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Science-fiction
Vilmon : Le cheval et la fleur
 Publié le 21/06/25  -  5 commentaires  -  9957 caractères  -  23 lectures    Autres textes du même auteur

Le cheval a été un important partenaire pour l'humain pendant plusieurs millénaires. Avec toutes les nouvelles technologies, il est actuellement à la retraite, mais qui sait ? Peut-être peut-il encore contribuer à l'espèce humaine.


Le cheval et la fleur


Un cheval bai broute tranquillement dans sa prairie, savourant les petites pousses tendres qu’il flaire. La matinée est fraîche, la rosée agrémente les bouchées, le soleil lui réchauffe les flancs. Le tout annonce une jolie et paisible journée. Soudain, une pensée envahit sa tête, brisant ce moment de quiétude. « Imbécile animal ! Regarde où tu mets tes pattes. » Étonné, le cheval se relève prestement et observe les environs. Il est pourtant seul, aucun de ses confrères ou consœurs n’est près de lui. Qui peut bien lui avoir envoyé cette réflexion ? « Tourne tes yeux vers le sol et vois venir la fin de ton monde. » Il n’a rien imaginé, quelqu’un lui envoie effectivement d’étranges messages. Fin du monde, que veut dire ce concept ? Il observe le sol à ses pattes et n’y remarque qu’une fleur quelconque. Est-elle vraiment ordinaire avec ses pétales bleus et ses feuilles rouges ? Sans doute que non, conclut-il après réflexion. « Animal bourru et ignare, je ne suis pas une fleur comme les autres. » Cette réplique virulente le fait reculer d’un pas. Il prend conscience que toutes ces pensées proviennent bien de cette plante assez peu commune. « Fais attention, grotesque monstre ! Tu as écrasé l’une de mes concitoyennes. Ça va, nous sommes coriaces, elle s’en remettra. »


Le cheval revient près de la fleur, reprenant courage face à cet être minuscule doté de la capacité de lui transmettre des messages. Il la renifle, elle a une odeur charmante, ou plutôt, encore mieux, savoureuse. « Écarte-toi de moi, sale bête ! Sache que je suis pourvue de dards vénéneux que je peux te projeter. Tu trépasserais en quelques secondes si l’un d’eux te piquait. » Incrédule, mais prudent, il éloigne quelque peu ses naseaux pour l’observer attentivement. Il y a effectivement de petites aiguilles au centre de la corolle. La fleur dit sans doute vrai, mais comment de si minuscules choses pourraient le tuer ? « C’est un poison paralysant. En un instant, ton cœur cesse de battre et tes poumons de respirer. » Quelle assertion stupéfiante. Il connaît bien quelques champignons qui ont un effet semblable, mais une fleur ? Il n’en a jamais rencontré auparavant.


Cette dernière reprend son discours. « Il y a plusieurs millénaires, notre communauté de fleurs avait conquis la planète. C’était une époque merveilleuse durant laquelle nous contrôlions tous les êtres vivants. Nous étions les maîtres de toutes les terres, nous étions l’espèce dominante. Cependant, tout comme les stromatolites qui ont rejeté tant d’oxygène que leur environnement leur est devenu toxique, notre règne a accéléré un refroidissement planétaire provoquant une glaciation. Nous constatons par la position actuelle des étoiles que nous avons été en dormance pendant très longtemps, nos semences étant prisonnières des glaces et du pergélisol. Maintenant, avec ce réchauffement climatique, nous sommes libres. Et bientôt, nous recouvrerons notre hégémonie ! » Agacé par ces réflexions qui lui emplissent la tête sans assouvir son estomac, le cheval s’éloigne de quelques pas, loin de cette fleur intrigante et peu courtoise. Il retrouve la paix non loin de là, se penche et trouve de succulentes petites herbes tendres.


Après un bon moment, une de ses consœurs le rejoint, curieuse. La jument constate qu’il reste longtemps au même endroit. L’herbage doit y être délicieux, en conclut-elle. Elle s’approche et se positionne à ses côtés, à contresens. Le cheval relève la tête, se tourne vers elle et s’ébroue avec délicatesse, acceptant sa présence. La jument pointe ses oreilles et lui lance sa queue sur son chanfrein afin d’y éloigner les mouches. D’un commun accord, ils se penchent et broutent. La jument piaffe légèrement pour lui signifier qu’elle est ravie qu’il lui permette de partager ces appétissantes pousses. Il lui répond par deux légers coups de fouet avec sa queue. « Il y a d’étranges petites fleurs bleues non loin d’ici  », lui envoie-t-il en pensée. « Vraiment ? » lui demande-t-elle. « Elles baratinent à propos de la fin du monde  », poursuit-il. La jument reste silencieuse, exprimant ainsi son indifférence à propos d’un tel sujet.


L’après-midi passe sans événements sous un soleil radieux et un ciel bleu. Comme chaque jour, une fille vient les visiter. Habillée d’une salopette rouge et d’un t-shirt rose, elle s’avance parmi les herbes avec ses bottes de caoutchouc jaune. Ses cheveux blonds attachés en fontaine balancent à chacun de ses pas. Avec son visage souriant, elle chantonne une salutation joviale, comme toutes ces autres fois. La jument, heureuse de cet intermède, relève sa tête et la hoche en faisant quelques pas dans sa direction. L’enfant, à peine plus haut que son garrot, s’approche d’elle en élevant sa main. Arrivée près de la jument, elle lui câline l’encolure et passe ses doigts dans la crinière. « Quelles merveilles que sont ces petites choses qui nous grattouillent, nous chatouillent, nous caressent ou nous coiffent des tresses », déclare la jument avec délectation. Elle souffle dans les cheveux de l’enfant et une surprise apparaît dans l’autre paume : une pomme. Elle la happe avec ses lèvres et la croque avec enthousiasme. La fille chantonne à sa manière en glissant sa main sur son pelage. C’est une suite mélodieuse d’intonations, remplie de cajoleries, et de laquelle transpirent du respect et de l’admiration. « Cette pouliche humaine est vraiment gentille », confirme l’autre en s’approchant pour lui quémander à son tour ces douces attentions. De sa salopette, la fille sort magiquement une deuxième pomme que le cheval savoure. Elle s’exclame en remarquant l’étrange corolle bleue aux feuilles rouges près de leurs sabots et se penche. Elle tend l’une de ses mains pour la cueillir. « Sale bipède assassin ! » s’écrie la fleur en lui projetant ses dards. Ceux-ci se logent dans les doigts. La main rougit subitement. L’enfant marmonne d’incompréhension. Son visage devient très blême. Elle perd l’équilibre et s’affale au pied des deux chevaux, inconsciente.


Alarmée par la possibilité d'être privée de ces jolies petites choses si agiles et affectueuses, la jument lèche cette main toute rouge. « Qu’as-tu fait à notre gentille petite humaine ? » demande le cheval. « J’aime bien entendre roucouler ses rires lorsque je la promène sur mon dos », renchérit-il. « Elle n’avait qu’à nous laisser vivre. C’est ce qui arrive à tous ceux qui osent nous défier ou nous agresser. » Le cheval s’approche de l’enfant pour s’enquérir de son état. Il abaisse ses naseaux pour la sentir. Il remarque que son visage reprend des couleurs et que sa respiration revient à la normale. « Elle semble mieux se porter », affirme-t-il en soufflant dans sa chevelure. La jument lève la tête, ses oreilles sont rabaissées vers l’arrière, et elle secoue sa crinière en hennissant. Furieuse, elle piaffe près de la fleur qui a mis en danger sa précieuse petite humaine.


La fleur lui projette ses dards au-dessus du sabot. « Sois foudroyée à ton tour, espèce de quadrupède dégénéré ! Apprenez, stupides mammifères, qui sont les nouveaux maîtres du monde », s’écrie-t-elle. Sentant sa patte devenir insensible, la jument se penche et y passe sa langue. Elle frappe le sol à plusieurs reprises et l’effet disparaît. « C’est une sensation étrange, mais sans être déplaisante », envoie-t-elle vers le cheval pour le rassurer. « Comment ? Tu n’es pas saisie, paralysée ? » s’étonne la fleur. La jument fait quelques cabrioles pour lui montrer que tout va bien. « Alerte ! Communauté, notre poison est obsolète. Ces quadrupèdes y semblent immunisés  », lance la plante en urgence. « J’ai remarqué plus tôt que cette fleur asociale a une odeur délicieuse », réplique le cheval de façon menaçante. Fâché qu’elle ait attaqué sa consœur et la gentille petite humaine, il s’abaisse vers elle. Et avant qu’elle puisse se défendre, d’un rapide coup de gueule, il l’arrache du sol.


Bien que les minuscules dards se logent dans son palais, il la mâche avec application, savourant la sève sucrée. « C’est plutôt fibreux et piquant, mais c’est très appétissant et ça remplit bien l’estomac », affirme-t-il. « Dommage qu’il n’y en ait qu’une seule », réplique la jument, déçue. « Il y en a d’autres plus loin », l’encourage le cheval en faisant quelques pas. Avant de le suivre, elle s’enquiert d’abord de l’état de sa délicate protégée. Elle lui pousse l’épaule avec son museau. La fille bâille, se redresse difficilement et s’exprime d’une façon qui semble normale bien qu’un peu inquiétante. Pauvre petite humaine, elle ne comprend pas ce qui s’est passé, se dit la jument. Plus qu’à l’accoutumée, elle la trouve plutôt instable sur ses deux frêles pattes. Elle lui propose de monter sur son dos en pliant ses genoux antérieurs et en se couchant sur le sol. La fille grimpe de manière maladroite et les merveilleuses petites choses s’agrippent à la crinière. La sentant bien en place, étendue sur son encolure, la jument se relève et trotte pour rejoindre le cheval. La fille perd l’une de ses bottes et lui chantonne comme d’ordinaire lorsqu’elle désire quelque chose. Récupérer la botte ? Pour quelle raison ? se questionne la jument. Elle exécute une démarche sautillante que sa cavalière adore. Elle l’entend rigoler. « Notre gentille petite humaine va beaucoup mieux », déclare-t-elle. « J’en suis bien heureux, maintenant assurons-nous qu’elle ne soit plus attaquée », lui réplique l’autre.


Puis, insensibles aux pensées de pitié qu’ils reçoivent, les deux chevaux se gavent de savoureuses petites fleurs bleues.


 
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   Anonyme   
21/6/2025
trouve l'écriture
aboutie
et
aime un peu
Bonjour,

On dirait que ces fleurs bleues ont perdu de leur piquant pendant leur hibernation. Au début, je pensais lire une histoire plus tragique. Qui sait quels méchants virus nous réservent la fonte des glaces.
Le cheval est un compagnon fidèle pour l'homme. Il aime cependant sa liberté. Gardons nos travaux et nos courses folles, lui a sa propre vie à galoper.

Merci pour cette histoire. Les pensées du cheval sont bien traduites (enfin, ce que l'on peut en imaginer), le fil de l'histoire se tient. Il n'y a plus qu'à se laisser aller dans le pré.

   Provencao   
21/6/2025
trouve l'écriture
aboutie
et
aime bien
Bonjour Vilmon,

J'ai bien aimé ce lien , ce cheval bai renforce dans votre nouvelle, cette animalité et ses originaux enjeux nous offrant le plus habituellement de réexplorer l'histoire, avec ses signes, ses éclats se révélant toujours créateurs.

Si ce cheval donne à penser, c’est sans aucun doute parce que, plus essentiellement, il nous renvoie à ce que nous sommes : un animal transcendant voire surnaturel...

Très originale votre nouvelle.

Au plaisir de vous lire,
Cordialement

   Charivari   
21/6/2025
Bonjour. Surprenant. Ces fleurs bleues, c'est des chardons extraterrestres?
C'est gentil, bien écrit, j'ame bien comment réfléchissent et parlent les chevaux... Mais ça ne m'a pas non plus transporté.

   Vilmon   
28/6/2025
Bonjour,
Par ICI
pour les remerciements et quelques éclaircissements à propos de ce récit.
Vilmon

   Salima   
2/8/2025
trouve l'écriture
aboutie
et
aime bien
Bonjour Vilmon,
Je vous offre un commentaire partial, suite à vos râles, oups, pardon, juste une tite blague, suite à votre fil sur le forum. Et j'ai déjà lu l'ensemble des commentaires et vos explications. Naturellement, mon jugement est influencé par les informations qui précèdent. J'aurais aimé vous lire anonymement pour me faire une idée plus impartiale. Tant pis.
Je trouve l'idée et son traitement intéressants et originaux. L'écriture se lit aisément, et peut-être un peu plus que ça : il y a une simplicité accompagnée d'aisance dans le style, qui me plaît particulièrement. Voyons voir :


Un cheval bai broute tranquillement dans sa prairie, savourant les petites pousses tendres qu’il flaire. La matinée est fraîche, la rosée agrémente les bouchées, le soleil lui réchauffe les flancs. Le tout annonce une jolie et paisible journée. Soudain, une pensée envahit sa tête, brisant ce moment de quiétude. « Imbécile animal ! Regarde où tu mets tes pattes. » Étonné, le cheval se relève prestement et observe les environs.


Peu de phrases complexes, et lorsqu'il y en a, de préférence coordonnées et non subordonnées. Chaque proposition apporte une nouvelle information. De cette façon, l'histoire avance très régulièrement, à un joli rythme, selln un juste milieu, ni pesant de lenteur, ni effréné. Je trouve cette phrase "la rosée agrémente les bouchées" particulièrement bien tournée et pleine de charme : l'idée est très parlante et le choix des mots charme l'esprit. Vous auriez pû écrire "ses bouchées", avec une désagréable connotation de propriété, d'accaparation.
Vous utilisez souvent les appositions. Elles vous servent à préciser la manière ou à situer dans le temps ou l'espace, ce que d'autres choisissent de faire par des phrases complexes.
Vous avez souvent une progression thématique à thème constant, ce que je trouve, personnellement, agréable à lire, parce que l'esprit reste focalisé sur un sujet et a le temps de saisir les développements. Par opposition, la progression à thèmes dérivés est aussi intéressante, mais requiert une certaine maîtrise des idées sans quoi on y trouve une grande confusion logique.
Vous usez assez peu du "et", seulement pour lier deux éléments, soit deux propositions (la fille grimpe de manière maladroite et les merveilleuses petites choses s’agrippent à la crinière), soit deux groupes nominaux (sous un soleil radieux et un ciel bleu.), soit deux adjectifs (Animal bourru et ignare). C'est drôle, chez vous, tout marche par deux. Vous n'avez jamais d'énumération de trois éléments ou plus.
Attention, vous utilisez beaucoup de "quelques".

Vous dites que c'est de la science-fiction. Ça se défend. Mais les éléments de science sont très en retrait, par contre les animaux et même végétaux qui s'expriment me font plutôt penser à la fable, ou bien au conte, parce que les fables sont courtes. Disons, c'est une question de contexte. Votre phrase introductive permet d'orienter vers la science-fiction, en tout cas. Et dans un recueil de science-fiction, on n'irait pas penser à un conte.
La fleur est très drôle, une vraie râleuse, celle-là, aussi ^^. Je sais de qui elle tient !
Ah oui, la ponctuation : j'aime pas mal votre absence de points d'exclamation dans les phrases qui sont très évidemment exclamatives (quelle assertion stupéfiane). Cela provoque un effet particulier. Bizarrement, l'exclamation se trouve renforcée, parce que celui qui s'exclame le fait dans le corps du texte, comme une chose allant de soi, comme si l'exclamation devait naturellement être partagée par quiconque dans cette situation, et du coup sans attendre de confirmation qui est trop évidente pour être formulée.

Vous avez un usage très particulier de certaines constructions. Goût perso : je réprouve un peu. Par exemple :
Sache que je suis pourvue de dards vénéneux que je peux te projeter : que je peux projeter sur toi. À moins d'un usage qui m'est inconnu ?
Elles nous coiffent des tresses : elles nous tressent la crinière et la queue ? Je connais coiffer d'un bonnet par ex, c'est à dire ajouter un accessoire. Mais coiffer de tresses est très étrange pour moi.
Elle souffle dans les cheveux de l’enfant et une surprise apparaît dans l’autre paume : une pomme. Vous n'avez pas parlé d'une première paume ou d'une première main pour pouvoir parler d'une "autre" paume.
J'aime la précision dans l'observation du comportement des cheveux. Un grand soin du détail et de l'interprétation.
"Ses cheveux blonds attachés en fontaine" : joli.

Dans l'ensemble, j'aime cette histoire qui prend son temps dans le détail et dans l'instant présent. J'aime l'écriture aussi. Je ne suis pas sûre de saisir les intentions de l'Auteur d'après la seule nouvelle, mais qu'importe. Merci pour le partage.


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