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Poésie libre
Bidis : Les vaincues [concours]
 Publié le 22/10/08  -  15 commentaires  -  3376 caractères  -  102 lectures    Autres textes du même auteur

La traite des êtres humains : rien de nouveau sous le soleil.


Les vaincues [concours]



Ce texte est une participation au concours nº 7 : Au travail ! (informations sur ce concours).




Nous marchons en silence dans ce lent cauchemar,
tête baissée,
cheveux épars,
houspillées par les gardes
que bardent
l’indifférence, le mépris et le fer.

Nous pensons à nos morts,
nos parents massacrés et nos hommes tombés
sur le champ de bataille,
nos malheureux enfants qui n’ont pas résisté
à ce terrible sort.
La douleur nous assaille,
et l’horreur s’est figée sur nos faces hagardes.

Du fond de notre enfer,
nous implorons les dieux :
qu’ils nous accordent l’heur de plaire
à quelque maître vertueux,
juste, intègre et doux comme serait un père.

Mais d’abord les soldats nous laisseront aux mains
d’un de ces vils marchands
accourus au ravitaillement
et que l’appât du gain
enivre.

Où trouver la force de vivre
après que ces porcs répugnants,
aient échangé contre piastres,
pour les revendre au plus offrant,
la vigueur de notre jeune âge,
les perles de notre éducation,
la beauté reçue de nos mères.

Et que de désastre en désastre,
comme viande à l’étalage,
sans défense et sans soutien,
nous nous soyions tenues,
nues,
devant les regards plus tranchants que des lames
de la foule fanfaronne :
amateurs,
futurs acheteurs,
curieux aux yeux infâmes,
grosses matrones,
jeunes guerriers arrogants,
vieillards bavant.

Ces cloportes vont se réjouir
tandis que les marchands crieront
nos mérites, nos qualités
de servantes, de bêtes de somme,
et même aussi quelquefois
de bêtes à donner du plaisir
aux scélérats…


Mais mon imagination s’affole :
serait-ce là l’ombre déjà
de l’estrade où nous allons être
déshabillées,
puis exposées,
et à tout jamais humiliées.
Je frissonne…
Je deviens folle,
ahurie d’angoisse, soûle d’effroi…


Quand trop insupportable nous deviendra l’injure
et si le poids des jours, la lourdeur du labeur,
le faix de l’injustice,
la brutalité des outrages,
nous rendent indolentes, rebelles, sans courage,
préparera-t-on pour nous la poutre du supplice,
les affreux instruments de torture…
Oh ! Je voudrais savoir :
tout comme pour nos hommes,
devant notre faible vouloir,
dressera-t-on pour nous aussi le tripalium (*) ?



_______________________

(*) Le tripalium désignait trois longs pieux verticaux disposés en faisceau, à l’origine instrument de contention pour le bétail récalcitrant ou en gestation et que les Romains propriétaires d’esclaves utilisèrent pour maintenir ceux-ci et les soumettre aux coups de fouet en cas de paresse.
En cas de fuite ou de rébellion, il se pouvait qu’on donne le fouet jusqu’à ce que mort s’ensuive ou bien l’on utilisait, aux fins de torture, une petite poutre spéciale, appelée trabicula.

D’après les étymologistes, tripalium et trabicula auraient formé un amalgame à l’origine du mot « TRAVAIL »…


 
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   Anonyme   
22/10/2008
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Tous les concurrents ont sans doute eut l'idée d'évoquer le tripalium.

Devant un sujet de concours aussi peu poétique, c'est la première qui vient à l'esprit.

Encore faut-il en avoir le souffle.
C'est le cas dans ce texte ou l'on retrouve des accents Hugoliens.

Respect!

   David   
22/10/2008
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Bonjour Bidis,

C'est intéressant cette origine supposée du mot travail, c'est trés bien trouvé (ou rendu). Un bon poème à la première personne, un boulot de poète, bravo !

   Anonyme   
22/10/2008
 a aimé ce texte 
Passionnément ↑
Je ne peux que m'incliner devant ce talent phénoménal!

Franchement ce texte est superbe et jamais je n'aurai eu l'idée du tripalium (bien que je connaisse l'étymologie).

Je te tire mon chapeau bidis!

   belaid63   
22/10/2008
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
c'est un thème touchant, vraiment! la souffrance des femmes "au travail" forcé. le ton est juste, le texte fluide. je regrette "enivre" qui tombe un peu comme un cheveu sur la soupe.
sinon j'ai vraiment aimé ce poème plein de justesse et d'harmonie
bravo

   xuanvincent   
22/10/2008
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Dès les premiers mots, les images sont fortes. L'horreur du travail forcé m'a paru bien rendue. Il est difficile de rester insensible à ce poème, que j'ai trouvé de plus très bien écrit.

PS : J'ai pensé à un moment à une scène de camp de concentration mais je pourrais relire ce poème comme une critique plus générale du travail, de l'asservissement de l'homme par le travail.

   Doumia   
23/10/2008
 a aimé ce texte 
Passionnément
C'est magnifique ! Quel superbe travail ! Je m'incline bien bas. Des poèmes libres de cette qualité je n'en lis pas tous les jours !
Quel talent Bidis, bravo à toi.

   Anonyme   
23/10/2008
Je m'incline devant ce texte poignant, coupant ... quel souffle, Bidis !

Moi aussi, au début, je suis partie sur l'idée de victimes de camps de concentration. Et puis très vite on comprend ... et ça prend aux tripes, tant les mots viennent parfaitement faire danser l'horreur devant nos yeux.

J'ai juste un peu moins aimé l'avant-dernière strophe. Je ne la trouve pas dans le ton du reste, moins puissante, plus "racoleuse", plus simpliste... elle manque de cette force dérangeante qui soutient le reste du texte.

En tout cas, bravo et merci pour ce très beau texte.

   Flupke   
28/10/2008
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Bravo Bidis !
Ces émotions sont très bien exprimées. Le texte est émouvant.
Et aussi instructif. Et je ne sais pas si, après lecture, le fait de tendre le bras vers mon Larousse pour vérifier/fouiller davantage l’étymologie peut être considéré comme un « travail ».
Auquel cas ce poème serait étrangement interactif, d’une part de par l’émotion générée à la lecture et d’autre part de par l’interactivité thématique qu’il suscite, c'est-à-dire de l’effort en rapport avec son thème.
A quand un poème sur le thème de l’Ouroboros :-) ?
Amicalement, Flupke

   An-Honyme   
23/1/2009
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Chapeau bas... C'est un beau travail sur un thème assez difficile.

   Anonyme   
23/1/2009
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Oh, merci à cette an-honyme d'avoir fait réapparaître cette merveille que je croyais avoir déjà commentée. Bon sang sur ce coup je m'en veux.

Poignant, Bidis, fort, dur, évocateur, merci pour cette gifle.

   Anonyme   
19/2/2009
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Oui, un poème fort.
De jolis jeux de sonorité en outre.
Pour ma part, je trouve que les deux dernières strophes sont
de trop. Terminer par "scélérats" m'aurait plus convenu.
De l'implication, du souffle.
Du bel ouvrage.

   ANIMAL   
4/8/2009
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Un texte magnifique, reflet d'une triste réalité, empreint de désespoir autant que de fatalisme.

Il manque pour moi l'expression d'une révolte. Mais c'est une question de point de vue et cela n'enlève rien à la performance.

Merci pour ce poème rythmé et prenant.

   brabant   
15/4/2013
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↓
Bonjour Bidis,


L'esclavage était le lot commun des peuples vaincus dans l'Antiquité et tel philosophe réputé vivant dans l'opulence pouvait très bien se retrouver esclave du jour au lendemain, d'où les théories fatalistes. Du moins le brillant esprit devenait-il pédagogue dans une illustre et riche famille, l'homme du commun n'avait lui de mine que de sel.

J'aime la note sur le mot "tripalium", ainsi il a donné le mot "travail". Merci Bidis, je comprends mieux maintenant pourquoi le travail est une torture.

Lol

Très vivant ce poème où j'aurais peut-être mis plus de fatalisme :) et puis aussi, pitié pour les cochons, ce sont des animaux très sensibles et très intelligents. Je le sais, j'en suis un. Euh non... je ne suis pas intelligent :D :D :D

   hersen   
13/11/2015
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Et bien Bidis, voici un poème à la fois très fort et très détaillé.
Un ton fataliste pour décrire toutes les peines, physiques et psychologiques.
Texte très imagé, nous n'avons aucun mal à " voir " ces esclaves subir l'humiliation d'être vendues.

Vraiment, bravo Bidis.

   Pimpette   
6/5/2016
 a aimé ce texte 
Passionnément
Tellement bouleversant que je n'ai guère envie de mots pour le dire...
Il fait d'ailleurs l'unanimité des commentateurs ce qui est rare et mérité amplement!

"comme viande à l’étalage,
sans défense et sans soutien,
nous nous soyions tenues,
nues,..."

J'ai pensé que vous aviez vécu ces horreurs?

Merci Bidis pour ce texte douloureux


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