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Poésie libre
EtienneNorvins : Primal
 Publié le 20/05/25  -  11 commentaires  -  779 caractères  -  227 lectures    Autres textes du même auteur

« Ô j’ai lieu ! »
Saint-John Perse, Éloges, 3, V


Primal



pas d’histoire
refus du fil un point c’est tout
corps ici maintenant
polyphonie de fluides et d’influx
la vérité
libre enfin du Verbe
lavée des péchés du monde
œil insatiable bouche ô ventre
accoupleur
sous mes doigts
gouttes perles de mouille
filaments de rosée
c’est baptême sur baptême
ô Face
mes forces glissent vers la force
haleter
haleter
chair éclair source fontaine
toute la gamme
crescendo de voyelles
consonnes a bocca chiusa
s’abouchant pantelant
si la vie c’est le cri
du matin premier
soleil dégoupillé
je veux je veux
Oui

éjaculubratoire

à gueuler béant du silence

et puis recommencer


 
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   Lebarde   
20/5/2025
Une écriture que je n’arrive pas à qualifier, spontanée, hermétique sans doute qui ne peut pas m’interpeller !!
Mais je sais bien que je ne suis plus dans le coup.
Les autres jugeront ,moi je ne sais pas faire .
Pourtant je dois noter…. »
Alors c’est sans conviction, perturbé que je suis après un petit punch au soleil.
« Ejaculatoire «  vous dites ?
On verra cela tout à l’heure, mais une seule fois seulement!!

Ed: que suis-je venu faire en EL dans cette affaire …alors volontiers je « dénote » mais confirme que je n’aime pas.

   Eskisse   
11/5/2025
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime beaucoup
Une écriture qui jaillit avec force ou puissance comme le cri originel mentionné à la fin. Tout y est asséné, martelé, le rythme est lui aussi haletant. Une écriture qui se démarque de l'ordinaire pour évoquer ce que je vois comme une maïeutique, et un hymne à la vie puisque la voix narrative est celle d'une femme.

J'aime beaucoup les échos sonores et les répétitions qui émaillent le poème et les formules qui me résistent:
" Pas d'histoire
refus du fil un point c'est tout"
Refus de la filiation ?
Quoi qu'il en soit, ce poème est véritablement un coup de maître.

   Cyrill   
11/5/2025
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime beaucoup
Quoi de plus primal en effet que ces mots "éjaculubrés" (je retiens le néologisme!) comme pour faire surgir le sens d’un non-sens de l’existence, ou le plaisir du corps, toujours renouvelé.
Aussi bien est-ce un accouchement de sons, consonnes et voyelles formant mots puis sensations, qu’une venue au monde et la séparation d’un être en deux distincts.
Le poème se vit plutôt qu’il se lit. Bravo !

   Ornicar   
11/5/2025
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime beaucoup
Waouh ! Je ressors "pantelant" de cette lecture.
La puissance évocatrice - et la pure jouissance - des mots et des images mis bout à bout emporte tout sur son passage. Quelle écriture ! - qui sort des sentiers battus et rebattus, résiste à l'analyse, mais me donne à voir, à ressentir au plus profond de mon être, dans la fusion de l'instant, cette oeuvre de chair, ce corps-à-corps des épidermes ("corps ici maintenant"). Dans ce peau à peau, tout n'est que souffles, humeurs, sueurs, secrétions ("polyphonie de fluides et d’influx" ; "gouttes perles de mouille / filaments de rosée" ; "haleter / haleter" ; "chair éclair source fontaine"), et rien d'autre ne compte. Dans l'urgence et l'impérieuse nécessité d'un désir fondateur, que peut alors la langue avec ses pauvres mots et tous leurs artifices ? ("pas d'histoire / refus du fil un point c'est tout" ; "la vérité / libre enfin du Verbe"). Accouchement ? Accouplement ?

Le paradoxe, car il y en a un, vous saute alors en pleine poire, comme une grenade ou un "soleil dégoupillé" : c'est pourtant avec ces mêmes mots que le narrateur, et plus vraissemblablement la narratrice, nous livre cette vérité crue et intime. Il y a un bout de temps que je n'avais pas ressenti un tel choc esthétique.
Primal. Animal. Tripal. De la poésie à l'état brut.

   Donaldo75   
11/5/2025
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime beaucoup
Ce texte m’a vraiment plu. Il exprime une poésie qui cogne, qui refuse les carcans, qui envoie valser les conventions pour mieux crier l’existence et la révolte. Une voix qui prend le micro, qui hurle son propre hymne, qui brise la filiation avec un claquement sec, un refus d’être enchaîné, une échappée sauvage. Une chevauchée furieuse sur les routes de la liberté. Pour continuer dans la dimension rock’n roll, j’ai lu une écriture qui claque comme un riff de guitare électrique, un cri brut balancé sans compromis, avec l’urgence d’un solo qui déchire le silence. Les mots fusent, frappent, explosent comme des coups de batterie, martelés avec la rage et la liberté d’un refrain qui refuse d’être contenu. Ce poème, c’est du pur rock : viscéral, électrique, incontrôlable.

Bravo !

   Myndie   
20/5/2025
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime beaucoup
Bonjour Etienne,

mon commentaire sera bref parce que je ne voudrais pas paraphraser ce qui a été si justement dit précedemment.
Quel plaisir de lecture ! Ce poème « primal », c'est le poème de la fulgurance, c'est une déflagration qui le fait entrer dans un espace visuel et sonore, qui échappe au raisonnement et entraine le lecteur dans ses saccades effrénées.
Il est plein à craquer parce que dense et concis, parce que la brièveté des vers, parce que la suggestivité de l'implicite.

Ici, la poésie est vraiment en action. Bravo!

   papipoete   
20/5/2025
trouve l'écriture
perfectible
et
aime un peu
bonjour EtienneNorvins
" je vais t'aimer oh ma douce, ma mie et ensemble nous jouirons, n'est-il point ? "
pourrions-nous proclamer, tendres amants après qu'enfin notre Père nous en accordât la permission...
mais ci-dessous,
libre enfin du verbe, je vais te dé... puis t'enc...oh chienne de pucelle !
NB je force un peu le trait, mais je parle façon débridée, comme monsieur Lequesnoy de " la vie est un long fleuve " quand Madame obstinément reste corsetée jusqu'au cou, même en plein ébat !
je conçois qu'un tel langage fasse envie, en plein coït ( rut, plutôt veux-je dire ! )
néanmoins, je préfère un chouias lire " au jardin des claires fontaines ", en alexandrins classiques
" gouttes perles de mouille " hum, ça en jette !

   Catelena   
20/5/2025
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime beaucoup
a bocca chiusa c'est un silence de feu qui saute en plein aux oreilles. Le silence d'un premier cri au monde où tout prend aux tripes, où tout fulgure...

Pour mon premier retour sur poème depuis longtemps, c'est une véritable apothéose d'ecchymoses qui volent en éclats.

Et puis recommencer...

Molte grazie, Etienne.

   Provencao   
20/5/2025
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime beaucoup
Bonjour EtienneNorvins,

"la vérité
libre enfin du Verbe
lavée des péchés du monde
œil insatiable bouche ô ventre"

Sublime vers créateur, essentiellement divin.

Sublime genèse par le Verbe qui offre à l'éternel d'accoucher de toute chose par le coeur et la pensée en offrant la Vie.

Au plaisir de vous lire
Cordialement

   M-arjolaine   
21/5/2025
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime beaucoup
Complètement emportée par le rythme de ce texte, et par ses images très frappantes, physiques, moites. J'ai aimé les mots "s'abouchant", "éjaculubratoire".
Est-ce un homme qui parle d'une relation intime, une femme qui parle d'un accouchement ? Je trouve du sens aux deux lectures.
J'aime aussi la progression du texte qui commence par "pas" et par "refus", et qui finit par "oui" et par "recommencer".

   Louis   
26/5/2025
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime beaucoup
Ce poème fait l’expérience du langage porté à sa limite, quand l’expression n’est plus dans la parole, mais dans le cri ; quand les cris se substituent à l’écrit.

Le début du poème l’annonce sans ambages, sans préalables : "pas d’histoire" ; il déclare ce que le texte sera, et il sera sans « histoire ». Il ne faut pas s’attendre à trouver en lui une narration ou un récit.
La raison se trouve dans une décision ferme, un « refus » :
refus de raconter, refus de toute narration.
« refus du fil un point c’est tout » : est-il précisé.
Au « fil » du récit, qui lie, enchaîne, tisse les mots et les phrases, objet du refus, lui est substitué le « point ». Un point sans durée, sans étendue, un point sans ligne de mots, sans ligne narrative.
« Un point c’est tout » : l’expression est plurivoque. Le point en finit avec les phrases. Mais il ne se veut pas ici un point intermédiaire entre deux phrases, plutôt ce qui met fin à toute phrase.
« un point c’est tout » : se comprend encore dans le sens de la locution populaire. Qu’on en finisse donc avec les mots et les histoires, cela dit sur un ton péremptoire, sans mots à ajouter pour s’expliquer.
Mais on peut comprendre aussi que le point, comme limite fixée au langage, constitue un "tout" essentiel et indécomposable, irréductible à n’importe quel syntagme.

Point. Le corps. Le corps au point.
Mettre fin à toute histoire, et à tout langage consiste, en effet, à retrouver le corps dans sa présence immédiatement vécue :
« corps ici et maintenant »
Par ce hic et nunc du corps, il s’agit, semble-t-il, de retrouver une présence à soi concrète, dans la matérialité corporelle, une coïncidence de soi à soi, en opposition à toute "histoire" qui, elle, suppose un langage mettant à distance, un recul par rapport à soi dans une représentation.

Le corps se ramène à une « polyphonie de fluides et d’influx ». Le corps exprime sa vie par des moyens sonores, une « polyphonie », mais différents de ceux qui constituent la parole vocale, ainsi un cœur qui bat, une respiration haletante, sonores tous deux sans être pourtant des mots.

Le corps est déclaré « vérité » :
« La vérité
Libre enfin du Verbe »
Le corps dans sa spontanéité serait « la vérité », comprise comme authentique réalité.
L’expression du corps, identique aux processus vitaux, serait l’expression vraie, "libérée du Verbe", libre de tout langage.
Vérité du corps, en abstraction de l’âme, et du moi conscient simple appendice du « Soi », le corps multiple, authenticité de l'ête vivant.
Le corps serait soumis, puisqu’il faudrait le considérer « libéré du Verbe ».
Par-là, semble-t-il, s’exprime le refus d’une représentation consciente du corps, faite d’idées générales et abstraites, et de préjugés à son propos véhiculés par la langue et la parole, manquant toujours la singularité du corps et de son vécu.
Il conviendrait donc d’opérer un retour au corps « brut », tel que vécu spontanément, détaché de toute représentation.
Parmi ces représentations et les préjugés qui lui sont relatifs , figurent les discours moralistes qui le condamnent comme source des « péchés », source de toutes nos turpitudes, de tous nos vices, et, finalement comme part de nous-mêmes qui nous relie au mal.
Un retour donc au corps comme réalité « lavée des péchés du monde ».
Un retour à "l’innocence" du corps.

Un appel immédiat à la sensualité du corps s’ensuit :
« œil insatiable bouche ô ventre
accoupleur »
Un appel à cette partie du corps la plus condamnée, considérée comme la plus honteuse : le "ventre accoupleur »
Mais à la bouche aussi, non celle qui parle, mais celle qui goûte les plaisirs et savoure la vie.

Il s’agit au plus vite d’en finir avec le langage et d’en venir au corps, à son vécu. Il s’agit de le laisser s’exprimer ‘librement’.
Il faut pour cela que les mots du poème s’effacent. Mais qu’en sera-t-il du poème et de la poésie s’ils vont s’évanouissant ?
Ils sont bien là, les mots, mais avec économie, avec parcimonie, s’efforçant avec toute leur puissance expressive de participer à la vie corporelle, s’efforçant d’abord de faire ressortir son rythme, un rythme accéléré parce qu’il s’agit de son expression dans une expérience sexuelle active.
Non pas la raconter, de l’extérieur et de loin, mais participer.

Quelques concessions sont accordées au langage, qui sont concession à la communication.
Concessions qui laissent place, à travers les mots, aux « expressions » non verbales du corps, à ses flux : « gouttes perles de mouille / filaments de rosée »
Ces concessions portent sur des sensations qui ne s’expriment pas dans le domaine sonore, et que seuls les mots peuvent faire entendre pour être communiquées, mots parmi lesquels le recours surprenant, après le rejet des visions moralistes et religieuses du corps, à l’idée de « baptême » : « c’est baptême sur baptême »
Sans doute s’effectue une subversion du sens religieux que recouvre le terme, pris au sens de ce qui purifie du péché, un renversement de l’idée même du péché ; le terme semble pris dans le sens que pouvait lui donner Maupassant, tel que cité par le CNRTL : « Bertin avait aimé une femme (...). Par elle il avait reçu ce baptême qui révèle à l'homme le monde mystérieux des émotions et des tendresses. » (Fort comme la mort.)

Après ces concessions, le rythme s’accélère, devient précipité, exalté.
« haletant
haletant »
Des phrases minimales apparaissent, nominales :
« chair éclair source fontaine »
À la décomposition de la phrase et de la syntaxe, succède la décomposition des mots en leurs contenus sonores, voyelles et consonnes.
Mais le poème se tient au bord du langage, à sa limite, et ne fait pas le saut dans un poème qui verserait dans le Lettrisme.
Il se limite, sur un versant du langage, mais se tenant encore sur sa pente, à évoquer un :
« crescendo de voyelles »
Et des « consonnes a bocca chiusa » dans une sorte de murmures ou de bourdonnements, expressifs mais non signifiants.

Chœur de consonnes et voyelles « s’abouchant » dans une communication étroite, comme en un bouche à bouche, mais en une communication non verbale

Vient alors la découverte du cri : « si le cri c’est la vie »
Le cri comme expression de la vie ; cri inarticulé comme un en-dehors de la parole.
Découvert en dernier, après les mots, après leur décomposition, dans leur fêlure, il est pourtant considéré comme originel, comme « primal », d’un « matin premier ».
En-deçà du langage, le cri manifeste la vie dans l’espace sonore. Il en est son jaillissement ; issu de ses profondeurs, fort d’ intensité émotive, de jouissance, et parfois de douleur, de peur ou de désespoir, bouleversement dans le plus intime, le voilà chargé de l’aventure toute entière sensible d’être-homme.

Mais le cri réunit le corps dans ses flux et son expressivité, ainsi rendu dans le cas particulier traité par le poème par la fusion entre le terme "éjaculation", et cet autre "élucubration", associés au suffixe opérationnel : ‘oire’, dans le néologisme : « éjaculubratoire «

Le flux spermique s’avère donc expression, comme l’« élucubration », mais expression qui n’a pas la représentativité, la clarté, la logique du langage parlé.
Il y a expression non verbale du corps.

Le cri ainsi profère du silence : « à gueuler béant du silence », non pas que le cri soit silencieux, du phonique inaudible, mais en ce que le cri, le crie réel, celui qui n’est pas un mot, ne dit rien, ne désigne rien, n’est pas un signifiant associé à un signifié, il ne représente rien, sinon lui-même dans sa participation intégrante d’un concret, vécu, réel.

Si le cri est expression de la vie, de l’existence dans son intensité, il semble aussi hurler contre la langue, en une lutte contre la chimère du mot qui s’imagine pouvoir restituer l’objet dans sa nature.

Dans ce poème pourtant, le cri ne refuse pas le mot ; il réveille la poésie en claironnant. Une poésie de cri et de chant. L’oiseau crie et l’oiseau chante, et ce n’est pas la même chose. Le poète aurait-il pour vocation de plier et replier les phrases, de tordre la parole pour en faire un chant qui fasse remonter à la surface le corps, rende sa présence et s’efforce de faire résonner ses cris jusqu’au cœur des mots ?

Merci Etienne pour ce texte fort, original, qui se tient sur les bords du langage.


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