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Poésie libre
Stephane : Le peintre des maux
 Publié le 22/12/21  -  9 commentaires  -  1424 caractères  -  168 lectures    Autres textes du même auteur


Le peintre des maux



Je peins les maux d’errances pour en faire des effluves
Laissant place aux regards de badauds éphémères
Qui voguent à outrance au centre du vortex
Imprimant l’ossature de déchets funéraires

Je suis un architecte de la meute urbaine
Inondant par millions les artères de relents
À l’encre mortifère de la mégalopole
Qui s’étale à la brune en vapeurs monotones

J’extirpe le purin des bestiaux uniformes
Qui s’en vont harnachés à leurs sangles chimiques
Aux abords méandreux de banlieues filiformes
Rejoindre le terreau où fourmille l’infâme

Je dévore les piliers des entrailles du sol
Boulevards dédaléens où prévaut l’incurie
Exutoire de buildings projetant le calvaire
Sur les flancs du troupeau et ses rives amères

Je déforme les vies pour en faire des charniers
Au milieu des usines et du poison de verre
Flanqué de tours hideuses et d’obscures galeries
Soumises à la laideur de produits avariés

Je broie le caducée amputé de votre âme
Cathéter vomissant des tissus cyanosés
Sur des câbles sans fin de brouillard organique
À la pointe putride de pinceaux sclérosés

Je peins et mes yeux pleurent sur la toile du temps
Étrangers au cancer nébuleux qui s’opère
Nul besoin de lumière pour imprimer la nuit
Le spectre de la faux s’immisce dès l’aurore


 
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   Gemini   
15/12/2021
 a aimé ce texte 
Bien
Le narrateur a des faux airs du quatrième cavalier de l'Apocalypse.
Sauf qu’ici, au lieu de drainer les enfers, il semble qu'ils l'aient précédé.

Le tableau présenté par le peintre maléfique a quelque chose de futuriste.
On se demande de quel point de vue l’artiste opère. Déformation d'artiste de la réalité ou vision prophétique de celle-ci ?
La volonté de noircir le trait est évidente et la place laissée à l’humain bien maigre et peu flatteuse : "badauds", "infâme", "incurie", "cancer". Sous des tons accusatoires, le texte prend des allures d’incantation.
L’œuvre est engagée. Elle dénonce. La caricature peut-elle réveiller les consciences de "bestiaux uniformes" ?

Personnellement j’en doute. Je préfère voir dans ce texte sa beauté esthétique, avec ses phrases/quatrains (débutant toutes par je) en forme de chapelet réquisitoire, de scènes assénées, son style particulier qui évoque des traits de fusain tirés à grands coups de lyrisme, ses images de chaos collapsologique que ne renieraient pas les poètes de la noirceur, extirpant la beauté de la fange.

Les larmes finales du peintre sur sa réalisation lui ôtent (un peu) la froideur de son côté prince des ténèbres. Sans savoir s’il compatit plus au sort des victimes qu’il ne se désole d’être l’auteur de celui-ci.
On peut le voir à la fois juge et partie.

Tableau effrayant à voir comme un bon film d’épouvante.

   Cyrill   
16/12/2021
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↓
Un tableau sombre, presque trop, qu'un peintre-architecte se plait à esquisser.
A la fois démiurge et témoin d'un monde qu'il ne semble pas avoir voulu et qu'il condamne.
Difficile de tenir ces deux rôles de concert !
J'ai aimé les métaphores grandiloquentes, l'imaginaire de l'auteur. Il y a comme un dédoublement de personnalité qui s'opère : il peint ce qu'il abhorre.
un beau texte !

   Donaldo75   
16/12/2021
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
J’ai trouvé ce poème très réussi, et ce dès la première lecture alors le relire confirme cette impression et me donne envie de commenter. L’usage de la première personne du singulier permet d’incarner le poème – et non le poète, je le précise – comme si ce dernier résonnait dans ma tête, à l’instar d’une incantation venue de je ne sais où mais lancinante et hypnotisant mon conscient. Les quatrains sont très homogènes, ce qui amplifie cette sensation hypnotique, renforce le côté incantation ou chant des âmes perdues, enfin épique de cette poésie. Parce qu’elle s’avère tonale, cette poésie s’ancre profondément dans ma lecture, générant ce que j’ai coutume de qualifier d’impact, devient mémorable à mon goût et donne envie de revenir lire ce poème. C’est ce que j’aime dans la poésie, on peut en relire les textes plusieurs fois dans la même journée, un peu comme dans la chanson, c’est un art qui dévoile ses mystères et ses beautés après plusieurs expositions, nul besoin de sortir la loupe – ceux qui aiment l’analyse poussée et minutieuse peuvent le faire, évidemment, l’un n’empêche pas l’autre – pour en apprécier les fruits et les merveilles cachées dans les vers, dans le découpage, dans l’esthétique finalement de ce qui recouvre la page et se livre pudiquement au lecteur, telle la « Vénus sortie des eaux » de Botticelli.

   Corto   
22/12/2021
 a aimé ce texte 
Passionnément
Le "peintre des maux" sait jouer admirablement avec les mots pour nous entraîner dans ses visions horrifiques, construites pour être pire encore.
Chaque quatrain nous emmène dans un nouveau champ, de "déchets funéraires" en "purin des bestiaux", de "charniers" en "tissus cyanosés". N'en jetez plus la coupe est pleine de nausée...

Ce poème ne laisse guère de répit au lecteur, voilà une force qui ne laisse pas indifférent. De plus le dernier quatrain semble tenir un sentiment que le dernier vers remet vite à sa place, car ici est le royaume des maux: le temps ne saurait s'acoquiner avec l'avenir.

Du très beau travail. Bravo.

   Atom   
26/12/2021
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Qui pourrait donc être ce Peintre des maux si ce n'est Lucifer lui même cet ange déchu qui se délecterait de la putréfaction de l'œuvre de Dieu.
En tout cas il semble avoir trouvé sa muse dans la Déchéance.
Il y a un petit coté épique et grandiloquent dont je ne suis pas fan habituellement mais je trouve que pour le sujet abordé la forme semble adéquate. On est ici pas loin de la sentence prophétique, d'une Révélation dans une période Pré-Apocalyptique.
Je suis juste intrigué par :
"Je peins et mes yeux pleurent sur la toile du temps" de la dernière strophe comme si ce Peintre mauvais et haineux avait un remord. Un début de Rédemption ?

   Stephane   
27/12/2021

   Cristale   
27/12/2021
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Ah oui ! Ici on a de la matière et pas des moindres, ça craque, ça dégouline, ça barbouille, ça tâche, ça "fouette fort" point de vue odorat...
Diantre ! Cachez-moi ces mots que je ne saurais lire : "je peins les maux" "j'extirpe le purin" "je dévore les piliers" "je déforme" "je broie"...ah ce n'est pas un petit univers tranquille pépère chez toi ^^

Je ne détaillerai pas tant le récit est dense, d'autres l'ont fait mieux que moi mais je me suis régalée, comme quoi on peut être fleur bleue et avoir "L'enfer de Dante" en peinture dans son salon.

Un contemporain également assumé...ah non, en libre, viens-je de lire en haut de ta page mais bon, pour moi ce texte est très contemporain dans la semi-liberté de ses vers et très classique dans la forme qui en est l'ossature.

Bravo et merci Stephane.

Cristale

   papipoete   
27/12/2021
 a aimé ce texte 
Bien
bonsoir Stephane
Chacun son style, et le vôtre est très particulier, je dois l'avouer !
Peintre des maux sied à ravir à cette fresque " guerniquesque ", où la plume fouille jusqu'au moindre relent, et poétise sur " circulez, y'a rien à voir ! "
NB mais comme le curieux passant devant une voiture éventrée, je regarde en songeant " tu ne devrais pas ! tu vas le regretter ! " mais finalement ne suis point horrifié par ce que j'y vois : du néant, de la misère, de la souffrance mais jamais de mal proféré sur son prochain ! Alors non, je n'ai pas peur mais un bidonville à Bombay, semble eden à côté de cette peinture désespérée !
je ne crois pas qu'il faille chercher à traduire du " Stephane ", aussi m'en tiens-je à sauter par dessus les flaques de ce cloaque !

   Lariviere   
28/12/2021
 a aimé ce texte 
Beaucoup
Bonjour Stephane,

Un texte noir pour décrire une ville pandémonium, avec ses ombres et ses côtés sombres, un bien triste constat qui possède une certaine réalité.

J'ai aimé la rigueur des quatrains et le côté incisif des images.

Particulièrement celui-ci :

"Je déforme les vies pour en faire des charniers
Au milieu des usines et du poison de verre
Flanqué de tours hideuses et d’obscures galeries
Soumises à la laideur de produits avariés"

Et le quatrain de fin, très beau aussi :

"Je peins et mes yeux pleurent sur la toile du temps
Étrangers au cancer nébuleux qui s’opère
Nul besoin de lumière pour imprimer la nuit
Le spectre de la faux s’immisce dès l’aurore"

Merci pour cette lecture et bonne continuation !


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