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Poésie en prose
Hec4 : Entre le vide et la torture
 Publié le 04/03/21  -  10 commentaires  -  3079 caractères  -  149 lectures    Autres textes du même auteur

La poésie comme moyen de réflexion ou l'introspection comme mode d'expression… Entre le vide et la torture, dis-moi, tu choisis quoi ?


Entre le vide et la torture



J’en ai passé des nuits à recoudre mes cicatrices, à réparer les déchirures de ma psyché désintégrée. Puis j’ai jeté sur le papier, dans un dernier fracas de plume, l’ultime révolte pathétique d’un cœur qu’on réduit au silence.

J’ai tout brûlé, tu sais ? J’ai purifié, exorcisé, stérilisé, cautérisé. Notre essence partie en fumée. Il ne restait rien à sauver, tu avais tout empoisonné.
Nos cendres sur mes vers, ta peau sous mes frissons, la fureur et la fièvre au goût de toi, toujours. Et ton odeur à chaque inspiration, ton nom dans tous mes souffles, ta voix sur ma conscience…

J’ai renoncé à ressentir pour me préserver du chaos. Le choix entre le vide et la torture ne fut pas difficile.
Peu à peu, le silence a dévoré l’écho des cris. Les millions d’aiguilles qui me creusaient l’esprit, puisant dans mon calvaire ma poésie, avaient cessé de s’agiter.
Deux mille huit cent vingt jours pour ne plus croire en l’essentialité de ce qui coulait dans mes veines. Des milliers d’heures à verrouiller des pièces déjà vides, démeublées, dépeuplées…

Et cet après, méconnaissable, où rien ne vibre, inerte et silencieux.
J’ai fait avec, crois-moi. J’ai pris goût aux battements réguliers que plus rien ne venait troubler, savouré le souffle paisible, et le néant, à l’intérieur, sans plus chercher à le remplir.

Le vide, le vide, le vide. Limpide. Inexorable.

J’ai compris qu’il était comme toi : hypocrite baratineur qui sème au vent ses belles promesses et qui se maquille d’habitudes, s’infiltre dans les interstices, envahit tout sur son passage. J’ai pris chacune de ses attaques pour des caresses, pensant trouver ma place à ses côtés. Me faisant toute petite pour ne pas déranger. Je l’ai laissé m’éteindre, imperceptiblement, tellement sûre de ne plus avoir besoin de moi.

Et ce matin, face au miroir, je constate qu’il ne reste rien. Ses mensonges ont chassé les tiens, les larmes ont juste un autre goût. Et de ses crocs, comme de tes mots, il m’a mise en lambeaux. Il reste des morceaux d’abîme éparpillés. L’élancement familier du supplice qui reprend sa place.
L’envie qui gonfle dans mon ventre en ruines m’exhorte à reprendre la barre, à gratter les décombres en quête d’éclats d’âme. La douleur se fait lancinante et revient frapper à la porte. Je sais qu’elle est armée, prête à flinguer le peu qu’il reste du néant.

J’en ai envie, je crois. La laisser rôder derrière moi, glisser sa langue à mon oreille. Et sentir à nouveau ses doigts se nouer sur ma gorge. L’autoriser à m’asservir, me tourmenter, me crucifier. Lui permettre de m’abuser et de me passer les menottes.
J’en ai envie, je sais. Ses marques sur ma peau, les stries rouges et sanglantes, et mon corps, à ses pieds, tremblant, courbé, rampant. Les plaies à vif, comme autrefois. Ne plus rien contrôler, pleurer, frémir, m’abandonner.
Et savoir qu’avec elle, tu pourrais revenir, découdre toutes mes déchirures.
Entre le vide et la torture, le choix n’est pas celui qu’on croit.


 
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   BlaseSaintLuc   
21/2/2021
 a aimé ce texte 
Beaucoup
L'incipit ne m'attirait pas plus que ça, heureusement, je me suis quand même attaqué au texte.

C'est formidablement bien exprimé, quelle écriture ! C'est fou ce que le trouble indicible du vide, donne des ailes à l'écriture.

sujet difficile à explorer et pourtant la lecture n'en est pas rédhibitoire,
bien au contraire, c'est presque "exaltant " .

merci .

   papipoete   
4/3/2021
 a aimé ce texte 
Bien
bonjour Hec4
Vous parlez du vide d'une façon, que seule peut exprimer, qui de près l'a côtoyé.
Il y a un passage qui m'a happé tout-d'un coup " deux mille huit cent vingt jours "... pour dire le temps que vous avez passé avec... le vide !
NB le vide pour l'absence, la torture pour l'envie de goûter à nouveau...cet objet du désir qui peut se montrer si cruel !
Le vide auquel on s'abandonne, qui nous fait perdre l'envie d'avoir la moindre envie.
La torture qui revient toujours à la charge, lorsque le corps cicatrise à peine.
Toutes vos lignes me sont familières, bien qu'enfouies dans le passé ; et ces 4 fois 365 jours dont je vécus le scénario, que vous nous dites là ( en espérant qu'il ne soit que pure fiction ! )

   Vincente   
4/3/2021
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↓
Difficile de ne pas se laisser emporter par cette "tourmente", difficile cette introspection habitée où le vécu transpire de ses rugosités, déchirures et autres implacables dépendances…
Pourtant, sous cette écriture "affablement écorchée", il n'est pas très simple de suivre le narrateur. Situation complexe, où s'enchaînent deux vécus "douloureusement" amoureux, et souffrance à fleur de mots griffent la scène de leurs gestes infernaux. L'on se sent débordé par tant de dépressivités, tant de dépréciations, tant de "débordements" affectifs, mais la nécessité l'emporte sur le dépouillement, alors écouter dire et lire, car il le faut.

Alors que le lecteur est invité à l'empathie, j'ai regretté un petit manque de contextualisation ; l'exergue a plus un sens de résumé que de mise en situation, ou d'avant-propos. Ainsi rédigé, ce poème en prose pourrait paraître un brin exercice poétique à la Antonin Artaud, fort et douloureux, mais où le lecteur reste en spectateur, et bien que la question "Entre le vide et la torture tu choisis quoi ?" lui soit posée, il lui manque à mon sens quelques éclairages pour l'orienter (un peu de passé d'avant ces mauvaises rencontres, un peu de "justifications" sur ce qui a fait que l'inacceptable de fait s'immisce, etc...)
Le final, cependant est d'une grande prégnance. De "J'ai envie, je crois…" jusqu'à la fin, pourtant ambivalente (chacun pouvant en tirer un peu ce qu'il veut : "Entre le vide et la torture, le choix" peut être considéré vaste, ou en terrible impasse !).

Je trouve ainsi que l'ensemble raconte un état d'âme et de conscience très fort, plutôt bien écrit, mais dont la "narration", pourtant assumée sans poétisation sibylline, paraît un extrait d'une nouvelle, j'y ressens un petit manque, mais pourquoi pas ?

   Angieblue   
4/3/2021
 a aimé ce texte 
Passionnément
Une écriture qui ne laisse pas indifférent et qui secoue au plus profond de soi.
On retrouve le thème de la dépendance de la victime à son bourreau, et il y a peut -être aussi quelque chose de l'ordre du syndrome de Stockholm...
C'est fort bien écrit, une écriture sombre et torturée en adéquation avec le thème.

On pourrait croire que la narratrice s'adresse à son bourreau pour exorciser les dernières cendres de cette relation destructrice, mais la fin nous laisse présager tout autre chose...

C'est assez obsessionnel et angoissant le fait qu'il n'y ait pas d'autre choix que le vide ou la torture... C'est effrayant que le bourreau soit à ce point "un tout" et qu'en dehors de lui, il n'y ait rien. C'est binaire.

Cette phrase m'a beaucoup parlé: "J'ai renoncé à ressentir pour me préserver du chaos".
Je pense que les personnes ayant vécu un traumatisme savent ce qu'est cette fuite dans le néant et cette impression d'absence de sensation comme une anesthésie.
Tout le 3ème paragraphe est très bien écrit avec des images puissantes et sensorielles: les aiguilles, les pièces vides à verrouiller...et ce chiffre précis "Deux mille huit cent vingt jours".

Très fort aussi le passage au sujet du vide qui commence par: "J'ai compris qu'il était comme toi".
Oui, le pervers narcissique est une coquille "vide" qui se nourrit de la force vitale de l'autre, "qui s'infiltre dans les interstices". Oui, c'est très bien dit.

La personnification du vide se poursuit avec "Ses mensonges ont chassé les tiens..."
Le vide est un nouveau bourreau qui déchire la narratrice. Toujours des images très fortes: les "morceaux d'abîmes éparpillés". "L'élancement familier du supplice qui reprend sa place", c'est également très bien dit.
Puis, la douleur "armée, prête à flinguer le peu qu'il reste du néant".

Ensuite, terrible le dernier paragraphe. On se croirait dans une nouvelle dans un style fantastique et cauchemardesque. C'est angoissant et glauque avec cette répétition un peu sado-maso de "J'en ai envie" ,et glaçant ce "découdre toutes mes déchirures". Par contre, j'aurais peut-être dit "découdre toutes mes cicatrices" puisque la narratrice a passé des années à essayer de colmater les plaies..."...stérilisé, cautérisé."

Enfin, inattendue et effrayante la chute. ça fait froid dans le dos, on se croirait dans un mélange de nouvelle fantastique à la Maupassant et d'univers glauque et psychologique à la Stephen king.

En somme, un réel talent de nouvelliste dans le registre du cauchemar et du thriller psychologique.

   Wencreeft   
4/3/2021
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Belle puissance trouvée dans ce texte qui ronge le cœur et l'esprit, ce texte presque autodestructeur.

Votre style ténébreux, presque sépulcral, est très maitrisé : il y a indéniablement une (très) belle plume derrière cette ode à la souffrance. Cela dit, je soulève tout de même un bémol : le champ lexical sombre, maussade et désabusé en devient presque trop prégnant, trop uniforme, trop répétitif. Arrivé à la moitié du texte, le lecteur sait pertinemment à quelle sauce il va être mangé pour la seconde moitié. J'aurai simplement aimé un peu plus de surprise au fil de la lecture dans le choix des mots. Jusque dans les dernières lignes les stries sont "sanglantes", les plaies "à vif", les déchirures "à recoudre". C'est certes très efficace, mais cela très assez classique dans la formulation, et déjà largement exploité dans les lignes précédentes. Vous usez peut-être trop la corde du "dark style".

Ceci étant dit, j'ai tout de même été pris par ce cri de l'âme, qui caille la moelle. Par votre vide si longuement décrit. Vous usez, par fulgurances, d'une très belle poésie, brute et intense, comme ces passages :

le silence a dévoré l’écho des cris
--
hypocrite baratineur qui sème au vent ses belles promesses et qui se maquille d’habitudes
--
et surtout : à gratter les décombres en quête d’éclats d’âme


J'aurai bien vu ce passage dans un bon roman, au moment où le héro désabusé noie son affliction dans un Brandy, juste avant le délirium trémens. Cela en ferait un passage très envolé !

Je vous félicite pour ce texte d'une très belle facture. Je pense que chaque phrase a été ciselée avec soin et réflexion. Une harmonie presque malfaisante s'en dégage.

Au plaisir.

   hersen   
4/3/2021
 a aimé ce texte 
Beaucoup
L'emprise.
Il est très bien dit ici que si rien d'autre que le vide ne peut la remplacer, alors ce vide ne fera pas le poids.
les émotions fortes sont ce que l'on recherche.

le vide et son illusion de paix, de repos.

Ce passage :
"J’ai compris qu’il était comme toi : hypocrite baratineur qui sème au vent ses belles promesses et qui se maquille d’habitudes, s’infiltre dans les interstices, envahit tout sur son passage. J’ai pris chacune de ses attaques pour des caresses, pensant trouver ma place à ses côtés. Me faisant toute petite pour ne pas déranger. Je l’ai laissé m’éteindre, imperceptiblement, tellement sûre de ne plus avoir besoin de moi."
dit tout.

Peut-être aurais-je aimé un peu moins d'explicatif, car une poésie en prose est avant tout une poésie, mais je pense que sur ce thème, c'est une prouesse de garder du souffle jusqu'à la fin.

Merci de la lecture.

   Anonyme   
4/3/2021
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Bonjour Hecate,

Enfin un texte de rupture qui n'est pas travesti avec de la haine ! Ici, je dirai même que la résiliation est complète et assumée. Ce n'est pas ma définition de l'écriture thérapeutique mais j'applaudis la façon que tu as de mener l'exercice...

Le manque de l'autre est bien exprimé, la reconstruction de soi après la trahison inommable se retrouve dans le ressenti.

C'est du beau boulot, bravo !

Dugenou.

   PlumeD   
5/3/2021
 a aimé ce texte 
Pas
Mon dieu ! que tout cela est emphatique. Pour dire une douleur que je suppose réelle est-il vraiment indispensable d'employer de tels mots ? je cite : ma psyché désintégré, l'ultime révolte pathétique. Le mot néant employé plusieurs fois, abîmes éparpillés, me crucifier, les millions d'aiguilles, puisant dans mon calvaire.
Un détail : "essentialité" à mon avis n'est pas français.
N'est pas compris : "tellement sûre de ne plus avoir besoin de moi"
Je dirai pour finir que je trouve un peu étrange que ce texte soit considéré comme une poésie. Je n'y vois rien pour ma part de tellement "poétique".
Désolé

   Edgard   
5/3/2021
 a aimé ce texte 
Passionnément
Une construction tragique très bien menée, une écriture forte, belle, minutieuse dans la description d’un état de dépendance terrible. Tout est joué d’avance dans la tragédie, on a peur de l’issue, mais on la sent venir, inexorable. Le dernier paragraphe est admirable dans ce sens. Très fort.
Pas facile de classer ce texte. Il échappe aux catégories. Mais ce n’est pas essentiel.
Je ferais une petite remarque : les passages les plus forts sont ceux qui laissent un moment l’analyse un peu abstraite pour noter quelques détails du quotidien de ce drame qui marquent, même métaphoriques, et qui valent toutes les explications « la (douleur) laisser rôder derrière moi, glisser sa langue à mon oreille. Et sentir à nouveau ses doigts se nouer sur ma gorge…). L’accumulation des évocations abstraites, au bout d’un moment n’apportent guère plus… « J’ai fait avec. Crois moi, j’ai pris goût aux battements réguliers que plus rien ne venait troubler, savourer le souffle paisible, et le néant, à l’intérieur, sans plus chercher à le remplir) : c’est souvent très beau et très juste, mais leur accumulation ne remplace pas les petits passages imagés qui emportent le lecteur.
Vraiment un texte d’une grande force. Chapeau.

   Hec4   
5/3/2021


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