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Réalisme/Historique
Alfin : Le regard de la corneille
 Publié le 17/02/20  -  9 commentaires  -  54247 caractères  -  90 lectures    Autres textes du même auteur

Un premier récit ! Merci à Xavier de m'avoir initié, j'ai pris beaucoup de plaisir à écrire cette histoire.


Le regard de la corneille


Dans tous villages, les vies des uns et des autres se croisent, se télescopent et parfois s'accordent ou se séparent. Certains événements sont propices à accélérer ces accidents relationnels.


À Saint-Guénolé, dans le Territoire de Belfort, les habitants sont sur le point de vivre un moment traumatisant. Le genre d'événement qui reste gravé dans les mémoires pendant plus d'un siècle. Le genre d'événement qui n'est possible que par la conjonction de plusieurs facteurs qui sont d'une telle perfection dans leur enchaînement qu'il semble difficile que seul le hasard ait guidé leurs déroulés.


Nous suivrons certains habitants qui vont vivre l'événement sous des angles différents, ce qui aura des répercussions inégales sur l'évolution de leurs relations interpersonnelles et pas forcément selon votre logique. Car les relations sociales ne sont pas logiques. Il y a tellement de paramètres qui entrent en jeu et tellement d'esprits différents, forgés par leurs expériences propres que chacun y trouvera, selon sa grille de lecture, des ramifications distinctes.


Le village : Le dimanche 1er novembre 2019 5:50


Sur le village, une brume fraîche se répand doucement dans la fin de nuit. À Saint-Guénolé, tout est calme et froid, le village est encaissé entre deux monts, le Ballon des Boisseaux et le Tendre Tanet. Ils donnent au village une géographie particulière qui limite son extension. Les habitations y sont plutôt anciennes, souvent en pierre du pays pour les fondations et en bois à partir de l'étage. L'architecture y est fonctionnelle sans plus. Ce village a été fondé par un Landévennecien au XVIe siècle, à ces débuts, ce n'était qu'une ferme et ses dépendances.


Peu avant la Révolution, le village s'est fort développé grâce à l'établissement de la première scierie de la région. Elle fonctionnait avec une roue à augets, avec apport d'eau par le dessus grâce au Rutmontois. C'est un gros ruisseau qui prend sa source à mi-chemin du sommet du Tendre Tanet et dont le débit est impressionnant. Ce ruisseau est bien sûr un attrait pour tout le village et a d'ailleurs obtenu en 2017 le label « site rivières sauvages » tant il est bien protégé du monde pollué. Le ruisseau poursuit ensuite son lit jusque dans la Coeuvatte, haut lieu de pêche à la mouche.


Au XIXe siècle, la scierie fournissait du travail à une cinquantaine d'hommes et les ébénistes étaient nombreux dans le village. Réputé pour sa fine marqueterie, Saint-Guénolé fut un village prospère. Il avait à l'époque son école, son église, sa mairie, près de soixante-cinq maisons et sa fierté.


S'il est acquis depuis 1838 que chaque département de France doit posséder son asile psychiatrique, il est évident qu'un jeune département comme le Territoire de Belfort créé en 1922 n'en possède pas. C'est en 1935 qu'il fut décidé d'en implanter un et la scierie de Saint-Guénolé fut l'un des facteurs déterminants de l'emplacement de celui des Territoires. Il fut décidé que l'aspect retranché du village dans la partie haute d'une grande vallée alliait une belle série de critères. Pas visible, car reculé, les aliénés n'avaient pas leur place au centre de la vie moderne du jeune département. La construction prit trois années avant la guerre et se poursuivit onze mois après celle-ci. Le bâtiment fut inauguré en juillet 1947 par Robert Prigent, ministre de la Santé publique et de la Population sous l'aire du premier ministre Ramadier.


Ce matin-là, le calme ambiant ne laissait pas présager de la cruauté du jour. C'est bien sûr un peu idiot de dire ça, car aucun matin ne laisse présager de quoi que ce soit. C'est heureusement le propre de nos vies d'être inattendues, la mort, la joie, les rencontres, les disputes, sont des faits que rien n'annonce. Mais nous, nous savons que les choses seront inexorablement injustes aujourd'hui. C'est un étrange sentiment que de voir le calme précéder la tempête. Quand on sait que la tempête arrive et que l'on ne peut pas agir pour préserver ceux qui vont mourir aujourd'hui. C'est aussi presque magique d'imaginer que la simple décision d’un animal de poursuivre son chemin plutôt que d’entrer dans un petit trou aurait suffi à lui sauver la vie et à rendre cette journée simple et banale pour les centaines de personnes qui en seront impactées.


Centre psychiatrique : Kevin 6:00


À un kilomètre du centre du village se dresse l'asile psychiatrique du Ballon des Boisseaux, silencieux en ce matin glacial, il est encore trop tôt pour que le soleil ne pointe ses rayons pour dégager, d’un geste abrupt, la brume encore endormie.


Le bâtiment imposant est un exemple typique de l'architecture patriarcale du début du XXe siècle. Il est imposant pour écraser le patient dès son arrivée, le rendre docile, symbole de puissance pour imposer les postulats thérapeutiques irréfutables.

N'ayant rien avoir avec tout ça, Kevin entre par la porte de service à gauche, une zone de transit exclusivement réservée au personnel et au corps médical qui sent cette odeur aigre qui n'appartient qu'aux couloirs et aux cages d'escaliers nettoyés à la javel. Il referme à clé la porte vers l'extérieur, entre dans la cuisine sans se rendre compte que sous ses pas le carrelage descellé s'entrechoque. Pour commencer la mise en place du petit déjeuner, il regarde la liste, cent deux personnes pour ce matin. Comme on est dimanche, les croissants seront livrés à 7 h par le boulanger.


Lui, il doit préparer le porridge et les œufs brouillés. Et bien sûr il n'y a pas d'eau… Une journée de merde qui s'annonce.


Le village : Gaël 7:00


Il fait encore noir quand Gaël quitte la maison, l’ambiance était encore pourrie hier soir, Manette et le daron s’en sont donnés à fond pour gueuler. Et comme il doit sortir, autant le faire avant que tout le monde ne se réveille.


Son portable en poche et la tête dans le cul, il avance vers le haut de Saint-Gué, il sait que c’est entre 7 h et 7 h 10 que s’allume la lampe de la table de nuit de Chloé, avec un peu de chance aujourd’hui, il verrait quelque chose, un coin de peau dénudé, voire même ses seins ou plus encore…


Il tourne à droite et longe la maison pour remonter sur le flanc du Tendre à l’arrière, pour être à la hauteur de sa chambre. En grimpant, sa semelle glisse un peu sur les feuilles mortes, il s'agrippe aux branches basses pour ne pas déraper complètement et se retourne. La lampe est éteinte, il s'installe donc sur une souche et attend à l’affût, invisible dans la nuit, comme la tique qui attend l'heure de son festin.


Gaël sait qu’il va devoir tuer le temps jusqu’à 8 h où il a rendez-vous avec l’avorton pour recevoir son cadeau du mois, il sait aussi qu’il va être cool cette fois-ci, il a suffisamment été clair la dernière fois. Il cherche dans ses playlists et sélectionne le second album de Megadeth.


Centre psychiatrique : Chloé – Kevin 7:10


Ce matin à 6 h, Chloé a été appelée par sa responsable pour livrer les croissants, les baguettes et quelques tartes à l'asile. Chloé qui s'occupe normalement du comptoir de la boulangerie accepte tout de suite, car le boss s'est brûlé la main pendant la nuit. Elle doit s’occuper de la livraison à sa place. Elle prendra son service à 7 h 30 au comptoir ce qui lui laisse largement le temps de terminer la livraison.


Arrivée à l'asile, elle cherche l’entrée de service pour les livraisons de la cuisine, située à gauche du bâtiment. Elle gare le Partner juste devant la porte. Beuh, cet endroit lui fout les jetons, c'est d'ailleurs la première fois qu'elle vient ici depuis six ans. La dernière fois c'était pour voir des fous à la fenêtre. Elle ouvre la porte arrière du Partner et sonne.


Quelques secondes plus tard, Kevin lui ouvre la porte, il n'était pas préparé à voir une si belle fille à la porte, il sait que son tablier est taché et qu'il n'est pas à son avantage, il se renfrogne un peu, se replie en position de défense au lieu d'être lui à 100 %. Chloé, elle, pense être face à un vieux bouc qui forcément va lui reluquer les nichons, pourtant avec son pull rouge, rien ne transparaît à part la forme globale. Elle est donc surprise de voir un beau gars (un peu négligé, mais un beau gars tout de même) qui lui ouvre la porte.


– Ouais ?

– Je viens déposer le pain et les viennoiseries !


Kevin se recule pour donner accès à la cuisine et baisse un peu la tête. Chloé pense qu'il s'en fout complètement. Elle recule donc pour aller chercher les corbeilles, sur ce simple échange, le manque de confiance de Kevin a changé complètement la donne, ces deux-là ne se rencontreront jamais.

Je ne prétends pas qu'une belle histoire d'amour aurait pu naître de leur rencontre, je sais seulement qu'ils ont pas mal de points communs, ils auraient à tout le moins pu devenir de très bons amis, passion pour la science-fiction, enfance tendre et relativement simple, pas de gros accident psychologique, actuellement célibataires. Lui a la particularité d'être particulièrement égalitaire dans ses relations avec les femmes et elle en a marre de voir le regard de ses interlocuteurs la dévisager comme un objet de désir. Bref, leur rencontre est un raté relationnel, mauvais endroit, mauvais timing et triste interprétation de leur rôle respectif.


Vieux chemin des Fontaines : Lucas 7:30


Dans sa salle de bain, Lucas tire la chasse, mais rien ne se passe.


– Ah oui zut, c'est vrai il n’y a pas d'eau aujourd'hui… ça va puer ce soir…


Il retourne dans sa chambre, le sac est prêt. La boule de crainte/colère pèse au creux de son ventre, rien que d'y penser, il en est malade. Donner sa voiture télécommandée à ce connard pour gagner quelques semaines de tranquillité… C'est injuste. Lucas s'en veut d'avoir à ce point laissé faire, accepté la situation, fait tout ce qu'il fallait pour y être. Mais qu'il s'en veuille n'y change rien, il sait qu'il n'a pas le choix.


Il a beau avoir dix ans, ce petit gars-là comprend très bien les tenants et aboutissants de la situation. Derrière le mur il entend la radio de son père. Il prend le sac, ouvre sa fenêtre et le laisse tomber sur l'herbe du jardin encore endormie et détrempée de rosée. Lucas se rend ensuite dans la cuisine, il faut que tout ait l'air normal, il va donc essayer d'y avaler un bol de Golden.


Il a envie de hurler, mais il ne le fera pas, de toute façon il n'y a personne pour l'entendre et il ne veut pas en parler ni avec ses parents ni au conseil d'élèves. Le seul avec qui il pourrait en parler, c'est Jonas, mais depuis un an, Jonas le fuit. Il est résigné et comme d'habitude il apportera sa dîme à Gaël. Grâce à ça, il ne se fera pas casser la gueule dans le mois à venir. Il a pourtant fait des recherches sur WikiHow, vu des vidéos qui expliquent comment sortir de sa situation. Mais c'est parfaitement inapplicable, il n'ose pas suivre les conseils formatés des tutos. « Ces cons-là n'ont pas Gaël en face d'eux ! »


Arrivant de sa chambre, le peignoir bien serré, sa mère entre dans la cuisine.


– Bonjour, mon chéri, tu t'es brossé les dents ?

– Non maman, y a pas d'eau aujourd'hui…

– Tu plaisantes ? Et les bouteilles d'eau à la remise, allez file !


Et Lucas s'exécute, il sait depuis longtemps que rien ne sert de se rebiffer, qu'elle ne tolère aucun report, n'a pas de patience et n'a de temps à lui consacrer que s'il a bien suivi les consignes.


Il se lève en laissant ses céréales se ramollir, déjà qu'il n'avait pas faim, le principal étant qu'elle ne se doute de rien, qu'elle ne pose pas de questions ni de problèmes… Lucas se rend donc à la réserve pour y prendre une bouteille d'eau.


Il se sent fatigué, la bouteille d'un litre et demi est lourde et il sait déjà qu'il n'a qu'une chance sur deux d'arriver à dévisser le bouchon alors qu'il n'a pas une minute à perdre, il prend déjà du retard et ses tempes pulsent un peu.


Heureusement, il croise son papa qui lui ouvre la bouteille et lui fait un bisou du matin. Il continue sa route jusqu’à la salle de bain. Le temps presse, il doit traverser le village et se rendre au pont de bois avant huit heures.


Pour conforter sa détermination, la cloche de l'église sonne les trois quarts d’heure.


Il se brosse les dents consciencieusement pour ne pas perdre de temps à devoir recommencer et retourne à la cuisine où sa maman lui dit sur un ton neutre et la bouche grande ouverte comme chez le dentiste :


– Aaaaaaaaaaah ?


À son tour, il ouvre la bouche pour laisser voir les pics, cimes, sommets et crêtes de ses dents immaculées, mais dont l'alignement est aussi régulier que le paysage montagneux.


– OK, dit-elle, tu peux finir ton petit déjeuner.


Il se rassied un peu trop vite pour finir le bol, car le temps presse, la cuillère lui amène aux lèvres un petit tas de pétales fondus et gluants, « beurk, c'est écœurant ».


Mais il termine son bol et range le tout à sa place. Refait le tour des yeux pour s'assurer que rien ne traîne. Il s'habille de sa veste Quechua, file dans le jardin pour récupérer le sac à dos et court vers le vieux pont.


Centre psychiatrique : Une fouine 7:30


Délicate et souple, elle se glisse dans un trou qu'elle ne connaît pas, il faut dire qu'elle y sent une délicieuse odeur de protéine.


Une petite marque olfactive ici, pour être sûre de garder cet espace pour elle, il commence à faire froid et il est temps de trouver un chez-soi pour l'hiver.


Elle fait le tour du petit espace, il y fait presque chaud comme en été aux premières heures de la journée.


Le long du bord de son nouveau repère se trouve un truc mort qui ressemble à un serpent, mais dont elle ne voit ni le début, ni la fin.


Elle ne perçoit pas non plus la mort qui court à l'intérieur sous forme d’électricité à haute tension...


Elle commence à grignoter le corps de cette chose, c'est dur et pas très bon, mais cette odeur de protéine la rassure...


Je ne crois pas que vous désirez avoir une description du ressenti de la fouine lorsque ses dents pointues vont entrer en contact avec le cuivre. C’est pourquoi je vais vous donner le point de vue du câble.


Centre psychiatrique : Un câble haute tension 7:30


Depuis plus de vingt-six ans, personne ne m’a dérangé, il y a bien eu quelques souris qui ont habité le petit espace, mais rien de notable, mon intégrité n’avait jamais été mise en cause, transportant les électrons avec conviction tout se passait bien jusqu’à l’arrivée de cette fouine. Heureusement que je ne respire pas, car elle dégage une odeur abominable. Mais que se passe-t-il ? Elle découpe ma gaine externe ! Mais arrête ça... Nuisible ! Je ne servirai plus à rien si je suis dénudé… mais inexorablement la couche protectrice diminue.


Tant et si bien qu’à un moment, le dernier rempart de polyéthylène disparaît et là…


Un arc blanc parcourt la bête et l’ensemble grille très rapidement, toute l’eau contenue dans son enveloppe se transforme en vapeur et s’échappe de toutes les possibilités offertes par ce petit corps. S’il bouge, ce n’est déjà plus sous l’impulsion des muscles qui ont déjà totalement perdu leur élasticité. Cela fait un bruit de craquement sec en même temps que des sifflements aigus.


Lorsque toute l’humidité est finalement évacuée, la chaleur embrase ce qui reste.


L’embrasement de la fouine a provoqué une panne d’électricité dans tout le bâtiment et le système de sécurité de l'hôpital s’est donc coupé également. Les flammes entourant le petit corps (qui n’a pas souffert, rassurez-vous) viennent lécher les lames du plancher du premier étage.


Maintenant, imaginez que la petite bête soit allée voir ailleurs... Parfois, la vie d’un câble, d’une fouine et de soixante-deux personnes, ne tient qu’à peu de choses.


Centre psychiatrique : Ghislaine 7:50


Ghislaine descend dans le réfectoire, échoue à allumer le percolateur à cause de la panne de courant. Alors, elle avale déjà un croissant, elle adore ressentir le crissement de la croûte et le moelleux du cœur. Elle n'avait pas la moindre idée de la façon dont elle allait régler tout ça, le plus important étant de prendre des forces pour ne pas avoir un petit creux pendant la dure matinée qui l'attendait.


Elle devra être convaincante face à cet arrogant professeur Delois, maître incontesté des lieux. Peu enclin à ouvrir les yeux sur les incroyables progrès qu'elle avait faits depuis trois ans.


Le réfectoire est presque vide, les places du petit déjeuner sont dressées sans grande régularité. Pourtant, il y a du bruit, dans la cuisine attenante, Kevin le jeune commis prépare le porridge, trop sucré, trop pâteux et les œufs brouillés trop cuits comme tous les matins. Pourtant les casseroles s'entrechoquent, annonçant le plaisir de déguster, de faire disparaître l'amertume qui nappe son palais au réveil.


Elle s'assied pour centrer ses pensées, se vider la tête de la faune qui l'habite souvent le matin et qui, si elle n'y prend pas garde, l'accompagne toute la journée.


Centre d'Incendie et de Secours de Belfort Sud : Adjudant Britto 7:55


– Le centre hospitalier de Saint-Guénolé me dites-vous ?

– …

– Oui je lance l’alerte, calmez-vous ! Comment ? … Oui, faites évacuer bien sûr, mais soyez hyper prudent avec les portes fermées et appelez le maire pour la sirène du village, il faut prévenir tout le monde !


Sylvio lance l’alerte, il a de la chance, les cinq personnes de garde pour la nuit sont sur le point de partir et les cinq qui viennent les remplacer sont arrivées, dix c’est vraiment le minimum… en laissant une personne pour répondre aux appels et tout d’abord prévenir l’Hôpital Nord Franche-Comté pour les secours médicaux supplémentaires.


– Challant tu prends l’autopompe, Pignet tu prends la grande échelle et je vous suis avec la citerne. Vesan, avant de prendre la route avec le 4X4 tu essaies de joindre les services d’eau pour rétablir la pression immédiatement, il y a une coupure actuellement dans le village !


Au volant de la citerne, Sylvio sent que cette fois-ci c’est gros, que c’est énorme, dans sa tête il révise les procédures qu’il connaît depuis plus de dix-huit ans et il prie :


– S’il te plaît Laurine, aide-moi là, c’est vraiment du lourd. Je me sens tellement seul avec tous ces volontaires, comment faire pour que nous rentrions tous ce soir.


Depuis son décès en août 2005, Laurine qui a succombé des suites de ses blessures lors d’une intervention sur une grange est devenue l’ange gardien de Sylvio. Elle lui manque. Elle avait reçu les honneurs d’obsèques en présence du ministre de l’Intérieur, Nicolas Sarkozy, qui avait prononcé un discours beaucoup trop personnel pour être crédible, beaucoup trop humain pour être sincère… et pourtant l’assemblée était très émue.


Le vieux pont de bois : Lucas – Gaël 7:58


Il fait toujours très frais, mais le soleil commence à imposer sa force en maltraitant la brume qui n'en mène pas large.


Marchant silencieusement grâce à ses semelles de crêpe, Lucas est vraiment inquiet à l'approche du pont, il entend pourtant une grive musicienne s'en donner à cœur joie, accompagnant habilement le chant doux et cristallin du Rutmontois.


Il sait que Gaël aime le surprendre, mais il ne sait pas d'où il va surgir en criant. Il regarde prudemment derrière les arbres des alentours, mais ne voit rien. Il s'installe alors sur le banc devant le muret, un peu rassuré et attend.

Même s’il n’en a pas l'humeur, il écoute un morceau des Appendices où un type demande à Alain pourquoi il a vidé son frigidaire…


Gaël, déçu par son spectacle de strip à l'envers manqué, arrive enfin près du pont et repère le mioche. Il est là et en plus, il a son sac à dos, un emballage pour le cadeau qui lui revient de droit aujourd'hui.


– Eh connard ?

– Euh oui ? Ah bonjour Gaël, dit Lucas d’une toute petite voix.

– Alors le mioche, c’est quoi qu’ta pour moi aujourd’hui ?


Lucas lui répond en sortant l’objet de son sac à dos :


– J’ai amené ma voiture télécommandée. Elle est très rapide et en plus j'ai bien chargé les batteries, là c'est le chargeur.


Gaël s'approche et observe la voiture rouge tout-terrain. Il la trouve cool, il a toujours rêvé d'en avoir une comme ça.


– Ouais, pourtant tu m’avais dit que tu allais te défoncer cette fois-ci, non ?

– Elle est super tu sais ! elle fait du 36 km/h et elle a coûté 140 € sur Amazon (en fait son père l’avait eue en promotion à 69 € quand il lui avait offerte pour son anniversaire en février dernier).

– Ouais, bon. C’est bon pour là, pas question que le niveau baisse la prochaine fois, fait gaffe ! Et il lui décoche un coup de poing dans le biceps.


Lucas tombe en poussant un mugissement :


– Tu m’avais dit que tu me frapperais plus si je faisais ce que tu voulais !

– Oui, c’est vrai…


Il se penche tout doucement et approche son visage tout près du visage de Lucas, comme il l’a vu dans une série et lui dit :


– Je veux que tu penses bien que c’est pas cool de ne pas faire comme je dis, le coup c’est pour si t’oublies ce que je peux faire…


Gaël est fier de sa mise en garde, il sait qu’il ne faut pas lâcher la pression et se relève en laissant le pauvre Lucas terrorisé sur le sol.


Il a tellement bien réussi son speech que pour la première fois depuis longtemps, Lucas n’a pas cherché à corriger, dans son for intérieur, le phrasé pitoyable du grand dadais.


Là, je me permets d’intervenir pour vous raconter la genèse de cette situation.


Le petit est persécuté depuis plus d'un an par Gaël, qui est de quatre ans son aîné. Chaque mois, il paye sa tranquillité avec un cadeau qu'il vole dans ses propres affaires. Ses parents s’inquiètent seulement de voir que leur fils perd beaucoup de choses depuis un certain temps. Pourtant il a changé, il est renfrogné, triste et en perte de sens à cause de la persécution. Son ami Jonas, qui a le même âge que lui, refuse de continuer à le voir, car il a lui-même peur de Gaël et que sa tête de Turc c'est Lucas.


Tout a commencé alors que l’aîné était en 4e (un an de retard) là où Lucas était en 5e (deux ans en avance). Les deux ayant participé au spectacle du collège, Lucas devait y dévaloriser Gaël, le sujet du spectacle étant l'inclusion de tous. Dans la seconde scène, il devait dire à Gaël qu'il « est idiot et qu'il lui servira un jour de chauffeur s’il arrive seulement à assimiler le Code de la route ». Pendant les répétitions, Lucas le disait sans grande conviction, car le musclé lui faisait peur. Mais le jour de la représentation, électrisé par le public et sa propre sensibilité, il a pris un ton hautin particulièrement authentique pour dire la même phrase. Gaël, hors de lui, a répondu par un coup de poing dans la figure sur scène, autant vous dire que ce n’était pas au programme de l’acte et que le spectacle s'est arrêté là.


Centre psychiatrique : Ghislaine – Kevin 8:03


Dans la tête de Ghislaine, le cerveau commence à ronronner, un bruit sourd et grave accompagne son toilettage cérébral matinal. Elle a trouvé cette parade pour faire taire les voix. Une forme de méditation qu'elle a apprise toute seule. Sauf que cette fois-ci, le ronronnement s'intensifie, devient bruyant, soutenu par des craquements profonds et progressivement des cris. Des cris ? Elle ouvre les yeux, un cri ? Son sang s'épaissit. Ce n’est pas un cri, c'est un hurlement ! Sa respiration se fige ! Elle se penche à la fenêtre et observe avec horreur la fumée dense qui s'échappe du premier étage de l'aile droite du centre. Le feu s'étend largement du premier au troisième étage.


Les événements ensuite se ralentissent dans sa tête, l'ouate a pris la place de son cerveau. Ses muscles sont raides et se figent dans une position grotesque, ses pensées ralentissent et elle finit par simplement observer ce qui se passe dehors, ébahie, elle voit le « Taiseux » qui se penche à la fenêtre du quatrième et dernier étage, de la fumée plus légère l'enveloppe avec douceur, tant et si bien qu'il s'envole et descend vers la cour du projet permaculture.


Le regard rassuré par tant de douceur, Ghislaine s'appuie sur le bord de la fenêtre de sorte à suivre chaque détail de ce tendre ballet. Au second, dans sa chambre avec barreaux, Julie danse, entourée, léchée par les flammes qui lui font une robe de princesse, à côté de la chambre du Taiseux, Victor semble chanter un opéra. Et en dessous le Nouveau s'est grimé en noir pour faire une farce aux plus anciens tout en chantant également. Quelle belle énergie !


Kevin, dans sa cuisine, se demande comment il va disposer une si grande quantité de porridge dans les trois plaques gastro dont il dispose. Comme il fait presque noir, il prend son smartphone pour aller chercher une quatrième plaque. L’électricité n’est pas encore revenue, il ne lui manquerait plus que l’on coupe le gaz et il pourrait rentrer chez lui.


En se retournant, il entend un cri, cela vient de dehors, il se penche vers la fenêtre pour voir pourquoi tout ce tumulte et observe un quart de seconde l'horreur qui se déroule devant ses yeux.


Pris de panique, il laisse tout en plan et sort en courant dans le réfectoire renversant une table de petit déjeuner sur son chemin dans un ramdam de bris de porcelaine et de couverts qui s'entrechoquent. Une chaise est projetée sur les mollets de Ghislaine qui d'un coup s'éveille de sa torpeur et part à la suite du commis.


Ghislaine sort du bâtiment et s'immobilise, du village elle entend remonter, comme une vague géante, le son strident d'une sirène, bruit assourdissant, qui finit de réveiller les derniers pensionnaires.


« Il faut absolument que je retourne chercher ma collection de dés à coudre ! »


Ghislaine venait d'acquérir le clou de sa collection, un dé à coudre fétiche de Madeleine Vionnet qu'elle avait gagné aux enchères sur eBay, enchères qui auraient pu se passer chez Sotheby's tant l'objet est prestigieux.


Voulant préserver ce vestige, elle retourne dans le centre dont la moitié droite est actuellement entièrement en feu, elle monte quatre à quatre les marches pour essayer d'atteindre le troisième étage de l'aile gauche où se trouve sa chambre, le désordre est à son comble, tous les pensionnaires de l'aile gauche sont à présent réveillés et descendent les escaliers dans la précipitation.


La place du village : Edmond – Gaël 8:05


La boutique de lingerie ne bruisse d'aucun pas, dans ce silence, le soleil écarte les derniers pans de brume qui drapaient le magasin isolé en retrait de la place du village.


Edmond s'approche de la porte, bien que largement en avance sur l'heure de la messe, il sait qu'il lui faudra au moins deux fois ce temps-là pour tout mettre en place. Il est déjà fébrile rien que d'y penser : « Calmons-nous, calmons-nous, la nouvelle collection ne sera pas aussi importante que l'année dernière, je dois juste faire un peu de place avant la livraison de demain matin, ensuite j'aurai un an pour tout déballer. »


Il s'approche de la porte, son premier écueil de la journée, voir sa main trembler avec la clé s'approcher de la serrure est une torture. La droite, plus gauche que l'autre vient cependant stabiliser la première, il ajuste la vitesse de sa respiration, se penche en formant des dessins abstraits dans l'air et attend que ses pauvres mains arrivent à aligner la clé face au très très mince filet de la serrure.


Pour améliorer la précision, il griffe le bois de la porte avec la clé. L'échec est devenu son habitude, au troisième essai la ligne tracée par sa main gauche s'accorde miraculeusement à l'emplacement de la serrure et la clé s'introduit. Là, il fait une pause, la tension était extrême et il faut reprendre la respiration qui s'est arrêtée quelques secondes.


C'est alors qu'un sifflement le fait sursauter, une chose rouge court sur le sol et vient buter sur son gros soulier orthopédique.


– HA ! crie un jeune homme, touché le vioc !


Edmond sursaute et voit avec désespoir la clé quitter son doux fourreau.


– Qu'est-ce que c'est ?

– Faut pas avoir peur le vieux pervers, c'est juste une caisse télécommandée que m'a refilée le petit morveux il y a dix minutes.


Edmond se tourne pour voir le jeune homme qu’il reconnaît immédiatement, il va téléphoner à Manette pour lui parler de ce petit imbécile, c’est lui le morveux.


Cependant, derrière Gaël, sur le flanc du Ballon des Boisseaux, à plus d'un kilomètre de là, il voit la fumée s'élever en grosse volute grasse de l'asile des aliénés. Son regard pétrifié intrigue Gaël qui se retourne.


– Putain c'est la maison des tarés qui crame, trop dingue !


Il sort son portable et commence à filmer la scène.


– Y a Ghislaine, la débile de sœur de ma mère là-dedans, trop bien il se passe quelque chose dans notre trou à rat !


Edmond le regarde et lui dit :


– Jeune homme, mais, bon sang, pourriez-vous appeler les secours au lieu de filmer !

– Mais lâche-moi connard, tu crois que je vais utiliser mes minutes de forfait pour te faire plaisir ? Crève dans les flammes vieux débris !


Et Gaël s'éloigne en courant pour se rapprocher du lieu du drame.


La sirène du village se met à rugir au même instant.


Edmond rassuré que l'alarme ait été donnée se retrouve sans la responsabilité de ce qu'il a vu, il se retourne et lentement rejoint le centre de la place pour s'y asseoir et observer les opérations qui suivront.


Edmond est une figure dans le village, petit-fils de Camille Jenatzy qui fut le premier homme à dépasser les 100 km/h au volant d'une voiture électrique, « la jamais contente » en 1899. Il est arrivé de Belgique en 1965 pour retrouver une jeune femme dont il était tombé amoureux, elle n'avait pas les mêmes ambitions que lui. Pour gagner sa vie, il travaillait à la mercerie de Georgina Sheld juste un peu en retrait de la place du village. Il finit par épouser Marie-Hélène Sheld qui au décès de sa mère transforma la mercerie familiale en boutique de lingerie.


Lorsque Marie-Hélène est partie rejoindre sa mère, par suite d'une chute de six mètres en montagne, il a continué à animer la boutique comme il pouvait. Heureusement, il a trouvé une étudiante qui l'aide à la tenir. Il n'est pas resté longtemps seul puisque quelques mois après le décès de son épouse, il a fait la connaissance au sens biblique du terme de Jacqueline Meyer, la tante de Ghislaine et Manette.


Rue derrière l'église : Manette – Jean-Chrétien 8:07


– Maneeette ! Où est mon imper ? Je l'avais mis sur la rampe d'escalier et il n'y est plus.

– …

– Bon sang Manette réponds-moi bordel !

– Tu me fatigues, à ton avis où il est ? Je l'ai mis au vestiaire, t'as regardé au vestiaire ?

– Non, mais ne me parle pas comme ça, tu sais bien que je ne supporte pas ton insolence. T'étonne pas si après ça je suis énervé, t'es vraiment bonne qu'à ranger et rien d'autre toi !


Manette n'est plus que l'ombre d'elle-même. Il y a deux mois, Jeanne son amie d'enfance est morte dans un accident de voiture, son mari qui conduisait l'a fauchée sur le bord de la route alors qu'elle rentrait à la maison à pied après trois jours d'absence. Les faits ont été justement qualifiés de féminicide et l'accusé attend en prison son procès.


Manette passait la plupart de ses journées avec elle. Elle était la sœur qu'elle pensait ne pas avoir eue. Quatre jours après l'enterrement, elle a reçu une lettre de Ghislaine, par la poste.


« Ma chère Manette,

J'ai appris le décès abominable de Jeanne, je suis tellement désolée pour toi, car je sais combien tu l'aimais. Elle t'a accompagnée pendant toutes ces années et te voici à présent seule. Sa mort n'est pas juste, elle avait droit de repartir dans la vie et de quitter Étienne. Tout le monde dit que ce ne sera pas le cas, mais moi je sais qu'elle commence à présent une nouvelle vie. Pour quitter Étienne, elle a dû te quitter toi aussi. Tu m'as sauvée du Loup, tu n'as pas pu le faire pour elle. Ce n'est pas grave. N'oublie pas qu'un jour tu pourras toi aussi retrouver la sérénité.


Notre Enfance me manque


Je t'embrasse

Ta sœur »


Après avoir lu cette lettre, le poids de la culpabilité l'a submergée, impossible pour elle d'éluder la méchanceté dont elle a fait preuve envers sa sœur pendant de nombreuses années. Cette lettre est bizarre comme sa sœur peut l'être, mais elle est aussi tellement douce, tellement juste.


Une sorte de quintessence du message qu'elle devait recevoir d'elle. Pendant un mois et demi, elle a pensé répondre à sa sœur. Lui faire parvenir tout l'amour qu'elle a pour elle depuis tant de temps. Lui apporter toute la souffrance qu'elle ingurgite depuis plus de dix-sept ans qu'elle est mariée à JC. Lui apporter toute la haine qui la portait quand elle a presque violé Lucien, le fiancé de Ghislaine, c'est clair qu'il n'était pas consentant et qu'il aimait Ghislaine. Lui vomir dessus toute la haine qu'elle a pour leur père, cet homme brutal qui leur portait moins d'amour qu'à une fourchette. Tout cela, Manette l'a écrit, encore et encore, jour après jour. Ne supportant plus les vexations que son crétin de mari lui faisait subir, ne supportant plus de jouer la carpette, la poupée gonflable, le robot ménager. Elle devait se relever, quitter ce demi-monstre. Et puis, il y a Gaël, elle a beau considérer qu'elle l'aime… non elle ne l'aime pas, il n'est pas droit, il sent la sueur, la perversité, la noirceur et la traîtrise.


Et puis il y a cette phrase étrange à la fin de sa lettre qui veut dire je t'aime, cette phrase qui la replonge dans son enfance.


Elle n'a finalement pas réussi à écrire cette lettre.


– Dis Manette, tu m'écoutes ?

– Quoi encore ?


C'est à ce moment-là que la sirène du village s'est mise à hurler qu'un drame va broyer sa vie. Manette sent que la sirène hurle pour sa sœur, elle n'imagine qu'elle sonne également pour Gaël.


Centre psychiatrique : Ghislaine – Henry 8:19


Ghislaine a beaucoup de mal à éviter tout contact dans cette bousculade.


Elle atteint difficilement le second étage et, pour ne pas croiser les gens qui descendent du troisième et du quatrième étage, décide de continuer par l'escalier de service de l'aile gauche, elle bifurque donc vers le couloir des cellules qui lui est normalement interdit.


La porte est ouverte, elle y pénètre et passe devant les cellules fermées. Elle entend à travers la porte les appels de gens qu'elle n'a jamais vus et qui demandent ce qui se passe.


L'odeur de brûlé commence à s'insinuer dans le couloir, elle y croise alors un infirmier qui tente de faire sortir les patients de leur chambre, il ouvre une à une les portes pour les libérer, les uns s'enfuient à toutes jambes, les autres attendent sans bouger.


Ghislaine ne s'y attarde pas et atteint le bout du couloir qui donne sur les sanitaires et juste après se trouve la porte de l'escalier de service. Elle est close. Le stress remonte en flèche dans sa tête. Là, la situation devient trop angoissante et comme à son habitude Ghislaine disjoncte et entre à nouveau en mode de défense. Au même moment, intensifiant le plaisir de l'accalmie provoqué par son processus d'armure mentale, la sirène se tait.


Ses gestes ralentissent à nouveau et elle revient sur ses pas. Revenue dans le couloir des cellules, elle rencontre un homme d'une cinquantaine années qui la dévisage.


Gentiment, elle lui demande qui il est et ce qu'il fait là et lui, ravi de voir un visage accueillant, l'invite à prendre le thé dans sa cellule.


Dans le fond de ce couloir, tout est plus calme, ceux qui voulaient s'en aller sont déjà partis et comme le feu est encore loin, le couloir devient presque silencieux comme à l'habitude.


Dans la cuisine, Kevin ayant abandonné complètement les casseroles sur le feu, elles commencent à fumer davantage encore que l'aile droite, c'est donc l'aile gauche qui commence à s'embraser.


L'hôte inconnu de Ghislaine lui prépare un thé avec de l'eau froide de sa bouteille de Volvic, l'eau chaude lui étant interdite, car il risquerait de se brûler. Ils s’installent donc à la petite table de la chambre du dément qui joue les grands seigneurs.


– Qu'est-ce qui vous amène mademoiselle ? Aviez-vous entendu mes péripéties au point de vouloir les entendre de première main ? Je m’appelle Henry du Chaussier et j’ai passé quelques années en Afrique nègre pour y chasser le lion, le rhinocéros et le tigre. J'ai traversé le désert du Kalahari, du Siam et du Niger, je suis donc intarissable sur le sujet…


Ghislaine qui prend la tasse de thé la porte à sa bouche.


L'environnement chaud, la fumée, la vue des flammes plus tôt par la fenêtre du réfectoire, provoquent un tel contraste avec l'eau fraîche du thé sans goût qu'elle émerge à nouveau de sa torpeur. Elle se rend compte qu'elle est à l'étage des dangereux et qu'elle est assise avec un énergumène étrange.


– Je connais effectivement toutes vos péripéties, c'est pour ça que je voulais absolument vous prévenir que vous êtes en danger de mort, l'hôpital brûle, il faut que vous sortiez d'urgence d'ici.

– Vous savez que je n'ai pas reçu de galante visite depuis plus de dix ans ? Installez-vous deux minutes, il n’y a rien qui presse, il faut que nous fassions connaissance, dites-moi ce qui vous fait peur par exemple, n'avez-vous pas une phobie une crainte que nous pourrions, euh… dont nous pourrions gaiement discourir ? Ensuite, il me sera encore temps de prendre vos jambes à mon cou.


Ghislaine ne relève pas l’abject jeu de mots et surtout elle ne veut pas perdre de temps. Elle sait que si elle fait mine de bouger, il pourrait lui attraper le bras pour l'empêcher de partir.

Elle décide donc de lui raconter cette anecdote extraordinaire qui aurait pu changer complètement sa vie. Ce moment crucial dans la vie où tout bascule. Si Manette avait réagi différemment ce jour-là, elles auraient pu se réconcilier pour la vie. Il n'en fut rien.


– Je suis arrivée à la maison familiale, ma mère m'avait demandé de venir pour une affaire importante, je compris plus tard qu'elle espérait me rabibocher avec ma sœur.

Comme ma mère n'était pas encore rentrée de ses courses, je l'attendais appuyée sur le grand tilleul qui se trouve en face de la grange. J'étais en colère, car cette maison me rappelait tant de mauvais souvenirs, de souffrance, une jeunesse d'humiliation, mais dont le seul arc-en-ciel était l'indéniable complicité avec ma sœur. Ma colère était tournée vers mon incompréhension totale de ce qui nous était arrivé, de comment nous en étions là.

C'est à ce moment-là que j'ai tourné la tête et que j'ai vu un loup au milieu de la cour.

M'ayant lui aussi aperçu il se cambre en grognant et en baissant ses oreilles, prêt à me sauter dessus.

– Un loup me dites-vous ? Intéressant, continuez, continuez…

– Alors le temps m'a semblé infini, comme je m'étais redressée, le loup est devenu plus menaçant encore. Je pensais que ma fin était proche, il n'y avait pas d'échappatoire et je n'avais rien pour me défendre, mon manteau me protégerait certainement un peu, mais rien n'était moins sûr.

C'est à ce moment qu'un bruit énorme a retenti, ma sœur qui se trouvait dans la grange, ce que j'ignorais totalement, avait fait tomber toute la pile de bûches en direction du loup.

Heureusement, celui-ci n'a pas demandé son reste et a déguerpi à toutes pattes et avant de repartir, ma sœur m’a dit : « Tu vois, sans moi tu ne sais rien faire… »


Alors, levant les yeux vers la gauche, Ghislaine voit les flammes venant du réfectoire courir le long des fenêtres, elle entend le plancher commencer à craquer sous elle et de la fumée commence à traverser les minces filets entre les planches.


Elle murmure alors : « Il est temps de partir, la mort vient nous rendre visite… » Son hôte détourne le regard vers la fenêtre et Ghislaine en profite pour se lever et sans se retourner s'enfuit par la porte, vers l'escalier central, les flammes sont partout dans le hall et il devient très difficile de respirer. La voilà donc obligée de faire demi-tour et de retourner vers son hôte si charmant.


Le seul moyen maintenant consiste à fracturer la porte de l'escalier de service. Mais son hôte qui entre temps est sorti de sa cellule s'avance vers elle.


Il a le regard paniqué, il avance vers elle, les deux mains en avant en commençant à crier.


Là c'est Ghislaine qui panique, la peur lui vrille l'estomac, mais elle résiste de tout son corps, de toute son âme, à son sang qui s'épaissit dans ses veines, à l'ouate qui grignote son cerveau. Elle ne veut pas fuir la situation, car sinon, elle le sait, elle n'y survivra pas.


Elle n'a le temps que de faire un pas de côté et de le voir passer à côté d'elle, elle en profite pour continuer vers les sanitaires et la porte fermée.


Ghislaine a eu un amour dans sa vie, c'était Lucien.

Ils étaient fiancés quand sa sœur trop jalouse l'a séduit. Enfin pour être exact, elle l'a plutôt profondément allumé. Il n'était pas possible qu'elle rate son coup, elle était absolument déterminée à le séduire quoi qu'il en coûte. Elle a prétexté par la suite qu'il l'avait fait boire. Elle s'était évidemment arrangée pour que sa sœur les surprenne…


L'histoire du loup, qui en réalité était un chien errant Tamaskan, est une parfaite représentation de l'image que Ghislaine se faisait des hommes à ce moment-là. Bien que très faible psychologiquement, Ghislaine n'avait pas encore d'hallucination auditive, c'est vraiment le manque profond d'empathie de Manette en ponctuation de l'épisode qui a été l'élément déclencheur. Pour sa part, Manette était simplement terrorisée par l'animal et par crainte d'être taxée de faible a trouvé une réplique idiote, mais qui a scellé toute la suite de leur vie et plongé pour part Ghislaine dans sa folie.


Ce n'est évidemment pas le seul élément qui l'a conduite au Centre Hospitalier Psychiatrique des Boisseaux entre les griffes du professeur Delois. Les raisons sont nombreuses et toutes en rapport avec son père un homme abominable. À titre d'exemple lorsqu'elle avait huit ans, Ghislaine avait un lapin. Il s'appelait Canda et sa présence lui donnait la douceur dont elle manquait cruellement à la maison.


La veille des vacances de Noël 1984, elle est rentrée à la maison avec un carnet de notes plus faible que d'habitude et son père a décrété que c'était la faute du lapin, qu'il la détournait de son travail et que de toute façon un bon lapin est un lapin à la bière. Le lapin servit donc de repas le lendemain soir. Ghislaine n'a évidemment pas touché à son assiette ce soir-là.


Le village : Lucas – Gaël 8:20


Là c'est le méga kif, quittant la place du village, Gaël court en direction du vieux château. Il est au-dessus de l'asile des tarés, ce qui permet de ne rien rater de tout ce qui se passe dans le village. On peut y voir la scierie, la bergerie, la boulangerie, mais aussi le parc jusqu’à la rivière. En montant sur le mur du château, on voit tout l'hosto qui crame.


Gaël tourne à droite, rue du Chai, puis continue tout droit dans le vieux chemin des Fontaines. C'est là qu'il tombe nez à nez avec Lucas qui compte également aller au vieux château et sort de chez lui.


– Salut crétin, j'ai déjà paumé ta bagnole, c'est con parce que quand je fous rien, je torture… Mais tu as de la chance, il faut que je vais voir le feu. Donc tu viens avec.


Lucas murmure tout bas : « Il faut que j'aille voir l'incendie », ou plutôt « j'ai envie d'aller voir des gens souffrir », pauvre tache…


– Quoi qu'est-ce tu baves petit microbe ? Viens là, on y va…


Gaël prend le petit Lucas par son manteau et le traîne violemment en direction du château en ruines.

Ils remontent le petit chemin de terre âpre et abandonné, contournent la tour nord et montent les escaliers cabossés. Gaël devant, tirant toujours Lucas qui essaie tant bien que mal de ne pas tomber.


Arrivés sur le rempart, ils voient les secours qui commencent à arriver et observent, la bouche ouverte, les flammes qui dévorent littéralement ce qu'il reste de l'aile droite. Lucas gémit alors : « Oh c'est horrible, je vois des gens dedans ! » Et il détourne les yeux, bien décidé à ne plus regarder ce qui va remplir ses cauchemars et vider sa vessie pendant les nuits des trois mois à venir.


– Oui c'est trop cool, pour une fois je suis d'accord avec toi petit.


Gaël est heureux, il se sent intégré en parlant à ce petit bonhomme. Il pourrait finalement en faire un copain de ce petit gars. Pour la première fois, il a l'impression de partager quelque chose de grand avec quelqu'un. D'appartenir à un groupe, d'être membre d'une communauté. Sans se rendre compte que Lucas pleure d'effroi, les yeux fermés, la tête penchée vers le sol. Gaël ignore que c'est en fait le plus beau sentiment qu'il ait eu dans sa vie et le dernier.


Centre psychiatrique : Adjudant Britto 8 :20


Il faut s'imaginer que les services de secours de la région ne sont pas habitués à un sinistre d'une telle dimension, leurs moyens matériel et humain, leur organisation, sont bien dérisoires face à l'appétit monstrueux d'un tel dragon.


Britto est abasourdi par l'ampleur du sinistre, et devant le désarroi de ses collègues, il entreprend d'organiser les choses.


– Challant, tu entres et tu me fais un topo de la situation !

Vesan et Pignet, vous déroulez les tuyaux et les reliez à la citerne (bon sang, mais la citerne ne servira à rien, il en faudra au moins vingt comme ça).


Mais Challant n'a pas le temps de monter les marches…


Une explosion retentit alors au centre du bâtiment. Une partie du toit explose sous l'effet de la rupture d'une conduite de gaz, lançant des débris de pierre, de verre, de bois et de fer dans tous les sens. Blessant légèrement Challant et cassant le pare-brise de l'échelle sur porteur.


Le village : Manette 8:27


Manette est paniquée, Ghislaine est dans les flammes, elle est dans le brasier ! Elle court de tout son souffle pour aller au centre hospitalier, elle a perdu Jeanne, pas question de perdre également sa sœur, c'est trop, c'est injuste. Elle ressent à travers tout son corps cette urgence absolue, une sensation viscérale d'inéluctable. Si elle savait que sa sœur prenait tranquillement le thé (glacé) avec un psychopathe, elle n'y croirait pas.


Longeant la rue des Greppes et puis rejoignant la rue des Combles, elle arrive en vue du centre. À droite tout le bâtiment est à moitié effondré et en flammes (c'est clair qu'il ne reste vraiment plus rien de notre chère fouine…), l'aile droite est toujours debout, mais la fournaise couvre toute la façade du rez-de-chaussée jusqu'au quatrième. C'est à ce moment-là qu'une déflagration se fait entendre et répand des fragments à 360 °.


Le château : Lucas – Gaël 8:36


Gaël qui observe l'explosion lève alors les yeux vers la droite, trop tard pour voir arriver la main courante, la rampe d'escalier qui lui traverse le thorax comme un cure-dent que l'on enfonce dans une saucisse de Francfort.


Lucas qui heureusement pour lui ne voit pas la scène sent que son bourreau relâche son manteau et s'enfuit sans se retourner entre les morceaux de tuiles qui tombent autour de lui comme une pluie de météorites fumantes.


Gaël s'effondre sans un cri, cela aurait été impossible pour lui de crier vu la position de la barre métallique. Dans sa tête, il murmure : « Merde, j'aurai jamais niqué pour du vrai ».


Fondu au noir.


Centre psychiatrique : Ghislaine 8:36


C'est à ce moment qu'une puissante explosion se produit dans le hall central, le souffle brûlant qui remonte le couloir emporte Ghislaine dans un vol à travers le couloir, elle atterrit lourdement sur le planché ciré et glisse jusque sur le carrelage frais des sanitaires.


Un silence total l’enveloppe, elle n’entend même pas ses propres cris, et pourtant elle crie à pleins poumons. Son épaule lui fait mal et autour d’elle des morceaux de bois fumants tombent lourdement. Meurtrie, elle fait l'inventaire des différentes parties de son corps, mais rien ne semble la faire souffrir trop, elle est soulagée de n'être pas gravement blessée et pense au fou qui est parti en courant dans le hall, il n'a pas dû aller très loin.


Elle se relève et découvre avec espoir que la porte de service a été soufflée en partie par l'explosion, elle s'engouffre donc dans les escaliers et commence à descendre à toute vitesse les deux étages.


Arrivée au premier étage, elle voit de la fumée qui sort en petites volutes de sous la porte. Elle continue donc la descente et espère trouver, tout en bas, l'issue pour éviter l'asphyxie qui la guette à chaque respiration.


Arrivée au rez-de-chaussée, elle voit à gauche une porte avec un écriteau « cuisine » qui commence à se déformer et qui fume de toute sa surface. En regardant tout droit se trouve une porte d'extérieur. Elle se jette dessus en actionnant la poignée, mais la porte lui résiste, la panique est maintenant à son comble, son regard est attiré par une lumière, c'est un petit jour à près d'un mètre cinquante du sol. Une fenêtre translucide de 50 cm sur 30 avec une jolie poignée ouvragée pour l'ouvrir.


S'attendant à ce que la poignée lui résiste, elle l'ouvre de toutes ses forces, et, miracle, la poignée obéit avec une facilité déconcertante au point de se tordre le poignet.


« De l'air », pense-t-elle en se penchant dans l’ouverture, mais c’est encore plus de fumée qu’elle trouve, car celle-ci est ravie de lui brûler la politesse et de passer devant.


Ghislaine passe la tête et se contorsionne pour essayer de sortir, mais quelque chose la bloque dans son mouvement. La fumée qui sort comme si elle était expulsée sous pression l'empêche d'atteindre l'air frais dont elle a cruellement besoin, sa vision se trouble, ses poumons hurlent de douleur comme s'ils avaient avalé un piment habanero.


Elle arrive, au prix d'une luxation de l'épaule, à déchirer le pantalon qui la retient et s'extrait enfin dans l'air pur, tombant sur un petit talus d'herbe douce, ce qui augmente encore la douleur à l'épaule. Toussant toutes ses tripes, mais tellement heureuse de sentir l'air frais couler, comme un filet d'eau fraîche dans la bouche en plein été, dans ses poumons meurtris.


Elle roule sur le côté et voit devant elle un pompier qui l'aide à se relever, tant pis pour le dé à coudre de Madeleine…


La place du village : Edmond – Jean-Chrétien 8:42


Jean-Chrétien remonte la place et dit :


– Ça va Edmond ? C'est vraiment dramatique cet incendie ! Quelle explosion !


Edmond, blanc, hoche la tête et dit plein de faux espoirs :


– Les secours sont là, je suis sûr que ça va aller.

Il y a une demi-heure, j'ai vu ton fils repartir vers là-bas, il voulait voir ce qui se passait, il m'a dit aussi que ta belle-sœur Ghislaine était dans les flammes, je suis sûr qu'elle est sortie à temps.


Jean-Chrétien lui demande alors :


– Il est parti où encore ce gosse ?

– Je l'ai vu partir vers le vieux château !

– Merci, Edmond, je vais le ramener à la maison et il va en prendre pour son grade !


Jean-Chrétien part donc à la recherche du corps de son fils.


Edmond regarde autour de lui, tout est calme ici, tout est vacarme là-bas, le Rutmontois coule tranquillement le long de la place, un chat se lèche la patte et s'en frotte les oreilles, personne ne bouge, toutes les maisons alentour sont maintenant vides. Edmond en ressent une étrange impression de déjà-vu, le village est comme un salon meublé où dans un coin crépite l'âtre. Cette image rassurante l'accompagne pendant de longues minutes, puis il se lève pour aller prier dans l'église où la messe de 10 h sera annulée.


Centre psychiatrique : Ghislaine – Manette 8:36


L'entrée du centre est barricadée pour tenir les badauds à l'écart. Heureusement un nouveau camion de sapeurs-pompiers arrive pour prêter main forte. Manette court alors dans le domaine et cherche tous azimuts pour retrouver sa sœur. La scène qui s'offre à ses yeux est apocalyptique, des gens courent dans tous les sens, il y a au moins quatre-vingts personnes présentes dont de nombreux blessés et brûlés.


Britto avec l'aide de Vesan asperge copieusement le bâtiment pour tenter de ralentir les flammes.


Et puis finalement Manette la voit, elle est là, à gauche en retrait, le visage noirci, le pantalon déchiré et se tenant l'épaule, mais elle est là !


– GHISLAAAINE !


Manette court les bras grands ouverts vers sa sœur, là, seule la Manette primale est aux commandes, les calculs, le passé, la culpabilité, les peurs, tout a disparu, seul reste ce besoin essentiel de la prendre dans ses bras, de retrouver la Ghislaine de son enfance, celle qui la rassurait face à son père, qui la bordait dans son lit dans leur chambre commune. La Ghislaine de l'amour inconditionnel, sa sœur.


La place du village : Le dimanche 1er novembre 2026 11:00


Le village s'est réuni sur la place, Jean-Chrétien est digne comme chaque année, mais seul, Manette et Ghislaine sont de l'autre côté de la foule rassemblée. Elles habitent ensemble à présent. Edmond qui fête ses quatre-vingts ans tient la main de Lucas et écoute le maire s’exprimer :


– C’était un dimanche, comme aujourd’hui, ils sont venus des quatre coins de la province pour être hébergés et soignés dans notre Hôpital, soixante-deux d'entre eux forment la statistique de la plus grande tragédie de notre village. Depuis deux mois, le nouveau centre est terminé, tout a retrouvé sa place. Pour notre village, une seule place restera vide, celle de notre fils à tous, le jeune Gaël, ses notes n'étaient pas brillantes, mais c'était un bon camarade, un fils aimé et surtout un membre à part entière de notre communauté.


Lucas tousse un peu, le temps adoucit la rugosité de nos souvenirs.


La place du village, sur un arbre : Une corneille attentive 11:10


Oui, c'est moi qui vous raconte cette histoire. Lorsque vous voyez une corneille, sachez que comme moi, elle vous observe, elle écoute vos conversations et analyse les réussites et les échecs de vos vies.


Les corneilles sont comme ça, perspicaces et attentives, pourtant personne ne le remarque.


 
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   cherbiacuespe   
18/1/2020
 a aimé ce texte 
Bien ↓
Histoire d'une tragédie. Très prenante et pourtant... Les dialogues sont confus en l'absence de guillemets ou parfois des tirets qui iraient bien. La construction du récit est logique, bien faite, mais les introductions ("Centre Psychiatrique Ghislaine - Kévin 8:03" par ex.) de chaque passage devrait se distinguer plus nettement. Quelques erreurs de formulations dues sans doute à une relecture difficile (c'est une longue nouvelle). Donc pas mal de choses à revoir. Mon impression d'ensemble est quand même très bonne. C'est un travail d'écriture plus long que de commun sur Oniris, je salue! Mon appréciation en tient obligatoirement compte. Mais il est loin d'être finalisé, notamment la conclusion qui mériterait d'être bâtie différemment à mon avis.

Cherbi Acuespè
En EL

   maria   
22/1/2020
 a aimé ce texte 
Un peu
Bonjour,

Un incendie a ravagé le centre psychiatrique de Saint-Guenolé, et fait 62 victimes. Mais l'auteur(e) s'est surtout intéressé à certains de ces villageois. D'où beaucoup trop d'histoires, selon moi, qui alourdissent le récit.
Par exemple, celle de Sylvio, et de sa Laurine, son ange gardien imaginaire. Ou bien le premier amour de Gyslaine,raconté à Henri.

L'auteur(e) commente beaucoup aussi, entre les différentes scènes, pour expliquer.
"Je vais vous donner l'avis du câble". Un mélange de genres qui m'a étonnée.

L'incendie a au moins fait des heureux. Gyslaine retrouve sa soeur Manette, et Lucas devient copain avec Gaël qui le rackettait.
Mais je n'ai pas été sensible à un personnage en particulier. Et pourtant, j'ai trouvé chaque duo intéressant. L'auteur(e) pourrait tirer de cette nouvelle plusieurs autres.
J'ai trouvé celle-ci un peu fouillis. Que l'auteur(e) me pardonne ce terme, mais je n'ai pas saisi le fil conducteur.
Même si l'écriture est agréable, j'ai regretté les longueurs du texte.

Une erreur, me semble t-il : en parlant de Kévin et Chloé, je pense que c'est : ils ne se reverront jamais au lieu de rencontreront jamais. Non ?

Merci pour le partage et à bientôt.
Maria en E.L.

   Tiramisu   
28/1/2020
 a aimé ce texte 
Bien
Bonjour,

Histoire bien construite. L'observateur extérieur qui se révèle être une corneille à un talent de scénariste, on a l'impression d'une succession de plans cinématographiques précis à la minute près. Ce qui donne un style particulier à ce texte.

Les personnages principaux sont bien construits avec une psychologie réaliste : Gaël, Lucas, Ghislaine, etc ...
Par exemple : Face à la catastrophe, face à la peur de la perte, les sentiments enfouis de Manette vis à vis de sa soeur réapparaissent.

Il y a un certain suspense tout le long du texte, et on se demande où nous emmène l'auteur. Les scènes d'action sont bien décrites (par exemple la sortie difficile de Gislaine).

Une certaine morale : le méchant est puni et bien puni.


En critique, il y a un peu trop de personnages, fallait-il nommer les pompiers par exemple ? Des explications un peu longues voire inutiles (par exemple : rappeler ce qui s’est passé entre Gael et Lucas).

Merci pour cette lecture

   plumette   
17/2/2020
 a aimé ce texte 
Bien
La narratrice qui se dévoile à la fin est une narratrice omnisciente qui a tout vu et même anticipé certaines choses par rapport à l'action.

Le procédé narratif tient le lecteur en haleine avec des annonces et les scènes successives renouvellent l'intérêt.

J'ai bien aimé que cette catastrophe soit provoqué par un animal et que ce soit également un animal qui fasse la synthèse, proposant ainsi au lecteur un univers où les frontières humain/ non humain ne sont pas si claires.

Il y a également une belle imagination au service de ces enchaînements de circonstances et je n'ai pas trop senti la longueur. Mais un peu tout de même! à cause de la dispersion : trop de personnages, trop d'intrigues , je pense que vous auriez pu gagner en intensité en faisant des choix.

Mais la plume est très alerte et les descriptions sont convaincantes.

L'entrée en matière avec la présentation du village et le petit zoom historique m'a beaucoup plu.

A la fin de ma lecture qui a été agréable je me demande tout de même en quoi consiste pour vous le coeur du texte, son noyau dur, et quelle était l'histoire que vous vouliez raconter!

Vous dites que c'est un premier récit, alors bravo! car c'est plus que prometteur.

   Donaldo75   
17/2/2020
 a aimé ce texte 
Bien ↓
Bonjour Alfin,

Je salue le travail, l’effort mis en œuvre pour raconter cette histoire ; ce n’est pas la voie la plus simple qui a été choisie. Du coup, je trouve que c’est quand même bien le bazar dans la narration avec pléthore de personnages et de situations au point de perdre le lecteur dans une forme de labyrinthe. Le style, heureusement, permet de ne pas trouver l’ensemble indigeste mais n’empêche pas le mal de cerveau, la torsion de neurones. Pour ce qui est de la chute, même si ce n’est pas ma tasse de thé irlandais, elle reste intéressante et trouvera probablement son public.

Merci pour le partage.

   Alfin   
9/3/2020

   Anonyme   
21/2/2020
 a aimé ce texte 
Beaucoup ↑
Site Oniris : le vendredi 21 février 2020 16:15 - Cat - Alfin

Une tranche de vie de tout un village nous est donnée à déguster. Une belle tranche, toute en teintes vives et jeux de lumières, comme un tableau impressionniste aux mille couleurs.

J'ai beaucoup, beaucoup aimé cette étourdissante galerie de portraits. La profusion est jubilatoire.

Tout cela est possible, bien sûr, grâce à une plume enthousiaste qui ne lésine pas sur la qualité. Et il faut en avoir de la qualité sous le plume pour faire vivre ce tableau si riche en personnages. Personnages rendus extrêmement vivants à coup d'anecdotes ciselant leur personnalité au cordeau. Jubilatoire, je vous dis !

Je trouve particulièrement judicieux les titres donnés aux chapitres. A chaque fois ils ramènent le lecteur qui aurait pu s'égarer en chemin, en resituant immédiatement l'action.

Un fil en aiguille de longue haleine, très bien mené du début à la fin, car tout se tient dans les moindres détails.

Bravo d'avoir si bien su maintenir l'intérêt tout le long de ce long récit haletant. La corneille en tant que narrateur rajoute à la jubilation de ma lecture.

Au plaisir de te lire encore, Alfin.

Cat

   Perle-Hingaud   
23/2/2020
 a aimé ce texte 
Bien ↑
Bonjour,
J'ai bien aimé cette histoire. L'effort de construction, la recherche d'épaisseur des personnages, le scenario… du beau travail. Ce texte en puzzle gagnerait cependant à être élagué par endroits, et j'ai trouvé l'histoire des deux sœurs un peu confuse.
Merci pour cette lecture !

   Jocelyn   
5/3/2020
 a aimé ce texte 
Passionnément
Wow, mais alors wow ! Quelle histoire, mon Dieu, quelle histoire ! J'ai commencé la lecture timide, je ne savais pas ce qui m'attendait. Tout est là, la personnalité des personnages, les situations, les failles, les faiblesses... De quoi faire un film. Un film je dis ! Mais l'auteur attend quoi ? Et le coup de la corneille... carrément du game of throne futuriste à la belge quoi ! A la fin j'en perds mes mots. Durant les lectures j'ai vaguement pensé qu'il y avait trop d'informations pour une nouvelle, une complexité de situations, mais maintenant que j'ai fini ma lecture je dis wow alors ! cela dit, je continue de voir cette histoire rendue par le septième art, elle a tout ce qu'il faut pour


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