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Poésie libre
letho : Mémoire
 Publié le 30/07/17  -  9 commentaires  -  2165 caractères  -  160 lectures    Autres textes du même auteur

Adolescente, j'ai écrit ce texte sur la guerre du Liban, dont certains se souviennent peut-être. Si j'en crois tous les medias, il est encore d'actualité. Je n'ai rien oublié et me sens concernée.


Mémoire



Tous nos hommes, ils tuent tous les hommes.
Les femmes, elles, sont parties devant sur le sable
veiller l'insouciante fraîcheur de la mort
les bras chargés de roses nues et d'enfants.

Ainsi, mort celui qui pour ses fils,
si tôt venus d'une si courte enfance,
craignait l'ombre et la grêle
et le fruit des pavots.

Ses fils aussi, tués, d'une tranchante agonie,
ce jour où tout le monde disait
qu'il faisait beau et que c'était l'été.
Leurs paupières sont plus douces et bombées
que le ventre des souris
et leurs mains très pleines de soirs épars.

Mort celui qui cognait son front aux vitres de l'Amérique.
Quel ordinateur a délié le son, l'image,
et le pas solitaire de son désir
sur l'eau flexible ?

Sur d'autres rives se désaccorde l'espérance,
cette statue que n'atteint plus l'acier de leur sang

Et celui qui prenait ses rires aux bouches de la mer ?
Sur sa peau, à bras forts, il étreignait la lumière
pour y diluer son incestueuse allégresse.
Il est mort.

L'ombre inverse maintenant nos arbres vifs
et leurs racines s'enterrent dans l'azur infécond.
En quelques cris perçants la nuit immole
sa douceur ouvrière.

Seul l'homme encerclé qui depuis toujours
poussait sa douleur un peu plus avant
que le jet de sa fourmillante salive
s'échappe enfin,
et son bois morsuré ne craint plus
le vide obscène des réveils.
Lui seul voulait mourir. Seul.

Mais tant et tant, nés sous la jupe des chèvres,
têtes rondes aux jeux anachroniques,
organdis des jours sombres par le ciel dépêchés
courant de page en page sur des livres imparfaits,

tant et tant dont la barque déjà vide
endort dans la poussière son fardeau,
chair moelleuse vidée de sa chanson,
tous ceux que l'oubli draine,
ils avaient tous le dos fertile qu'une pluie désaltère !

Oh ! qui prier,
qui supplier aux creux de ses genoux,
Qui toucher à la bouche
et au front,
pour rendre à la vie son urgence ?


 
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   papipoete   
30/7/2017
 a aimé ce texte 
Beaucoup
bonjour letho,
Adolescente, vous écrivîtes ce texte dites-vous ? Seriez-vous née avec une plume d'oie à la main ?
Je suis admiratif devant cette écriture, cri du cœur qui souffre, lance un SOS, et montre ce que l'homme est capable de faire lorsqu'il se mesure à Satan !
NB des vers qui même terribles peuvent être empreints de douceur " leurs paupières plus douces et bombées que le ventre des souris " , et d'autres fort imagés " les racines des ifs enterrés dans l'azur infécond "
Un petit bémol au 14e vers ( très/pleines )

   Anonyme   
30/7/2017
 a aimé ce texte 
Passionnément ↑
Très beau texte, dévoré de compassion et brûlant, pour ces personnes malmenées.

Plus généralement, en tout cas pour moi, il évoque magnifiquement et tendrement l’enfance, l’innocence, l’espoir, et les échecs à faire de la vie, de ces vies ce qu’elles portaient de virtualités, car que ce soit par le fait d’événements dramatiques comme les guerres, ou par le fait d’événements plus personnels, ou de non-événements, leurs vies, nos vies souvent aussi, déraillent et nous laissent le vide ou la mort comme perspective ultime, et triste.

La mort est triste en regard surtout d’une vie non vécue, pas menée au terme d’un certain grandissement, d’un certain mûrissement, jetée à la poubelle comme un fruit encore vert.

Je me fais souvent cette réflexion en voyant des gens connus ou inconnus, je les imagine enfant, plein de cet allant de la jeunesse… et je me demande pourquoi ça n’a pas fonctionné : le bonheur ?

Dans (je me cite) un de mes poèmes j’ai écrit : ‘nous boirons jusque à la lie, la coupe de la vie salie’… je voulais exactement exprimer ce sentiment de gâchis… qui me semble évoqué à plusieurs reprises dans votre poème.

Pour en revenir à celui-ci, je le trouve magnifiquement construit, il y a des vers beaux comme des blessures de l’esprit (ou plutôt du cœur-esprit) humain butant sur l’indicible de la condition de l’homme, et disant cet indicible vous réussissez une grande poésie.

Si mon commentaire est un peu brouillon, c’est peut-être que moi je n’arrive pas à dire l’indicible de ce qu’il porte… parfois on devrait se taire devant ce qui est vraiment beau ou bon… se taire et juste le contempler.

C’est la meilleure attitude : s’imprégner de cette vision, s’en trouver renforcé, nourri quelque part dans notre humanité, dans ce qu’elle a de prometteur, d’encore possible, et ce possible-là regorgera d’amour et de compassion, y compris pour soi-même. Hors cela rien à sauver.

Dans votre poème rien à retirer.
C’est épique et beau… et tellement humain…chapeau très bas !

Et Merci d’écrire et d’avoir écrit ainsi pour eux et pour nous.

   Anonyme   
30/7/2017
 a aimé ce texte 
Passionnément
Des images magnifiques, expressives, fortes, douces aussi pour traiter un sujet brûlant.

" Mort celui qui cognait son front aux vitres de l'Amérique "

" Leurs paupières sont plus douces et bombées
que le ventre des souris "

" ce jour où tout le monde disait
qu'il faisait beau et que c'était l'été " je cite ces trois entre une mutitude d'autres...

   Anonyme   
30/7/2017
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Bonjour Letho,

"Tous nos hommes, ils tuent tous les hommes.
Les femmes, elles, sont parties devant sur le sable
veiller l'insouciante fraîcheur de la mort
les bras chargés de roses nues et d'enfants."

Sublime première strophe qui donne le la.

Suivie de ces quatre vers poignants, où la douceur monte crescendo dans une douleur indicible :

"ce jour où tout le monde disait
qu'il faisait beau et que c'était l'été.
Leurs paupières sont plus douces et bombées
que le ventre des souris"

Oui,

"Tout le monde disait qu'il faisait beau"

Les strophes suivantes sont, à mon goût, un peu le fourre-tout des émotions en vrac. Comme l'exubérance de l'adolescence, en quelque sorte. Qui se termine par cette strophe empreinte de dévotion, pour supplier la vie de reprendre ses droits, dans ce signe de croix :

"Oh ! qui prier,
qui supplier aux creux de ses genoux,
Qui toucher à la bouche
et au front,
pour rendre à la vie son urgence ?"

Un poème un peu déséquilibré à mon sens, mais fort dans son intention et les émotions qu'il dégage, surtout dans le contexte qui nous est malheureusement devenu trop familier.

Merci pour le partage.

Cat

   Luz   
30/7/2017
 a aimé ce texte 
Passionnément
Bonjour Letho,

Je suis toujours étonné par ce que l'art de la poésie peut délivrer.
Ce poème est si pur, si sensible, mot après mot, si dur aussi ; c'est un émerveillement.
Rien à redire : pour moi ce poème qui peut paraître long ne l'est pas en fait, et il reste homogène du premier au dernier vers.
Ce doit être une grande joie de pouvoir écrire ainsi, et contribuer à amener (qui sait) un jour la paix dans le monde : tous nos hommes ils ne tueront plus personne...
Merci.

Luz

   aldenor   
30/7/2017
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Les images, les comparaisons, sont inattendues, inspirées.
« l'insouciante fraîcheur de la mort » ; les paupières « plus douces et bombées
que le ventre des souris » ; les mains pleines « de soirs épars » ; les vitres de l’Amérique ; « l’acier de leur sang »...

Comme cette strophe en entier :
« Mais tant et tant, nés sous la jupe des chèvres,
têtes rondes aux jeux anachroniques,
organdis des jours sombres par le ciel dépêchés
courant de page en page sur des livres imparfaits, »

Il manque l’identité des lieux. Vous dites évoquer la guerre du Liban. Or très peu ici le révèle. Les roses, les pavots, les chèvres ? C’est un peu maigre, on pourrait être n’importe où.
Ce beau passage pourtant, illustrant l’optimisme libanais :
« Ses fils aussi, tués, d'une tranchante agonie,
ce jour où tout le monde disait
qu'il faisait beau et que c'était l'été. »

   Anonyme   
7/8/2017
 a aimé ce texte 
Bien
Bonjour letho,

"Mémoire" est très talentueuse mémoire.
je suis surprise que vous évoquiez un écrit d'adolescence, tant votre poème me semble mûr.

Vous avez dans tous vos textes, des images très souvent remarquables, celui-ci n'échappe pas à la règle.
Ainsi, c'est le paradoxe de l'art réussi à mes yeux, on apprécie presque plus la qualité du texte plutôt que de s'offusquer des faits évoqués.
Je vous trouve très courageuse de vous être attelée à un sujet d'actualité depuis si longtemps, en fait et dramatique. En ce sens peut être justement est-ce là que l'on perçoit l’adolescente qui rédige.
Dans ce domaine, je crois préférer les textes plus militants, plus engagée avec un langage qui serait plus proche de réalisme.

J'aimerais que vous commentiez nos commentaires, nous expliquiez plus en détail l'allusion à l'Amérique. Sans dévoiler votre âge (mais ce sera difficile) quelle est la période d'écriture.

Bravo et merci pour ce partage.

   letho   
11/8/2017

   Damy   
22/8/2017
Au 1° vers, j'ai cru qu'il s'agirait d'un poème enfantin.
Mais non ! C'est l’œuvre d'un poète confirmé.
Si je suis baptisé (quelques rares poèmes plumés), je suis loin d'avoir reçu la confirmation: je n'ai pas l'âge de raison pour accueillir en toute intelligence votre eucharistie.
Que les chrétiens du Liban me pardonnent pour la fausse note que je jouerai dans le concert des louanges. De même que les nombreuses autres confessions.
Je le confesse: si le charme du vocabulaire et de belles métaphores signent ce poème, j'avoue que le style global m'est resté hermétique (pas le thème qui m'a glacé l'échine).

J'ai relu plusieurs fois, mais mon âme est restée aride, J'en suis désolé.

Je n'ai pas le niveau pour attribuer une notation, mais je fais confiance aux autres commentateurs.

Bien à vous, Letho,
Damy


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