Les Vandales ne tuaient pas systématiquement tout le monde. En fait, l’espoir restait le dernier bien qu’il possédait.

Il chevaucha dans un galop fou, des filets de bave sourdaient de la gueule ouverte de la monture s’épuisant entre ses cuisses.

La nuit était déjà bien avancée quand il parvint aux ruines qui furent sa demeure. Sous le fourmillement des étoiles, il posa pied à terre et s’avança doucement dans les décombres.


L’obscurité était épaisse, moite, peuplée de spectres. Les rayons de la Lune éveillaient tout un enfer de mânes autour des murs effondrés. L’odeur du feu imprégnait encore chaque poutre noircie, chaque amas de plomb fondu, chaque pierre léchée par le brasier.

Ici, au centre de ce qui n’était plus, Lucius était agenouillé. Il serrait deux masses inertes contre lui, le visage inondé de larmes.

L’enfant avait été transpercé d’une lance, certainement par jeu. Le sang noir auréolait son vêtement au niveau de ses omoplates.

La femme était à demi dénudée. Sa poitrine sans vie ruisselait du même liquide sombre, désormais sec, qui s’était écoulé de sa gorge tranchée.

La mort et la décomposition traçaient de tristes lignes violacées sur sa peau autrefois si douce.

Pourquoi ? Pourquoi Alaric ne les avait pas mis à l’abri ? Cette question à jamais sans réponse torturait son esprit tourmenté.

Les mouches bourdonnaient autour d’eux. Ce grondement incessant était la voix même de la mort, timbre entêtant qui avait gagné l’intégralité de la vallée.

L’aube rouge s’arrondit à l’horizon de la plaine. Lucius étreignait toujours les deux cadavres. Enfin, il les reposa délicatement, comme si leurs corps anéantis pouvaient encore ressentir quelque douleur.

Il se redressa, et marcha lentement vers le Rhône. Ses pieds trébuchants s’immergèrent dans l’eau vive, puis ses jambes. Puis sa taille, son thorax. Enfin, son corps fut entraîné par le flux.

Tous étaient morts. Et sa vie n’avait plus aucun sens.

Rome était morte, même si son agonie durerait sans doute des années. Un siècle, peut-être.

Rome était morte, et il s’en moquait éperdument.

Bientôt, le fleuve l’acheva, engouffrant une eau boueuse dans sa gorge, inondant ses poumons.


Et le Rhône demeura, éternel témoin des hommes.

Et les hommes persistèrent à être des hommes. De ceux qui construisent le monde, et de ceux qui le dévorent.



 
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   Anonyme   
7/8/2012
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↓
Une très belle fin, pour moi, à partir du retour de Lucius dans se demeure pillée. L'ampleur du style sert à merveille le poignant de l'histoire.
En revanche, au début, ce même style ample dessert selon moi le texte car, n'étant pas encore aux prises avec le dramatique de la situation, m'apprêtant à entrer dans l'histoire, je lui ai trouvé (au style) un côté précieux dommageable ; affaire de goût, on est d'accord.
Une histoire prenante, pour moi, efficace ; les personnages me paraissent bien campés, le texte dans son ensemble convaincant.

"poussait sa lisière à quelques pas du grand Rhône" : dans la mesure où vous avez sans ambiguïté indiqué le lieu de l'histoire, je pense qu'il serait préférable pour l'ambiance antique, comme vous avez fait pour Lyon par exemple (Lugdunum) d'indiquer ici le nom d'"époque" du Rhône (Rhodanum ?).
"la culture romaine, même à des centaines de milles de la ville-mère de l’empire"
"Le campement Vandale devait se trouver plusieurs milles au nord" : était-ce bien le "mille" l'unité de mesure de distance ? Le pied, par exemple, ne serait-il pas plus approprié pour l'époque ? Simple question, j'ignore si le mille est anachronique ou non, mais il m'a surprise dans le contexte.
"tétanisé par la peur et l’adrénaline" : certes, le narrateur omniscient est de notre époque, mais je trouve dommage cette évocation de l'adrénaline pour parler des sensations d'un Romain antique.

   LeopoldPartisan   
21/8/2012
 a aimé ce texte 
Passionnément ↑
Tout simplement magnifique.
Un nouvelle comme il est rare d'en lire. Tout y est. Une vériatble érudition historique où le verbiage est banni. Un style clair limpide au service d'un scénario parfaitement contruit (je ne connais qu'un auteur ici capable de cette prouesse, jugeant à l'aveugle on verra bien si je l'ai reconnu.) Un vocabulaire fouillé et choisi qui n'est jamais pédant. Et pour terminer cet éloge un décor somptueux et immuable.
Bravo... MILLE FOIS BRAVO ET BRAVISSIMO...

   Anonyme   
25/8/2012
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Bonjour steph08... Une très belle histoire tracée par une plume toute aussi belle, je suis ravi de ma lecture. Tout d'abord j'apprécie le souci du détail qui nous plonge dans cette époque et ambiance gallo-romaine somme toute assez peu connues du commun des mortels. Nous remémorer le déclin de Rome à travers cette tragédie familiale est une très bonne idée. L'histoire de Lucius est très bien menée et la chute,
"Et le Rhône demeura, éternel témoin des hommes.
Et les hommes persistèrent à être des hommes. De ceux qui construisent le monde, et de ceux qui le dévorent.", la chute disais-je est (malheureusement) intemporelle.
Juste une question, pourquoi pas en titre La fin d'un monde ?
Ce n'est qu'un détail et vous avez certainement vos raisons...
Bravo et merci !

   macaron   
25/8/2012
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Une nouvelle historique conventionnelle, servie par une écriture classique sans faille. L'époque est intéressante, et jusqu'au moindre détail, vous nous faites partager ce commencement de la fin d'une des plus grandes civilisations. L'histoire est simple, et l'on vous suit sans difficulté d'autant que Lucius s'impose indéniablement dans ce rôle d'anti-héros. Un texte agréable à lire, un bon moment d'évasion pour qui aime l'histoire... et la petite histoire!

   Pepito   
25/8/2012
Forme : belle écriture, avec quelques phrases lyriques. Même si de temps à autre j'ai été surpris. Par exemple, au début, une "existence sécurisante" ?

Fond :très documenté. Le passage ou le héros est seul face aux Vandales est moins convainquant. Pourquoi un non soldat s'approche si prêt, à voir les combats ? Pourquoi des nomades tueraient un cheval ? Pourquoi une flèche dans la jambe ? On torture un peu et on arrête sans résultat, juste pour voir ?
Le retour du blessé fait furieusement penser à Gladiator :une femme, un enfant, une maison brulée. Difficile d'y échapper.
La petite "sieste", à l'arrivée, semble difficile à absorber aussi.

Quelques menus défauts pour un texte passionnant et très agréable à lire.

Pepito

   brabant   
26/8/2012
 a aimé ce texte 
Bien
Bonjour STEPH081976,



Je suis venu ! J’ai lu ! Je n’ai pas été vaincu !
(Enfin ! Pas tout à fait !)
lol ! Je plaisante…
C’est bien, pour tout dire ça m’a fait penser à Jacques Martin (Ben oui !... le père d’Alix. Une des rares BD historiques relativement crédibles), c’est sérieux, sobre malgré une touche de ’picaresque’ (j’ai conscience de l’anachronisme du mot, maiiis…), bien construit. Clair, accessible, ça se lit d’un trait.


La difficulté avec ce genre de récit c’est qu’il est impossible de se mettre dans la tête d’un gaulois romanisé du Vè S. . L’auteur tente d’éviter ce problème en limitant au maximum la psychologie des personnages, voire en l’évitant quand faire se peut (c’est vrai qu’on tomberait alors facilement sinon nécessairement dans la caricature et l’invraisemblance, et surtout l’anachronisme), au profit de l’évocation de coutumes (attestées), d’un schéma historique (peut-être un peu simpliste, surtout par ses raccourcis), de la description d’un navire (j’ai regretté de ne pas voir nommé ce boutre, cette ‘nef’) et de la pratique du halage, etc… . Ce qui est habile.


- Admirer les courbes d’une vénus… j’ai des doutes…
- Embrasser sa femme sur la bouche… aussi…
- Le rapport au christianisme relativement naissant et aux dieux est certainement beaucoup plus complexe.
- Un temple païen qui n’est pas déjà remplacé par une ‘église’… cela me paraît curieux… mais j’ai peut-être tort, paaas sûûûûr…
- Dire « Bonjour » aux survivants d’un ‘village’ dévasté (on fonctionnait en villas ; non ?) peut paraître inadéquat. Etre restauré par ces morts-vivants… Pourquoi pas ?
- Et le cheval, que Lucius épuise entre ses jambes comme un vulgaire cowboy estampillé outlaw indélicat ! Ah !... le rapport au cheval, qui était tout sauf un animal pour ces gens-là ! On se souvient d’Incitatus qui fut nommé consul puis du cheval de Néron qui accéda au titre de pontifex maximus quelques siècles auparavant, or contrairement à que nous ont fait croire certains historiens primitifs, ceci n’était en rien un signe de folie de la part de Néron (concéderais-je l’extravagance ? Et encooore…), un cheval n’était PAS UN ANIMAL pour les Romains ; on insistera : c’était avant le Vè ; mais aussi pendant notre Moyen Age, le cheval était à part, et pas classé dans la catégorie des animaux ; de quand cette classification date-t-elle d’ailleurs, de quand la dichotomie homme/animal date-t-elle (il conviendrait d’aller voir du côté de Buffon et des Encyclopédistes ; sinon rien n’est aussi net avant…) ? Nous sommes vraiment les seuls à bouffer du cheval (lol)… et encore, pas tous, et pourquoi donc ?



Ben, j’arrête là, moi (où je vais à trotter et à galoper comme ça ? M’emballe, là), j’ai bien aimé ce texte quand même hein et j’ai passé un bon moment, mais en sachant raison garder, ce fut un très aimable ‘’divertissement ‘’ au sens pascalien du terme, c’est-à-dire au sens noble.


Il faut savoir rester bon enfant avec le passé (et humble, je parle pour moi. Déjà même pour un passé récent je sais que je ne fonctionne pas comme mes parents et encore moins comme mes grands-parents, de même que Francis Leys), l’horizon d’un villageois du XVè S. se bornait à une ou deux dizaines de lieues et ses connaissances de toute une vie à une centaine de personnes, je me demande ainsi quel pouvait être l’horizon d’un gaulois romanisé et ce qui tenait lieu pour lui de dieux, d’homme et d’animal… Mais c’est bien plus complexe que cela.


lol

   Boulingrin   
26/8/2012
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Je ne suis pas du tout familier de cette partie de l'Histoire, pourtant votre texte m'a semblé accessible, et même instructif par moments. Le vocabulaire est érudit sans être rébarbatif, le récit est fluide, le cadre est bien décrit, on s'y croirait !
Le parallèle final avec le Rhône, et le sujet de votre récit, m'ont un peu fait penser à "L'Art français de la guerre"... en plus concis bien entendu !

La fin est très belle, très forte. Peut-être auriez vous pu vous attarder sur l'esclave qui n'a pas rempli sa mission : cela m'a un peu fait l'effet d'un personnage "jeté" hors de l'histoire, même si on devine que cela peut avoir un rapport avec ses origines.

Merci pour cette belle et terrible histoire.

   matcauth   
26/8/2012
 a aimé ce texte 
Bien
bonjour,

Un texte très documenté et une écriture très bonne, très mature.

J'avoue ne pas avoir vraiment accroché à l'histoire, qui semble presque passer au second plan ici, et la fin est trop prévisible, amenée par des scènes à la "Gladiator". Je pense que la psychologie des personnages manque, leurs émotions aussi, du coup on a plus de mal à "entrer" dans l'histoire.

Mais, encore une fois, la forme est irréprochable, pas de fioriture, peut-être une légère tentation à utiliser des termes techniques

"Lucius saisit un strigile et commença à se racler consciencieusement le derme."

par exemple.

Mais c'est vraiment pour trouver quelque chose !

   Palimpseste   
27/8/2012
 a aimé ce texte 
Bien
Une histoire effectivement digne de Russel Crow.

Je n'ai pas vu de souci historique et on trouve assez de référence pour nous mettre dans l'ambiance, sans qu'elles ne soient trop nombreuses (ce qui amènerait au crime de pédantisme :-) )

J'avoue que si j'ai apprécié ma lecture, j'ai failli l'arrêter au troisième paragraphe, l'introduction me semblant annoncer un récit mortellement ennuyeux. Heureusement que, après "Luciis s'éveilla (...)", l'histoire part bien.

Le descriptif des nautes qui remontent le courant grâce à un touage d'esclave n'a pas trop d'intérêt pour le récit et en dilue la force. (en plus, la phrase sur "une quinzaine cordes naissent de ce mat pour rejoindre (...)" est carrément inappropriée dans un thriller , fut-il historique".

Ceci dit, j'ai passé un bon moment de lecture et aurait plaisir à lire vos prochaines contributions.

   Anonyme   
9/9/2012
 a aimé ce texte 
Bien
Féru de tout ce qui a trait à la Rome antique, je ne pouvais oublier ce texte repéré il y a quelque temps. J'ai donc lu et plutôt bien aimé même si ce n'est pas l'extase. J'ai en effet trouvé l'écriture solide au début puis perdant de l'intensité par la suite, avec l'impression que vous maitrisez davantage les réflexions sur la nature des hommes ou l'avenir de l'empire par exemple, que le déroulé de scènes d'action.

Vous avez su éviter le documentaire historique en évitant de surcharger votre récit de références, piège classique quand on cherche à immerger le lecteur dans le passé.

Lucius est assez crédible, à part l'idée saugrenue d'aller voir de près l'invasion. Les populations de l'époque, terrifiées par ces hordes venues du Nord, prenaient plutôt leurs jambes à leurs cous.

La fin est belle, tragique, mais évidemment on ne peut s'empêcher de penser à Gladiator ; la villa incendiée, sa famille assassinée. Vous auriez peut-être pu trouver une issue moins dramatique, le texte n'en aurait pas souffert.


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