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Récit poétique
Marceau : Ataraxie
 Publié le 12/08/25  -  7 commentaires  -  2635 caractères  -  60 lectures    Autres textes du même auteur

Apaisement, après une journée. Quand poussière retombe, si brouillard se dissipe… un souffle sur ta peau. Je lisse un peu mes plumes, puis observe de haut – ex alto.


Ataraxie



On vole bien souvent au-delà de tout songe, vers des contrées-mensonge ou au pays des joies, où la douleur s’efface, froide basilique sombre, à l’ombre de nos hontes, sous baldaquin de soie.

Souvent, l’angoisse broie. Et je reste là, vieille pierre blanchie, en espérance de maison, puis je vaque vaincu, la planète aux chevilles, stupide mais éclairé, aviné et lucide. Hélas.

Comme je vieillis vite, ces temps-ci !

Puis là, d’un coup, bonheur me ronge : quelle sera sa durée ? Et je clame alentour « garçon, un cœur, avec deux pailles » ! Mais le deuxième n’y est jamais. Un matin, tout en joie, j’ai déjeuné d’un rossignol. Le souper fut austère. D’aucuns prêchent vertu, mais le ventre bien plein.

Et d’autres volent en V, comme les oies sauvages. J’aire en P comme je peux, et parfois me ravage, et puis je monte en vrille, grimpe lourd en déconne, gravis vite l’escalier, puis m’encolimaçonne, comme ce vieux qui chuchote un memento mori, vieillard-philosophe d’un tableau de Rembrandt : souviens-toi, la mort rôde !

Là, dans ce grenier pourri, se trouve mon lexique, fugace comme le temps qui évolue sans cesse, et, patient, je tricote, verbe à l’envers, mot à l’endroit, pour tenter de toucher le trou noir en mon sein. Comme j’aborde encordé ce vieux gouffre sans fin ! Alors se casse souvent le fil qui me retient. Donc se fracasse encore, ma vérité-noyau.

Et, plus haut, dans un champ sidéral, je fauche bien mon herbe, près d’un pré à l’écart je malaxe le verbe, j’envisage des délices en quelques fleurs létales, et jardine patiemment, de vieilles vapeurs vernales.


… Comme j’aime ta peau lisse. Et, quand tu n’es plus là, j’effleure des pétales, en quête d’un tombeau…

Puis, dans l’espace si vide, l’Empire est. En ce royaume noir, glissent éternellement les âmes de l’empyrée, ces morts délicieux, au firmament du dôme.

Vois cette nef où s'expose un vaste ciborium, sous des cryptes empierrées, grands vaisseaux-cathédrales, se disent des versets, de grave qualité, d’une langue inconnue mais par tous balbutiée.

Mais quel pilier tient donc ce firmament-vaisseau, ce baldaquin, ce dais, dans l’espace-ostensoir, où glissent des colombes et vibrent quelques ondes, si haut ?

J’apprends que l’orage gronde, je dois rentrer mes mots. Comme Père faisait, j’engrange mon été, puis, sous l’arche d’un ciel flou, je prie sous quelque ogive, où la lumière bleue invite ceux qui vivent à implorer les cieux. Oui, à implorer les cieux.

Car je rêve, il est vrai, d’un peu d’ataraxie.


 
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   Damy   
6/8/2025
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime beaucoup
Tant que la mélancolie trouve port dans les vagues de la poésie, elle amarre.
Dieu, que l’écriture est belle ! Que l’émotion qu’elle véhicule est puissante ! Je nage dans le courent et ne me noie pas, c’est un vrai plaisir, un vrai bonheur d’atteindre vos abysses.

Je crois bien que l’ataraxie est définitivement échouée dans une île déserte.

   Provencao   
12/8/2025
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime beaucoup
Bonjour Marceau,

L’appel du songe résonne comme l’appel à " Comme je vieillis vite..." ce bonheur qui ronge "est un sublime chemin de la pensée et du poème vers le mystère du rêve.
Que demeure fort et puissant ce baldaquin de soie au cœur de l’homme, à son imagination qu’il aime le songe, s’en nourrisse, telle est la puissance et le charme les plus hauts confiés à la poésie.

Belle et agréable lecture.

Au plaisir de vous lire,
Cordialement

   Volontaire   
12/8/2025
trouve l'écriture
aboutie
et
aime bien
Bonjour,

Sur le fond:
Beau poème sur le manque, m'évoquant ces quelques vers d'Hugo (pas encore vieillard) à sa fille :

"Nul n'est heureux et nul n'est triomphant.
L'heure est pour tous une chose incomplète ;
L'heure est une ombre, et notre vie, enfant,
En est faite

Oui, de leur sort tous les hommes sont las.
Pour être heureux, à tous - destin morose ! -
Tout a manqué. Tout, c'est-à-dire, hélas!
Peu de chose.

Ce peu de chose est ce que, pour sa part,
Dans l'univers chacun cherche et désire :
Un mot, un nom, un peu d'or, un regard,
Un sourire !"

Mais pour Volontaire contre Hugo et Marceau, l'espoir fait vivre, alors manquons, laissons nous aller à la poésie du manque. Les formes de notre désir nous disent tant de choses sur qui nous sommes dans le monde que nous habitons.

Sur la forme:
Ma préférence va aux deux premières strophes (paragraphes?). Le rythme y est impeccable, et les images me plaisent (vieille pierre blanchie, planète aux chevilles=la gravité physique de la minéralité se prête bien à celle des affects). La suite me séduit moins, la multiplication des réseaux d'image embrouille mon imagination et crée une sorte de distance, ce qui aurait pu constituer quelques fortes images mentales ne restant finalement que du texte. Mais peut-être que cette multiplication (tout un monde, le manque de ce poète) participe de l'expression de la puissance, de la banalité du désir d'ataraxie.

Merci pour ce partage :)

Bonne fin de journée,

   papipoete   
12/8/2025
bonjour Marceau
Comment rester indifférent à ce texte, où chaque ligne renferme double ou triple sens pour dire " les choses de la vie "
Façon rébus, je lis à tâtons et progresse à la vitesse d'un escargot en rut !
NB la dernière strophe comme emplie de sagesse, clôt ce récit dont j'avoue avoir sué à maintenir mon cap ! Je n'ai pourtant pas fait naufrage, mais peu s'en fallut !
Ne voulant point nuire à la bonne visite d'autres plus calés que moi, je m'abstiens de noter.

   A2L9   
12/8/2025
Comme je vieillis vite, ces temps-ci !
Je trouve que cette phrase est le texte puisque les yeux regardent alentours comme pressés et l'esprit se met à cogner de toutes parts d'où cette envie que le rêve se concrétise, un peu d'ataraxie.

   Hiraeth   
12/8/2025
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime beaucoup
Malgré le thème, ou peut-être grâce à lui, vos vers sont amusants, sautillants, et souvent délicieux. J'y sens un humour subtil et beaucoup d'intelligence et d'élégance. Pas bien compris, ni même tout lu (l'heure de la nuit n'aidant pas), mais suffisamment pour dire que j'aime beaucoup. Vous savez alterner entre mystère et accessibilité. Bravo.

   Cyrill   
13/8/2025
trouve l'écriture
convenable
et
aime bien
bjr Marceau.
On entre vite pris dans le tempo du texte, et j’apprécie les assonances et allitérations qui l’émaillent. Oui mais les cacophonies n'en sont que plus visibles : « gravis vite » = vivi. Et «ta peau lisse » = police.
D’autres jeux de mots m’ont dérangé ou fait sourire :
« volent en V » => « J’aire en P » (= j'ai rampé)... mmmouiii…
Ou encore, écho de l’empyrée qui suit :« l’empire est ». Suivi d’un point, c’est un peu abrupt.
Mais comme vous le dîtes, et que j’aime beaucoup : « et puis je monte en vrille, grimpe lourd en déconne », ou encore « patient, je tricote, verbe à l’envers, mot à l’endroit ». Ma mère remontait les mailles perdues avec minutie, c’était carrément invisible. Il en est de même pour les tricoteurs de mots.
Ces accrocs à la forme, j’avoue, ont joué sur mon humeur de lecture. J’ai aimé néanmoins la tonalité douce-amère qui se dégage de votre récit. Le lyrisme côtoyant la fantaisie. Merci !


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