Entre soixante et vingt, quelle est la différence ?
Pour les moins de six ans, nous sommes puits de sciences,
Pour les adolescents, vive la décadence,
Pour les moins de vingt ans, ce que l’on dit... fait rance !

Les souvenirs affluent et c’est tout ce qui reste
Des beaux muscles gonflés, quand on ôtait la veste,
De cet air supérieur nous montrant peu modeste,
Et des belles nanas que l’on tombait d’un geste.

Tandis que maintenant, assoiffé de repos,
Couché sur le côté, plus souvent sur le dos
Plutôt que d’être actif, on tient quelques propos,
Content de discourir, on se pique de mots.

Le soir venu, inquiet d’une image de soi
Qui pourrait se ternir... y penser donne froid,
On trouve un bon motif qui a force de loi,
Pour s’endormir très tôt, et pour... scier du bois.

Notre chère moitié, mots croisés terminés
Ou livre refermé, s’endort à poings serrés,
Ce soir, pas d’exigences, elle nous en sait gré,
Et prouve, gentiment, qu’elle aussi peut... ronfler.

Certaine nuit pourtant, un besoin éphémère
Fait que l’on louchera, du côté de mémère
Espérant éviter les réflexions amères
Sur tout ce qui pendouille ou regarde... la terre.

On se rappelle encore, avec un rien de peine,
De quelque fait glorieux, quand on avait trentaine,
Qui laissait essoufflé, tremblant de la bedaine.
C’est toujours pareil, mais... dans un autre domaine.

Ronsard nous l’a bien dit, il faut vivre très tôt.
On croit qu’on restera à jamais jeune et beau,
On se voit comme un roc, réplique d’Apollon,
Cependant que l’on prend... l’allure d’un ballon.

Loin de moi, cependant, de vouloir attrister
Ceux qui n’ont pas encor’, les soixante ans sonnés
Et je m’en veux beaucoup, ici, de rappeler
Que si j’y suis déjà... ils vont y arriver !