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Sentimental/Romanesque
Yannblev : Un matin d'automne
 Publié le 26/03/20  -  5 commentaires  -  14003 caractères  -  66 lectures    Autres textes du même auteur

« ... L’été mourait aussi en cette fin septembre, son travail estival accompli. L’été qui ressemble toujours à l’été mais pourtant chaque fois différent... »


Un matin d'automne


Il réorganisa ses sens progressivement. L’odeur et le goût des pailles sèches et du foin lui emplirent le nez, la bouche et les poumons, le replongèrent mentalement en été. Ce d’autant que la tiédeur qui propageait en l’amplifiant le parfum des végétaux du fenil lui tombait sur le visage depuis les tôles du toit où devait donner le soleil.


Puis lui parvinrent des bruits, des sons qu’il identifia un par un en y concentrant son intérêt et en y ponctuant ses efforts : tout à côté le tremblement des naseaux d’un cheval et à suivre un craquement de fibres sous les dents, le rythme lent de la mastication, le faible gargouillis de la déglutition et l’onde d’un coup de fouet à peine audible, celle des crins de la queue chassant les mouches du flanc de l’animal… au-dessus, des piaillements affolés de moineaux chamailleurs et leur brusque cavalcade sur le toit d’acier… par là, un frémissement de feuilles dans un arbre… enfin plus loin, le caquet vif et répété d’une poule qui, à coup sûr, allait ou venait de pondre.


La paille encore. La paille sur sa peau au niveau des avants-bras, sous la jambe relevée de ses pantalons et plus sensiblement entre ceinture et chemise. La paille bien sèche, bien rêche et pointue, qui le griffait.

Il bougea difficilement. Son corps semblait cassé ou plutôt bloqué dans des postures géométriques. Les arêtes saillantes des bottes, comme autant de pliures en lui-même, s’enfonçaient plus loin au moindre mouvement esquissé.


Il avait dormi là. Suffisamment longtemps pour s’y sentir coincé comme dans un moule, un sarcophage. Il voulait bouger mais n’en avait pas vraiment envie, à cause peut-être de la douleur permanente et de plomb qui tour à tour le trépanait, lui enserrait ou lui défonçait la boîte crânienne. À cause aussi sans doute de cette petite boule brûlante qui à chaque geste seulement pensé lui remontait par l’œsophage en roulant des acides jusque dans son arrière-gorge.


Il tenta de se souvenir. La douleur de plomb écrasait sa mémoire et le flot acide, comme une vague sur le sable de l’estran, brouillait et effaçait aussitôt chaque image à peine formée dans son esprit.

Il décida d’ouvrir les yeux dans un sursaut d’énergie. Comme un haltérophile qui s’attaque à sa charge, à « l’épaulé », ses paupières lui parurent plus diaphanes et perméables à la lumière – il y demeura un instant en respirant plus fort – , au « jeté », il les expédia sous ses sourcils.


Il ne vit tout d’abord qu’un gros soleil jaune d’or, une bulle topaze centrée d’un point sombre et cerclée d’un halo noir. Elle semblait le contempler fixement mais, brusquement, en pivotant à quarante-cinq degrés, cette planète riboula dans une stratosphère de plumes rouquines et tomba vers lui comme un éclair. Le poulet venait de le piquer du bec juste à la commissure des lèvres. Il le chassa vivement du bras. Son geste décupla la douleur de plomb et cette fois le flot acide remonté du fond de lui-même le submergea tout à fait et tant qu’il dut le ravaler avec un tremblement spasmodique qui décupla encore la douleur déjà décuplée et lui donna la nausée.


Grâce à cette ultime violence il recouvra pourtant des sensations plus réelles sinon sa véritable conscience. Ainsi lui parvenaient maintenant, mêlés mais distinctement, les bruits familiers de la vie. Ainsi bien au-delà de la rivière, des bêlements légers d’agneau qui répondaient aux appels brefs et rauques d’une brebis, le couic-couic de la roue en bois du Moulin de Vessy puis un ronron de moteur qui devait tirer un trait nord-sud quelque part dans l’espace et la breloque des feuilles aux sautes du vent dans la haie de peupliers d’Italie, de proche en proche comme un pas s’avance. Il pouvait maintenant refaire à l’envers un peu du temps qui l’avait conduit là.



S’il ne se souvenait en rien du comment et pourquoi il était vautré dans la grange, il se rappela immédiatement hier soir.

La salle un peu obscure et enfumée chez la Marie Zigzag qui remplissait les verres l’un après l’autre sur le zinc, à plein bord, sans faux col, en tremblant comme une feuille mais, tenant le litre à deux mains, sans jamais pourtant renverser une goutte.

Eux se penchaient aussitôt dessus pour y tremper d’abord les lèvres et siphonner un peu de liquide avec un bruit de suceuse. Puis attrapant le pied du ballon ils se le déversaient entièrement dans la bouche, rejetant la tête derrière, avalant d’un coup en faisant des « aaahh » ou en claquant la langue. Ils reposaient les verres en cadence, presque en même temps, à peine l’un derrière l’autre, comme une vague sur le bar ; on eût dit qu’une rafale courait sur le comptoir. Déjà l’un d’eux ordonnait : « Oh la Marie, r’mets-en donc une ! » Tandis qu’invariablement le grand barbu avec son béret crasseux entonnait d’une voix éraillée et sur l’air des lampions : « ... comment qu’ça va Jean-François, comment qu’ça va Jean mon gars... » en lui tapant dans le dos et laissant échapper de son haleine avinée, entre des dents monumentales à liserés ocres, des postillons qui s’écrasaient sur son visage comme des embruns alors que de part et d’autre de la bouche s’écoulait, parmi le poil hirsute de la barbe poivre et sel, un filet pourpre qui gouttait.


Rien n’était précis. La résonance du tohu-bohu, les coups de gueule, lui encombraient les méninges mais il ne se souvenait d’aucune conversation intelligible. Y en avait-il eu une ? Seulement des mots vociférés par des trognes informes, des rires épais sur des lippes épaisses ou à travers des chicots tors. Comme les rushes d’un cartoon, des silhouettes brutales, défigurées, défilaient devant lui dans des gestes arrêtés ou figées dans des grimaces. Il revoyait aussi les grosses paluches pleines de crevasses et d’ongles noirs de l’un ; l’oreille charbonnée, roulée et squameuse comme une vieille tranche d’andouille, d’un autre sans se rappeler vraiment un visage. Lui revenaient l’odeur rance de soupe au chou que celui-ci déplaçait dans son air, celle suffocante des pieds sans doute sales de celui-là et celle omniprésente du tabac gris et du vin rouge un peu partout répandu : en dégoulinades sur un pan de caban ou le long d’une manche, en flaques à la fois glissantes et collantes au pied du bar, en cercles entremêlés ou en nuages plus épais renversés sur la longueur du comptoir.

Puis lui revenaient encore les mots, toujours les mêmes : « gonzesse », « mon cul », « nom de diousse », « la garce », « ouais ! ben mon con », et surtout ce « va t’faire » avec quelque chose à suivre comme « foutre », « enculer », « téter » ou bien tout simplement « mettre » ou « voir », avec les mêmes accents toniques écrabouillant les mêmes syllabes.

Il se cherchait dans ce capharnaüm mais ne s’y trouvait pas. Indubitablement il avait été acteur mais il ne parvenait plus qu’à être spectateur, témoin hors champ et stupéfait des scènes dantesques qu’il avait jouées.

Il fouillait sa mémoire comme on fouille une poubelle où l’on a jeté quelque chose qu’on ne devait pas, avec cette répugnance de mise quand on remue les détritus du quotidien d’autrui, violant ainsi quelque part de sordides intimités qu’on n’aurait pas même voulu imaginer.

À nuit noire Marie Zigzag les avait flanqués à la porte tous les quatre, ou tous les cinq, les poussant dehors en chevrotant comme une vieille bique fâchée, les injuriant jusque sur le trottoir, plus forte qu’eux à présent malgré ses soixante-dix ans et sa maladie de Parkinson ; bien plus forte qu’eux dont la moindre menue monnaie était passée dans son tiroir-caisse. Ils avaient encore braillé quelques insanités en tapant sur les vitres de la porte refermée, faisant aboyer des chiens dans les cours avoisinantes ; mais presque aussitôt la lumière du troquet s’était éteinte les laissant seuls et muets se disperser dans la rue.


Il était machinalement entré par hasard dans le bistrot fumeux vers les sept heures. L’après-midi il n’avait rien fait ou pas grand-chose, cherchant à berner son apathie où sommeillaient des violences en relisant sans réelle attention les pages ouvertes dans « Une saison en enfer » et se saturant les tympans avec « les concertos brandebourgeois » qui faisaient bouger la toile sur les haut-parleurs et vibrer les vitres.

Le matin il n’avait rien fichu non plus. En fait cela faisait un mois qu’il ne foutait plus rien, se contentait de respirer, s’alimentait sans s’en rendre compte, traînait d’une pièce à l’autre avec toujours dans le nez le couloir moitié chlore et moitié camphre, blanc et surchauffé du troisième étage de l’hosto. Avec toujours surgissant de nulle part la petite tête à lunettes de ce connard de toubib dans sa blouse débraillée où pendait le badge dérisoire et ridicule : « Dr CANARD »… et docteur Canard lui disait avec compassion sans doute, sympathie peut-être mais durement malgré tout :

« Je suis désolé, on ne pouvait vraiment plus rien pour elle. »

À chaque fois répétée depuis un mois dans sa tête la phrase lui rentrait chaque fois dans le ventre comme une baïonnette, le décollait de terre et le vidait de sa substance, le plongeait mou dans une sorte de rêve où sans lien entre elles des images passaient à toute vitesse tandis que lui, sans jambe sous lui, se tenait juste au bord de l’infini ou de l’éternité. Il ne s’en réveillerait jamais !


Il parvint à s’asseoir mais cette fois il ne put retenir la vague acide remontée de ses entrailles en même temps qu’il se redressait. Il vomit violemment en se penchant sur le côté pour se renverser.

Il demeurait prostré mais il lui sembla qu’il respirait mieux.

Le cheval qui volait le foin à travers la barrière juste au-dessus de lui s’était arrêté de manger en pointant les oreilles dans sa direction et ses borborygmes, puis avait repris sa mastication paisible, lente et sonore, sans le quitter pourtant de ses deux gros yeux ronds où le ciel reflétait deux petites fenêtres claires. Un peu plus loin le poulet rouge râtelait d’une patte et de l’autre la terre meuble d’une taupinière, reculait un peu, s’immobilisait un instant pour bien voir et mieux se darder bec en avant sur les vermines que son labourage avait délogées. Un peu plus loin encore la petite chatte écaille de tortue qu’elle chérissait par-dessus tout faisait une toilette ordonnée assise sur le muret du jardin chauffé au soleil, passant lentement et méticuleusement sa patte léchée à l’entour de ses oreilles, lissant ses fines et rigides moustaches translucides. Cent fois il l’avait vue comme ça affairée sur le muret du jardin dans le premier soleil. Pour elle rien n’avait changé.

Il s’interrogea sur le bonheur patent que pouvait exprimer cette animalité… sur ces existences qu’un seul instinct régit, celui de leur propre survie… sur la solitude obligée, admise, gérée par chacun des individus au sein de l’espèce, individualisme plus forcé que forcené… sur le rebond réflexe et salutaire dont ils étaient toujours capables devant la pire adversité, la dernière carte qu’ils abattaient avec la même énergie que la première quand il s’agissait de se sauver… sur cette forteresse que devait être leur ignorance de la désespérance.

Malgré tout il ne parvenait pas à envier leur indifférence tout comme il ne pouvait se persuader que, si courte soit-elle, toute vie est entière et complète du simple fait qu’elle fut.


C’est encore le vent, impalpable messager, qui le tira de sa réflexion en soufflant sur sa joue et portant sous ses narines l’odeur un peu désagréable des derniers dahlias. L’été mourait aussi en cette fin septembre, son travail estival accompli. L’été qui ressemble toujours à l’été mais pourtant chaque fois différent.


Il se releva sans peine et s’attarda un moment à caresser le cheval le long du chanfrein et celui-ci lui rendit son intention en dodelinant lentement de sa grosse tête rectangulaire et molle.

En rentrant vers la maison il se résolut à ramasser le grand panier d’osier qui depuis juillet gisait à l’envers, abandonné au pied d’un des cerisiers du verger. Il l’emporta en le laissant pendre au bout de son bras, il était si léger. Il le rangea à sa place sur le mur de la cave, pendu au gros clou que déjà les araignées avaient pris pour appui pour étendre leurs filets cotonneux.


D’une façon machinalement retrouvée il prépara un café comme il l’aimait, l’eau au niveau trois de la cafetière et quatre rases mesures de poudre.

Il sirota à petites gorgées le jus chaud et amer, s’interrompant pour souffloter sur la tasse qu’il tournait entre ses mains et soutenant du regard le cadre en pichepin posé sur la cheminée. Sur un fond de mer bleue et violine, le visage rayonnant décoiffé par le vent riait aux éclats et semblait faire miroir à quelqu’un qu’on imaginait riant sans doute aussi de l’autre côté de l’appareil photo. C’était un soir de printemps sur le Guerveur, ce gros bac blanc qui relie deux fois par jour Belle-Île-en-Mer au continent.

Il était malade comme un chien et ça la faisait rire de toutes ses petites dents nacrées, en plissant les yeux, sans retenue ni pudeur, de le voir aussi blanc que les goélands qui les suivaient.

Il n’avait réussi à prendre que cette photo-là. Pourtant le soleil de ponant n’avait jamais été aussi rose et tiède sur les roches découvertes du raz des Poulains. Tout son regard concentré dans l’objectif, malgré son mal de mer, il avait alors soupesé en l’éprouvant une béatitude qu’il n’aurait pu définir, de celles qui brusquement nous posent « à côté » pour un instant, en dehors du temps.


Devant l’image cette sensation lui revint intacte comme une part indélébile de lui-même. Comme un des éléments, un meilleur parmi les pires, qui au fil des jours s’imbriquaient pour constituer l’étrange puzzle de son existence, de sa réalité.


L’envie subite d’une tartine de pain frais et bien beurré lui vint si forte qu’il pouvait croire que le goût en imprégnait déjà ses papilles parmi le café noir.


Autant violente, aussi forte, profonde et irrépressible une envie de peindre lui fit pousser la porte de son atelier.



 
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   Alexan   
24/2/2020
 a aimé ce texte 
Un peu ↑
L’écriture est très riche ; trop peut-être. Je serai d’avis de dépouiller un peu le texte afin de le rendre plus prenant. Pourtant les images sont belles, et c’est tout plein de petits détails précieux. Mais quelque chose dans la forme m’a empêché de véritablement pénétrer l’ambiance.
Les sensations qui reviennent à la mémoire du personnage sont bien amenées.
J’ai trouvé assez habile la manière d’introduire les phrases grossières dans le texte. Cela donne un effet de distance et de souvenirs.
J’ai apprécié plusieurs métaphores et images intéressantes, comme celle-ci : « Il fouillait sa mémoire comme on fouille une poubelle où l’on a jeté quelque chose qu’on ne devait pas. »
Malheureusement, je reste sur ma faim. J’ai l’impression qu’il manque quelque chose. L’histoire semble pourtant suggérer une certaine profondeur que je n’ai pas réussi à trouver. Ou peut-être suis-je passé à côté sans la voir…

   maria   
26/3/2020
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↓
Bonjour Yannblev,

lecture fastidieuse pour moi jusqu'à ce qu'il "pouvait maintenant refaire à l'envers un peu du temps qui l'avait conduit là".
Ensuite une lecture très agréable et attentive à la richesse du vocabulaire et au subtile agencement des phrase.

J'ai beaucoup aimé particulièrement :
- comment a été rendue l'ambiance de " chez la Marie " : "des mots vociférés par des trognes informes, des rires épais sur des lippes épaisses ou à travers des chicots tors"
- le cheval et la chatte et "le bonheur patent que pouvait exrimer cette animalité"

La fin est ouverte pour ne pas dire floue.
Je suppose que la femme "aux petites dents nacrées" est celle pour qui le Dr Canard "ne pouvait plus rien"

Je n'ai pas pu m’empêcher de faire la comparaison avec "L'aquarelliste". J'ai trouvé "Un matin d'automne" aussi merveilleusement bien écrit, mais moins explicite et moins vivant. Un très bon moment de lecture cependant dont je te remercie.

   Anonyme   
27/3/2020
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Je suis d'accord avec le commentaire de Maria, les débuts du textes sont un peu fastidieux à lire, je m'y suis repris à plusieurs fois avec un jour d'intervalle à chaque fois mais je ne regrette pas mon acharnement.
Il faut s'habituer au style mais une fois fait c'est très beau. Vraiment recherché sans être surfait ou artificiel.

Les descriptions sont longues mais efficaces et on sent qu'il y a plus sous ce texte.

La manière dont le problème sous jacent est effleuré sans l'aborder de front est tout le sel de ce texte. On pourrait presque le lire et passer à côté et s'en rendre compte à une seconde lecture. J'aime beaucoup cet effet et c'est très bien fait ici.

Même avec un sujet si dur, le texte fini de manière plutôt optimiste et le côté ouvert donne l'impression de dire: "On ne sait pas ce qui se passera mais ça devrait aller" qui est peut-être le sentiment le plus proche qu'on peut réellement avoir dans ces situations là, loin des clichés habituels. J'apprécie.

J'essaie de donner une indication à l'auteur pour une piste concernant la difficulté d'appréhender son texte mais c'est difficile à mettre le doigt dessus. Peut-être commencer plus épuré puis développer le style au fur et à mesure? Pour autant que l'auteur le souhaite ainsi.

A disposition

   Corto   
27/3/2020
 a aimé ce texte 
Un peu
Cette nouvelle me laisse perplexe.
Le personnage vient de vivre un drame intime, le décès de sa compagne, avec cette phrase définitive « Je suis désolé, on ne pouvait vraiment plus rien pour elle. »

Le personnage est effondré, saoul et effondré. Mais fallait-il ces longs paragraphes très descriptifs, très détaillés de la suite d'une grosse 'cuite' qui le laisse au sol dans le foin. On peut penser que l'auteur voulait nous faire vivre l'effondrement total du personnage, mais n'est-ce pas un peu 'trop' ?

La reprise de ses esprits arrive avec "La salle un peu obscure et enfumée chez la Marie Zigzag". Là encore les descriptions accumulent une multitude de détails discutables qui donneront notamment ce rappel constant de "la vague acide remontée de ses entrailles".

Un tournant intéressant se présente avec "Il se cherchait dans ce capharnaüm mais ne s’y trouvait pas. Indubitablement il avait été acteur mais il ne parvenait plus qu’à être spectateur".

Arrivé à ce niveau on imagine que le personnage est un être fruste et de bien peu de bagage culturel.
D'où la surprise lorsqu'il se réconforte grâce aux "pages ouvertes dans « Une saison en enfer » et se saturant les tympans avec les concertos brandebourgeois."

Le parti pris descriptif se poursuit avec "Il se releva sans peine et s’attarda un moment à caresser le cheval" puis
"D’une façon machinalement retrouvée il prépara un café comme il l’aimait, l’eau au niveau trois de la cafetière et quatre rases mesures de poudre".

C'est un peu dommage car on aurait pu partager le drame avec cette phrase évocatrice malheureusement esseulée "Il n’avait réussi à prendre que cette photo-là".

Le final "une envie de peindre lui fit pousser la porte de son atelier" nous laisse le loisir d'évoquer beauté et avenir.

L'auteur aura compris qu'à mon avis il a beaucoup traité le secondaire au détriment du principal.
Pour moi le sujet est le drame de la mort et le retour violent à une solitude dévastatrice. Je n'ai pas trouvé adroite la manière de gérer le sujet. Ce n'est bien sûr que mon ressenti.

Avec mes regrets et mes encouragements.

   Marite   
30/3/2020
 a aimé ce texte 
Passionnément
Profondément touchée par l'expression si réaliste de la douleur lancinante qui poursuit, après l'avoir pulvérisé, un être humain lorsqu'il perd "sa personne", celle qui a partagé sa vie, les moments heureux ou malheureux et sur laquelle il n'avait aucun doute : elle est sa moitié et à deux ils forment un "tout". Aussi, quand elle est emportée par la maladie, le choc est si violent qu'il en reste tétanisé en se tenant "juste au bord de l’infini ou de l’éternité." avec la certitude "qu' il ne s’en réveillerait jamais !"
Et puis, un jour … il revient à la vie après avoir touché le fond ! Petits détails qu'il remarque et qui le font émerger : le cheval qu'il caresse, le panier d'osier à l'envers dans la cour depuis Juillet, le café qu'il prépare et savoure à nouveau, rencontre du regard avec la photo "Sur un fond de mer bleue et violine, le visage rayonnant décoiffé par le vent riait aux éclats" suivie de "L’envie subite d’une tartine de pain frais et bien beurré".
La Vie allait reprendre le dessus et c'est la dernière phrase de cette nouvelle qui nous en assure : " Autant violente, aussi forte, profonde et irrépressible une envie de peindre lui fit pousser la porte de son atelier."
La démarche suivie pour narrer cette tranche de vie est originale car elle remonte le temps … trois mois, c'est ce qu'il aura fallu à celui qui reste pour se remettre debout et décider de continuer son chemin. Lecture captivante servie par une belle écriture. Peut-être faut-il avoir vécu ce drame intime pour en apprécier le contenu et en saisir toutes les nuances.


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