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Poésie en prose
Lariviere : Fragment du crépuscule (morceau 7)
 Publié le 04/08/07  -  7 commentaires  -  9625 caractères  -  96 lectures    Autres textes du même auteur

Fragment


Fragment du crépuscule (morceau 7)



On remet toujours sa vie au lendemain. À un autre bosquet. À un autre maquis. À une autre guerre…

Mais la pire restera toujours indéfiniment celle qui se joue à huis clos guichet fermé, gâchis permanent et gâchette facile, dans un théâtre intérieur aux tribunes branlantes et aux décors d’opéra bouffe étant à la fois ennemis et alliés invisibles défilant sur des poulies beaucoup trop grandes, sur des mécanismes à l’horlogerie beaucoup trop complexe où les rouages si mal huilés grincent dans l’immensité et où se joue chaque seconde l’écrasante condition où nous sommes le clou et le marteau, la vedette et le verrou, la base et le sommet les favoris et les outsiders d'un numéro de funambule sans filet happé indéfiniment dans une tournée spectaculaire infiniment grande infiniment petite qui se déroule sur le toit de l’existence où nous progressons d'une lenteur désespérante, marchant d’un pas mal assuré sur des reflets mourants aux rebords de galaxies qui se redéfinissent sans cesse et où, chapiteau monté ou non, la représentation s’enflamme et s’affole, s’exclame et s’effondre, s’emballe et s’immole, au gré de l’épuisement des journées sous les applaudissements des hyènes dont les rires effrayants résonnent comme des éclats de lune écarlate et où les salives sont des malaises des hoquets refoulés et des drames grimés en dromadaires dans des révélations forcées au chalumeau sur des regards de néant et des renfrognements qui partent d’outre tombe comme les soliloques qui remontent et succombent dans les frondes et les fleuves de sang glissant de visque en amont de refrains oubliés aux sinécures envoûtantes dont on se passerait mais dont les coins claquant comme une balançoire viennent s’enfoncer dans les cloisons de métal chaud de cœurs où coulent encore tièdes les rythmes affûtés des abysses qui s’ouvrent sur des charniers de pétales et d’ordures où se mêlent pêle-mêle la tête, le crâne, les viscères, les systèmes, les tempes bourgeonnantes et coassantes sur des nénuphars d’aurores résignées venant couper blesser hacher tronçonner disséquer et supplier dans un murmure sans saveur l’envie de ne plus tomber si bas, le monde est difficile, les mâchoires serrées et les mouchoirs sortis, la pensée taciturne, oui, les yeux sont ternes, le pantalon est terne, la façade de cette boucherie est terne, sa vitrine de viande froide, ses bruits de couteaux qu’on aiguise comme des ongles les visages les parterres les souliers et la rue, les pigeons les flocons les passants sont ternes, la nuit qui s’échappe est terne elle aussi, que pourrait-elle être d’autre ? Mourir à s’évader, cogner ses ailes d’aigles, creuser ses angoisses, ruminer des torrents, se ronger les poumons, se faire du mauvais sang, broyer du noir dans une cage de fleurs ou dans une fuite verte de déprime, être condamné à perpétuité… finalement… Puis s’obliger l’échine à sentir à nouveau le sel des déceptions, vieux proverbes yiddish : un homme c’est cendres, sang et amertume, désillusions permanentes, perler rancœur et frustration, insatisfaction creuse le vide, qu’y faire ? Trop tard. Expatrier des sentiments ? Impossible. Un comble, une épreuve, un challenge, inconcevable raisonnement car on est toujours seul tête contre tête dans les vrais moments graves et l’on découvre au détour d’un champ de mines un rendez-vous forcé, face à face ses détresses, plus de passe-passe, pas d’échappatoire, un cul de sac, une explication et qu’on le veuille ou non et qu’on l’assume ou pas on n’y peut rien on reste seul pour ça, misérabilisme forcené inaccessible aux autres avec ses tapissages pourpres de succubes et de sorciers, ses zombifications, ses enchantements forcées, ses sortilèges transatlantiques, ses bêtes, ses créatures… Les monstres dévoreurs tarentules, les goules infernales, les farfadets et les croque-mitaines ressortiront toujours leurs cauchemars à l’abri des regards pour vous lacérer les méninges de leur petit cinématographe en stéréo, moment propice et infernal où se matérialise d’épouvantes endiablées la solitude et ses faramineuses projections corrosives trempées dans l’horreur du quotidien. Falaise. Fatigue. Filature maudite. Les fourmillements désagréables ne sont pas rationnels et ne veulent pas l’être, inacceptables enfants capricieux aux regards d’anges exterminateurs vous caressent la nuit de leur langue glacée sur la nuque brûlante d’un oasis pris comme on prend un sursis sur un quai de gare désert au départ pour un mirage de plus qui déraille et s’arrête à l’intersection où se croisent et s’entrecroisent les joues des soupirs dans des yourtes mongoles aux murs capitonnés, être allé trop loin, ne pas s’être arrêté aux terminus annoncés des tempêtes, laisser fondre la neige, mordre dans le cuir des soucis, se crisper, voir les hublots se charger d’émotions, puis sentir dans les yeux couler toute la boue du monde, comme si la boue personnelle ne suffisait pas, on n’y peut rien, de Vladivostok à Ascension, de Lima à Sarajevo, des sourires rechargeables aux batteries usées épuisés desséchés à force de faire le tour du monde sans jamais se poser pour étancher sa soif, creuser les apparats jusqu'à l’os, danse macabre et intemporelle d’être souvent mal quand les apparences vont bien et se répéter sans cesse que rien ne va jamais bien quand ça ne va pas si mal, car même quand tout va bien tout va toujours mal, se dire simplement, ça, ne pas penser à mal, ne vouloir que du bien, déchirer remémoration l’effritement entendu d’un pack cartonné, pharaoniques frustrations à la mode, jeter une pièce dans un gobelet cabossé en exorcisant les rires des vendeuses de glace et entendre dans la nuit noire d’un jour sans saveur séparé de toi les aboiements de chiens, crépitements cerbères des feux de cheminée dans des agonies de feux follets c’est la folie qui s’approche à pas de loup près d’un berceau de cendres, les oreilles se crèvent, mais c’est toujours mieux que d’être sourd au royaume des aveugles, les yeux crevés de doute, les aisselles en sueurs, ce n’est pas le Pérou, juste une déception, vol 845 pour Jupiter n’aura pas lieu, vol détourné pour un voyage au centre de la terre, introspection forcée, temps de pendus au rythme des saisons, rigueur rageuse de l’hiver, promesses râpeuses du printemps, pluie et beau temps et consécrations des infortunes décollent et atterrissent sur des formatages interplanétaires où les sentiments de contrebandes s’emploient à miner les résultats des astres officiels du sacré. S’apitoyer devant des gémissements comme les réconforts réconfortant au contrefort détonant de l’indicible quand tout près de nous, les gémissements d’un rat apatride et putride qui roule écrasé dans une bétonnière, viennent griffer nos oreilles éreintées, alors roule et roule les déchéances pyramides des puits suspendus, comprendre la marche en crabe forcée du destin, sentir les prémices frémissant d’un bourgeonnement intérieur, il y a une boule de feu au centre de la terre, des corps qui s’ignorent, des cœurs qui se cherchent, de l’or enfoui, des mains écrasées sous des coups de grisou, des visages perdus, des voix égarées par des pleurs et des coups, voir des mains qui s’envolent aux milieux des éclats, en serrer quelques unes, en appeler beaucoup, en attraper certaines, multiples, rêveuses, rêches, tremblantes, calleuses, satinées, fermes, décharnées, généreuses, hésitantes, crispées, chaleureuses, humides, moites ou poisseuses, gelées, glaireuses, filantes et dégoulines, gicle anguille visqueuse et ne donne rien, pas confiance, se répand se faufile, on n’en sortira plus, il y a une boule de feu au centre de la terre, deux explorateurs de l’Arctique ont extrait des glaces un mammouth de dix tonnes où alors c’était :

a) Une octogénaire qui a été toute sa vie « dame pipi »
b) Achille, un brave père de famille
c) Une des cuisses d’Achille
d) Un sonotone
e) Un gros trou lorsque le voisin l’aperçut par-dessus la clôture
f) Un colombophile
g) Un très gros trou pour un petit poisson
h) Un éminent spécialiste
i) Une soirée passablement ennuyeuse
j) Un gâteau et toi
k) Un heureux célibataire
l) Une paire de chaussures de jogging
m) Une chambre dans le noir, avec, dans les bras
n) Un passage à niveau, destin
o) Un jour, vieil amant de madame Jamm
p) Un acteur qui courait en vain
q) Un roi du pétrole multimilliardaire
r) Une vache qui se morfond
s) Une lombaire
t) Un trappeur canadien
u) Une façon de s’en sortir
v) Une note noire et triste
w) Un missionnaire qui évangélise les esquimaux
x) Un endroit glacial où on ne peut jamais faire de feu
y) L’éternité
z) Du fer et du carbone.

Il y a une boule de feu au centre de la terre, avoir creusé et creusé à perdre haleine, s’être cassé le moral et les ongles, être descendu au plus bas, avoir foré des profondeurs funèbres aux philharmoniques inexplorées et ne découvrir que de la suie et des ténèbres, du sang et des erreurs, des fuites et des rancœurs, du vent, des défilés macabres, des geignements lugubres, des humeurs empaillées claudiquant par dépit, creuser jusqu’au tréfonds et ne voir que du froid, de la glace des effrois, des chutes, glisser sur la rosée gelée des intermittences et se retrouver gisant à la surface un genoux à terre, puis deux, puis trois quand le reste devient roche et que l’âme s’use et que les dents s’écorchent à force de riper dans le caniveau froid où l’humanité dépourvue de boule de feu en son centre, s’en va, vidangée de toute chaleur et crasseuse comme un poux affamé.


 
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   Cyberalx   
6/8/2007
Je parlais dans un autre commentaire (sur un poème de DR Rictus, je crois) de l'amour indéfectible que je portais aux mots qui correctement alignés, font naitre des images dans ma caboche.

là, je suis servi !

Ce texte est magnifique, même si (tu ne croyais pas t'en tirer comme ça !!!) J'ai du me gifler les neurones à plusieurs reprises car je relisais la même phrase pour la quatrième ou cinquième fois.

Non, c'est vrai... Il n'y a pas un paragraphe un peu gros là ?

   Bidis   
16/9/2007
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Je n'ai pas dû me "gifler les neurones". Je me suis laissée emporter pas les flots des mots et des images, et c'était agréable, je me sentais comme une mouette immobile sur la mer aux intentions secouantes (image proustienne qui me plaît), et soudain, un gros rocher, boum ! : un inventaire bizarre. Je l'ai survolé et je viens échouer, à la suite de Cyberalx, dans le domaine réservé aux commentaires.
Que dire ?
C'est du Larivière.

   Pat   
19/12/2007

   nico84   
20/1/2008
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Lariviere, specialiste des phrases de 20 lignes et capables aprés de laisser un seul mot en compléter la suivante.
Sur le fond, je n'ai pas tout compris, j'éspére profiter de votre indulgence.

Sur la forme, j'ai aimé tes délires à faire filer le long de tes pensées, les phrase, de compariaons, en souvenirs, en tout et n'importe quoi.

J'ai aimé aussi les sons qui reviennent comme :

"guichet fermé, gâchis permanent et gâchette facile"

"représentation s’enflamme et s’affole, s’exclame et s’effondre, s’emballe et s’immole"

"tombe comme les soliloques qui remontent et succombent dans les frondes"

"Falaise. Fatigue. Filature maudite. Les fourmillements ..."

"réconforts réconfortant au contrefort détonant"

J'aimé tes expressions aussi, éparpillées connues mais mis dans ce contexte, elles reprennent vie, et enfin je reléve pour l'originalite cet extrait.

"un genoux à terre, puis deux, puis trois " :) bravo !

   Anonyme   
29/3/2009
399 mots à partir de Mais... jusqu'au premier point... d'interrogation. Je n'ai pas compté les apostrophes.

Avant de m'amuser à compter les mots de cette première longue phrase, j'ai lu le poème plusieurs fois.
Et je l'ai lu à mon rythme en m'arrêtant où je voulais, en fabriquant avec tes mots mes images.
Merci pour cette liberté d'agir, de se mouvoir dans ce texte.

J'aime ce gouffre saisissant, cette entrée dans cette univers carré, rectiligne, impressionnant quand j'ai visionné la chose dans son ensemble, juste pour voir son architecture.
Dedans, ça foisonne, ça crache, ça vitupère, c'est violent, étrangement beau.

Pas un espace, pas un retour à la ligne, rien pour s'échapper que des murs de mots auxquels s'accrocher. Pourtant même si c'est impressionnant à regarder, dedans, je ne me suis pas sentie étouffer. Juste prise de vertige.

Il y avait Berbères et Bérézina, jusque là mon préféré parce que le plus explosif de tous ces fragments ( à mon sens mais je n'ai pas encore tout lu) et désormais il y a aussi celui-là, que j'aime à relire, pour tout ce que j'y trouve de douceur et de douleur.

Merci Larivière.

   jaimme   
9/10/2009
Entre pas aimé du tout et fasciné!

Je pense que je suis arrivé un moment donné à une non-lecture. J'étais en train de penser que Proust était battu à plate couture quand je me suis rendu compte que je regardais les mots, mes yeux suivaient les lignes, je regardais les briques de ce mur. Des mots avaient une signification. Je n'en cherchais plus de générale.

Est-ce que je suis tombé dans mon piège de l'ennui?
Ou dans celui, voulu par l'auteur?

Une expérience, en tout cas.

Une note? Et puis quoi encore? Impossible là!

   Anonyme   
2/7/2010
 a aimé ce texte 
Beaucoup
29/3/2009


Je disais récemment sur un texte d'Estelane comme parfois il est aisé d'écrire une phrase excessivement longue en n'utilisant d'autre ponctuation que la virgule et le point virgule... je cherchais de quoi illustrer mon propos... j'ai trouvé... lol

Ce fragment crépusculaire me semble plus ancré dans une folie somme toute logique.

Pour le second paragraphe, j'ai beaucoup plus apprécié la sonorité et le sens de la seconde moitié du texte.

ici aussi beaucoup de belles phrases...

Merci.
Estelle

Rien que l'exercice sur la cohérence s'applaudit à deux mains... (euh logique somme toute à une main c'est moins évident)


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