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Poésie en prose
AnGer : L'armure du coeur
 Publié le 21/04/08  -  3 commentaires  -  3791 caractères  -  49 lectures    Autres textes du même auteur

Nul n'est imparfait, j'aime à vivre au passé composé avec ses imperfections.


L'armure du coeur



Je déplie mon carnet et je le pose bien à plat en travers de la table basse, tranquillement je sors de leurs cartons mes petits soldats de mots et je les aligne. J'ordonne mes idées, je rétablis la ligne directe avec la liaison de mon cœur brouillé, indistincte, chahut dans la connexion, et pourtant, j'insère une cartouche blanche dans le culot de ma plume, sans tirer le cran d'arrêt, je vais tenter de ne pas fusiller le corps de mes mots, avant de les avoir couchés hors du champ de bataille de ma mémoire.

Serrés les uns contre les autres, mes soldats sont prêts à combattre les ennemis de mes maux, je regroupe mes idées, recompte un à un les engagés volontaires qui déjà s'avancent d'un pas coordonné au bout de ma mine. Je repousse négligemment, un mot trop lourd, qui finira par entraver les autres dans un terrain trop dégagé, une virgule s'isole sur la zone érogène de ma page grise, et me donne le frisson de plaisir que je pressentais à faire fourmiller l'extrémité de mes doigts, pressés de lâcher la salve de lettres qui se bousculent dans ma tête, j'engage le premier mot sur la première page de ce carnet, mais...

Je dois déjà suspendre la connexion, entamer une correction automatique, supprimer ces lignes parce que je ne retrouve plus la teneur de mes mots mal attachés à la cartouche de plomb, trop de trop, pas assez de peu, je rends mes armes, range mes soldats de mots et doucement je me retire, pour laisser une ponctuation, de points formés, finir ce que je n'ai même pas su extirper de ma première bataille........

Ma plume alors, se refusant, se débattant dérape hors de l’armure d’un murmure, timidement entrelacé aux souvenirs froissés, cette nuit encore, je sonde le sol de mon présent qui se fendille, paysage dévasté, jadis s’il fût coloré, arboré, aujourd’hui, la joue posée sur la porte du souvenir, ne donne pas d’écho à mon appel.

Je plaque mon visage sur l’arrondi de cette nouvelle meurtrissure, je respire ces vestiges d’avant mélangés de plaisir qui me laisse épanchée sur les affres d’un désir qui s’étire sur l’onde de mon esprit délié, tandis que je grave sur le fourreau de mon cœur, la mémoire de ces sens interdits.

Quand j’explore le chantier de mon corps, de mes pas silencieux, je vois les stigmates du temps rendre poussière, les Os de mes derniers repas d’amour. Du pinceau léger de mes maux, je dépoussière les restes pour m’en nourrir encore un peu, malgré tout, malgré moi…

Je fouille délicatement dans chaque recoin de la vaine d’envie, la trace d’un soupir que je voudrais mais sans le pouvoir vraiment, l’extraire du terrain délimité de mon explosive mine, pour la faire s’écrire au présent de mes nuits, au lieu de m’enrouler dans le drap de mes dérives, passagère solitaire d’une embarcation sans voile. Que souffle le vent fantasque sur le grain de ma peau si sage, rythmer mes respirations sous le toit d’un corps qui recouvre le mien, m’enchaîner dans la prison des émotions, faire rougir le centre de mon désir et brûler ma mémoire contre cette chaleur nouvelle.

L’histoire d’un orgasme de vie qui ne sait s’arrimer qu’à l’organe d’une plume, quand je voudrais pouvoir m’inscrire, juste une minute, sur la ligne d’une extase, combinaison de deux corps livrés aux caprices de leurs caresses, de ces anciennes saveurs qui me rappellent que mon corps est entravé dans son envie liée au besoin d’aimer, sur le chemin de ma peau, je trace une imaginative carrière dans laquelle je creuse, du bout de mes doigts, l’archéologie de mes fantasmes que nul ne peut délivrer de l’antre de son passé, parce que trop enfoncés dans les cris que je ne peux plus pousser, étouffée par la poussière du temps qui recouvre à les effacer, chacun de mes sens...


 
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   clementine   
22/4/2008
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Magnifique!
J'ai lu et relu pour renouveller à chaque fois le plaisir de laisser fondre dans ma bouche les phrases si belles, si vraies qui disent avec justesse et émotion.
Merveilleuse délectation, ces mots qui nourrissent l'âme, qui chavirent, qui font notre humanité.
Tiens, je pioche au hasard:
"une virgule s'isole sur la zone érogène de ma page grise, et me donne le frisson de plaisir que je pressentais à faire fourmiller l'extrémité de mes doigts, pressés de lâcher la salve de lettres qui se bousculent dans ma tête, j'engage le premier mot sur la première page de ce carnet, mais..."
Tu confirmes tout ce que je pensais depuis le premier texte.
Merci beaucoup AnGer.

   Anonyme   
7/5/2008
Absolument extraordinaire.
Je ne note pas. Ce serait réduire ce texte à une épreuve scolaire qu'il n'est manifestement pas!
Faudra que je revienne, que je relise, que je m'imprègne...

   Anonyme   
29/8/2016
 a aimé ce texte 
Passionnément ↑
Maris quel texte, vraiment magnifique, à première vue, je me suis dit la lecture va m'être difficile, la longueur me semblait un obstacle. Rien de tout cela, je me suis "délecté" de vos mots savamment posés, ils vous enrobent sans dérober.

Vous avez une plume bien talentueuse, c'est indéniable. C'est un texte poétique très riche, il me faudra sûrement plusieurs lectures, comme j'ai bien aimé cette expression "mes petits soldats de mots", j'ai été aussi très interpellé par cette phrase "je vais tenter de ne pas fusiller le corps de mes mots, avant de les avoir couchés hors du champ de bataille de ma mémoire", c'est vraiment génial, très enthousiasmé par votre formulation.

Il me faudrait citer pratiquement tout votre écrit, tant je suis admiratif, il m'a subjugué, il est par son phrasé très original, très élégamment personnel.


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