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Poésie libre
Pussicat : Vena amoris
 Publié le 31/12/14  -  8 commentaires  -  2868 caractères  -  195 lectures    Autres textes du même auteur

À la mémoire de tous mes amis, amies que j'ai perdus.


Vena amoris



I

On s'invente des dieux, idoles de fortune,
le mien a de la gueule et même un certain style.
Seigneur si puissant il abolit d'un seul geste
le craille que mes chairs pleurent le jour la nuit.

*

Combien d'amis n'ai-je laissés,
combien d'amours…

Ivre d'absence Il me parle de vous, de toi.
Il arrête le temps le temps d'un court voyage,
alors je vous revois, alors je me crois vivre.

*

Déjà le froid, déjà la faim, déjà la peur.

Il faut sortir il faut sortir il faut sortir
il faut sortir le ventre creux il faut sortir
calmer le monstre il faut sortir rayer les murs
il faut sortir accrocher l'ombre et pas à pas
tracer l'esquisse d'une issue dans l'angle mort
flatter les fauves
équilibrer les forces
pour retrouver la voie de la métamorphose
le grand éclat.

*

Combien d'amis n'ai-je laissés,
combien d'amours…

Je me souviens de tes yeux clairs
de tes miroirs brisés de verre
et de tes cils papillon
m'effleurant soudain m'effleurant.

*

On s'invente des dieux, des radeaux de fortune,
le mien a de la gueule et même un certain style.
Salaud quand il plante au carrefour de mes doutes
l'épine qui s'endort dans le lit de mes veines.


II

Elle est là, demi-nue, dans la chambre aux murs paille, pâle,
allongée sur le lit entourée d'un mur d'ombres.
Le sang en rivières pourpres comme sorti d'un fleuve
marbre son bras potelé de fines ramures d'automne.
Sur la table en bambou – souvenir de voyage – l'atroce machine à rêves :
cuiller, briquet, flacon, coton, rien ne manque ;
ni la fusée plantée dans sa voie de garage,
ni dans la boîte en nacre à monture argentée
la promesse de l'aube éternelle qui a flétri son âme.
Bientôt les ombres s'en iront et je les suivrai, mais pour quels lendemains…
Je pose sur sa main ma main et glisse dans ma poche l'anneau qui nous liait.


II – Version

Elle est là, demi-nue, dans la chambre aux murs paille, pâle,
allongée sur le lit entourée d'un mur d'ombres.
Le sang en rivières pourpres comme sorti d'un fleuve
marbre son bras potelé de fines ramures d'automne.
Sur la table en bambou – souvenir de voyage – l'atroce machine à rêves :
cuiller, briquet, flacon, coton, rien ne manque ;
ni la fusée plantée dans sa voie de garage,
ni dans la boîte en nacre à monture argentée
la promesse de l'aube éternelle qui a flétri son âme.
Bientôt les ombres s'en iront et je les suivrai, mais pour quels lendemains…
Alors, délicatement, comme un fruit que l'on cueille,
je glisse dans ma poche le caillou assassin.


 
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   Robot   
31/12/2014
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Un texte superbement écrit sur un sujet qui aurait pu déraper mais dans lequel la sincérité du regard transparaît. C'est bouleversant comme un cri un peu désespéré. J'ai préféré le II au II version.

   Myndie   
31/12/2014
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Bonjour Pussicat,

C'est magnifique ! Je suis soufflée par une telle intensité poétique!

Tout semble couler de source dans ce texte et pourtant, tout y a sa place, son rôle et concourt à l'expression des émotions : les répétions judicieuses, la césure de certains vers qui hache le rythme, les images, belles images (« cils papillon », le style d'écriture même (« on s'invente des dieux, des idoles de fortune
le mien a de la gueule et même un certain style »).
J'ai aimé l'originalité, la pudeur et la violence avec lesquelles le thème est abordé.

Comme un exutoire qui soulagerait du besoin de raconter une histoire profondément émouvante, tes mots, tes images, déversent avec acuité leur malaise aux allures d 'abîme ; ils ont une puissance virtuelle remarquable.

Bravo
myndie

   Anonyme   
31/12/2014
Bonjour Pussicat

"On s'invente des dieux, idoles de fortune,
le mien a de la gueule et même un certain style. "

Il n'est pas le seul à en avoir, de la gueule et du style, car ce poème en déborde.
Pour moi, c'est l'exemple type de la poésie contemporaine réussie.
On s'affranchit des rigueurs du classique mais on en conserve la puissance et le souffle.
De même pour le registre, soutenu, mais avec la vigueur du langage parlé.

"Je me souviens de tes yeux clairs
de tes miroirs brisés de verre
et de tes cils papillon
m'effleurant soudain m'effleurant.

L'image est sublime avec en prime cette répétition qui évoque le battement des cils papillon.

Pussicat, je suis scotché.
Merci et bravo pour ces vers de très haut de gamme.

   papipoete   
31/12/2014
 a aimé ce texte 
Beaucoup
bonjour Pussicat;qu'aussi sombre soit le présent, touchant au néant, il faut continuer à avancer. Il faut oser sortir, et affronter la vie qui grimace, qui rit, qui étouffe, et raser les murs jusqu'à les rayer!
Se souvenir des instants souriants (tes cils papillon m'effleurant soudain m'effleurant)
Des flash trouent nos pensées comme cette femme demi-nue, que veille sur la table en bambou, l'atroce machine à rêve, cuiller, briquet, flacon...
J'ai vu ce tableau nimber l'univers de mon frère, mais heureusement, j'ai lacéré la toile, et il retomba sur terre.
Je ne saurais écrire comme vous le faites, de si belle et riche manière. Pardonnez-moi d'avance si j'ai mal interprété votre récit; j'y ai relevé tant de pépites telles "l'épine qui s'endort dans le lit de mes veines" que votre talent me rend bien humble!
Jamais je n'atteindrai l'excellence de votre plume...

   Francis   
1/1/2015
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Que d'images fortes sous cette plume !
"-L'épine qui s'endort dans le lit de mes veines
-marbre son bras potelé de fines ramures d'automne
-tracer l'esquisse d'une issue dans l'angle mort"
Des images qui interpellent le lecteur !
Merci.

   Condremon   
7/1/2015
Bonjour Pussicat
Je me rappelle avoir lu un texte similaire ailleurs mais pas tout à fait le même il me semble.
Celui est très abouti à force de travail je suppose - bravo

   jfmoods   
13/1/2015
Le titre du poème signale le haut patronage sous lequel celui-ci s'inscrit. Sa symbolique se nourrit d'une exigence élevée : celle de conjuguer intensité du sentiment amoureux et ductilité, durée.

Dans la partie I, on mesure, par écho entre première et dernière strophe, la distance incommensurable existant entre utopie de l' homme idéal pétri de noblesse et de vigueur (lexique éminemment mélioratif : « idoles », « Seigneur », « puissant », « abolit », marqueur d'intensité : « si », hyperbole : « d'un seul geste », gradation : « le jour la nuit ») et réalité beaucoup plus prosaïque, plus triviale, de ce que laisse en partage l'homme du commun (lexique éminemment péjoratif : « radeaux », « salaud », « plante l'épine »). Entre ces deux pôles extrêmes, l'oscillation est douloureuse. La locutrice progresse sur une route jalonnée de chausse-trappes. Agrémentée de points de suspension marquant l'incertitude, la double question, répétée (Combien d'amis n'ai-je laissés, combien d'amours »), signale la nécessité d'un déchirant sacrifice. Il y a la victime directe... et les victimes collatérales dont il faut abandonner douloureusement et symboliquement les dépouilles derrière soi. Le « Il » majuscule des vers 7 et 8 figure cet idéal masculin qui jaillit spasmodiquement, en coup de vent, comme revenu de nulle part (paradoxe : « ivre d'absence ») afin de réinvestir le rêve, la charge fantasmatique dans toute sa profusion (gradation anaphorique : « alors je vous revois, alors je me crois vivre »). Le verbe réduplicatif (« revois ») réamorce soudain avec force le champ premier du désir. L'image de l'amant perdu s'impose alors à nouveau avec sensualité (vue : « tes yeux clairs » et périphrase y afférant : « tes miroirs brisés de verre », le toucher : « tes cils papillon », anaphore : « m'effleurant »). Cependant, le manque à être, à s'éprouver ici et maintenant dans l'échange amoureux est terrassant (lexique de l'enfermement  : « rayer les murs », « l'esquisse d'une issue », « l'angle mort », gradation anaphorique : « Déjà le froid, déjà la faim, déjà la peur »). L'urgence d'enchanter, de se reconnaître, de s'éprouver vivant dans le regard de l'autre sexe, dans le jeu éternel de la séduction (« flatter les fauves ») est violemment ressentie (anaphore : « Il faut sortir » x 7).

La partie II fixe le cadre bien ordonnancé d'une mort opiacée (« cuiller, briquet, flacon, coton, rien ne manque ») dont le lecteur se plaît à imaginer qu'elle est toute symbolique. La métaphore (« l'atroce machine à rêves ») manifeste la fuite vaine et superficielle hors du champ de force douloureux d'une histoire qui vit les termes de sa combustion (gradation : « entourée d'un mur d'ombres », « Bientôt les ombres s'en iront »). Mais quelle version choisir pour en finir avec cet encalminage ? comment donc sortir de tout cela ? Par le haut, de manière pacifiée, en accréditant en quelque sorte une responsabilité commune des partenaires à l'échec de cette relation (« Je pose sur sa main ma main ») ? Ou par le bas, de manière beaucoup moins consensuelle, en emportant avec soi le poids ineffable de la faute exclusive de l'autre, de la vengeance que l'on nourrira longtemps (« le caillou assassin ») ? La locutrice semble laisser les deux pistes ouvertes... même si le poème s'achève sur l'alternative la plus radicale.

Merci pour ce partage !

   Anonyme   
14/2/2015
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Un poème d'une grande force évocatrice sur un sujet pas si facile.

En ce qui me concerne j'ai préféré la II - Version, ou Version II, à cause - ou grâce - aux derniers vers, que je trouve absolument sublimes...

"Alors, délicatement, comme un fruit que l'on cueille,
je glisse dans ma poche le caillou assassin."

L'originalité par rapport aux deux versions ici est un plus qui a su éveiller ma curiosité, bravo !


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