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Sentimental/Romanesque
Yannblev : Je me souviens, d’une chose à l’autre
 Publié le 27/09/22  -  11 commentaires  -  11433 caractères  -  69 lectures    Autres textes du même auteur

« Un homme sans souvenirs est un homme perdu. » Armand Salacrou


Je me souviens, d’une chose à l’autre


Je voudrais me souvenir comme nous avons bien et passionnément fait l’amour pour lequel nous sommes l’un et l’autre, et l’un à l’autre, prédestinés.


Mais la mathématique qu’on croit binaire des jeux de l’amour défaille quand il plaît au hasard de jouer avec les passions et un trousseau de clefs. Il vous lance parfois comme un dé sur la piste du temps où tout est probable dans un espace où rien n’est plus impossible entre des tomates répandues par le saut d’un chevreuil qui troue l’aube fade d’un jeudi sans particularité.

Quand seule la mémoire besognant dans ce qui n’est déjà plus qu’évanescent tente de donner un sens à ce qui n’en a aucun sous le regard ironique d’un sac de pommes de terre.

Quand les souvenirs remontent et tentent de s’agréger pour souligner la vacuité des milliers de contingences qui pourtant, bout à bout, décident et règlent implacablement l’existence.


Je me souviens.

Ce matin j’ai oublié les clefs de mon bureau et j’ai fait le tour du pâté de maisons pour repasser les prendre. C’est là que j’ai perdu le plus de temps parce que je me suis retrouvé derrière la benne à ordures. Ah ! Celle-là ! Toujours à déployer sur notre route ses ripeurs acrobatiques quand on a justement une urgence.

On me dira qu’il ne fallait pas oublier les clefs.


Mais je les ai oubliées.

En principe je ne les oublie jamais. Enfin plus jamais depuis que j’ai décidé de les attacher au passant du ceinturon de mon pantalon comme le font les écoliers. Hier soir je les ai ôtées de là quand elles me sont rentrées dans la cuisse en me faisant un mal de chien alors que je me vautrais sur le canapé.

J’avais trop bossé et un peu trop picolé. Dans ces conditions je fatigue d’un bloc et je n’ai pas eu tout de suite l’idée de retirer mon costard. D’ailleurs l’humeur et l’ambiance n’étaient pas propices à ce que je le quitte d’emblée.

Comme ça arrive régulièrement nous nous étions copieusement engueulés, je ne sais plus pourquoi. Ça devait être pour rien ou pas grand-chose.

C’est toujours pour ça, pour rien, qu’on se prend de mots et au mot. C’est une manière de code ou de protocole entre nous. Une espèce de mise en train, en forme et condition, avant de reconvoquer l’amour et afin de bien le faire. On se cherche en quelque sorte et stricto sensu. On s’engueule pour rien parce que faire l’amour nous est une évidence, même pas une obligation ou une pulsion, non… une évidence, une destinée ! Et c’est pour ne pas céder facilement au destin qu’on se met ainsi en scène et prenons le prétexte de notre réconciliation pour nous donner l’illusion qu’on décide de quelque chose et que nous pourrions bien faire autrement que nous retrouver enlacés, inséparables.


Je me souviens que je n’ai pas eu le dernier mot alors je me suis resservi un autre verre plus un dernier par-dessus qui pesa deux tonnes sur mes paupières. Quand j’ai voulu m’allonger sur le canapé ce méchant trousseau de clefs m’est entré dans la couenne et, en maugréant comme je sais le faire, je l’ai décroché de son passant, l’ai balancé sur la table basse où il glissa en faisant tintinnabuler au passage mon verre vide et ma bouteille à moitié pleine pour aller finir sur le tapis entre le pouf et le buffet, presque sous le radiateur.


– Qu’est-ce que t’as ? s’est-elle aussitôt inquiétée en sortant de la salle de bains avec des vapeurs odorantes de patchouli et des brillances de savon glycériné sur la peau.

– Rien… j’me suis perforé la cuisse avec mes clefs !


Ça l’a fait rire. Elle rit assez facilement, surtout des misères des autres.


– C’est pas drôle ! ronchonnai-je.

– Mon pauv’ chéri ! dit-elle en s’avançant dans sa nuisette transparente… Quand je te le dis que t’es un maladroit.


Elle s’était approchée, s’était penchée sur moi et, après l’avoir déboutonné à mon ventre, elle avait fait glisser mon pantalon jusqu’à mes genoux. Se penchant encore elle avait posé ses lèvres sur la marque rouge au-dessus de mon genou, avait soufflé dessus trois ou quatre fois puis y avait baladé la pointe de sa petite langue rose.

Nous touchions à l’épilogue attendu de notre dispute de circonstance. Nous n’avions plus besoin de dire un mot plus haut que l’autre, plus besoin de dire un seul mot. Alors j’ai enfoui mes mains et mes avant-bras sous sa liquette diaphane jusqu’à m’agripper, à pleine paume, à ses seins tendus comme des cantalous. En secouant les jambes j’ai viré carrément ce pantalon qui tirebouchonnait sur mes mollets. Il est tombé comme un oiseau fusillé, en vrac, au pied du canapé, à l’opposé du trousseau de clefs.


Je me souviens que nous nous sommes étreints inconfortablement sur le cuir du divan. Je ne l’ai même pas entendue gagner la chambre à coucher. Quand je rejoignis moi-même cette alcôve je n’ai pas allumé mais j’ai perçu cette sorte de miaulement qu’elle fait toujours quand elle dort à poings fermés. J’ai imaginé le plumet que faisaient ses cheveux qui seuls dépassaient sans doute des couvertures. J’ai levé le coin du drap et me suis enfourné dessous pour aller me caler dans les rondeurs tièdes et parfumées de son chien de fusil, pour en épouser tous les contours, ses fesses en mon bas-ventre, mes genoux dans le creux des siens repliés, mon bras cerclant son épaule. J’ai dû m’endormir aussitôt.

Je ne me rappelle pas avoir rêvé mais je me souviens que j’ai pensé à mes clefs.


Je me souviens bien que ce matin j’avais mal aux cheveux quand le réveil a sonné. J’ai toujours le réveil difficile mais là ce fut apocalyptique. La douche ne m’a pas dégourdi davantage, mon café noir m’a filé mal à l’estomac. J’ai mis une heure à me préparer et c’était trop, j’allais encore être à la bourre.

J’ai secoué mon pantalon avant de l’enfiler en vitesse.

J’ai oublié les clefs sous le radiateur et j’ai allumé ma première cigarette en supposant qu’elle m’aiderait à me remettre les yeux en face des trous. Quand j’ai ouvert la porte je l’ai sentie derrière moi comme tous les jours. Je me suis retourné et elle s’est pendue à mon cou en plissant ses yeux où débordait encore son sommeil, puis en se hissant sur la pointe de ses pieds nus elle a collé ses lèvres molles sur les miennes.


– Va te recoucher, t’as bien le temps ! ai-je murmuré en lui prenant la taille… À ce soir !


Dehors une vague pluie fine m’a crachiné à la figure et j’ai pressé le pas jusqu’à la voiture. Pour une fois elle a démarré tout de suite et le type à la radio m’a appris qu’il était sept heures trente-huit. Pourvu que ça roule, ai-je pensé.

C’est au coin du bout de la rue, en cherchant mon briquet dans ma poche pour rallumer mon mégot, que je me suis aperçu que je n’avais pas ma breloque de clefs au ceinturon.


– Merde ! ai-je lâché en prenant la première à droite pour refaire tout le tour du pâté de maisons.


Ça doit être à ce moment-là à peu près qu’aux halles de la sous-préfecture on a fini de charger les légumes dans les bahuts.

Moi, je suis resté plus de dix minutes derrière la benne à ordures. Dans le trop petit jour je ne distinguais que le ciré jaune des ouvriers et, rayant leur cagoule, l’éclat blanc de leurs dents sur leur peau noire. Eux non plus qu’on contraint à se lever si tôt ne sont pourtant pas en avance. Normalement ils ramassent la merde du peuple en toute discrétion, à des heures où le peuple dort encore et se rêve un monde où le détritus n’existe pas. C’est au moment de partir que le chauffeur avait dû réparer l’éclairage de la benne alors ils étaient en retard.

Lorsque je me suis retrouvé enfin devant la maison, je me suis garé et j’ai grimpé l’escalier quatre à quatre. Je l’ai sentie : elle bougea dans le lit.


– C’est moi ! j’ai oublié mes clefs… Dors !… j’suis à la bourre.


Je suis reparti aussitôt en me disant que je ne devais plus traîner.


*


Lui s’est arrêté boire un jus comme tous les jours au bar de l’Estrapade à mi-chemin entre les halles et le magasin. Lui aussi s’est un peu attardé, pour des prunes, à refaire avec les cheminots le match qu’ils avaient regardé hier soir à la télé. C’était pareil tous les jeudis, pourtant le foot ne le passionnait pas vraiment. Et puis il a encore sacrifié au moins cinq minutes pour essayer de donner un rencard à Josie, la nouvelle serveuse. Depuis un mois il tentait sa chance. Depuis un mois elle refusait mais avec des manières qui lui laissaient supposer qu’elle pourrait accepter. Alors chaque matin quand il la regardait derrière son comptoir, la brune aux yeux bleus et aux joues roses le faisait penser à Betty Boop et il ne pouvait s’empêcher de lui replacer son baratin.

Quand il est sorti, il souriait encore. En s’agenouillant pour refaire la rosette d’un de ses rangers, il a louché, inquiet, sur son bracelet-montre. Quand il serra la boucle, le lacet du brodequin lui péta entre les doigts. Il s’est dit alors qu’il allait prendre la traversière pour ne pas se faire encore engueuler par le gérant de l’épicerie. Même si au fond ce matin il s’en foutait un peu des réprimandes du boutiquier, s’il pouvait les éviter ce matin encore ça serait aussi bien.

D’habitude, la traversière, il ne la prend pas…


Moi non plus je ne la prends pas d’habitude…

On n’aime pas ça.


Pourtant, je me souviens, j’ai pris à droite pour couper par la traversière.

Au fond de la clairière le soleil tirait juste un trait orangé sur les haies. En cette saison il avait autant de mal que moi à se lever. Deux chevreuils quittaient le gagnage et leurs ombres chinoises s’avançaient lentement vers la lisière pour regagner le secret du bois de l’autre côté.


*


– Souvenez-vous ! parlez-moi ! parlez-moi ! gueule le mec en veste blanche.


Il me pelote avec son stéthoscope et me recolle un shoot de je ne sais quoi dans le creux du coude tandis que les tronçonneuses assourdissantes dévorent les tôles en levant des feux d’artifice d’étincelles qui s’emmêlent dans les éclats bleus des gyrophares. Une odeur de gas-oil, de métal chaud et de caoutchouc brûlé me racle la gorge.


Je me souviens un peu…


Quelle vacherie cette route traversière, ses trois mètres cinquante de large et ses virages à quatre-vingt-dix degrés. La voici pleine de tomates éparpillées, de choux-fleurs, de cageots éventrés qui laissent fuir des salades. Au milieu, un sac de cinquante kilos de patates est, je me demande bien comment, debout à la verticale. On dirait qu’il me regarde.

C’est à la sortie du dernier tournant, entre les chênes dénudés, que j’ai vu les gros yeux jaunes du camion mais c’est quand le brocard a sauté entre nous sur la route que ce regard halogène s’est brutalement braqué sur moi comme celui d’un tigre qui fonce sur une gazelle.


Je veux me souvenir mieux mais j’ai mal et j’oublie. Si je m’écoutais j’irais bien me recoucher. Elle doit dormir encore. J’arriverais tout doucement et me glisserais sans bruit, sans un mot, sous les draps pour me caler dans la tiédeur parfumée de son chien de fusil.


– Parlez-moi ! parlez-moi ! dit la veste blanche.

– Souviens-toi ! ajoute le sac qui me regarde, souviens-toi !


Mais j’oublie ! j’oublie ! j’oublie !


J’oublie parce que j’ai oublié les clefs de mon bureau. Ces petites clefs semblables à toutes les clefs du monde mais qui, je les sens, me rentrent encore dans la couenne à la hauteur de la hanche droite. Comme un passe-partout dans les mains d’un malfrat elles me farfouillent et s’acharnent toujours depuis hier soir à déverrouiller ma dernière porte vers l’inconnu.


 
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   Anonyme   
29/8/2022
 a aimé ce texte 
Beaucoup
En lisant ceci :
Lui aussi s’est un peu attardé, pour des prunes,
je me suis dit « accident ». Un peu plus tard, les détails intrigants signalés au début, des chevreuils au milieu des tomates renversées, du regard ironique du sac de pommes de terre, se sont rétrospectivement expliqués.

Une construction vraiment habile à mon avis ; je pourrais penser un peu longue la partie « avant l'action », l'explication détaillée de l'enchaînement des circonstances, mais je me dis qu'il fallait bien cela. J'apprécie le mélange de réalisme et de surréalisme discret à l'œuvre, je trouve que cela correspond bien à la confusion des perceptions tandis que la mort approche. Du beau boulot selon moi, sur un argument narratif somme toute banal.

   Vilmon   
29/8/2022
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Bonjour,
J'en comprends que c'est le récit d'un homme qui tente de se souvenir pour parler afin de garder conscience et de rester en vie suite à un accident. Les incompréhensions au sujet des tomates, des chevreuils et du sac de patate s'explique à la fin. Un beau retour qui boucle cette histoire triste des dernières réflexion d'un homme qui s'attache au meilleur souvenir récent. Peut-être comme un regret de le perdre à tout jamais ou pour s'agripper à la vie. L'introduction m'a un peu déboussolé, mais j'ai persisté et j'ai bien fait. Il a fallu faire une petite entorse au récit des pensées du narrateur afin de pouvoir expliquer l'apparition du camion du marché. Est-ce que le récit aurait pu s'en passer ? Je n'en sais trop, sans cet intermède, il aurait été peut-être trop difficile à suivre. Une histoire bien raconté avec quelques confusions qui respectent bien l'état du narrateur à deux doigts de la mort. Belle phrase pour conclure. J'ai bien apprécié.

   Corto   
27/9/2022
 a aimé ce texte 
Un peu
C'est un peu dommage de construire une nouvelle de cette manière.
Pendant toute la (grande) première partie on se dit "on s'en fout de tes clefs". Puis on se dit "tes rapports amoureux sont d'une grande banalité. " Bref on s'ennuie.

Puis vient enfin le cœur du sujet, cet accident, la plongée aux confins de l'inconscience et plus éventuellement. Mais hélas revoila les clefs qu'on n'est pas enthousiaste de voir revenir même si "elles s’acharnent toujours depuis hier soir à déverrouiller ma dernière porte vers l’inconnu."

Cette dernière phrase est bienvenue même si peu originale, car elle ouvre sur ce qui pourrait être exploration, réflexion, passage en revue de toute la vie qui défile etc. Mais le développement attendu est absent, hélas.

J'ai le sentiment d'un raté car le secondaire est placé comme centre d'intérêt principal.

Bref je me suis pas mal ennuyé et ai été déçu par l'ensemble.

Avec mes regrets.

   Anonyme   
27/9/2022
 a aimé ce texte 
Un peu ↑
Un thème original avec une bonne chute toute bête, à quoi il manque peu pour devenir intéressant tout le long du récit! Sauf que vous le tricotez maladroitement.
Un style plus direct aurait été mieux apprécié au lieu des phrases à rallonge où l'on sent le besoin de nous déballer le plus d'informations possible. Comme si vous aviez peur de perdre le lecteur en route, alors que vous le perdez dès le début.
Dès l'introduction on se fourvoie prêt à lire une histoire d'amour.
À ce propos vous décrivez très bien les personnages, jusqu'à les rendre très crédibles et attachants dans leurs faits et geste.
Merci pour la lecture.

   Anonyme   
28/9/2022
 a aimé ce texte 
Un peu
Bonjour Yannblev.

C'est marrant j'ai proposé une nouvelle (Drive like Al, move like Jackson,...) pour le concours 26 qui aborde le même sujet d'une manière légèrement similaire. Allez jeter un oeil, c'est rigolo.

Bon, comme je me suis prêtée à l'exercice, je me permets quelques remarques.

Je trouve que la pensée du narrateur reste encore trop linéaire (les clés, puis la chérie, ...) c'est très téléphoné, on se rend vite compte d'où l'auteur veut nous mener.

La nouvelle commence bien, j'ai trouvé les premiers paragraphes sympathiques. Puis, j'ai dû m'accrocher. Parce que justement, c'est un peu plat, dans le sens où il n'y a pas de relief émotionnel, alors que toute l'intrigue repose sur les sensations et la douleur, je ne parviens pas à les retrouver en lecture. Peut-être que le détachement est volontaire, mais alors, je crois que c'est pas bien mené. Du coup au lieu d'avoir cet effet "confusion", "brouillard de pensée" que - j'imagine - la narration veut induire, on se retrouve dans un flot de pensées atones. En tout cas, c'est comme ça que je l'ai perçu en lecture.

Le style par contre, me plait beaucoup. J'aime les touches d'humour parsemées ici et là, j'aime les expressions remaniées, j'aime la manière de dire avec élégance, sans fioritures à la fois.

Mais le déroulement narratif me semble mal choisi, ou mal axé, plutôt (et pas malaxé, bien que les seins déjà durs de la demoiselle y appellent hum...) et fait vite retombé le soufflé qui pourtant prenait bien au début, je comprends pas, j'ai pas ouvert la porte, j'ai pas fait de geste brusque...

Mea culpa, sûrement, je n'ai pas réussi à apprécier ce texte autant que j'aurais aimé le faire.

Mais je vous remercie, déjà pour le parallèle rédactionnel avec moi-même, l'ananas a un côté narcissique qui vous salue, et puis pour le partage d'une bonne idée.

Au plaisir de vous relire.

   Malitorne   
28/9/2022
 a aimé ce texte 
Bien ↓
Votre nouvelle m’a fait penser au vieux film « Les choses de la vie », avec Michel Piccoli et Romy Schneider. Là aussi l’homme est entre la vie et la mort après un accident de voiture et se souvient.
Il faut du temps pour comprendre ce qui se passe car vous brouillez les pistes pour tenter de surprendre le lecteur à la fin. Un procédé plutôt efficace mais j’ai trouvé la description des rapports conjugaux plus convaincante, plus intéressante, que le reste. Un reste qui pâtit d’un début très alambiqué, lourd dans sa formulation : « Il vous lance parfois comme un dé sur la piste du temps où tout est probable dans un espace où rien n’est plus impossible entre des tomates répandues par le saut d’un chevreuil qui troue l’aube fade d’un jeudi sans particularité. » Si on ne relit pas la phrase plusieurs fois on ne capte rien, il y en d’autres comme ça surtout au début.
Quelques erreurs aussi qui nuisent à la crédibilité :
- en général pas de veste blanche pour le SMUR/SAMU en intervention, du jaune fluo
- une tronçonneuse pour découper de la tôle, pauvre machine, elle va souffrir ! Meuleuse Yannblev, meuleuse (=disqueuse)… ou cisaille à tôle.
- l’urgentiste, encore, qui dit « Souvenez-vous ». Je ne pense pas que ce soit approprié, d’autres formules doivent exister à l’adresse de victimes d'accidents de la route.
Des petites choses qui me font croire que le récit n'est pas assez pensé en amont.

   Lotier   
29/9/2022
Le narrateur fait une approche analytique, essayant de démêler les fils du destin, avec une sorte d'enquête étiologique, convoquant un à un les acteurs présumés de l'histoire, dans une recherche sous-jacente des responsabilités. La clef est livrée de manière sibylline dès le début : « la mathématique qu’on croit binaire des jeux de l’amour défaille quand il plaît au hasard de jouer avec les passions et un trousseau de clefs.»
Le tout est bien mené, suffisamment tendu pour accrocher le lecteur. Peut-être la mise en avant des clés est un peu trop insistante, trop tôt, ce qui pousse le lecteur à imaginer les scenarii les mettant en scène… et les options possibles ne sont pas si nombreuses que cela.
Toujours est-il que j'ai lu l'ensemble avec plaisir, y compris l'incertitude quand au sort du narrateur…

   papipoete   
29/9/2022
 a aimé ce texte 
Beaucoup
bonjour Yannblev
Cette histoire de clés oubliées, ces lacets qui pètent... en retard, faut s'magner ! Et puis ces éboueurs qui bouchent la rue, ça va pas l'faire aujourd'hui décidément ! J'la vois bien qui dort en chien de fusil, c'est là que je viens me blottir tout contre elle... mais faut qu'je fonce ! La route traversière me fera gagner du temps !
" ouvrez les yeux ! parlez-nous ! même ce sac de patates semble me gueuler dessus ! parlez-nous !... "
NB on se demande bien où vont nous mener ces clés oubliées ? Bon, j'ai bien compris qu'il est en retard et qu'il faut faire ficelle, mais tout en restant prudent... jusqu'à ce la veste blanche lui rajoute un shoot, et que hurlent les tronçonneuses... découpant l'épave où il est incarcéré !
J'aime particulièrement le final, après l'accident " les gros yeux jaune du camion/ et le sac de patate debout, semblant lui parler et le secouer... "
J'aime bien aussi au début ce stratagème ; s'engueuler exprès pour rien, avec sa chérie, pour se réconcilier en faisant l'amour.
Je ne me suis pas ennuyé un instant, mais tout-à-l'heure je dois prendre la route... je penserai bien à prendre mes clés !

   plumette   
30/9/2022
 a aimé ce texte 
Bien
J'ai trouvé la deuxième phrase du texte très indigeste et j'ai failli aussitôt abandonner ma lecture. Etait-il nécessaire de donner au narrateur cette vue en surplomb de son destin?

Puis j'ai très vite subodoré que l'oubli des clés serait au centre de "l'intrigue" .

Le récit nous emmène ensuite bien loin de sa chute avec un zoom arrière qui donne à voir les relations intimes de ce couple entre agressivité et rapprochement , avec une agressivité nécessaire prélude à la réconciliation qui passe par l'attraction et le plaisir des corps. J'ai bien aimé cette évocation que je trouve réussie et crédible.

Globalement ( à part le début) j'ai apprécié l'écriture imagée.

Sur ce sujet du "mauvais moment et mauvais endroit " et de la rencontre fatale, il n'est pas simple de tenir son lecteur, et je trouve que vous y réussissez.

   Donaldo75   
3/10/2022
Comme Malitorne - je lis parfois les autres commentaires - j'ai pensé au film "les choses de la vie" et pourtant Dieu sait combien je déteste ce genre de film. Je ne sais donc toujours pas si j'ai aimé ce texte ou si je l'ai détesté parce qu'il y a une zone grise - et ce n'est pas celle au bout du tunnel dont parlent les fans du paranormal - où la perception d'un écrit dépend de quand on le lit et dans quel état on est à ce moment précis. Je suis zen sur la troisième lecture et je l'étais déjà plus sur la seconde alors que la première m'avait amené à me dire "so what" comme si cette narration n'avait pas atteint son objectif. Je suis d'accord avec un des commentaires sur les phrases de début qui sont tellement longues qu'elles me font penser au débat de l'élection présidentielle 2007 entre Ségolène Royal et Nicolas Sarkozy où la candidate socialiste perdait l'auditeur avec son raisonnement proustien.

   Anonyme   
3/11/2022
 a aimé ce texte 
Bien
J'ai légèrement apprécié cette nouvelle parce que l'écriture est plutôt correcte mais d'un autre coté l'histoire est très faible. Je pense qu'il y avait beaucoup mieux a faire sur le thème de la mémoire. Bravo !


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