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Poésie libre
solinga : Deux traits qui font que ça diffère
 Publié le 05/04/24  -  5 commentaires  -  2692 caractères  -  69 lectures    Autres textes du même auteur

Rêveries autour d'un T.


Deux traits qui font que ça diffère



C'est mardi,
ce matin
qui démarre !
Me voilà, mal levée ;
lors je me dis, la main dans mon miroir,
la main dans l'écriture,
la main-mimine (nostalgie d'être gosse),
la main-menotte bien encapuchonnée
dans ses mitaines
incolores,
qui ne sont que
des filaments de choses
encore
sans texte,
lors donc ce jour de la semaine,
ce jour
numéro deux,
moi
je me dis,
me serine,
moi
je m'écrie,
me ressasse ces deux paires d'adjectifs
ces deux binocles pour faire sens :

Jeune éreintée
Jeune éteinte. T.

Je m'interromps aux chuchotis que font les lèvres de la haute consonne…
Hypnotique T., son hissé, qui s'interpose
en deuxième place.

Jeune éreintée
Jeune éteinte.
T.
Jetée.
Je :
la subjectivité en rade.


*
Une lettre presque
un rien
de différence ;
c'est dire un instant bu
(instant égal
gorgée de thé).
La lettre sait la mesure ;
elle est clepsydre…
mais tremble
en italique,
T.
qui
ploie en si peu de temps…
Lettre-roseau : mesure fluente.
Lettre
géométrique
fleur d'étang,
lettre-nénupharisée
peut-être…
Lettre lente,
lettre altière,
valeureuse lettre des altérités...
Lettre brave jusqu'à l'effroi :
lettre létale à elle seule
lettre incisive
voire
lettre en larmes
toute
décomposée…
Qu'arrive-t-il lorsque se défait
l'insécable
d'une lettre-atome ?
La lettre-rien : blanc-seing renonçant aux distances, frottement qui s'entête à signifier, mise en échec d'un archet aérien.

T. dans sa droiture
insistant
malgré l'écrin du vide.

Lettre-latente.

T. l'ostinato auquel on revient
mais c'est le T. du toucher tout au plus,
l'équerre ajourée des caresses,
cette lettre qui affleure
le T. du plus timide de tous les sens
(ou du plus téméraire ;
qui va trancher ?).

Être l'attente.
Obstinée comme pas deux.

Le T. la forte tête et l'unijambe.
Un bâton droit, un bâti vertical,
T. des apprentis géomètres
T. bien droit pour porter l'horizon.

Ah
cette nostalgie
du T. des idéaux bien bâtis.
Cette persévérance folle des sceptiques.

Je me confonds en étreintes,
hâtive dans la soie,
toute bleuie de doutes,
et toujours
de plus belle
reviens droite à la ligne :
regarde-moi,
il n'est pas de cœur plus tendrement
athée.


 
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Toute copie de ce texte est strictement interdite sans autorisation de l'auteur.
   Eki   
18/3/2024
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime beaucoup
De l'originalité dans ce sillon qui me semble inexploré sur ce site...

Se laisser porter dans cet océan poétique sans chercher à s'accrocher aux berges...Les mots encordés maintiennent leur cap, se renouvellent à chaque vague et nous plonge dans ce va-et-vient...
Quel plaisir d'immersion !

C'est vivant !

   Provencao   
6/4/2024
trouve l'écriture
aboutie
et
aime bien
Bonjour solinga,

J'ai bien aimé cette notion de subjectivité qui ne se cantonne plus seulement aux perceptions et aux chimères personnelles, mais elle implique également la difficultés des rapports avec ces deux traits...ce matin.

Au plaisir de vous lire
Cordialement

   Pouet   
5/4/2024
trouve l'écriture
aboutie
et
aime beaucoup
Slt,

avec le dernier vers je comprends que la barre horizontale du T est descendue au milieu de la barre verticale pour former une croix, enfin c'est ce que je crois comprendre sinon je ne vois pas trop le pourquoi du comment de ce "athée" final. Ou alors juste un "cœur à T", mais bon.
Enfin bref, j'ai bien aimé cette écriture qui joue avec les mots, moi j'aime bien ça en poésie.
La première strophe n'est toutefois pas ma préférée, je suis entré dans le texte à partir de "Jeune éreintée", à partir de là j'entre dans le lâcher-prise, sur moi l'écriture fonctionne. C'est rythmé, pulsatile, instinctif.

Je me suis un instant arrêté sur cette (pour moi) ambivalence:

"Ah
cette nostalgie
du T. des idéaux bien bâtis.
Cette persévérance folle des sceptiques."

et puis j'ai continué mon chemin d'été. Il y a plein de jeux de mots avec les t qui me titillent les didis comme la vie qui commence par les tétés, mais je vais m'abstenir, c'est un site de tenue.

Un texte virevoltant, frais et non-dénué de profondeur parfois.

   Louis   
16/4/2024
trouve l'écriture
aboutie
et
aime beaucoup
Ce poème se présente sous le signe numérique du deux, celui du double en quête d'une unité.
Introduit dès le début du poème, dans sa contextualisation temporelle, "deux" apparaît en premier, c’est en premier qu’il « démarre », deux à la une du texte :

C’est mardi,
Ce matin
qui démarre !

Lors donc ce jour de la semaine,
Ce jour
Numéro deux

Cette dualité opère une sortie d’emblée de l’unité d’un : « Moi ».
Elle instaure un face à face, de soi avec soi, dans une réflexivité spéculaire et langagière :

Lors je me dis, la main dans un miroir,
la main dans l’écriture

Soi est distingué de soi pour établir un allocutaire : « lors je me dis » ; et poser une image de soi en réflexion : « la main dans un miroir », cette main qui cherche à se saisir soi-même, en personne ; et qui en même temps s’avère « la main dans l’écriture », la main par laquelle s’effectue la saisie de soi-même, en un retour sur soi, par la médiation de l’écrit.

La main qui s’avance se présente : « main-minime », dans un « rêve d’être gosse , main qui n’aurait rien écrit, mais a rêvé d’écriture, « main-menotte », vierge de tout « texte », main prisonnière de ce rêve.
Pourtant, surgit une exclamation qui semble orale :

Moi,
Je m’écrie

Mais le cri est à double entente, et je « m’écrie » s’entend tout autant : "je m’écris".
Car il y a bien écriture.
Toujours sous le signe du deux.
Écriture en « deux paires d’adjectifs »
Autant de « binocles » pour lire en soi-même, à travers l’écrit-miroir.

L’image de soi renvoyée n’est pas reluisante :

Jeune éreintée
Jeune éteinte. T.

Apparaît pourtant une lettre inattendue. Comme un surplus. Comme une "sûreté". Apparaît une « haute consonne » : une lettre T. , lettre vivante, personnifiée, dont les « lèvres » font des « chuchotis ».
La lettre est parlante. Elle parle à la locutrice. Alors même qu’elle ne dit mot, réduite à la lettre. Un point l’accompagne, la suit, si bien qu’elle apparaît comme l’initiale, le point de départ d’une parole, une potentialité verbale.
Bien sûr, elle apparaît sous le signe du deux, du double et du redoublement :

…s’interpose /
En deuxième place.

Après la « deuxième paire » ; après sa double présence dans « éteinte » ; en cette place seconde, la voilà, bien haute dans un caractère psychologique consonant.
« Hypnotique » T., fascinant sans son extériorité, la locutrice semble pourtant en être hantée.
Serait-elle « éteinte », serait-elle « éreintée », sans ce T. qui se « hisse » et « s’interpose » entre elle et les mots ?
T. comme pourrait être l’initiale d’un « tu », d’un « toi », la singulière deuxième personne, corrélative indispensable d’un « je », et l’on sait bien : pas de moi sans un "toi" ; pas de toi sans un "moi" ; mais le "je" se trouve accolé au T. :

T.
Jetée

comme un moi fondu avec un toi, - on pourrait parodier la chanson : « toi, toi, mon moi ».
Fondu et paradoxalement en rejet, T. pouvant être alors une « altérité » en "jet" du moi, en « jetée », par répétition et redoublement, "rejetée" ; par polysémie « en rade », c’est-à-dire abandonnée.

Le deuxième temps du poème place la focale sur le T. et l’envisage comme lettre, ou hiéroglyphe, ou bien icône au sens linguistique, ou bien encore tel un idéogramme.
Sa matérialité graphique interpelle.
Porteuse de « différence », en un « presque rien » : ainsi apparaît-elle.
Le titre met l’accent sur la différence et sur le « deux », encore, toujours, « deux traits » constituants de la lettre T, deux traits « qui font que ça diffère ». Ce qui diffère reste dans l’indéterminé : « ça » diffère. Deux traits et l’unité d’une identité se perd. Deux petits traits : et place à l’autre, « Valeureuse lettre des altérités ».

T. : marqueur de temps, en ce qu’il est « égal » à la durée d’une gorgée de « thé ». Dans un devenir idéogramme de la lettre ; dans une homophonie.
Marqueur de temps aussi en ce qu’il « sait la mesure » : T. d’un rythme. Cadence binaire.
En ce qu’il tend encore à perdre sa rectitude, à s’incliner, se pencher en italique, « il ploie en si peu de temps… ». Ne possède pas cette fermeté apparente, n’est qu’apparence de rigidité ; souple : « lettre-roseau ». Plie, ne se brise pas. Lettre d’eau : « mesure fluente »

T. porteur de dispositions disparates et opposées : à la fois « géométrique » et vague : « fleur d’étang »
Lettre miroitement d’un Je T. à la surface des eaux.
La lettre devient chagrine, « lettre en larmes », et « lettre décomposée », de douleur altérée.
Résultat elle-même d’une décomposition, surgit pourtant cette interrogation :

Qu’arrive-t-il lorsque se défait
L’insécable
d’une lettre-atome ?

Où, dans une impossibilité logique : l’insécable ne peut être divisé, et ne peut donc se « défaire », et l’indécomposable se décomposer, s’exprime cette crainte à propos de la dualité : et si le « deux » n’était pas celui d’une multiplication ou d’une addition, mais celui d’une division ? La dualité ne serait-elle pas alors l’amorce d’une division et d’une dispersion dans l’infinie pluralité, de toute singularité, y compris la subjectivité singulière ? L’idée ancienne de l’atome insécable avait été forgée pour mettre fin à la possibilité pour toutes choses de la division à l’infini.

La perte indéfinie revient au « rien » : « Lettre-rien ». Lettre et le néant.
Elle est l’une et l’autre, ne peut être l’une sans l’autre.
C’est pourquoi elle est « mise en échec » d’un « aérien ». A et tout un alphabet de lettres ; a et T.
Sa réalité est de contact, de « frottement » ; sa réalité est relationnelle.

L’attention à la lettre ne se relâche pas, tout autant que cette tension vers le T.
Ce qui le fait dire : « insistant », obstiné, « ostinato » comme on dit en musique ; T. entêtant.
Le relationnel de la lettre, son « frottement » se mue en liaison par le « toucher ». T. s’avère tactile.
Toucher en un « sens » ; toucher en tous les sens du mot. Mais surtout par celui des « caresses ».
T. caressant.
Toujours en attente d’effleurement.
Elle, « obstinée comme pas deux »
Dans une cabriole se trouve récusé le « deux ». Simple boutade. Quand, pour les caresses en « l’attente », il est préférable d’être deux.
Ainsi par ces caresses, le soi revient à « soie » ; dans la douceur tendre, et les « étreintes », la locutrice revient à elle après un dédoublement en T., solide, et « bien droit pour porter l’horizon », prête à affronter le monde.
Elle revient, « bleuie de doutes ».
Dans le renoncement au T. des « idéaux bien bâtis »
Dans le renoncement à la "sûreté" des certitudes, cette « espérance folle des sceptiques ».
Elle retrouve une "entité" et une unité après le passage par la dualité ; se retrouve entière, et non en tiers, après l’expérience vécue de la lettre.
Cette "entité" n’est pas anti-T., mais la reconnaissance de soi comme « athée », qui ne croit plus en une quelconque divinité, pas même celle du ‘Moi’.

Merci Solinga pour le partage de sensibilité à propos de cette « rêverie » originale et intéressante d’une vie à la lettre.

   BlaseSaintLuc   
21/4/2024
trouve l'écriture
très aboutie
et
aime beaucoup
Salut, génial, j'aime beaucoup. Prendre le T (moi perso, je le préfère à la bergamote). Tu te tapes le T dans ta timbale, ta tartine est toute triste, tu as ta tarte pour te rattraper. L'idée est originale, bien vue, tu t'en tires terriblement bien. Il y a en plus de la musicalité. Bon, tout a déjà été dit, j'adhère.


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