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Aventure/Epopée
Vilmon : Le magnifique cheval d'Ulysse
 Publié le 23/12/23  -  6 commentaires  -  7860 caractères  -  64 lectures    Autres textes du même auteur

Le récit d'un cheval durant la guerre de Troie.


Le magnifique cheval d'Ulysse


Regardez et admirez ! Ma crinière lisse qui vole au vent, ma robe noire, sombre comme la nuit, mes longs fanons et mon chanfrein de blanc qui me distinguent du commun. Cette splendide cambrure qui s’étire élégamment à chaque saut. Le tambour de mon galop qui effraie l’ennemi. Ces sabots qui peuvent tuer lorsque je me cabre avec férocité. Ma puissance pour tirer avec agilité ce chariot sur les champs de bataille afin que mon cavalier puisse décocher ses flèches avec précision.

Mon cavalier est le plus grand des guerriers, un homme juste et bon : Ulysse. Ma quête est audacieuse, cette guerre de Troie est exigeante et je suis récompensé par du grain, un brossage quotidien et une couverture pour les nuits fraîches. J’inspire la fierté et le courage, je vaque librement dans le camp pour que tous ces combattants puissent m’admirer. Je récolte leurs caresses et leurs acclamations en circulant parmi eux. À leur toucher, ma crinière irradie de bleu et des étincelles volent vers eux, je les charme et ils me sont fidèles. Je deviens leur emblème, leur inspiration, l’incarnation de leurs valeurs, je suis leur chef de guerre.

Pour preuve, voilà qu’ils construisent à mon effigie cette énorme statue : un cheval fier et solide, fabriqué de bois sombre, comme ma robe. Je gambade autour de cette construction alors qu’ils y fixent les planches. Avec ma radiance bleutée, je les encourage à cet ouvrage noble et édifiant. À la fin des travaux, Ulysse m’interpelle, je m’approche. Il coupe une mèche de ma coiffe, adresse une prière aux dieux et frotte mes poils contre la statue. Un halo luminescent l’enveloppe et la transforme, elle resplendit de grâce et de puissance, tout comme moi. Lorsque le royaume de Troie apercevra cette œuvre, il réalisera que nous sommes invincibles. Il abaissera alors ses armes, se prosternera et acceptera de me louanger. Je suis un conquérant, je serai leur avenir, rien ne peut s’opposer à ma volonté, notre empire est supérieur en force et en esprit.

Étrange, au crépuscule, je remarque que des hommes grimpent à une échelle les menant à l’intérieur de cette splendide œuvre. Je reconnais mon cavalier accompagné par Achille et ses fidèles Myrmidons, l’élite des guerriers grecs. Ont-ils élu domicile dans l’antre de cette superbe statue ? Lorsque la nuit devient obscure, je vois plusieurs hommes y fixer de longues longes et la tirer. Je les escorte, aucun ne peut m’en empêcher, mon cavalier est à l’intérieur de cette construction et je reste près de lui, peu importe où il va. Nous nous dirigeons vers les remparts de Troie, ce sera une démonstration de notre puissance et de notre majesté ; effrayés et impressionnés, ils se rendront immédiatement. Je prends les devants pour les guider, je me retourne souvent pour observer leur progression en piaffant d’impatience. Fier de les conduire, j’avance la tête haute, ma crinière au vent, lançant mes étincelles de charme.

Près du grand portail qui a su résister à tous nos assauts, mes hommes y laissent l’énorme cheval de bois, puis ils s’éloignent pour retourner au campement. J’essaie de les retenir en usant de mon pouvoir, mais une force plus grande les contraint de quitter ces lieux. En de rares occasions, il arrive que leur raison les rende sourds à mes suggestions. Certains d'entre eux s’inquiètent à mon sujet, ils tentent de m’attraper, mais je les déjoue. Je cavale pour éviter leurs bras tendus et après quelque temps, ils cessent leurs efforts et me quittent. La nuit est silencieuse après leur départ et l’air se rafraîchit. Je fais le tour de l’œuvre au petit trot pour me réchauffer, déçu qu’aucun ne m’ait laissé une couverture, mais je me console, mon cavalier n’est pas loin.

Après quelque temps, la lune se lève à l’horizon et soudain, j’entends un étrange grincement. J’aperçois une lumière provenant du portail, des flammes et des silhouettes apparaissent et s’avancent dans ma direction. Cette magnifique structure au clair de lune les captive, les attire, ils viennent à sa rencontre. Mon cœur s’affole, j’entends leurs clameurs, je vois leurs sourires. En effet, admirez cette statue équestre, ce symbole de puissance, sachez qui est maintenant votre chef. Frivole, je gambade autour de la construction, mes étincelles s'envolent vers ces gens, je les séduis et les ensorcelle. Plusieurs s’exclament, je ralentis le pas et j’accepte leurs caresses bien qu’ils soient nos ennemis. Je leur démontre que je déborde de bienveillance, de clémence et de pardon.

Subjugués, ils s’activent, ils installent à leur tour des longes et tirent la statue à l’intérieur de leurs remparts. J'accompagne mes nouveaux sujets et une extraordinaire surprise me remplit d’allégresse lorsque je pénètre dans l'enceinte : les ravissantes décorations artistiques en bas-relief qui parcourent les murs, les magnifiques fleurs odorantes et les luxuriantes vignes qui cascadent de chaque balcon ou de chaque fenêtre, le merveilleux chant des femmes et des enfants qui nous accueillent avec joie. Je suis ébloui, jamais je n’ai vu autant de splendeurs. Saisi par ce spectacle, je reste près de la statue de bois, effaré par tous ces délices qui m’enchantent et m'ébahissent. Une célébration se déroule, les habitants fêtent leur victoire, ils croient que nous avons abandonné et leur avons offert cet emblème avant de les quitter. Je suis offusqué, ils se méprennent à propos de son achèvement et de son but. Je me renfrogne, refusant leurs mains tendues pour me flatter. Je tente de sortir de cet endroit pour rejoindre mes combattants, mais l’immense portail est refermé : je suis leur prisonnier.

Les gens s’éloignent pour parader vers leur palais, me laissant seul près de la statue. Le silence s'installe, la tête basse, je suis incertain de mon destin. Un bruit derrière moi me surprend, des planches s’écartent et une échelle de corde se déroule depuis le torse de la construction. Des hommes descendent et je reconnais mon cavalier, je hennis de joie. Il s’empresse de me rejoindre pour me calmer en grattant mon encolure. En réponse à ces caresses, ma crinière brille de bleu et j’enveloppe d'étincelles les hommes d’Achille qui se dirigent vers le portail. Silencieusement et avec agilité, ils se font la courte échelle et grimpent aux remparts. J’entends le chuintement mortel des coups d’épée, puis le grincement des portes, elles s’ouvrent à nouveau. Quelle joie, quelle finesse, ils m'ont libéré. Devançant mon cavalier, je trotte avec entrain vers la sortie pour les guider.

Passé le seuil, je suis arrêté par un groupe de guerriers, ils sont ravis de me retrouver, glissent leur main sur ma robe pour me cajoler. Je les illumine et les enhardis ; mes fidèles combattants m’ont rejoint. Je comprends alors la véritable astuce : cette statue n’est qu’un leurre afin de pénétrer chez l’ennemi. Les événements se bousculent, les atrocités se multiplient. Ils envahissent les lieux, saccagent et brûlent toutes ces splendeurs. Ils massacrent, pourfendent et décapitent les hommes et les garçons. Ils violent, lacèrent puis pendent les femmes et les filles. Ils empoignent et jettent au feu les enfants innocents ou les précipitent du haut des bâtiments. Je fais quelques pas, j'ai participé à des combats, mais je n'ai jamais assisté à tant d'abominations. Abasourdi parmi ces cris et ces pleurs qui remplacent leurs rires et leurs chants, je n’y trouve là aucune des valeurs que je veux leur inspirer. Je réalise avec stupeur que j’ai mené ces odieux combattants jusqu’ici.

Vanité, je ne suis que vanité, et je récolte toutes ces horreurs pour m’en récompenser. Effaré, terrifié et dépité, j’entends cet immense fracas à mes côtés. Soudain, une vague ardente m’engouffre, sur moi s’affalent des bois enflammés. En souffrance au sol, j’expire mon dernier souffle alors que je suis écrasé par cette immense statue de vanité.


 
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   jeanphi   
23/12/2023
trouve l'écriture
aboutie
et
aime beaucoup
Bonjour,

Vraiment, superbe nouvelle, très dirigée vers la sensibilité, on ne cesse d'éprouver de l'ampathie pour le narrateur. Je retrouve chez vous ce côté descriptif de l'émotionnel, ou comment le nommer, si particulier que j'avais déjà exprimé au sujet de vos textes. Une place de choix est laissé à la personnalité de votre, et de vos en règle générale, protagonistes.
Si bien que la sensibilité si contagieuse dans le cas d'un héros équidé se mue en réelle compassion lors de la conclusion du récit.

   Cristale   
24/12/2023
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime beaucoup
Bonjour Vilmon,

Je viens de me plonger dans une nouvelle que je qualifierais de merveilleusement poétique dont aucune ligne ne m'a laissée sur le côté, ni lassée au point d'abandonner ma lecture.
Le récit se déroule de façon vivante et l'empathie de cet élégant narrateur envers son célèbre cavalier, et les humains en général, est plutôt touchante.

Même en découvrant la cruelle réalité celui-ci ne perd rien de son panache et sa triste fin provoque une réelle émotion à la lectrice que je suis, peu souvent (et piètre ^^) commentatrice de nouvelles.

J'ai été enchantée, c'est le mot, par cette écriture légère, précise, imagée et d'une grande sensibilité.

Bravo et merci !

   Polza   
24/12/2023
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime beaucoup
Bonjour Vilmon,

Je ne viens que très rarement faire un tour du côté des nouvelles, faute de temps. C’est le titre qui m’a attiré, « Le magnifique cheval d’Ulysse » ça m’a donné envie, j’aime beaucoup les récits mythologiques.

C’est admirablement bien écrit, c’est fin et cela ne m’aurait pas choqué du tout de découvrir ce récit dans la catégorie récits poétiques.

J’ai suivi avec enthousiasme les aventures de ce cheval tour à tour orgueilleux, narcissique, fidèle à son cavalier, admiratif, peureux, frappé d’effroi…

Du début à la fin, je me suis laissé emporter par l’écriture plaisante, inventive, poétique, aboutie…

J’ai envie de conclure en disant « Le magnifique cheval d’Ulysse » « Le magnifique récit de Vilmon ».

Merci pour ce bon moment de lecture en guise de cadeau de Noël quelques heures avant minuit !

   Cox   
26/12/2023
trouve l'écriture
convenable
et
aime bien
Bonjour Vilmon,

J'ai apprécié le texte qui évoque une esthétique surnaturelle où ce cheval se pavane sur le champ de bataille et l’irradie de sa lueur bleue, comme un étendard intouchable.

D'un point de vue stylistique, j'ai apprécié la simplicité de l'écriture; il aurait été difficile pour moi de lire un texte excessivement travaillé en me disant qu'il nous vient d'un cheval. A vrai dire, je regrette presque que le ton n'ait pas été encore plus simplifié: un style extrêmement épuré, très naïf, enfantin, aurait pu être une expérience intéressante (quoique difficile), pour nous immerger dans le point de vue de l'animal.
Ici il reste quelques tournures, ou un peu de vocabulaire, qui m'ont semblé trop avancés pour nous faire ressentir pleinement la candeur du cheval. Celle-ci est apparent dans ses propos et ses pensées naïves, bien sûr. Mais j'aurais été curieux de voir s'il était possible soutenir cette impression de manière encore plus organique, par un style extrêmement simpliste, sans rendre le tout imbuvable.

Le problème principal que je ressens á la lecture ; la chute est attendue et connue dès le moment où l'on comprend que l'on est sur le théâtre de la guerre de Troie. L'enthousiasme innocent du cheval, est trop appuyé pour que le lecteur ne s'attende pas à sa désillusion finale. L'histoire du siège de Troie etant connue de tous, on sait que tout cela va finir en un génocide. Aussi, on se doute de ce que l'auteur essaye de construire dès les premières lignes. Cela m'a fait lire tout le texte avec un recul qui m'a empêché de m'investir émotionnellement. On connait d'avance le secret du magicien et le charme s'envole un peu; on assiste alors au tour seulement pour scruter ses mains, et on en oublie l'essence. On a malgré tout un hochement de tête respectueux pour l'habileté qu'il a á mettre en place toutes les astuces nécessaires. Mais de magie, point.

Le dernier paragraphe en forme de morale vient un peu mitiger cette impression, puisque je ne l'avais pas vu venir. Je le trouve un peu étrange ceci dit, ce ton moralisateur... C'est un cheval ! C'est étonnant de reprocher son péché de vanité a un animal que ces notions éthiques dépassent. Il était mignon à ne rien comprendre, noyé dans son orgueil enfantin. On ne se sent pas tellement l'envie de lui donner une leçon de morale. Mais pourquoi pas après tout; ça apporte à la nouvelle un élément de surprise qui pour moi, lui manquait cruellement. Et l'image du Vaniteux écrasé sous les ruines de sa propre effigie vaut le détour.
Ca me rappelle un gars qui se noyait dans son propre reflet, le con! L'orgueil de Narcisse a du souci à se faire si ses collègues mythologiques (ou pire; leurs montures!) viennent lui piquer sa place allégorique.

   Vilmon   
26/12/2023
Bonjour, merci pour vos commentaires.
Voici un lien pour les remerciements et quelques explications à propos de ce récit.
ICI
Vilmon

   cherbiacuespe   
21/2/2024
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime beaucoup
Bonjour, Valmon.

Du fond à la forme, tout est maîtrisé. Les mots se suivent en cascade légère, je ne me suis pas ennuyé une seconde tout au long de ce récit. Je pourrais ergoter sur l'absence de saut de ligne entre les paragraphes. Balayons ça d'un revers de main, aucune importance. La conclusion est courte, sèche, elle ne mérite pas mieux.

Un bel exercice bien mené.


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