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Récit poétique
Marceau : Près d’un pré d’asphodèles
 Publié le 20/10/25  -  7 commentaires  -  3973 caractères  -  44 lectures    Autres textes du même auteur

« Note ce qu’il faudrait qu’il advînt de mon corps,
Lorsque mon âme et lui ne seront plus d’accord
Que sur un seul point : la rupture. »

Georges Brassens


Près d’un pré d’asphodèles



Martial, bouffi d’orgueil, le ciel gronde. C’est jour de grande colère en pays cévenol, terre du mouton, des causses karstiques où poussent des cailloux. Et c’est là que se forment des phénomènes pluvieux, vraie mousson de chez nous qui s’abat sur de très vieux murs en pierre sèche.

Sur un chêne encore vert, le feu rugit soudain et fracasse de braves branches transmuées en tisons. L’ouragan positionne ses nuages, mitraille les toits de tuiles, accable les vivants, inonde les tombeaux.

Rafales après rafales, bourrasques suivant bourrasques, les arbres s’inclinent à l’unisson et balancent leurs ramures ; grésillent les frondaisons et roulent des cailloux.

Tout fuit et se tait quand rugissent les géants. Les quatre éléments s’accouplent tels des fauves, griffes et crocs brandis comme des ostensoirs en un combat nuptial où mort et vie se mêlent et règlent quelques comptes.

Et la pluie tapageuse redouble son roulis.

Un vieillard, de sa fenêtre close, observe une portion de planète tomber dans la tourmente. Il envisage sa fin et médite, serein, l’après de son trépas : par le Feu ? Sous la Terre ? Quel élément choisir ? L’individu se divisera, qu’importe le linceul.

Mais demeure l’espoir d’être encore quelque part, malgré les gouffres sombres et les troublants trous noirs.

Si je choisis la Terre, c’est en bon jardinier, se dit le Cévenol, sentinelle de l’humus et de sa vie grouillante. Je l’ai tant travaillée, si humblement servie, soignée, nourrie, sentie, palpée, profondément aimée.

Bien tendrement parfois aussi pissé dessus.

Le Feu est l’autre option. Redoutable, se souvient le vieillard, encore halluciné de visions des Enfers, qu’au temple un brave prêtre, « petit sain besogneux », brandissait comme supplice réservé aux fornicateurs et imprudents mécréants.

Les images reviennent dans ses souvenirs anciens. En son Pandémonium, le Diable est en Conseil. Ad Patres, son royaume, les jeunes morts glapissent sur des flammèches bleues qui lèchent des cuisses coupables et des gueules de carême.

Des piques au feu rougies agacent des orifices d’où s’échappent très nus des pécheurs si honteux, condamnés à l’outrage d’apparaître sur une œuvre de Maître Jérôme Bosch, ou d’un Brueghel d’Enfer, en des triptyques bavards, bavant devant le monde, leur vilenie passée.

Ô, Jardin des Délices !

Comme ces fariboles sont sages et mesurées au regard de la vraie punition qui nous guette ici-bas !

Le feu nous est promis, et nous serons vivants.

Le vieillard cévenol en juge à hauteur de tomates : elles ont toutes le cul noir. Nos potagers crèvent de surchauffe et l’enfer, le vrai, est là : les tomates au cul noir, brûlées par nos folies.

Qui a donc fichu ce bordel surchauffé, où crèvent désormais jardins et jardiniers, accablés de moustiques tigres, gras comme moineaux, de citernes asséchées et de forêts qui hurlent sous les assauts teigneux de montagnes de flammes ?

Où sont passés nos pilleurs de choux que l’on aimait tant détester ? Nos potagers pasteurisés n’offrent plus rien à chaparder. La lune pleure son Artémis, lassée de jardins sans délice.

Et nos voleurs de poules aussi vont cruellement manquer, quand ces bonnes mères dévouées renieront leurs couvées, accablées de touffeur, étuvées en leurs cages.

Flamme, la logique du temps me pousse à te choisir comme ultime compagne : efficace et preste à dévorer mes chairs, dont je souhaite un p’tit peu, il est vrai, me défaire.


Finir dans le Feu puis épouser la Terre : épandez, je vous prie, mes restes à quelque vent, que mes poussières fines consolent de leur mieux le chêne vert foudroyé et réduit à tisons.

Et dansent ainsi mes cendres près d’un pré d’asphodèles, ces belles pyrophytes, qui triomphent, paraît-il, même des plus grands brasiers.


 
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   Myndie   
20/10/2025
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime beaucoup
Bonjour Marceau,

Faire référence à Brassens, à Bosch et Brueghel, c'est déjà marquer un point.
Entre les richesses du vocabulaire et les figures de style, j'ai trouvé beaucoup d'élégance à votre écriture qui mêle avec aisance les belles trouvailles poétiques et l'humour.
Il faut bien entendu lire entre les lignes pour y voir un constat d'urgence doublé d'un fatalisme nécessaire parce qu'inéluctable.
La religion n'est pas plus épargnée (« ces fariboles ») que les excès et délires humains, ce « bordel surchauffé » avec ses « potagers pasteurisés ».
La punition nous guette évidemment, ce n'est pas faute de le savoir, et pourtant rien ne change. J'applaudis donc à cette piqure de rappel, drôle et enlevée, emplie d'amertume et tellement poétique !
J'ai beaucoup aimé suivre, dans la première partie du texte, la colère du ciel dans sa furieuse et métaphorique description.
J' ai relevé quelques belles images :
«  causses karstique où poussent des cailloux »
«griffes et crocs brandis comme des ostensoirs en un combat nuptial où mort et vie se mêlent »  
Et j'aime surtout la fin :
« Et dansent ainsi mes cendres près d’un pré d’asphodèles, ces belles pyrophytes, qui triomphent, parait-il, même des plus grands brasiers. »
avec toute la sérénité contenue dans le choix du vieil homme, et sa dévotion à la nature (« que mes poussières fines consolent de leur mieux le chêne vert foudroyé et réduit à tisons. ») malgré l'angoisse des «  gouffres sombres et (d)es troublants trous noirs. »
Bravo pour ce texte au lyrisme furieusement écologique

   Eskisse   
20/10/2025
trouve l'écriture
aboutie
et
aime bien
Bonjour,

J'ai aimé la colère très sonore du ciel personnifié, vous lui avez donné un souffle épique. J'ai suivi les répercussions du changement climatique parfois rapprochées de l'art pictural d'un J. Bosch, comme par exemple le " cul noir" des tomates. J'ai trouvé la dernière phrase très touchante,, avec cette mention du "pré d'asphodèles", lieu où séjournent les morts chez les grecs, lieu qui apparaît dans l'Odyssée.

Un poème qui fraye avec l'art, lui donnant une dimension mythique. Peut-être même que la longueur des phrases est en rapport avec la profusion qui émane des tableaux de Bosch.

   Provencao   
20/10/2025
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime beaucoup
Bonjour Marceau,

J'ai trouvé votre récit poétique saisissant et merveilleux . Vous avez su toucher à une lumière humaine intime et parce que ce récit poétique surprend par sa composition étonnante et presque inattendue. Vous nous offrez une belle émotion face à ce vieillard envisageant sa fin, et " Les images reviennent dans ses souvenirs anciens" ...Mais il est aussi renversant dans son apparence par ces vers :"Finir dans le Feu puis épouser la Terre : épandez, je vous prie, mes restes à quelque vent, que mes poussières fines consolent de leur mieux le chêne vert foudroyé et réduit à tisons.
Et dansent ainsi mes cendres près d’un pré d’asphodèles, ces belles pyrophytes, qui triomphent, paraît-il, même des plus grands brasiers."

Est-ce cet accord poétique et humoristique qui ravit votre récit poétique saisissant et merveilleux? Et le lyrisme peut-il y répondre sans aliéner ce qui le trouble?

Au plaisir de vous lire,
Cordialement

   Cyrill   
20/10/2025
trouve l'écriture
aboutie
et
aime beaucoup
Bonjour Marceau.
Un tableau pré-apocalyptique qui ne manque pas de vigueur. Tous les sens sont convoqués. La prose heurte l’oreille par des allitérations sonnantes et trébuchantes, à commencer par le titre : « près d’un pré » ; par un vocabulaire quelquefois cavalier : « pissé dessus », gueules de carême », « fichu ce bordel surchauffé ».
Du martial bien sûr, mais aussi du grimaçant crépusculaire, à la Bosch évidemment. Des accents néo-obscurantistes.
Brassens convoqué dans le chapeau, vous renouez avec lui avec ce beau « épandez, je vous prie, mes restes à quelque vent », une prière semblant apaisée après la foudre colérique que le vieillard déploie dans sa harangue.
Un baume encore que cette belle phrase conclusive : «Et dansent ainsi mes cendres près d’un pré d’asphodèles, ces belles pyrophytes, qui triomphent, paraît-il, même des plus grands brasiers. » 
Un vrai plaisir de lecture même si le propos n’a rien de gai, par ce que le texte dégage de puissance d’évocation, mais aussi de révolte. Merci et bravo !

   Lapsus   
20/10/2025
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime bien
Cette supplique de l'auteur pour que ses cendres soient répandues en terre cévenole a une portée eschatologique, tant par l'ambiance tourmentée fort bien rendue et exprimée que par la réflexion sur l'avenir de l'humanité en perdition.
Les références picturales choisies ajoutent à la perception et au questionnement apocalyptiques.
La Terre ou le Feu ? L'un semblant emporter l'autre, autant être conciliant. Requiescat in pace.

   papipoete   
20/10/2025
trouve l'écriture
aboutie
et
aime beaucoup
bonjour Marceau
Bondieu, y'a plus d'saisons à se demander en quoi on va finir !
Noyé sous ces orages diluviens ?
Brûlé comme au temps des grands bûchers ?
On ne mourra pas " de bonne santé " de toute façon, mais le grand Rappel, comme soufflé d'un dantesque clairon semble rassembler ses troupes...
NB de belles formules naturalistes, en voyant les forêts s'embraser ; les arbres et constructions se briser comme allumettes ; voilà de quoi foutre la pétoche, comme lorsque nos ancêtres suppliaient les astres de les épargner, et leurs cultures, et les sources d'eau pure...et sacrifiaient une bête, une fille encore vierge, pour espérer quelque clémence.
" qui a donc fichu ce bordel surchauffé... ? " me fait sourire, mais Jaune, tant nous y allons d'un pas bien assuré !
les dernières lignes sont mes préférées.
PS " petit sain besogneux " ne vouliez-vous pas dire " petit sain/t " ?

   RaMor   
20/10/2025
trouve l'écriture
très perfectible
et
n'aime pas
Bonsoir,
Ton texte a une vraie ampleur d’images et une musicalité sensible, mais l’ensemble fatigue parce que tu accumules trop de métaphores et de références, les phrases s’étirent et le ton hésite entre lyrisme grave et ironie. Le vieil homme sert surtout de relais d’idées : on le voit peu agir ou sentir concrètement, ce qui limite l’émotion. Le champ lexical savant et les énumérations donnent parfois une impression démonstrative plus que vécue. Pour gagner en force : allège les images en ne gardant que les plus nécessaires, varie la longueur des phrases avec des coupes nettes, ancre davantage la scène dans du tangible (un geste, une odeur, une action du vieil homme), choisis quelques motifs forts et évite les retours insistants, remplace certains termes techniques par des mots plus simples, clarifie la trajectoire (tempête → décision → geste final). Cdlmt


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