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Récit poétique
Donaldo75 : L'homme perle
 Publié le 03/08/25  -  3 commentaires  -  2553 caractères  -  29 lectures    Autres textes du même auteur

Itzhak Perlman, né le 31 août 1945 à Tel Aviv, est considéré comme l'un des plus grands violonistes des XXᵉ et XXIᵉ siècles.


L'homme perle



Le velours feutré du théâtre new-yorkais étouffe la nuit silencieuse avant l’arrivée de l’homme perle. Il entre sur la scène, son violon niché contre lui comme une promesse d’un autre monde. Son archet se dresse dans la lumière puis les cordes commencent à crisser. Des centaines de bouches retiennent leur souffle, suspendues à ses premiers mouvements. Enfin, les trilles s’élèvent et s’enroulent dans l’éther. Elles transforment l’espace en un continuum musical où les notes remplacent les particules. Le théâtre devient alors trop petit, incapable désormais de contenir cette musique cosaque, une fougue venue de loin et portée par un virtuose israélien.

L’orchestre complète le tableau, tel un pinceau trempé dans des couleurs sonores. Ensemble, les musiciens et le soliste peignent une fresque en ré majeur, zébrée de rayons merveilleux et de frissons délicieux. Les regards s’ouvrent, les tympans frémissent. Le printemps s’infiltre dans l’hiver, une aube douce perçant l’obscurité.

L’homme perle manie son archet avec tendresse. Il caresse les cordes tel un amant repenti de ses excès passés. Dans les rangées, les têtes anonymes suivent la mélodie en silence. Les dièses et les bémols glissent dans les allées, s’infiltrent dans les cœurs. Le reste des musiciens se retire un instant, laissant le violon parler seul, entre éclats suraigus et murmures délicats.

Et soudain le cœur de la salle s’emballe. Une pulsation partagée s’empare du public, loin de toute logique, juste par enchantement. Le son remplace le sang, il coule dans les veines, réveille les douleurs enfouies trop longtemps. Les cordes pleurent de plus belle, s’adressant au maestro d’une intensité nouvelle. Les ombres deviennent des vitrines, les reflets d’un kaléidoscope invisible dont les fleurs se plantent dans les esprits. L’archet et le soliste s’unissent à l’orchestre en signe de fusion ultime, celle de deux amants au dernier jour de l’éternité. Les silhouettes et les bouches, les têtes et les bras flottent dans une masse déracinée de son quotidien gris. Elle rêve. Elle s’oublie.

Puis, d’un geste l’homme perle impose le silence. Le bras suspend sa course. Les mains alors se réveillent, claquent et saluent le virtuose. Les lampes hésitent, poudroient faiblement et tentent de percer l’apothéose. Les autres musiciens se courbent, gémissent sur les lames du parquet, puis disparaissent derrière le rideau de velours. L’homme perle esquisse un sourire fatigué puis s’évanouit à son tour dans la pénombre naissante.


 
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   Ornicar   
28/7/2025
trouve l'écriture
convenable
et
aime un peu
Je suis partagé sur ce texte qui ne m'a pas emporté comme je l'aurais souhaité.
D'un côté, je le trouve plutôt bien écrit, la lecture n'est pas désagréable et coule aisément. D'un autre côté, je le trouve assez "raconté". Normal en un sens puisque ce texte est présenté en catégorie "récit poétique" et "récit" il y a bien. Mais concernant la poésie, celle-ci me paraît un peu timide et marquer le pas. Non pas qu'elle fasse défaut, il y a bien quelques effets de style, métaphores, çà et là comme par exemple : "cette musique cosaque... portée par un virtuose israélien" et "Le printemps s’infiltre dans l’hiver". Des formulations imagées, efficaces, et incontestablement poétiques. Mais globalement, sur le plateau de ma balance, il me semble que la narration l'emporte sur la poésie.

Je mets à part le paragraphe 4 qui me paraît un ton au dessus du reste. On sent une montée en tension, l'éclosion d'une dramaturgie dans ce passage : "Le son remplace le sang, il coule dans les veines, réveille les douleurs enfouies trop longtemps. Les cordes pleurent de plus belle, s’adressant au maestro d’une intensité nouvelle. Les ombres deviennent des vitrines, les reflets d’un kaléidoscope invisible dont les fleurs se plantent dans les esprits."

Par contraste le dernier paragraphe, en renouant avec la commune "réalité" du concert (les applaudissements du public) pâlit et pâtit de la comparaison. Pas facile du tout d'écrire sur la musique, ce vecteur d'émotions qui emprunte des canaux bien étranges et inconnus de nous. Mon appréciation est donc le reflet de mes multiples hésitations et de mon embarras.

   Provencao   
3/8/2025
trouve l'écriture
aboutie
et
aime un peu
Bonjour Donaldo75,

Dans ce velours feutré du théâtre new-yorkais, le lien entre la poésie et la musique devient aguerri et adaptable avec des illusions, des interdépendances et des différences d’interprétation.

Ces deux essences, la musique et la poésie, tout en conservant leur lien, deviennent presque souveraines. La poésie dispose de sa propre musique et la musique contient sa propre poésie...

Au plaisir de vous lire,
Cordialement

   Mokhtar   
5/8/2025
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime beaucoup
Ce texte est l’exemple parfait de la difficulté d’exprimer par l’écriture une émotion artistique.

L’auteur choisit avec soin les mots qui qualifient son souvenir. L’écriture et la relecture de ces mots ravivent une réminiscence qui l’exalte car ils ont une force de suggestion puisque c’est lui qui les a choisis. Et qu’ils ont plein pouvoir d’évocation.

Le lecteur, lui, n’a que son imagination pour concevoir et se projeter. Entre les deux, il y a perte d’intensité et d’enthousiasme car le mot a ses limites en efficacité. S’en suit un déficit de communion.

Ce qui fait que l’on sent « l’emballement », mais on le partage plus par la pensée que par le cœur ou l’émotion. Et lecteur pressé n’accroche pas. C’est bien, me semble-t-il, ce qu’exprime Ornicar.

Quels sont les outils de l’auteur ?

Tout d’abord planter le décor, pour mettre en situation. Puis trouver de belles métaphores évocatrices : « fresque zébrée de rayons, le son remplace le sang, il coule dans les veines, il caresse les cordes tel un amant… » En s’ingéniant à trouver les mots ou expressions qui font décoller, s’élever, vibrer…
Et si j’apprécie beaucoup ce texte, c’est qu’il me projette dans les souvenirs d’un concert similaire dont je retrouve les sensations.

L’idéal serait que le commentateur dispose de l’œuvre avant sa lecture, que l’intérêt en soit partagé, que l’émotion soit commune pour qu’enfin il apprécie le texte laudatif dans sa dimension poétique.

Je crois que cette poésie a échappé à l’attention qu’elle mérite.

Mokhtar.

Nota : Si l’on peut concevoir, en poésie, que les notes « glissent dans les allées », il en va autrement pour les dièses et bémols, qui ne sont que des altérations techniques sans consistance.


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